Evidemment, il était impensable, alors qu'il venait d'être couronné d'un oscar canin, de ne pas interviewer ce chien qui était devenu l'une des vedettes hollywoodiennes. Ce qui fut fait en 2013.
C'est comment de participer à un film multirécompensé comme The Artist ?
Je dois dire que, depuis le jour où un cinéaste français est venu frapper à la porte de ma niche en 2010, j'ai vécu une aventure qui a vraiment du chien. Michel Hazanavicius (un nom qui sonne comme un éternuement !), le cinéaste, cherchait un Jack Russell ou un Fox pour son film muet en noir et blanc. Le reste, comme disent les humains, appartient à l'histoire.
Comment le succès a-t-il changé votre vie ?
Omar, mon professeur d'art dramatique, m'a aidé à rester humble et en bien des aspects ma vie n'a pas changé d'un iota. Bien sûr, je voyage désormais en business, j'ai goûté au champagne, au caviar et au boeuf de Kobé (je préfère les saucisses), mais lorsque je ne me promène pas en limousine, je reste à la maison avec ma meute, à me lécher les bijoux de famille là où ils ont toujours eu coutume de l'être.
Parlez-nous de votre ascension vers le succès ?
Comme tant d'autres acteurs, il ne s'est pas fait en un jour. Abandonné dès l'enfance, c'est Omar qui m'a secouru et enseigné les rudiments de l'art dramatique canin. (Qui va du skateboard au surf ou apprendre à faire le mort.) Après un début de carrière précoce en tant qu'artiste de rue, j'ai commencé la valse des auditions. Le rejet est une chose que connaissent tous les acteurs sans travail, et il n'était pas facile d'entendre que j'étais trop court sur pattes, inadéquat ou trop poilu. J'ai par la suite décroché quelques seconds rôles dans des films commerciaux et des séries B, avant ma véritable percée, alors que j'allais sur mes cinq ans, en années de chien.
Et George Cloney, en vrai, comment est-il ?
Mister C. Est mon idole, mais il est aussi malheureusement très attractif physiquement... Mon moi intime désespère d'être aussi "Clooney cool" que Clooney. Je veux être aussi beau que lui quand ma fourrure grisonnera. Et je voudrais qu'hommes et femmes me fassent la fête et soient suspendus à tous mes aboiements !
Avez-vous un flirt à Hollywood ?
J'ai eu quelques liaisons fugaces, avec une charmante petite carlin appelée Chata et une caniche répondant au nom de Greta. Mais lorsque nous avons commencé ensemble le tournage du film De l'eau pour les éléphants, ma vie n'a plus connu qu'un seul amour : Reese Witherspoon. Mademoiselle W. et moi-même sommes au-dessus de toute contingence, mais notre relation a dû être réévaluée dès lors qu'elle m'a laissé lui rouler un patin lors du dîner de gala de la Maison-Blanche à Washington.
Alors, êtes-vous plutôt un chien ou plutôt un acteur ?
Les deux. Il n'y a rien dans les carnets du savoir-vivre à d'Hollywood qui dise qu'il me faille choisir. Ce choix peut trahir les gènes, mais mon travail trahit mon talent. Comme Elizabeth Taylor l'a admis naguère, "certains de (ses) meilleurs partenaires de scène furent des chiens ou des chevaux".
Quel est le secret pour être un bon acteur canin ?
Les saucisses.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
À part tomber queue par-dessus tête pour mademoiselle W., je dirais travailler auprès de Jean Dujardin. Bien qu'il parle assez peu l'américain-chien, il s'est montré très docile et enthousiaste à mon apprentissage. Particulièrement dans l'art de jouer sans parole. Comme il l'a dit plus tard : "Uggie est un chic type ! C'est un super acteur, travailler avec lui était vraiment facile... Le seul problème était qu'il me prenait certains jours pour une grosse saucisse." Comme si c'était quelque chose de mal !
Votre santé vous a contraint à vous retirer au faîte de votre gloire. Comment vivez-vous cela ?
Si c'est ça, la retraite, alors à quoi ressemble le travail ! Je voyage sans cesse de par le monde, j'ai été invité aux 90 ans de la grande actrice Betty White, je tiens un petit rôle dans le dernier film de Will Ferrell, "Moi, député". Je suis la voix du jeu "Nintendogs+cats" et je pose pour l'affiche de la campagne d'adoption de la SPA américaine. En juin dernier, j'ai été le premier chien de l'histoire appelé à immortaliser mon empreinte de coussinets sur Hollywood Boulevard. La ville de Los Angeles a même décrété ce 26 juin le "Uggie Day ". De surcroît, je viens de rencontrer mon public français lors d'une séance de dédicaces au Drugstore Publicis, sur les Champs-Élysées ! Alors, j'ai peut-être la tremblote, mais j'ai encore du chien au corps.
Quels sont vos projets d'avenir ?
Hormis la publication de mes mémoires, Ma vie, mon oeuvre chez Jean-Claude Lattès, je sors une appli qui m'est dédiée, "Uggie The Artist", et je prépare quelques bricoles à l'arrière de ma niche dont je ne peux pas encore parler.
Comment voudriez-vous que l'on se souvienne de vous ?
Comme un petit artiste, mais avec un grand coeur.
UGGIE est mort en août 2015 d'un cancer.
Uggie, The Artist, ma vie, mon oeuvre de Wendy Holden, traduit de l'anglais par Perrine Chambon (éditions JC Lattès, 320 pages, 15 euros).
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