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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 08:55
BONNIE AND CLYDE d'ARTHUR PENN

                         

En 1967, Truffaut reçoit de deux scénaristes, David Newman et Robert Benton, un sujet de film qu'il refuse simplement parce qu'il s'est, à l'époque, entièrement investi dans Fahrenheit, si bien que ceux-ci se tournent vers Godard mais, entre-temps, l'acteur américain Warren Beatty, alerté par Truffaut, s'est porté acquéreur des droits du scénario. En effet, le frère de Shirley McLaine a des ambitions de producteur et entreprend aussitôt le siège de Jack Warner pour tenter d'associer la firme à son projet. Il emporte l'adhésion du bonhomme et choisira Arthur Penn comme réalisateur. Dès que ce dernier s'attaque au traitement du scénario, il l'infléchit vers ses thèmes de prédilection : la juvénilité, la recherche d'identité, la maturité violente, l'initiation douloureuse (et symboliquement mortelle) à la vie sociale. Bonnie and Clyde est une saga composée autour de la fameuse dépression des années 30, qui raconte le destin singulier de deux jeunes truands célèbres. Bien entendu, ce long métrage véhicule des éléments de réflexion liés à la nature des personnages, dont il nous relate la carrière criminelle, tout en faisant la part belle au contexte social de l'Amérique d'alors plongée dans cette dépression qui nous est décrite par touches indirectes, plus explicites que de longs discours.

 

Comme à son habitude, Arthur Penn ne se veut pas démonstratif dans son rapport avec l'histoire. L'air du temps l'intéresse plus que les paraphrases sur les événements en cours. S'il est vrai qu'un film comme celui-ci s'est construit autour de l'argent (élément de subsistance, puis de discorde, enfin de luxe relatif chez des êtres plus naïfs que vénaux), autour des lieux où on le trouve (les banques), il est, selon moi, davantage une réflexion sur la pauvreté qui lui donne un ton et une tonalité sombre, bien que la relation entre ces trois éléments ne soit jamais établie. Son illustration se veut primaire, au strict niveau des apparences, comme est primaire la conscience que peuvent en avoir  Bonnie et Clyde, qui, au fil de l'aventure dans laquelle ils se sont engagés avec une totale insouciance, seront obligés de devenir ce qu'ils ont affirmé être. Et ce qui participe à la recherche de leur identité frôlera sans cesse le pathétique.

 

                  
Au moment de la sortie du film, on a pu s'étonner de l'impact qu'il a eu sur la jeunesse, ce que certains déplorèrent, considérant que son influence ne pouvait être que néfaste. Mais il serait injuste de voir dans Bonnie and Clyde une apologie de la violence. Penn n'a jamais abondé dans cette problématique simpliste. Au contraire, ce qui frappe, c'est à quel point les protagonistes sont dépourvus de volonté de puissance. Ils ne partent pas en guerre contre la société, n'affirment aucun choix idéologique, pas plus qu'ils ne s'inscrivent dans un combat social ou politique quelconque. Ce sont des personnages qui évoluent selon les circonstances et les événements, suivent les voies que leur propose le hasard et leur dicte leur instinct, d'autant qu'Arthur Penn atténue sans cesse le tragique de la situation par un humour roboratif. L'incapacité de la bande à Burrow de contrôler le destin dans lequel les uns et les autres s'enlisent, par immaturité et imprévoyance, les rend plus pitoyables que condamnables. Il est probant que le metteur en scène les désigne davantage comme les victimes d'une époque, d'un contexte, d'un système, que comme totalement responsables de leurs actes.



Dans cette oeuvre, les individus découvrent l'humiliation économique, sociale, morale que leur fait subir une société implacable. Et n'est-ce pas afin de trouver leur identité qu'ils font la guerre à cet état de fait ? Le réalisateur s'en est clairement expliqué :
" Je ne veux pas du tout psychanaliser les Etats-Unis, mais disons qu'il y a l'aspect sociologique de cette époque de la dépression et que je montre deux jeunes gens qui en sont le produit. Je ne les approuve pas, ni ne les condamne. J'ai suivi leur histoire jusqu'à la fin où la police les a attirés dans un piège pour les massacrer. (...) Je crois que le succès du film, son audience auprès de la jeunesse américaine, provient de ce que les jeunes se retrouvent dans ce qui est, pour eux, peut-être, un retour à l'anarchie, mais surtout un film contre la guerre".

 

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La fin est connue, spectaculaire, et transforme cette matinée ensoleillées du 23 mai 1934 en un ballet macabre qui atteint une sorte de surréalité. Mille balles tirées en une minute dont 94 atteignirent leur cible - précision historiquement prouvée - n'était-ce pas une sorte de délire que rien ne justifiait sinon la peur du mythe et de sa force ? Faye Dunaway trouve là son plus grand rôle. Belle, tendue comme un arc, elle épouse au plus près ce riche personnage en traduisant, de façon aiguë, ses contradictions, auprès de Warren Beatty qui, à la suite de La fièvre dans le sang, a tout mis en oeuvre (achat des droits du scénario) pour s'attribuer cet autre rôle phare. Ce long métrage contribuera à asseoir sa notoriété et obtiendra en France un succès tel qu'il inspirera à Serge Gainsbourg une célèbre chanson.

