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5 décembre 2007 3 05 /12 /décembre /2007 09:15
MISSION de ROLAND JOFFE

               

En 1750, Espagne et Portugal se disputent les colonies de l'Amérique du Sud. Aussi les Jésuites, parmi eux le Père Julian qui vient d'être mis à mort et crucifié, puis le Père Gabriel, ont-ils implanté des missions afin d'y répandre la foi parmi les Indiens et protéger les populations de la brutalité des colons et des razzias des preneurs d'esclaves. Expérience sociale, que l'on peut qualifier, faute de terme approprié, de communisme théocratique. Elle fascina les penseurs de l'époque, les Montesquieu, Voltaire et Diderot qui n'hésitèrent pas à louer l'impulsion égalitaire qui la sous-tendait.
Dans ce monde dur et sans pitié, l'un des mercenaires, Mendoza, ne craint pas de tuer son frère, Felipe, par jalousie amoureuse. Par la suite, accablé de remords et prêt à renoncer à la vie, il accepte de suivre le père Gabriel dans sa mission auprès des Guaranis, dans un lieu sauvage proche des impressionnantes chute d'Iguaça. Ce missionnaire évangéliste est porteur de la dimension humaine la plus respectable qui soit, puisqu'elle prône la paix, la compréhension, le partage et le respect. Mais son projet de recréer avec les Indiens Guaranis une sorte de paradis spirituel et matériel, où l'amour serait la clef de voûte, va se heurter aux rivalités qu'entretiennent les Espagnols et les Portugais au sujet de l'attribution des terres. Dépêché sur les lieux, l'émissaire du Saint-Siège va intimer aux Jésuites l'ordre de fermer les missions dont celle de San Carlos qu'est en train de bâtir le père Gabriel. L'attaque des Espagnols est désormais inévitable et va s'effectuer avec une violence rare, n'épargnant que les enfants que l'on verra lentement s'enfoncer dans la jungle.



Ce film magnifique, tourné dans les paysages grandioses du Brésil et du Paraguay par Roland Joffé, bénéficie d'une interprétation très intériorisée de la part de Jeremy Irons et Robert de Niro, tous deux magnifiques d'intensité et de ferveur, l'un dans le rôle du prêtre qui décide de résister par la prière et du repenti qui préfère recourir à l'épée pour sauver de l'anéantissement leur petite communauté. Raison pour laquelle ce long métrage ne peut pas être classé parmi les films anticléricaux, car s'il stigmatise les déviations d'une église en pleine mutation, manipulée par les empires coloniaux et ne disposant que d'un pouvoir restreint sur les événements en cours, il est un plaidoyer envers la foi qui permet à l'homme, quel qu'il soit et où qu'il se trouve, de dépasser ses propres limites.
                            


Réflexion émouvante sur la légitime violence, l'altérité, la rédemption, ce long métrage est également un poème dédié à l'innocence des tribus indiennes qui furent implacablement décimées par les Espagnols et les Portugais, un hymne à la nature dans sa splendeur originelle, une cantate aux tous premiers matins du monde que l'inoubliable musique d'Ennio Morricone rend plus lyrique encore. La belle phrase prononcée, lors de la scène finale, par l'ancien mercenaire : " Si la force est le droit, l'amour n'a nulle place en ce monde " - pourrait être mise en exergue et résume en quelque sorte l'intrigue. Ce film est d'autant plus réussi qu'il bénéficie de tous les atouts : une mise en scène somptueuse, un scénario solide qui ne peut laisser personne indifférent, ne serait-ce que pour son message de profonde humanité, l'admirable bande sonore qui allie chants religieux et musiques indiennes et une interprétation irréprochable. A l'apogée de leur talent, De Niro affiche autant d'arrogance dans la première partie que de désespoir et de repentir dans la seconde, alors que Irons montre, d'un seul regard, la fermeté et la grandeur d'âme d'un serviteur d'une cause qui le dépasse lui-même.

 


Pour lire l'article consacré à Robert de Niro, cliquer sur son titre : 


 ROBERT de NIRO - PORTRAIT

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :



LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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MISSION de ROLAND JOFFE
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30 novembre 2007 5 30 /11 /novembre /2007 10:25
BURT LANCASTER - PORTRAIT
BURT LANCASTER - PORTRAIT

         
                                                                        
Burt Lancaster, né le 2 novembre 1913 à New-York, commença sa carrière comme acrobate professionnel dans plusieurs cirques avant d'être mobilisé lors de la Seconde Guerre Mondiale et envoyé au combat en Afrique du Nord et en Europe. Démobilisé en 1945,  il s'oriente vers le théâtre et joue dans une pièce qui ne sera pas un succès  "A Sound of Hunting", mais le fera remarquer d'un critique pour ses dons indéniables, à une époque où Hollywood est en quête de nouveaux talents. Il tourne ainsi dans un premier film "Les Tueurs" (1946) au côté d'Ava Gardner et cette production, sans prétention, suffira à le propulser au haut de l'affiche et de le consacrer "star", tant il crève littéralement l'écran. Par la suite, en homme intelligent et ambitieux, il saura passer des rôles de beau mec au sourire carnassier et au physique athlétique à ceux d'acteur sérieux, en entrant dans la peau de personnages plus complexes. Puis il fonde sa propre maison de production et réalise son premier long métrage "L'homme du Kentucky" en 1955. Désormais il appartient à l'élite du cinéma américain et sa renommée est devenue internationale. Après une nomination aux Oscars pour "Tant qu'il y aura des hommes" qui lui donne pour partenaires Deborah Kerr et Montgomery Clift, il en obtient un pour son interprétation dans "Elmer Gantry le charlatan". Sollicité par les plus grands cinéastes, il ne cesse plus de tourner. En 1963, il remporte la coupe Volpi à Venise pour sa magistrale interprétation dans "Le prisonnier d'Alcatraz" (1962) de John Frankenheimer et, la même année, il sera l'inoubliable prince Salina dans  "Le Guépard" de Luchino Visconti, où sa prestation domine le film de bout en bout.


