Venu du cabaret et de la télévision, Woody Allen s'est imposé grâce au cinéma où il fut tour à tour acteur et auteur. C'est avec Prends l'oseille et tire-toi en 1969, où il se met en scène lui-même, que sa carrière débute vraiment. Dès lors, il ne va plus cesser de faire rayonner l'auto dérision et de slalomer avec élégance entre rire et sérieux, à rester le clown de ses débuts tout en forçant l'admiration par son ambition d'être le représentant d'un certain esprit proprement new-yorkais. Issu d'un milieu modeste, il gagne sa vie dès l'âge de 19 ans en écrivant des dialogues pour le célèbre comique Sid Caesar, tout en produisant ses propres spectacles et en participant à quelques films. Dans ses premières réalisations, son principal souci est de donner un prolongement cinématographique au personnage de petit homme complexé, calamiteux, hypocondriaque, obsédé par le sexe qu'il a déjà rendu populaire sur scène. C'est avec Annie Hall en 1977 qu'il est salué par la critique comme le meilleur cinéaste comique de sa génération et que, désormais, il ne va plus cesser de puiser dans son quotidien et celui de son entourage les sujets de ses gags et de son inspiration. Les changements de compagne, les sauts dans le temps et le recours à des noms différents n'y changeront rien : Woody Allen sera toujours reconnaissable à sa silhouette, à son parler et aux situations particulières où il aime à placer ses personnages comme l'avaient fait avant lui un Harold Lloyd ou un Charlie Chaplin, sans toutefois égaler le dernier nommé. En quelques quarante films, il a constitué l'instantané d'une époque entière et sut saisir les ridicules, les obsessions, les tics de plusieurs générations.
On peut situer l'apogée de ce cycle quasi autobiographique entre Annie Hall et Meurtre mystérieux à Manhattan (1993), avec une véritable somme thématique dans Hannah et ses soeurs (1986). Par ailleurs, Woody Allen réussit brillamment son incursion dans le film dit " sérieux ", existentiel comme ses comédies, mais dont il s'exclut en tant qu'interprète. Intérieurs, en 1978, surprend par la noirceur du ton et la sobriété de l'écriture et il conservera cette simplification jusqu'à l'épure dans Une autre femme et dans Match Point (2005). Cette diversification de l'inspiration, rendue plus grave, ne restera pas sans effets sur ses comédies auxquelles il se plait souvent à injecter des scènes sombres, des réflexions philosophiques, ainsi qu'il le fera dans Crimes et délits (1989) ou Alice (1990). Les expériences stylistiques le passionnent comme en attestent Maris et femmes (1992) qu'il filme en partie caméra à l'épaule, clin d'oeil à la Nouvelle vague, et Maudite Aphrodite, scandé par un choeur antique en 1994 ou le pastiche si réussi de "Musical" que fut, en 1996, Tout le monde dit " I love you. Les reproches que certains lui adressent de se répéter sont injustifiés, car on sait qu'un véritable auteur, quel que soit son art, poursuit toujours d'oeuvre en oeuvre la même quête jusqu'à en atteindre la quintessence. Bien sûr, produisant en moyenne un film par an, Allen ne peut à chaque fois réussir un chef-d'oeuvre, mais ses films ont un ton, un style, qui sont sa marque propre et oscillent en permanence entre drôlerie, dérision, humour noir, le tout saupoudré de dialogues brillants et de mises en scène sobres et efficaces. Il a de plus en plus tendance à n'intervenir désormais que dans des rôles périphériques, laissant à des acteurs plus jeunes mais toujours chevronnés le soin de le représenter. Le dernier en date est une variation sur la ville de Rome, comme le précédent sur la ville de Paris où affleurent souvenirs et évocations et qui, sans être des oeuvres marquantes, prouvent, si besoin est, qu'Allen a toujours la fibre créatrice et le feu sacré et un formidable savoir filmer.
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