 


Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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bonnie-and-clyde-1962-07-g--Small-.jpg

 

 

BONNIE AND CLYDE d'ARTHUR PENN
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8 mai 2008 4 08 /05 /mai /2008 12:49

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Charles Chaplin est né à Londres le 16 avril 1889 de parents pauvres qui travaillaient dans le music-hall. La vie familiale fut pertubée par un père alcoolique et une mère sujette à de fréquentes crises de folie. L'enfance du petit Charles sera misérable, mais elle fit de lui un observateur attentif du monde grouillant des quartiers populaires de Londres. Après une tournée de music-hall, il va se fixer aux Etats-Unis, où il produira une soixantaine de films avec des firmes différentes, dont quelques inoubliables chefs-d'oeuvre. Il crée, avec d'autres grands noms, la compagnie United Artist ( artistes associés ), mais soupçonné de sympathie avec le parti communiste par la Commission des activités anti-américaines, Chaplin quitte les Etats-Unis en 1952 avec sa dernière épouse Oona O'Neill, fille du dramaturge américain Eugène O'Neill, et se fixe dans un superbe manoir en Suisse, sur les rives du lac Léman. Il tournera encore plusieurs films dont  Limelight en 1952 et  Un roi à New-York  en 1957. Il est fait Chevalier par la reine Elisabeth d'Angleterre et meurt à Vevey le 15 décembre 1977.

 

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Les Lumières de la ville  (1931) est son dernier film muet. S'il n'est pas le plus accompli, il est sûrement le plus touchant, un vrai miracle de fraîcheur et de nostalgie. Chaplin savait qu'ensuite il lui faudrait franchir le pas et entrer dans le mode  "parlant" qu'il redoutait, lui, qui, mieux que personne, savait utiliser les silences et se passer des mots, tout dire sans rien dire. Pour Chaplin, le seul intérêt du son était la musique qu'il composait lui-même, orchestrait et adaptait à l'image au millimètre près.


Dans le rôle de l'aveugle, la délicieuse Virginia Cherrill - dont ce fut le seul grand rôle - fut la partenaire idéale, bien que, dans le privé, Charlie et elle ne se supportaient pas et que le cinéaste fût tenté de prendre une autre partenaire. Conçu dans le doute et la douleur, ce film remporta un immense succès. La caméra est déjà habilement utilisée et le découpage des scènes envisagé avec une extrême rigueur pour mieux servir le scénario, qui sait faire mouche à tous moments, balance entre le drame et la farce, le rire et les larmes, le burlesque et l'émouvant. Chaplin nous donne ici un échantillonnage des travers de la société, sans oublier les incursions dans les profondeurs du coeur humain, et c'est tout bonnement stupéfiant.


Contrairement aux films précédents qui se déployaient dans le sens où la réalité décevante inspirait l'illusion, celui-ci part de l'illusion pour se heurter à la réalité, ce qui est chez Chaplin une étape innovante de son inspiration. De toute sa filmographie, Les lumières de la ville est sans doute sa réalisation la plus pure, faisant de son auteur un artiste à part, inclassable, insurpassable dans une forme de comique très personnelle qui permet aux personnages de passer d'un sentiment à l'autre instantanément. Grâce à ce long métrage, véritable chant d'adieu au muet, l'auteur atteint des sommets, tant il est persuadé de la pérennité d'une expression qu'il considère comme parfaite en soi, celle du geste, de la mimique, langage éloquent du silence. La plus belle scène d'une oeuvre, qui en contient beaucoup, est celle où la jeune fleuriste, ayant retrouvé la vue, reconnaît le vagabond qui l'a sauvée, en touchant ses mains. La retenue de Charlot, l'émotion qu'il exprime est un des instants les plus bouleversants du 7e Art.

 

 Pour lire l'article consacré à Charlie Chaplin, cliquer sur son titre :  

 
CHARLIE CHAPLIN, LE VAGABOND DE GENIE   

 

Et pour prendre connaissance de la critique des autres films de Chaplin, cliquer  ICI

 

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Les-Lumieres-de-la-ville scale 762 366 

 

 

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3 mai 2008 6 03 /05 /mai /2008 10:13
MERYL STREEP - PORTRAIT

                                                                             

Meryl Streep est certainement l'une des tout première actrice actuelle par la diversité et la qualité de son jeu, ce qui lui permet d'aborder des personnages très différents et de transmettre l'émotion avec la même maîtrise et la même sensibilité. Née le 22 juin 1949 dans une famille aisée - son père était pharmacien - elle étudie à Dartmouth l'écriture scénariste, la décoration et la création de costumes et entre ensuite à la Yale Drama School. Elle est si douée qu'elle figure dans les six des sept pièces présentées annuellement par la Yale Repertory Company et obtient sa maîtrise en 1975. Alors qu'elle est encore étudiante à Vassar, dont elle est diplômée, elle obtient le rôle-titre du spectacle dès sa première édition.
 


Durant sa première saison à New-York, où elle est venue faire carrière, elle joue de nouveau dans sept pièces, parfois deux rôles aux antipodes l'un de l'autre dans la même journée, avant de devenir la vedette d'une comédie musicale à Broadway "Happy End" et de remporter un Obie Award pour sa performance dans la production off-Broadway de "Alice at the palace"
 


Elle doit ses débuts dans le 7e Art à Fred Zinnemann, qui la dirige dans "Julia", puis tourne dans "Voyage au bout de l'enfer" auprès de Robert de Niro et, après un retour à la scène dans "La mégère apprivoisée", interprète l'épouse bisexuelle de Woody Allen dans "Manhattan" et la maîtresse d'Alan Alda dans "La vie privée d'un sénateur". Elle sera également  l'épouse de Dustin Hoffman dans "Kramer contre Kramer" pour lequel elle recevra son premier Oscar. Pourtant ses débuts devant la caméra en 1976 s'accompagnent d'un souvenir cuisant, l'exclamation de Dino de Laurentis, qui l'avait convoquée pour un essai, et  s'écria en la voyant : quelle mocheté ! Ce n'était guère galant mais il en fallait davantage pour décourager cette toute nouvelle diplômée de Yale. 