Après quelques productions commerciales comme "Airport",   "L'homme de la loi",   "Fureur Apache", il revient en Italie en 1975 et retrouve Visconti pour "Violence et Passion" auprès de Silvana Mangano, où sa prestation est de la même veine que celle du prince Salina, c'est-à-dire exceptionnelle, avant d'enchaîner avec "1900" de Bernardo Bertolucci. Suivra  "Atlantic City" (1979) de Louis Malle face à  Susan Sarandon  où son rôle du vieux Lou lui mérite une nouvelle nomination aux Academy Awards. Il est vrai que son regard, sa démarche et chacun de ses gestes concourent à donner vie et profondeur au personnage. C'est vers 1981 qu'il s'éloigne progressivement des studios, n'acceptant plus que des rôles de complément ou des productions télévisées. On le verra néanmoins une dernière fois comme tête d'affiche dans "Coup double"  (1986), partenaire de son vieux complice Kirk Douglas avec lequel il avait tourné sept films dont  "Règlement de comptes à O.K Corral" de John Sturges et "Sept jours en Mai" de John Frankenheimer. Son ultime apparition se fera en ancienne gloire du base-ball dans "Jusqu'au bout du rêve" (1989) de Phil Alden Robinson. Le 10 septembre 1990, il se marie pour la troisième fois avec Susan Martin, mais il est déjà un homme malade. Il doit subir un quadruple pontage et se retrouve à moitié paralysé des suites d'une hémiplégie. Il mourra le 20 octobre 1994 à Los Angeles et ses cendres seront déposées au Westwood Memorial Park où une plaque honore sa mémoire.


Pour lire les critiques de quelques-uns des  films où figure cet acteur dont Vera Cruz, Le Guépard et 1900, cliquer sur les liens ci-dessous :


 
LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN    

   

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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         claudiaotguepard                                

 

BURT LANCASTER - PORTRAIT
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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 10:06
VERA CRUZ de ROBERT ALDRICH

                    
"Vera Cruz", c'est d'abord la rencontre de deux très grands acteurs du cinéma américain Gary Cooper et Burt Lancaster et, également, le dernier film où celui qui sera bientôt connu sous son pseudonyme Charles Bronson figure encore sous son nom véritable  Charles Buchinsky. C'est enfin un film d'aventures qui ouvre une page nouvelle dans ce qu'il convenait d'appeler, jusqu'à la fin des années 50, le "western classique". L'histoire est la suivante : la révolution fait rage au Mexique entre les partisans de Benito Juarez et l'empereur Maximilien soutenu par la France. Ancien colonel de l'armée Sudiste, Benjamin Trane ( Gary Cooper ) accepte la proposition du marquis de Labordere de combattre pour son maître Maximilien. Joe Erin ( Burt Lancaster ) et ses hommes, prêts à s'offrir au plus offrant, rejoignent eux aussi les forces de l'empereur. Trane et Erin reçoivent alors pour mission d'escorter jusqu'à Vera Cruz la comtesse Marie Duvarre, mais ils découvrent bientôt qu'elle transporte dans son carrosse une somme d'or importante destinée à acheter des armes et à lever de nouvelles troupes. Démasquée, elle propose de partager l'or en trois, mais le marquis de Labordere réussit à le récupérer. Finalement les deux partenaires parviendront à retrouver le précieux trésor mais  s'affronteront - Trane souhaitant donner l'or aux Juaristes et Erin de le garder pour lui - lors d'un duel où Trane, plus rapide, tuera Erin.  

 

                      

Une conversation, entre le scénariste Borden Chase et le producteur Bill Alland au sujet de la tragique histoire de l'empereur Maximilien et de son épouse Charlotte, fille du roi des Belges Léopold Ier, est à l'origine de ce film. Par la suite, Chase se rendit au Mexique et écrivit un scénario pour un film dont John Wayne devait être la vedette. Mais ce dernier, ayant d'autres engagements, Gary Cooper fut choisi pour le remplacer et le scénario de Chase abandonné au profit de celui de Roland Kibbee qui écrivit le sien au jour le jour, si bien que le film, en apparence bien construit, fut réalisé dans un total état d'improvisation. " Le scénario - raconte Robert Aldrich - était toujours achevé cinq minutes avant le tournage. "Vera Cruz" venait après Apache qui avait été un succès. La pression était donc beaucoup moins grande. C'est un film que j'aime. Il y avait, une fois de plus, un héros et un anti-héros. Le héros seul survivait après avoir choisi le bon côté et détruisait l'anti-héros qu'il admirait pourtant, en dépit de leurs opinions différentes". Robert Aldrich avoue, par ailleurs, avoir eu plus de difficulté avec Burt Lancaster sur le tournage de "Vera Cruz" que sur celui d' "Apache". Lancaster, qui se préparait à passer à son tour derrière la caméra avec un premier film "L'homme du Kentucky", supportait de plus en plus mal les directives d'un autre réalisateur. Cela n'empêcha nullement le film, une fois mis en boite, de séduire le public et de prendre place parmi les westerns qui comptent, non seulement pour l'interprétation, mais pour l'opposition finement orchestrée entre deux partenaires, le gentleman du Sud et le mercenaire sans foi, ni loi, en même temps que pour celle de deux clans rivaux : les partisans de Maximilien et les Juaristes. Afin d'accentuer les différences et forcer le trait, les fidèles de Juarez font toujours état d'une force importante de façon à mobiliser la population, tandis que Maximilien et les siens symbolisent une société décadente, en voie d'extinction. Faisant irruption à la cour de Maximilien, Erin et sa troupe, assurés de leur puissance, se conduisent en véritables sauvages, renversant la vaisselle, buvant et mangeant comme des soudards.

