Au Japon, sur une minuscule île de l'archipel de Setonaikai, un couple vit avec ses deux jeunes enfants. La terre est aride et l'île ne possède pas de ressource en eau douce. Pour cultiver cette terre ingrate et survivre, le couple est donc obligé de faire de continuels voyages en barque entre la terre ferme et l'île : ramener l'eau précieuse et en arroser avec attention et parcimonie chacun des plants cultivés. Ces gestes renouvelés sans cesse rythment le quotidien. Les jours passent, puis les saisons. Un jour, alors que les parents sont partis chercher l'eau, un des enfants tombe malade, sans raison. Il meurt rapidement sans que personne n'ait pu faire quoi que ce soit pour le sauver. Ses camarades de classe arrivent en bateau pour lui rendre un dernier hommage, puis repartent. Malgré un bref moment de révolte de la mère contre cette vie, le rituel reprend.
Kaneto Shindo, disciple de Mizoguchi a fait de cet opus une véritable ode à la nature et aux forces telluriques, une forme de poème en images au lyrisme austère et grave, circonscrit autour du silence. Pas un mot ne sera prononcé, seules les images et les expressions des visages traduiront les sentiments, les douleurs éprouvées, la rudesse des conditions de vie et surtout l’immense résignation des protagonistes. Une force incroyable émane de ce chant poétique aux contours aussi sobres que celui d’un documentaire mais où le vie est traversée par les larmes, le sacrifice et l’effort quotidien et par l’inexorable fatalité.
Voilà ce qu’écrivaient les critiques de l’époque lors de sa sortie dans les salles françaises en 1961 :
« Il me faudrait aussi parler de la tendresse et de l'humour dont ce film est baigné. Il me faudrait surtout parler "technique" : on devine l'importance du montage et de la photographie dans un ouvrage de cette sorte. Il me faudrait faire l'éloge de l'interprétation, critiquer peut-être le caractère trop insistant par endroits de la musique, exprimer des réserves sur un épilogue que l'on aurait aimé plus ramassé. Mais à quoi bon ? L'Île nue est un film qui, dans une large mesure, échappe aux jugements ordinaires. Ou bien il vous touche au coeur, et – comme ce fut mon cas – on oublie vite ses défauts. Ou bien le contact sensible ne se produit pas, et sans doute risque-t-on alors de le trouver bêtifiant et passablement ennuyeux. »
Jean de Baroncelli, Le Monde du 1er décembre 1961.
« La pluie sur une mer douce, les brumes sur les montagnes, puis les reflets de la lune sur la brillance des vagues, le soleil au crépuscule du soir, l'indécision de l'aube : jamais la nature n'avait été reconnue avec plus de délicatesse, plus de tendresse. A ce cinéma de poète, je pense qu'aucun être doué pour la sensibilité ne saurait résister. »
Pierre Marcabru, Combat, 2 décembre 1961.
« L'Île nue, comme les précédents films de Kaneto Shindo (La Vie d'une femme, Les Enfants d'Hiroshima), est profondément engagé dans la vie réelle de notre temps. Mais, et l'on pense à Flaherty, Kaneto Shindo nous offre beaucoup plus qu'un documentaire sur les difficiles conditions d'existence de certains paysans de l'actuel Japon. L'Île nue est un poème grave, lent, volontairement pesant, consacré à l'effort de l'homme. A déconseiller aux habitués du Rex. »
Jean-Louis Bory, Arts, 6 décembre 1961.
Malgré sa lenteur, sa retenue, son économie de moyen, son austérité, ce film est de ceux qui marquent à jamais, dont on se souvient et que l’on cite volontiers comme l’expression même de la dignité et de la soumission aux lois implacables de la nature.
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