                        

Meryl Streep sera citée trois fois à l'Oscar, une seconde fois en 1981 pour "La maîtresse du lieutenant français" où je l'ai découverte personnellement avec autant de curiosité que d'enthousiasme, tant elle interprétait finement cette femme abandonnée dans un décor de falaises romantiques, au temps du puritanisme victorien et l'obtient l'année suivante pour sa formidable prestation dans "Le choix de Sophie" de Alan J. Pakula, d'après le roman de William Stiron. Puis elle retrouve Robert de Niro dans "Falling in love" ( 1984 ) et remporte, pour ce film, l'équivalent italien de l'Oscar, le prix David Di Donatello, ce qui confirme le retentissement de sa carrière internationale.


                        
En 1985, elle est dirigée par Sydney Pollack dans un film qui cristallise davantage encore son aura d'actrice : "Out of Africa". C'est avec "Le choix de Sophie" et "La route de Madison", l'interprétation où elle apparaît la plus émouvante, la plus intériorisée. Elle y est dans tout l'éclat de sa féminité, humaine et néanmoins évanescente et inaccessible, à cause de cette magie qu'elle dégage, ce charme puissant, celui qui devait habiter le personnage qu'elle est chargée de représenter : la femme de lettres Karen Blixen. Viendront "La brûlure" avec Jack Nicholson et "Un cri dans la nuit" où elle est gratifiée du Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 1989.



En 1992, Meryl Streep est de nouveau nominée au Golden Globe dans la comédie noire "La mort vous va si bien" de Robert Zemeckis qui n'est qu'un aimable divertissement et enchaîne en 1993 avec "La maison aux esprits" de Bille August, tiré du roman d'Isabelle Allende, une de ses seules erreurs - le film se révélant être un navet - dans une carrière conduite avec beaucoup de discernement. La suite sera éblouissante avec "Sur la route de Madison" auprès de Clint Eastwood, où elle triomphe dans le rôle de Francesca, une femme qui découvre tardivement le grand amour dans les bras d'un photographe-reporter venu prendre des clichés des vieux ponts  couverts de l'Iowa, avant qu'on ne l'apprécie en 2001 dans l'adaptation de "The Hours" de Michael Cunningham. Pour elle, pas de temps mort, un film chasse l'autre, et dans chacun d'eux, elle se montre parfaite, en osmose avec les personnages qu'elle a à charge de faire vivre pour nous. On l'a vue dans "Le diable s'habille en Prada", qu'elle présenta en personne au Festival du film américain de Deauville en 2006 et dans "Lions et agneaux" de Robert Redford, son partenaire dans "Out of Africa", avant de se glisser dans la peau de Martha Mitchell, celle qui alerta la presse lors du scandale du Watergate dans "Dirty tricks", puis dans celle de Margaret Thatcher dans "La dame de fer" de Phyllida LloydLorsqu'elle ne tourne pas, l'actrice habite dans sa propriété du Connecticut auprès de son mari Don Gummer et de ses quatre enfants. Elle se plaît à mener une existence paisible loin de la vie agitée et de la presse à scandale de Hollywood. Ce qui ne peut étonner de la part d'une personnalité qui n'a jamais défrayé la chronique, ni galvaudé son image. Incroyablement malléable, elle sait se fondre dans les personnages les plus divers et inattendus, parvenant à ne jamais céder à la facilité ou à la démesure.


 

Avec 19 sélections, dont 15 dans la catégorie "meilleure actrice", c'est la comédienne la plus nommée de l'histoire des Oscars. Même performance pour les Golden Globes. Meryl Streep cumule aujourd'hui 29 nominations. Autant de statuettes saluant sa capacité à prendre les visages les plus divers, tous les accents, à se fondre dans n'importe quel décor, ainsi que d'entrer dans la peau des personnages les plus divers et parfois les plus opposés. Eclectique et appliquée, elle su enrichir son registre avec des héroïnes inoubliables, des scénariis captivants et des metteurs en scène de grand talent. Aussi est-elle de nos jours un modèle pour les comédiennes en herbe qui rêvent de faire une carrière aussi prestigieuse. D'autant que les comédies récentes, qu'elle a tournées, l'ont rapprochée d'un public plus jeune. Dans  "Florence Foster Jenkins" du cinéaste Stephen Frears, qui est sorti il n'y a pas très longtemps dans les salles, elle est une femme touchante et irrésistible qui se croit à tort douée d'un don pour l'opéra, sujet déjà abordé dans "Marguerite" mais qu'elle endosse avec son naturel et sa finesse habituelle. Elle est désormais considérée comme la "Queen" du 7e Art américain et rayonne en star mondiale  incontournable. Et avec "Pentagon Papers" de Steven Spielberg, elle nous éblouit une fois encore par son jeu d'une force et d'une grâce étonnantes et dans ce rôle de femme qui ne veut pas céder aux sirènes du découragement.