 


                          
Par ses audaces techniques, son découpage, son sujet, Vera Cruz annonce un tournant significatif dans l'histoire du western. A l'évidence, Robert Aldrich se plait à casser le moule traditionnel en y versant une bonne dose de cruauté et en faisant un pied de nez à la bien-pensance, abordant des thèmes qu'il amplifie à plaisir et qui ne sont autres que la cupidité, l'ambition et le cynisme. En cette fin des années 50, ce long métrage annonce que le genre est en train de se délivrer de sa vocation première : narrer les débuts mythiques de la civilisation américaine et faire l'apologie de ses valeurs, ce dont des cinéastes comme Sergio Leone s'inspireront par la suite. En effet, "Vera Cruz" est d'une texture différente des films qui l'ont précédé, tant il est joyeusement immoral et subversif. Comme plus tard "Le Bon, la brute et le truand",  il repose sur le leitmotiv de la chasse au trésor, de l'appât du gain, des alliances provisoires et des inévitables trahisons, cela amplement rafraîchi par un solide humour et une interprétation pétaradante. Que dire du sourire sarcastique de Burt Lancaster et d'un Gary Cooper, à contre-emploi, du moins dans la première partie ? Que du bien, évidemment, car ils sont l'un et l'autre, épatants.

 


                        
Mené à bride abattue, l'action ne faiblit pas un instant, ne faisant nullement l'impasse sur une violence brutale, parfois teintée de sadisme - rappelons-nous la scène où le visage contracté par la haine, l'un des tueurs achève un adversaire désarmé -nourrie par les tons d'une photographie volontairement flamboyante, où les assauts et les débordements prennent place avec un relief particulier, grâce à un montage inhabituellement accéléré. Hors de tout académisme, "Vera Cruz" se place sous le signe de l'affrontement et du conflit et fait la part belle à l'anti-héros. Certes, celui-ci existait auparavant, mais c'était la première fois qu'on lui offrait une place aussi importante, celle de la cheville ouvrière, ce qui contribue à faire de ce film une oeuvre véritablement novatrice qui influencera le cinéma européen par l'universalité de ses thèmes, principalement ceux en rapport avec les valeurs individuelles et l'injustice sociale.

 

  

Pour lire mon article consacré à Gary Cooper et Burt Lancaster, cliquer sur leurs titres :

 

GARY COOPER - PORTRAIT         BURT LANCASTER - PORTRAIT  

  

Et pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer   ICI

 

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VERA CRUZ de ROBERT ALDRICH
VERA CRUZ de ROBERT ALDRICH
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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 10:21
LES AMOURS d'ASTREE ET DE CELADON d'ERIC ROHMER

           
Qui peut se vanter aujourd'hui d'avoir lu les cinq mille pages du grand roman d'Honoré d'Urfé (1567-1625) : L'Astrée ? Personne ou à peu près, sinon Eric Rohmer, cinéaste cultivé qui en a tiré un pur chef-d'oeuvre : Les Amours d'Astrée et de Céladon ( 2006 ), un film où il a pris soin d'éliminer les mille complications d'intrigues qui chez Urfé venaient sans cesse interrompre le fil conducteur. Redécouvrant l'Antiquité, le XVIe siècle, par la même occasion, redécouvrait la pastorale et ses bergers qui étaient le plus souvent des princes et princesses déguisés et ne pouvaient manquer de passionner les nombreux amateurs de dissertations galantes et d'analyses raffinées. Bref, sans L'Astrée, nous n'aurions eu ni les bergeries de Trianon, ni les Scudéry, ni La Fontaine qui raffolait du roman, ni Rousseau, ni Marie-Antoinette. Seul Diderot s'insurgea contre cette mode désuète des bergers doucereux, mais ce poète manquait de tendresse. Dans Les Amours d'Astrée et de Céladon, Rohmer a pleinement joué le jeu et accepté les conventions des bergers galants et des aimables pastourelles qui, il faut le souligner, devaient plus à la poésie et à la littérature qu'à l'élevage et à l'agriculture. On sent qu'il a pris plaisir à ressusciter ces fictions d'un autre âge et les conventions qui leur étaient affiliées. Comme Théocrite, il nous fait voir une nymphe aux cheveux d'or couvrant son visage et dans un entretien, il a tenu à préciser ceci :  Quand d'Urfé écrit que l'une de ses héroïnes dévoile un sein, je le suis à la lettre, sans en rajouter. Mais la nudité n'est pas proscrite chez d'Urfé, pas plus que dans la peinture du temps.



Autre parti pris de Rohmer : le respect des anachronismes d'Urfé. L'Astrée se passe au Ve siècle dans une Gaule païenne, à peine romanisée, mais les châteaux évoqués n'en sont pas moins ceux d'Henri IV. Le cinéaste se plie à cette convention et le premier instant de surprise passé, le spectateur admet cet anachronisme bien volontiers. Mais, plus que le décor, Rohmer s'est plu à filmer la nature, ses verts bocages, ses forêts profondes et ses bergers d'opéra et à promouvoir la langue française, cette langue d'alors, encore à son orée, avec ses archaïsmes et ses incertitudes. Grâce à quoi, on ne perd pas un mot du texte, ce qui est rare de nos jours.

                    


Au temps des druides, un berger du nom de Céladon et une bergère, la belle Astrée, s'aimaient d'amour tendre, mais ce sentiment partagé aiguisa la jalousie d'un prétendant qui mit à profit la naïveté de la jeune fille pour l'induire en erreur au sujet de son amoureux, si bien que celle-ci, horrifiée par ce qui venait de lui être révélé, congédia son galant qui, de désespoir, s'alla jeter dans une rivière. Mais la Providence veillait et il fut recueilli par des nymphes qui lui permettront de réapparaître aux yeux de sa belle à la condition de traverser une série d'épreuves qui auront pour objectif de briser le mauvais sort dont il était victime. Rohmer renoue ici avec les thèmes qui lui sont chers : ces jeux d'amours déclinés au travers d'une célébration panthéiste et bucolique à souhait.

                       


Le film baigne ainsi dans un climat féerique qui utilise au mieux les ressources de l'imagerie la plus lyrique, de même que la langue la plus poétique, ce qui est le grand mérite de ce cinéaste du verbe qui n'a pas son pareil pour le bien servir. Une fois encore, Rohmer a fait appel à des inconnus pour interpréter les personnages principaux ( Stéphanie de Crayencour et Andy Gillet ) et on ne peut que l'en féliciter, car ils sont excellents et d'une grâce si naturelle qu'il semble avoir été filmés par une caméra invisible. Aucun cabotinage de leur part, mais une élégance délicate, une fraîcheur dans l'attitude qui prolongent l'enchantement. On en conclura qu'un cinéaste gagne à être cultivé et qu'à une époque où la vulgarité s'étale sans pudeur, nous avons beaucoup à apprendre du passé. A cet égard  Les Amours d'Astrée et de Céladon se présentent comme une oeuvre à part, dont on ne peut que louer les beautés et qui a, entre autre mérite, celui d'être une source de réflexion sur la poésie et l'histoire, la littérature et le cinéma. 

 

Pour lire l'article consacré à Eric Rohmer, cliquer sur son titre :

 

ERIC ROHMER OU UN CINEMA DE LA PAROLE 

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, dont Les nuits de la pleine lune et Ma nuit chez Maud, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA FRANCAIS

 

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LES AMOURS d'ASTREE ET DE CELADON d'ERIC ROHMER
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21 novembre 2007 3 21 /11 /novembre /2007 11:58
GONG LI - PORTRAIT
GONG LI - PORTRAIT

                          

Gong Li est certainement la comédienne chinoise la plus connue et la plus magnétique, nimbée par la distance qu'elle sait imposer et le mystère qu'elle cultive autour de sa personne. Visage de madone, beauté classique et pure, elle a su séduire le public européen et a tourné à Hollywood alors même qu'elle ne maîtrisait qu'imparfaitement la langue anglaise. Née le 31 décembre 1965 à Shenyang dans le nord-est de la Chine, elle est la dernière d'une famille de cinq enfants. Ses parents sont professeurs et elle-même se destine à une carrière de chanteuse mais, ayant échoué au concours, elle entre à l'Académie d'art dramatique de Pékin et en sort diplômée en 1989. C'est alors qu'un jeune réalisateur, fasciné par sa beauté, l'engage pour un premier film et en fera bientôt sa compagne et sa muse : il se nomme Zhang Yimou et ils vont tourner ensemble Le Sorgho rouge ( 1987 ), qui obtint un Ours d'or à Berlin, Judou (1989), Epouses et Concubines (1991), Qiu Ju, une femme chinoise (1992), Vivre (1993) et Shanghai Triad (1995). Ils ouvrent une nouvelle ère pour le cinéma chinois, Zhang Yimoun étant l'un des premiers cinéastes de l'après Révolution Culturelle, surnommée la cinquième génération.

 

         
Yong Li profite alors de l'engouement mondial suscité par le cinéma asiatique pour asseoir sa réputation d'actrice qui sait incarner avec grâce et élégance la femme amoureuse mais tourmentée dans une Chine où la condition féminine n'est pas facile à assumer. Sa rupture d'avec Zhang Yimou en 1995 va coïncider avec un passage difficile de sa vie. Après son succès dans Adieu ma concubine de Chen Kaige, elle est évincée par l'arrivée de jeunes comédiennes comme Maggie Cheung, Michelle Yeoh et Zhang Ziyi. D'autant qu'elle va participer coup sur coup à deux films Chinese Box  de Wayne Wang et  L'empereur et l'assassin  de Chen Kaige qui ne recueilleront pas l'aval du public. C'est pour l'actrice un passage à vide de trois années où elle est reléguée au rang de "has been", actrice trop marquée par une époque désormais révolue et que le cinéma vérité de la sixième génération condamne peu à peu à n'être plus qu'une figurante de musée. On parle à son sujet de retraite et l'actrice n'a plus pour recours que de s'impliquer dans des causes humanitaires, des festivals ou de jouer les mannequins pour de grandes marques comme l'Oréal.

 

                                    

Mais cette femme intelligente, à la personnalité forte, va bien finir par rebondir. Après avoir interprété dans Eros le rôle d'une princesse déchue, d'une vamp vieillissante, Wong kar -Wai, enthousiasmé par son interprétation, la redemande pour jouer dans 2046  face à Tony Leung et Zang Ziyi. Mais Gong Li a quelque difficulté à s'adapter à ce nouveau cinéma car son jeu a toujours misé sur la pudeur, l'économie de geste, le mystère un peu froid et distant du regard. " Un roseau sauvage qui ne plie pas " - écrira-t-on à son sujet. Et il est vrai qu'elle est faite pour les drames humains, les tragédies historiques, les rôles impérieux, les amours torrides mais prudes. Elle semble si bien représenter les personnages de geishas, de concubines, de princesses, troublantes et inaccessibles. Elle sait également être hautaine et cruelle, en comédienne accomplie qui se montre à la hauteur de ses personnages et leur communique un indéniable pouvoir de fascination. Après un détour par Hollywood où elle ne réalisera d'ailleurs aucun film important, elle regagne la Chine et renoue avec son Pygmalion, le metteur en scène Zhang Yimou pour une sorte de souvenir automnal où elle apparaît plus majestueuse que jamais en impératrice de La Cité interdite. Quoi qu'il arrive dorénavant, qu'elle tourne encore ou s'éloigne peu à peu de l'écran, prise par ses activités diverses et nombreuses d'ambassadrice de l'Unesco ou de juré dans les festivals, elle reste l'une des  icônes les plus charismatiques du 7e Art.