 
 

Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, où vous prendrez connaissance des critiques suivantes, Out of Africa, Sur la route de MadisonJulia & Julia, Pentagon Papers,  cliquer   ICI

 

Et pour prendre connaissance des articles de la rubrique ACTEURS DU 7e ART, cliquer sur son titre :

 

LISTE DES ARTICLES - acteurs du 7e Art

 

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MERYL STREEP - PORTRAIT
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3 mai 2008 6 03 /05 /mai /2008 09:45
LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN

                   
Pourvoyeur d'images de génie, Ingmar Bergman tient aujourd'hui, dans l'univers cinématographique, une des tout première place. La force de son oeuvre, ses réflexions graves mais d'une portée universelle, son originalité, son style, qui est celui d'un créateur à part entière, son écriture si personnelle ont fait de chacun de ses films un événement justifié. Aussi comment entrer dans cette vaste filmographie sans être désorienté ? Il me semble que "Les fraises sauvages" peuvent être une introduction valable à un cinéma dense et difficile qui se nourrit d'humanité, mais qui a souvent intimidé le néophyte. Bergman est le chantre de la solitude et ce long métrage aborde le sujet à travers le personnage d'un vieil homme qui vient de recevoir une distinction honorifique, couronnant sa carrière de médecin. A la suite d'un rêve, il bouscule ses plans et décide de se rendre en voiture à Lund avec sa belle-fille, ce qui lui permettra de revoir des lieux chargés d'évocations et de souvenirs. Ce sera également l'occasion de revivre certains d'entre eux et de faire le bilan de sa longue existence. Mais, heureusement, des personnes rencontrées vont l'aider à se réconcilier avec un passé chargé d'échecs sentimentaux et d'éclairer ses vieux jours d'une lueur de tendresse. En effet, une fois arrivé à Lund pour y recevoir sa récompense, le professeur Isaak Borg, ébranlé dans ses convictions, prend la résolution de tenter d'agir de façon à entretenir désormais des rapports moins formels avec son entourage. Un arrêt à la maison de son enfance le replonge au coeur de son passé, à la différence qu'il devient le témoin de scènes auxquelles il n'avait pas assisté à l'époque. C'est ainsi qu'il revoit sa fiancée d'alors, Sara, en train de se laisser séduire par son propre frère et qu'il la surprend plus tard se lamentant de ce que sa cour, érudite et compassée, l'avait contrainte à aller chercher ailleurs un peu plus de volupté. Se révèlent à lui l'étendue de son incompréhension à son égard et sa coupable négligence. Sa remise en cause, si elle est tardive, n'en est pas moins sincère. Si bien qu'au lieu d'une lente marche funèbre, "Les fraises sauvages" s'ouvre sur une allégorie qui n'est pas seulement pour le héros une sorte de politesse du désespoir, mais tend à conclure que l'existence se poursuit sous un éclairage autre, que le rêve est aussi une forme de vie, une vie transposée en une perspective conciliante, où la fiancée de jadis se remet en route avec vous vers un horizon apaisé. L'auteur parvient avec virtuosité à doser rêve et réalité sans jamais leur attribuer de frontières trop précises, cela en une orchestration d'une poignante beauté. On sait également que Bergman était très musicien et qu'il se dégage de ses films une musicalité étrange qui m'a toujours frappée. Dans "Les fraises sauvages", on voit Sara jeune suspendre le temps à l'aide d'un prélude, lent et nostalgique, du clavier bien tempéré. Bergman a toujours privilégié deux types dans le répertoire musical : celui des spiritualistes comme Bach et Mozart et celui des romantiques avec Chopin, Schumann, Schubert et Bruckner. Il a consacré un film à l'opéra de Mozart : "La flûte enchantée" qui est une réussite.
 


Par ailleurs, "Les fraises sauvages", comme l'ensemble de l'oeuvre bergmanienne, bénéficie d'une grande rigueur esthétique, rendue peut-être plus captivante que le film a été tourné en noir et blanc, de même qu'il jouit d'une interprétation hors pair - il n'est pas besoin de souligner que le réalisateur était un formidable et très exigeant directeur d'acteurs - avec une Ingrid Thulin et une Bibi Andersen merveilleuses et un Victor Sjöström d'un puritanisme et d'une misanthropie douloureuses qui n'étaient pas éloignés de ceux de son metteur en scène. Restent les souvenirs et la nostalgie d'un passé heureux que celui-ci sait si bien traiter avec l'austérité grandiose qui le caractérise. Si bien que ce film majeur porte à son sommet une inspiration jamais démentie par la poésie : la nature ne fait qu'un avec le vertige des sens et des souvenirs qui s'empare de cet homme sans repères temporels. Chacun, au final, trouvera ce qu'il cherche, car ici rien n'est imposé. Il y est moins question de la mort, des échecs ou des désillusions que de la continuation possible de la vie alors même qu'elle arrive à son terme. Ne nous y trompons pas, Bergman s'est profondément mis en scène dans cet opus pour la raison suivante : à l'âge de 15 ans, il avait assisté à la projection de "La charrette fantôme", le grand film réalisé par Victor Sjöström, dont il reconnut, par la suite, l'immense influence. Trente ans plus tard, en réalisant "Les fraises sauvages", Bergman, voulant interroger la figure de son père, fit appel, tout naturellement, au grand cinéaste pour l'interpréter. Mais il finit par se rendre compte que ce qu'il cherchait derrière la figure paternelle était son propre passé, sa propre enfance. De cette quête, de cet examen sans complaisance de lui-même, est né ce film lumineux, où la convocation des souvenirs et des rêves mêlés à la réalité produit une atmosphère inoubliable. " La vérité, c'est que je vis sans cesse dans mon enfance. Dans "Les fraises sauvages",  je me meus sans effort et assez naturellement entre des plans différents temps-espace, rêve-réalité - a  confié à un journaliste le cinéaste suédois. C'est probablement cette recherche du temps perdu qui a marqué d'un sceau inaltérable cette oeuvre prodigieuse.