 

 Pour consulter les articles des films où figure cette actrice, dont Adieu ma concubine, La cité interdite et Epouses et concubines, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA ASIATIQUE

 

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GONG LI - PORTRAIT
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20 novembre 2007 2 20 /11 /novembre /2007 11:05
ADIEU MA CONCUBINE de CHEN KAIGE

                   
Adieu ma concubine, le chef-d'oeuvre de Chen Kaige, date de 1992 et apparait comme un vibrant hommage à l'Opéra de Pékin. Grâce à ce film, Kaige présente au monde cet art typique de son pays, un art codifié où rien n'est laissé au hasard. Douzi et Shitou, qui se sont rencontrés enfants lors de leur rude apprentissage à l'école de l'Opéra, en sont les personnages principaux. Soutenue par des images majestueuses, leur histoire est fascinante et nous conte, à travers leurs deux destins, les bouleversements que la Chine subira au long d'un demi-siècle. Alors que, durant leur jeunesse, les amis vivaient au coeur d'une société qui prônait la discipline comme le seul moyen de surmonter les drames de l'existence et de s'en rendre maître, l'effort étant habituel, ils vont, par la suite, partager le sort de la population lors de la révolution culturelle et de l'émergence du communisme, qui se révèleront être la cause de leur propre déchéance et de celle de leur art. Cette évolution du système politique chinois est admirablement rendue, mieux que la relation ambiguë entre les personnages qui, parfois, est assez peu lisible et finit par le mariage de l'un et le suicide de l'autre qui ne peut surmonter sa douleur d'avoir été délaissé pour une femme.
                

Par ailleurs, l'apparition du nouvel ordre politique va entraîner l'inexorable disparition des vestiges de l'ancienne société et être la cause de débordements et de trahisons, ce que le cinéaste nous dépeint avec talent. Ce film fut évidemment censuré et interdit dans la Chine d'alors, avant que le succès international ne le rejoigne à Cannes, où il reçut la Palme d'or en 1993, ex-aequo avec une autre grand film dont je parlerai bientôt  La leçon de piano de Jane Campion. Au final, une oeuvre magnifique où se mêlent, dans une mise en scène grandiose, réalité et fiction, peinture de la Chine à travers cinquante ans de son histoire et amours conflictuels entre deux hommes et une femme. Ce long métrage a également pour mérite d'allier le souffle de l'épopée à l'intimité d'un drame humain et sentimental.
 

Leslie Cheung, acteur emblématique du cinéma asiatique, mort en 2003 à l'âge de 46 ans, domine l'opus et se montre absolument remarquable. On ne peut oublier son visage grimé où se lisent successivement douceur, tendresse, confiance, détresse,  résignation et désespoir. Bien que le rôle d'un travesti soit délicat à interpréter, l'acteur, chanteur et danseur, ne tombe jamais dans le piège d'en faire trop. Il joue sur la corde sensible de sa difficile identité avec finesse et intelligence, tandis que Gong Li maîtrise avec une merveilleuse féminité l'alternance de la séduction et de la révolte. Cette somptueuse réalisation  doit autant à la qualité de la mise en scène qu'à celle de l' interprétation.

 

Pour lire l'article consacré à Gong Li, cliquer sur son titre :     GONG LI - PORTRAIT  

 

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ADIEU MA CONCUBINE de CHEN KAIGE
ADIEU MA CONCUBINE de CHEN KAIGE
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17 novembre 2007 6 17 /11 /novembre /2007 09:53
JAMES STEWART - PORTRAIT

               

James Stewart, né à Indiana en Pennsylvanie, fait partie de cette génération d'acteurs qui a eu la chance de participer aux innovations les plus marquantes d'un art qui se trouvait alors en plein essor. Hollywood était, à cette époque, la Mecque du 7e Art, le creuset où fermentaient les talents les plus divers et se vivaient les expériences les plus enthousiasmantes. Ainsi a-t-il pu tourner avec les meilleurs : Frank Capra, George Cukor, Alfred Hitchcock, Ernst Lubitsch, Anthony Mann, Otto Preminger et les titres de ses films sont-ils autant de chapitres de l'histoire du cinéma. Avec modestie, cet acteur, qui était également diplômé d'architecture, général de brigade et poète à ses heures, disait : "Je suis James Stewart et je joue James Stewart. Je ne pourrais pas me risquer dans de grandes interprétations". C'est Joshua Logan qui le persuade de devenir comédien, alors qu'il est à l'Université. Suivant son conseil, le jeune homme rejoint les rangs d'une petite compagnie théâtrale dans laquelle se produisait déjà Henry Fonda. Quelque temps plus tard, ils partageront un appartement à New-York et resteront toute leur vie des amis proches.



En 1939, James Stewart quitte New-York pour Hollywood, signe un contrat avec la MGM et tourne dans son premier film :The Murder Man. Il enchaîne ensuite film sur film dont  Mr Smith goes to Washington de Frank Capra. Il y interprète un jeune sénateur naïf aux prises avec des politiciens véreux, un rôle qui contribuera à forger son image d'américain idéaliste. En 1940, The Philadelphia Story, où il est le partenaire de Katharine Hepburn et de Cary Grant lui vaut l'Oscar du meilleur acteur. La guerre interrompt sa carrière. Il s'engage comme simple soldat dans l'armée de l'air et effectue un nombre impressionnant de missions contre l'Allemagne, au point d'être promu colonel et décoré à plusieurs occasions. Plus tard dans l'armée de réserve, il continuera de gravir les échelons et prendra sa retraite comme général de brigade.



A son retour à la vie civile en 1946, il reprend le chemin des studios et tourne ce qui sera son film préféré : It's a wonderful life , toujours avec Frank Capra.  - " Capra était sans aucun doute le meilleur réalisateur que j'ai jamais connu - disait-il. Il avait un sens très sûr des vraies valeurs : la famille, les amis, la communauté, Dieu. Et avec son sens remarquable de l'humour, il était capable de mettre toutes ces valeurs dans ses films sans avoir jamais l'air de prêcher" -
C'est en 1948 que commence sa collaboration avec Hitchcock, dont il sera l'un des interprètes masculins préférés avec Cary Grant. Il réalisera avec lui quatre films : La Corde, Fenêtre sur cour, L'homme qui en savait trop et Sueurs froides ( Vertigo ).


                      

En 1978 dans The Shootist (Le dernier des géants) de Don Siegel, il tenait le rôle d'un médecin vieillissant annonçant à John Wayne qu'il n'en avait plus pour très longtemps à vivre. Ainsi ce film symbolisait-il la fin d'une époque qui avait été glorieuse pour le cinéma. Il mourut d'une embolie pulmonaire le 2 juillet 1997 à l'âge de 89 ans. Selon ses amis, sa santé n'avait cessé de se dégrader depuis la disparition de sa femme Gloria, avec laquelle il avait vécu plus de quatre décennies. Le président Clinton déclarera, lors de ses obsèques, que l'Amérique avait perdu un trésor national. C'est dire à quel point il était apprécié du public. Si certains ne le trouvaient pas assez fauve ou félin, plus fade que Clark Gable et que Cary Grant, il sut jouer avec finesse  les criminels repentis, les hommes qui avaient le souci de se réconcilier avec eux-mêmes, parce qu'ils cherchaient toujours une solution à l'inexplicable et tentaient de corriger les erreurs commises. " J'ai eu l'habitude de choisir des rôles de gars vulnérables, le mec qui fait des erreurs, celui qui ne peut pas se figurer toutes les conséquences de ses actes mais qui garde le contrôle". Il savait mieux que personne se faire aimer - disait John Ford, parce que les gens sentaient que c'était une personne parfaitement loyale. Il était tout le temps bon. Tout le monde l'aimait - ajoutait-il.



Quant à Nicolas Saada, voici ce qu'il écrivait dans Le Cahier du Cinéma n° 470 :

" Dans chaque film, James Stewart compose un personnage presque identique : témoin passif de la violence des hommes qui, dégoûté, est tout de même conduit à y prendre part. Il y a du Fritz Lang dans cette problématique. James Stewart l'a exprimé avec une conviction et un talent qui trouveront plus tard un écho dans les films d'Alfred Hitchcock. Mais l'acteur n'aurait peut-être pas atteint la maturité de "Sueurs froides" sans cet admirable travail sur l'angoisse et la cassure qui caractérise ses rôles dans les westerns d'Anthony Mann. Je pense à la séquence finale de "L'appât" où Stewart traîne le cadavre de Robert Ryan comme un sac, en hurlant pour essayer de justifier son comportement. Il y a d'autres moments forts : dans "Les Affameurs", Stewart de retour en ville pour comprendre pourquoi on ne lui a pas livré la nourriture que les colons attendent, retrouve Arthur Kennedy dans les bras de la fille du chef de convoi. Suit alors un regard plein d'amertume qui en dit long sur le personnage. Il n'y avait qu'Anthony Mann pour faire de ce héros, l'espace d'un plan très court, un homme frustré et blessé..."


Pour lire les critiques des  films de James Stewart dont "Fenêtre sur cour", "Sueurs froides",  "L'appât",
 "L'homme qui tua Liberty Valance",  "La flèche brisée", cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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JAMES STEWART - PORTRAIT
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15 novembre 2007 4 15 /11 /novembre /2007 10:31
L'APPAT d' ANTHONY MANN

                
Contrairement à Winchester 73 et aux Affameurs, L'appât  (The Naked Spur) ne bénéficie pas d'un scénario écrit par Borden Chase. Le superbe pittoresque des deux films précédents, qui accordaient à la nature une place essentielle - Mann disait : " que la vie de la nature le passionnait autant que les actions de ses personnages " - laisse ici la place à une atmosphère plus inquiétante et plus cynique. Les personnages évoluent dans un contexte particulièrement réaliste. James Stewart - dont la collaboration avec Anthony Mann,  ils tourneront 8 films ensemble, sera l'une des plus fructueuses du cinéma - campe un héros qui ne vit que pour la récompense de 5000 dollars qui est sensée gratifier celui qui capturera Ben. Ainsi apparaît-il en homme cupide, prêt à transgresser les lois élémentaires de la morale pour parvenir à ses fins. Autre personnage, Roy Anderson (Ralph Meeker), ancien militaire, un opportuniste qui n'hésitera pas à exploiter toutes les occasions, femmes, escroqueries, primes ou tricheries, afin de satisfaire ses appétits. Moins négatif, Jesse Tate (Millard Mitchell) symbolise l'éternel vieux prospecteur à l'affût du moindre ragot qui le mettra sur la piste d'un bon coup à réaliser. Quant à Ben (Robert Ryan), son seul souci est d'échapper à Howard et de disparaître de son champ de tir. Seule la douce et belle Lina, incarnée magnifiquement par Janet Leigh,  insufflera une petite dose de tendresse et de sensibilité dans ce monde de brutes. C'est elle qui provoquera le retournement final de Howard Kemp, car voici l'histoire : Nous sommes en 1868, la tête de Ben van der Groat vient d'être mise à prix et Howard Kemp, un homme sans scrupule, espère bien qu'il parviendra à toucher la prime de 5000 dollars qui est offerte à celui qui s'emparera du fugitif. Pour cela, il s'assure l'aide de Jesse Tate, un indic patenté et de Roy Anderson dont la moralité n'est pas exemplaire. Les trois compagnons parviennent à arrêter Ben qui se trouvait en compagnie de son amie Lina Patch. Mais au cours du trajet, Howard s'éprend de Lina, alors que Ben essaie d'opposer Jesse et Roy, jouant sur la soif de l'or du premier et sur l'appât de la prime qui focalise l'énergie du second. Le petit groupe est également obligé de faire face à une attaque d'Indiens, si bien que Ben profite de la situation pour s'enfuir, non sans avoir pris soin d'abattre le vieux prospecteur. Aussitôt Howard et Roy se lancent à sa poursuite et finissent par le retrouver et le tuer. Mais le corps déséquilibré tombe dans un torrent et, en voulant le récupérer, Roy est pris dans le courant et se noie. Resté seul avec Lina, Howard décide de renoncer à la prime et de partir vivre avec elle.