 

Pour lire l'article consacré à Bergman, cliquer sur son titre :   

 
INGMAR BERGMAN OU UN CINEMA METAPHYSIQUE



Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, dont Le 7e sceau, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN
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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 09:36
Mon petit doigt m'a dit de Pascal Thomas

Prudence Beresford et son mari Bélisaire rendent visite à leur tante à la campagne. Intrigué par la disparition d’une vieille dame croisée dans une maison de retraite, le couple d’ex-agents secrets décide de mener l’enquête. Une série de crimes inexpliquée et de suspects trop nombreux vont compliquer cette étrange affaire.

 

 

Des répliques qui font mouche, un rythme soutenu, une histoire loufoque mais menée avec maestria, voilà une adaptation d’un roman d’Agatha Christie parfaitement réalisée grâce à l’ivresse des mots, à  un cadre bucolique magnifié par une photographie soignée et des acteurs au mieux de leur forme, contribuant au charme évident de cet opus intemporel. Dans le rôle de Prudence, Catherine Frot est pétillante de drôlerie face à un André Dussolier qui semble s’amuser follement. Le couple fonctionne à merveille, ayant déjà assuré le succès d’un précédent film « La dilettante » en 1998. Les seconds rôles sont tenus avec pertinence par des acteurs que l’on prend plaisir à croiser : Geneviève Bujold, Valérie Kaprisky, Alexandra Stewart, Laurent Terzieff, tous exhumés de saisons cinématographiques antérieures et dont les silhouettes ne peuvent manquer de nous toucher. Après des débuts difficiles, Pascal Thomas nous offre là un film bien ficelé, d’un humour revigorant, loin du maladroit « Zozos », où il ose assumer un style plus personnel, mêlant astucieusement les éléments propres à un polar à une note pimentée de fantastique gothique, association des genres qui déroute et séduit. Un bon  moment de cinéma.

 

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Mon petit doigt m'a dit de Pascal Thomas
Mon petit doigt m'a dit de Pascal Thomas
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27 avril 2008 7 27 /04 /avril /2008 10:04
CASINO de MARTIN SCORSESE

 
                                                                                                        
Année 1973. Las Vegas, temple de l'argent, est gouverné de manière occulte par le tout puissant syndicat des camionneurs. Sous leur autorité, Ace Rothstein (Robert de Niro), homme impitoyable avec les tricheurs, règne sur l'hôtel-casino Tangiers et va se laisser séduire, pour son malheur, par une virtuose de l'arnaque d'une saisissante beauté, Ginger (Sharon Stone), que, très épris, il épouse sans tarder. Nicky Santoro (Joe Pesci), son ami d'enfance, est devenu son homme de main et sait avec brutalité s'acquitter des basses tâches. Une série de trahisons douloureuses vont cependant ruiner l'entente du couple et les dérapages ne vont plus cesser de se multiplier. Se sachant incomprise de son mari, Ginger sombre dans la drogue et cherche l'appui de Nicky, si bien que les affrontements de ce trio infernal vont bientôt leur nuire, d'autant qu'ils sont de plus en plus étroitement surveillés par la police et le FBI. Un terrible et ultime affrontement sera à l'origine de l'effondrement de l'empire.

 

Casino est une de ces oeuvres phares qui, à un moment donné, nous offre la somme de ce que, périodiquement, une civilisation engendre pour le meilleur et le pire, avec une force et une précision étourdissantes. A la fois lyrique et intimiste, ce film, l'un des plus aboutis de Martin Scorsese, bénéficie d'une parfaite adéquation entre un metteur en scène surdoué et des interprètes qui ont su pleinement et magnifiquement assumer leurs rôles. C'est le cas de Sharon Stone, qui obtiendra le Golden Globe de la meilleure actrice pour son admirable composition, où elle allie l'intensité et la fragilité à la façon des personnages chers à Tolstoï, ainsi que de ses partenaires, excellentissimes eux aussi : Robert de Niro et Joe Pesci. La richesse et la perfection de Casino en font une oeuvre dense et essentielle de par la réflexion qu'elle instaure sur les grandeurs et misères du pouvoir. On pourrait à ce propos la rapprocher d'un film comme  Ivan le Terrible, tourné par un Eisenstein alors au sommet de son art. Scorsese, qui est également au sommet du sien, y fait montre d'une science prodigieuse du rythme qui est l'un des éléments remarquable du film, en permanence sous tension, mais une tension  concentrée qui ne se disperse pas, se ramasse pour devenir l'oeil du cyclone ; tout cela servi par un contrepoint visuel et sonore d'une grande qualité (une mention spéciale pour la très belle musique de Georges Delerue). Tragédie-parodie d'une ampleur et d'une cruauté inouïes, ce long métrage s'apparente à une parabole d'une décadence à la romaine, lorsque les hommes se croient suffisamment maîtres de leur destin pour oser affronter les dieux, le final a de ce fait quelque chose d'infiniment tragique, comme si une malédiction en avait précipité l'embrasement. Il nous fait assister également à une triple désagrégation : celle d'un couple, d'une amitié et d'un empire.                                