 

Interrogé sur les origines du film, Anthony Mann déclarera : " Nous étions dans une région magnifique, Durango, et tout se prêtait à l'improvisation. Je n'ai jamais compris pourquoi on tournait la quasi totalité des westers dans des paysages désertiques ! John Ford, par exemple, adore Monument Valley : mais Monument Valley, que je connais très bien, n'est pas tout l'Ouest ! En fait, le désert ne représente qu'une portion de l'Ouest américain. J'ai voulu montrer la montagne et les torrents, les sous-bois et les cimes neigeuses, bref retrouver tout un climat " Daniel Boone " : les personnages en sortent grandis. En ce sens, le tournage de The Naked Spur m'a donné de réelles satisfactions. Le piton rocheux sur lequel ont été tournées les dernières séquences s'appelle effectivement The Naked Spur. Je me suis dit : " un éperon doit être l'arme décisive qui ponctuera le drame". C'est là toute l'origine du combat final entre James Stewart et Robert Ryan ! "  ( entretien avec J.Claude Missiaen - Cahiers du cinéma n° 190 - mai 1967 )



Comme je l'écrivais au début de cet article, le cinéaste a toujours donné la part belle aux spectacles de la nature et L'appât, l'un de ses plus beaux westerns, est une oeuvre lyrique où les paysages prennent une importance considérable et participent pleinement à la composition du film, tandis que l'attrait pour les 5000 dollars dicte la conduite des héros et contribue à créer les tensions psychologiques qui vont peu à peu s'intensifier entre les cinq personnages. A l'issue du voyage, les masques tomberont et un happy-end sera au rendez-vous, ce qui est regrettable, car cette conclusion ne correspond ni à la rudesse du récit, ni au tempérament du protagoniste, laissant le spectateur sur une impression douceâtre à laquelle il n'était pas préparé. Oeuvre rigoureuse et dramatique par ailleurs, le film a la beauté d'une épure et, une fois encore, James Stewart y compose un personnage blessé et ambigu, durci dans son avidité, au côté d'une Janet Leigh touchante de charme et de féminité. Parmi les 11 westerns qui illustrent de façon éloquente la carrière d'Anthony Mann, il ne faut pas oublier de citer L'homme de la plaine et L'homme de l'Ouest avec Gary Cooper qui, déjà, préfigure la dérision cruelle du western italien.  Du moins la grande époque du réalisateur l'a-t-elle désigné comme un des maîtres incontesté du genre, loué pour son sens de l'espace, son regard lucide et réaliste et sa générosité désenchantée. Ses films furent une réflexion sur la violence, la vengeance, la vieillesse, magnifiés par des paysages somptueux et des rapports humains d'une gravité inattendue, avant que leur auteur ne s'embourbe avec élégance dans la superproduction de La Ruée vers l'Ouest et des Héros de Télémark

 

Vous pouvez consulter l'article consacré à James Stewart, en cliquant    ICI

 

Et pour prendre connaissance des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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13 novembre 2007 2 13 /11 /novembre /2007 09:38
M LE MAUDIT DE FRITZ LANG

              
M le maudit est un film étrange, lancinant comme l'air que Peter Lorre siffle en permanence, oppressant, noir et pessimiste, dont on ne sort pas indemne tellement les tensions y sont lourdes, le climat angoissant. Premier film parlant d'un cinéaste surdoué, il est à la fois un policier avec son atmosphère nocturne, son ambiance plombée, ses personnages sordides, mais également un film social et historique qui décrit, sans complaisance, l'Allemagne des années 30 avec les éléments qui favorisèrent alors la montée du nazisme : la pauvreté, le crime organisé et l'impuissance des autorités en place. A travers ce meurtrier pitoyable, Fritz Lang pointe du doigt une société à la dérive qui se laisse terroriser et cède trop vite à la psychose, image effrayante d'une nation sur le point d'accomplir l'irréparable. Pègre et police vont se lancer aux trousses de ce tueur de petites filles qui affole la population, non ensemble, mais de façon parallèle, chacune avec ses méthodes particulières, le gouvernement et les forces naissantes du nazisme se livrant l'un et l'autre à un combat sans merci pour que le meurtrier soit jugé selon ses lois.



Ce film invite naturellement à la réflexion sur l'inquiétante cohabitation qui existe chez un individu entre ses pulsions sexuelles et sadiques et ce qui reste d'humain en lui ; de même qu'il nous propose de méditer sur cette forme de cohabitation tout aussi contre nature qui s'installe insidieusement sur le plan national entre deux systèmes à ce point antinomiques. Ainsi Lang nous plonge-t-il au coeur d'un drame sombre qui pose la question du bien et du mal avec une insistante lucidité, l'illustrant par le spectacle de deux dérives : celle inexorable d'un régime compromis et celle d'un être devenu la proie des forces incontrôlées qui le dépassent.
 


" L'art doit être critique - disait le metteur en scène - c'est sa fonction et sa raison d'être. Il y a dans ce monde beaucoup de choses qui doivent être critiquées. On ne peut pas proposer de solution, mais je crois qu'il faut sans cesse combattre le mal sous toutes ses formes. Il faut combattre même lorsque l'issue du combat est incertaine". Et comment prévenir le mal, interrogeait-il, sinon en le montrant ... M le maudit  - expliquera-t-il encore -  "a pour mission de donner à propos d'événements réels un avertissement, un éclaircissement, et d'avoir en définitive une action préventive"


Dans la période de crise profonde que traversait l'Allemagne, le développement de ces formes extrêmes de criminalité, que sont les meurtres en série ou les infanticides, ne pouvait manquer d'avoir un impact considérable sur la société. Ce souci d'efficacité se conjugue avec une exigence d'ordre éthique. Lorsque Fritz Lang montre ces crimes, il évite de flatter les penchants du public pour les scènes de violence et ce qu'il appelle "les détails croustillants". Dans M le maudit, évoquant une affaire particulièrement horrible, il parvient à éviter toute scène de brutalité. Le seul acte violent n'est pas commis par l'assassin mais par la pègre au moment où elle torture le gardien d'immeuble, mais le réalisateur veillera à ce que des corps fassent écran.