Le cinéaste a pénétré l'univers du jeu avec une curiosité qui ne laisse aucun détail au hasard. Tout nous est montré avec virtuosité par une caméra acérée, soit les plus secrets rouages de la machine Las Vegas, les trucs des tricheurs, les magouilles, et cela non sans drôlerie, non sans férocité, en une série de séquences qui relèvent de l'anthologie. Sous nos yeux captivés se déploie un festival d'images qui, presque toutes, sont diaboliquement expressives et rendent compte des moindres ramifications de ce monde très particulier et incroyablement hiérarchisé dans la violence. Du cinéma de haut vol qui exerce sur le spectateur une fascination certaine.

 

Pour lire l'article consacré à Scorsese et à Robert de Niro, cliquer sur leurs titres : 

 

MARTIN SCORSESE - PORTRAIT          ROBERT de NIRO - PORTRAIT

 

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CASINO de MARTIN SCORSESE
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24 avril 2008 4 24 /04 /avril /2008 08:56

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Aussi terrifiant que réussi dans son genre, (Rec.) à sa sortie en 2008 sut enflammer les festivals internationaux et le box-office espagnol. Un film d'horreur produit pour à peine 800.000 euros qui propose de suivre subjectivement un caméraman et une présentatrice de télé tournant un reportage sur des pompiers appelés à la rescousse d'une vieille dame dans un immeuble de Barcelone. Si ce film sort du lot des films d'horreur, c'est par l'intelligence de sa mise en scène et le fait que ses réalisateurs Jaume Balaguero et Paco Plaza ont tout fait pour préserver l'indispensable immersion du spectateur dans un tel projet. Balaguero s'en explique : " On voulait raconter une histoire typique d'horreur, mais d'une manière particulière, en direct, comme un reportage télé ". Et Plaza d'ajouter : " C'est la réalisation qui fait sa spécificité. Notre parti pris formel, qui impliquait de ne pas utiliser la musique ou le découpage, nous a poussés à être inventifs afin de suggérer le suspense, la tension et la peur, qui sont des émotions habituellement véhiculées par ces artifices-là. C'est pourquoi nous avons particulièrement travaillé les cadrages et le son, par exemple". Au-delà de sa singularité, (Rec.) est représentatif de la vitalité du cinéma  fantastique espagnol qui s'est vu consacré en février dernier à Gérardmer du Grand prix pour L'orphelinat de Juan Antonio Bayona, prix du jury et prix du public pour (Rec.). Quelques semaines plus tôt, ces deux films avaient attiré respectivement 4,5 et 1,5 millions de spectateurs dans les salles hispaniques. Beaux succès quand on compare aux films français du même genre qui plafonnent habituellement autour de 100.000 entrées. Les fantômes ne sont guère prisés au pays de Descartes.                   
 

L'origine de cette nouvelle vague typiquement espagnole remonte à plusieurs années. Juan Antonio Bayona précise à ce propos que le déclic a eu lieu au milieu des années 90, avec les premiers films d'Alejandro Amenabar et  Alex de la Iglesia.  Ouvre les yeux et Le jour de la bête furent effectivement de gros succès. De même, lorsque l'académie des goyas récompensa Tesis, quelque chose avait bougé et le cinéma de genre s'était vu légitimer, en quelque sorte. Pour eux, tout s'est joué à Sitgès, une station balnéaire catalane qui accueille chaque année un Festival du cinéma fantastique, l'un des plus courus au monde. Et Bayona d'ajouter : " Il y a ce que l'on peut appeler la génération Sitgès. Jaume Balaguero, Paco Plaza, Nacho Cerda, moi-même et bien d'autres nous sommes connus lors des différentes éditions de ce festival. Nous sommes d'abord venus en tant que spectateurs, puis comme journalistes, et désormais avec nos casquettes de réalisateurs ! Quant à l'auteur du  Labyrinthe de Pan,  il confirme l'importance de ce festival  : - " Je crois vraiment que Sitgès a été un lieu important pour le renouveau du cinéma de genre espagnol. Je me souviens que l'année où j'y ai présenté mon premier film Cronos, j'ai été interviewé par deux journalistes : Juan antonio Bayona et Jaume Balaguero ! La plupart des cinéastes viennent de la presse spécialisée dans le cinéma de genre, ils étaient journalistes avant de passer derrière la caméra, un peu comme la Nouvelle Vague française dans les années 60".



Mais il est probable, comme le suggère  Guillermo del Toro  que le succès de cette génération Sitgès ait des racines beaucoup plus anciennes, car les Espagnols ont toujours apprécié les choses de l'imaginaire et les ont prises au sérieux. " Pour eux, ce n'est pas un truc réservé aux ados - poursuit -il - mais quelque chose qui reflète ce que nous sommes au plus profond de nous". Ainsi le cinéma fantastique espagnol a-t-il de beaux lendemains en perspective, tant la critique comme le public l'ont plébiscité avec enthousiasme. En sera-t-il un jour de même en France.

 

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22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 08:16

 affiche-pouses-et-concubines                      

 

Nous sommes en Chine du Nord dans les années 20 : Songlian (Gong Li), âgée de 19 ans, devient la quatrième épouse du riche maître Chen Zaoquian (Ma Jingwu) à la suite de la mort de son père. Elle va dorénavant vivre cloîtrée auprès des trois autres épouses qu'elle ne verra que lors des repas pris en commun. La première épouse Yuru (Jin Shuyuan), qui a dépassé l'âge de plaire, ne lui cause aucun souci. Mais il n'en est pas de même des deux autres avec lesquelles elle se heurte, parce que celles-ci, dévorées de jalousie, s'emploient, autant que faire se peut, à comploter les intrigues les plus fallacieuses ; la seconde épouse Zhuoyun (Caoo Quifen) se révélant véritablement machiavélique sous des dehors aimables. C'est elle qui provoquera indirectement la mort de Yan'er, la servante-concubine, puis de Meishan, la troisième épouse, ex-chanteuse d'opéra, qu'elle accuse d'adultère avec le docteur Gao. L'époux bafoué la fera exécuter par ses serviteurs dans la chambre des tortures et la vie reprendra son cours comme si de rien  n'était. Sauf pour Songlian qui, horrifiée par cet abominable assassinat, sombre dans la folie. C'est alors qu'une cinquième épouse vient enrichir la maison de ce maître qui jouit du droit de vie et de mort sur ses femmes.
 

 
Après "Le Sorgho rouge" et "Ju Du", "Epouses et concubines" est le troisième volet que Zhang Yimou a consacré à la condition féminine dans la Chine d'avant-guerre, époque où l'épouse était totalement soumise à l'autorité maritale et ne pouvait s'affranchir que par la mort ou la folie. Bien qu'il soit constamment question des hommes, ceux-ci n'apparaissent que furtivement dans le film,  mais l'autorité dont ils bénéficient et qu'ils exercent sur leurs épouses captives, se révèle obsédante. Dans cet univers quasi carcéral, ce huis-clos oppressant, gouverné par des rites millénaires, le seul élément de vie est constitué par l'éclairage des lanternes rouges qui signale la visite du seigneur dans l'appartement de l'épouse qu'il est venu honorer pour quelques heures et qui doit se plier à ses exigences. Comme dans ses films précédents, Yimou fait appel à la même interprète féminine, Gong Li, avec laquelle il vivait alors. Remarquable Songlian, elle ne peut se résigner à n'être qu'un objet sexuel. "Epouses et concubines" se distingue comme un film d'une rare beauté esthétique avec des plans et des lumières raffinés à l'extrême, des images flamboyantes où l'unité de lieu est respectée et qui constitue par sa qualité, la rigueur de sa narration, un véritable joyau du 7e Art. N'oublions pas que ce long métrage contribua grandement à l'essor du cinéma asiatique, peu connu alors en France et même en Europe, et qu'il est une réflexion sur l'insoutenable condition féminine dans bien des pays encore. Yimou est de ceux qui ont donné à l'art cinématographique de leur pays ses lettres de noblesse. Un film que l'on revoit avec la même émotion parce qu'il semble défier le temps.

 


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ZHANG YIMOU - PORTRAIT           GONG LI - PORTRAIT


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EPOUSES ET CONCUBINES de ZHANG YIMOU
EPOUSES ET CONCUBINES de ZHANG YIMOU
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14 avril 2008 1 14 /04 /avril /2008 17:28

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Parce qu'il en avait assez des clichés autour du personnage légendaire de Genghis Khan, Sergei Bodrov a choisi de raconter, dans un premier temps, car une suite est prévue - l'enfance et l'adolescence tumultueuse de celui qui n'était encore que Temoudjin. Une incroyable destinée à laquelle le cinéaste du Prisonnier du Caucase s'est consacrée avec détermination, car il fallait oser porter à l'écran cette figure de l'Histoire qui hante encore les consciences asiatiques et européennes. Il fut sans nul doute l'un des plus grands conquérants que l'humanité ait connu, puisqu'il parvint à créer un empire colossal, comparable en taille à celui d'Alexandre.



Cette fresque épique, parfois un peu redondante, co-produite par l'Allemagne, la Russie et le Kazakhstan bénéficie de nombreux atouts : des décors naturels grandioses ( les steppes mongoles et chinoises ), le souffle puissant de ce personnage mythique qui saura unir pour conquérir, enfin le traitement musclé des combats à la manière de Zhang Yimou ou du Riddley Scott de Gladiator. Mais il est vrai que dès que le cinéaste passe à l'image numérique, les choses se gâtent et que les combats prennent une coloration artificielle et virtuelle regrettable. Heureusement, Bodrov n'en abuse pas et la plupart de ceux-ci sont des cavalcades superbes et impressionnantes de virtuosité. L'auteur sait rendre compte de ce qui est la marque indiscutable du génie mongol : la maîtrise de l'espace et l'art de guerroyer, cela grâce à l'alliance charnelle entre le nomade et sa monture. N'est-ce pas les Mongols qui ont inventé  la guerre éclair ? Leur avancée, au cours de leurs conquêtes, se firent plus promptement que celle des Panzer d'Hitler, lesquels eurent bien de la peine à venir à bout des grandes plaines russes et finirent, comme les armées napoléoniennes, par s'y enliser. Alors que le Mongol galope, détruit, se retire, revient, dévaste et disparaît. Pour bien rendre cet effet-là, Bodrov a particulièrement veillé aux assauts équestres par la restitution sonore du fracas des sabots et le piétinement sur le sol steppique d'une horde d'étalons. On s'y croit, même si cela est parfois un peu pénible pour notre ouie de spectateur...Il n'empêche qu'on se laisse prendre par ces reconstitutions tournées le mors aux dents à la gloire de la cavalerie légère et des charges héroïques.



D'autre part, en bon Russe, le cinéaste nous rend sensible la dimension spirituelle de son héros. Alors que l'Occident le considère comme l'un des plus sanguinaires guerriers de tous les temps, Bodrov réussit l'exploit d'en faire, certes un loup, mais un loup obsédé par la loi, un individu indiscutablement complexe mais dépourvu de haine comme le notait déjà René Grousset. Un solitaire entouré d'amis, un prince de sang qui reconnaissait ses bâtards, un prédateur qui n'aima jamais qu'une seule femme, un homme devenu fabuleusement riche mais qui ne quitta jamais sa yourte traditionnelle.               


D'autre part, l'effort historique est louable et nous plonge dans le genèse d'une nation qui naît du chaos, nous décrivant les loi des clans, les divers rites, tout cela que le conquérant aura à charge d'unifier pour parvenir à rassembler les tribus égarées dans cet immense territoire. Aussi la destinée de ce grand guerrier est-elle fascinante, même si le film souffre de quelques répétitions dans son cheminement narratif. Cette réserve faite, Sergei Bodrov a su tirer le meilleur parti de cette dimension fantastique et nous décrire un destin qui tient de la légende à l'égal de ceux de Charlemagne et d'Alexandre le Grand. Il n'est pas de scène qui ne baigne dans l'atmosphère d'un temps où toute chose de ce monde possédait sa raison céleste. Jusqu'à la dernière, où le Khan triomphe de son dernier rival grâce à la survenue d'un orage, la nature s'étant faite la complice des desseins des dieux.



Que le cinéaste ait choisi Tadanobu Asano, un Japonais, pour incarner à l'écran Genghis Khan peut surprendre, mais l'acteur éclabousse le film d'une telle présence, d'une telle force et d'un tel mystère que l'on ne peut qu'entériner ce choix et s'en féliciter. Le casting est impeccable. Une mention spéciale à l'actrice Khulan Chuluun qui est  touchante de dignité et de beauté dans le rôle de Börte. En nous décrivant la marche irrésistible de ce souverain de l'univers, le film allie force et sensualité dans des décors à couper le souffle.

 

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13 avril 2008 7 13 /04 /avril /2008 10:39
BELLE DE JOUR de LUIS BUNUEL

                                                                                   
Séverine, jeune épouse d'un chirurgien fortuné (Jean Sorel), semble vivre avec difficulté sa vie sexuelle et est assaillie par des phantasme confinant au sado-masochisme. Conseillée par un ami, elle se rend dans une maison close  et propose timidement ses services.. C'est là qu'elle trouvera, dans l'avilissement et la servitude, son épanouissement intime, tout en poursuivant, auprès de son mari, sa vie respectable et bourgeoise. Tiré d'un médiocre roman de Joseph Kessel, Belle de jour  (1966) ne parvient pas à convaincre le spectateur pour la bonne raison que l'héroïne est aussi peu crédible que possible. Film érotique mais d'un érotisme suggéré, fantasmé, quasi irréel, il est troublant a plus d'un titre : principalement la coexistence, chez une même personne, de deux mondes, le réel et l'onirique, et la démonstration tentée, me semble-t-il en vain, par le cinéaste que le chimérique est, chez certains, mieux éprouvé que le vécu. Le film apparaît ainsi comme un songe éveillé où l'illusion semble plus vraie que la réalité et où les tabous sont franchis plus aisément par l'esprit que par le corps. L'héroïne transgresse mieux en pensée ses perversions qu'elle ne s'en affranchit, car elle reste, dans l'existence, prisonnière de ses sentiments, de son milieu, de son couple. Ainsi Bunuel essaie-t-il de composer un puzzle, afin de rendre compréhensible un langage totalement irrationnel et à nous brosser le portrait malhabile d'un personnage en proie à ses propres contradictions et à un vertige intérieur qui donne un goût désespéré à cette liberté supposée, acquise dans les dédales de la corruption.

 

Catherine Deneuve n'a pas caché les difficultés qui furent les siennes lors du tournage : " Connaissez-vous un acteur ou une actrice qui n'aurait pas envie de travailler avec Bunuel ? (... ) Or, curieusement, notre relation dans " Belle de jour " a été très difficile. Sur le plateau, Bunuel ne voulait pas de quelqu'un aussi farouchement réservé que moi. Il m'a utilisé, j'ai suivi, c'est tout. Séverine ressemble aux obsessions de Bunuel, pas à moi. De plus, je n'ai pu mettre que peu de moi-même dans ce personnage masochiste. Bunuel ne veut que l'obéissance des acteurs. De moi, il n'a exigé qu'une extrême lenteur ; le mouvement du corps féminin l'intéresse beaucoup plus que l'expression du visage ou que les paroles ". Ciné- revue 1967

" Je ne suis pas sûre que Bunuel ait fait le film qu'il voulait. Il pensait à quelque chose de plus audacieux, et que ma réserve, ma froideur... il aurait voulu faire un film un peu plus cru ".  Actuel 1987

 

 
belle_de_jour.jpg                 

 

En professionnel, le cinéaste s'applique à tirer de ses acteurs le meilleur d'eux-mêmes. C'est le cas ici avec Geneviève Page, l'inoubliable Chimène de Gérard Philipe au TNP, de Michel Piccoli, cynique à souhait, mais Catherine Deneuve me parait trop lisse pour le rôle et ne correspond en rien au personnage torturé, obsédé qu'elle est sensée incarner. Avec les ans, l'esthétisme du film a pris des rides, l'oeuvre manque d'audace et reste circonscrite dans un registre petit bourgeois, annonciateur néanmoins de la décadence de notre civilisation, prise entre rêve et cauchemar, illusion et révélation, exhibitionnisme et indifférence.

 

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LUIS BUNUEL OU LE DETACHEMENT VOLONTAIRE        

 

CATHERINE DENEUVE - PORTRAIT

 

 

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BELLE DE JOUR de LUIS BUNUEL
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Présentation

  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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Profil

  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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