 


Dans le rôle de M, Peter Lorre est prodigieux et restera marqué à jamais par ce personnage qu'il assume avec un réalisme saisissant. Cet opus a pour autre mérite d'être servi par un scénario d'une parfaite cohésion ( inspiré d'un fait divers ), une mise en scène puissante et sans faille et de se dérouler dans un espace clos, obscur comme un tombeau. Comme Antigone, qui portait le poids de l'ancestrale malédiction, c'est lorsqu'il entre dans cet entre-deux-morts que le héros M va pousser une plainte déchirante et se mettre à parler, monologue qui mérite de figurer parmi les pages les plus hautes du 7e Art. La caméra, faisant alors volte-face, se tourne vers le public : les citoyens ou les spectateurs ? Car l'assassin est-il l'accusé ou l'accusateur ? Cette scène laisse, à coup sûr, une empreinte indélébile dans la mémoire. C'est le propre des chefs-d'oeuvre, il est vrai. Mais celui-ci produit un choc rare. Il n'est pas si courant qu'un film atteigne sa cible à ce point et vous hante aussi longtemps, car le spectateur, qu'on le veuille ou non, devient juge et partie...


 

Tourné en 1931, M le maudit compte parmi les quatorze films que le metteur en scène, juif autrichien, réalisa pendant sa période allemande. Il fut tourné pour l'essentiel dans les studios Staaken, un hangar où furent construits plus d'une trentaine de décors. Dans l'usine déserte, les criminels associés aux mendiants improvisent un tribunal pour juger le meurtrier Hans Beckert, après avoir fait irruption dans le bâtiment où le fugitif avait trouvé refuge. Le contraste est plus que terrifiant entre le criminel devenu victime et la masse immobile et compacte de ses juges improvisés. Innocent ou coupable, le héros langien est un homme traqué dans une atmosphère de claustrophobie et d'asphyxie. Le choix d'un lieu unique, clos, pour la mise à mort accentue l'image du piège dont on ne réchappe pas. Pendant le procès que la pègre lui intente, Beckert, plongé dans son propre inconscient, se livre à une surprenante autoanalyse où se révèle les divisions de son moi. Lang approfondit ici sa réflexion sur le thème du double qui hantait l'Allemagne depuis le romantisme. Au coeur de l'homme est tapie une bête qu'il ne peut contrôler.  Explicitant ses intentions à propos de son film, Fritz Lang écrivait  : 

 

" Le film a une mission qui dépasse de beaucoup celle de reproduction artistique des événements : la mission de donner au sujet d'événements réels un avertissement, un éclaircissement et d'avoir en définitive une action préventive. Rendre visibles, dans leur début, dans le quotidien et la banalité de leur première apparition, les dangers qui, en raison d'un accroissement constant de la criminalité, deviennent une menace et malheureusement trop souvent une catastrophe pour la collectivité. (...) Bien entendu la reproduction artistique d'une telle affaire criminelle rend nécessaire, non seulement l'accumulation de documents, mais aussi le choix minutieux de détails typiques et la caractérisation de l'assassin. Ainsi le film doit-il à certains instants faire l'effet d'un projecteur lumineux qui indique avec un maximum de précision ce sur quoi son cercle de lumière vient de se diriger : le grotesque de la psychose criminelle primitive par laquelle un assassin inconnu peut devenir un danger fatal à chaque enfant dans la rue..."

 

La pulsion de mort et l'instinct sexuel sont donc au centre du récit. L'auteur y dissèque la psychose de son assassin, un schizophrène soumis à une impulsion pathologique. Les objets qui avaient valeur symbolique dans ses films muets deviennent ici des signes. M le maudit n'est pas seulement le film le plus célèbre et le plus unanimement admiré de Fritz Lang, il marque aussi un tournant dans son oeuvre. Pour la première fois, de son propre aveu, le cinéaste s'intéresse avant tout aux êtres humains dans leur spécificité, aux raisons de leurs actes dont le réalisme accru s'accorde parfaitement à ses préoccupations personnelles. Incontestablement son oeuvre majeure.

 

Pour lire l'article que j'ai consacré à Fritz Lang, cliquer sur son titre : 
 


 FRITZ LANG, UN CINEMA DU DESENCHANTEMENT

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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10 novembre 2007 6 10 /11 /novembre /2007 11:09
AMADEUS DE MILOS FORMAN

            

La grande réussite du film de Milos Forman  "Amadeus" réside dans le face à face entre Mozart le surdoué et Salieri le besogneux. Cette dualité de sentiment qu'éprouve Salieri (1750-1825), partagé entre admiration et jalousie à l'endroit de son confrère, nous met en présence du drame quotidien d'un génie qui, trop en avance sur son temps, ne recueille - de son vivant - qu'indifférence et incompréhension. Ce film n'est pas une biographie en soi, même si la plupart des faits sont exacts, mais il est le regard qu'un connaisseur - en l'occurrence Salieri - pose sur un musicien d'exception. Se référant à une légende entretenue par Pouchkine et Rimski-Korsakov selon laquelle Salieri aurait empoisonné le jeune génie, ce qui est impossible puisque nous savons que Mozart a succombé à une pneumonie, le metteur en scène a élargi son propos pour nous montrer la rivalité entre les deux hommes. En effet, si l'on se place dans l'orbite particulière de Salieri, celui-ci se considérait comme trahi par Dieu qui avait préféré offrir à Mozart, plutôt qu'à lui, un talent incomparable et quasi divin, alors qu'il estimait qu'un tel don aurait du lui revenir en priorité. Le point culminant du film est la scène finale lorsque Mozart dicte à Salieri les notes de son requiem tant sa faiblesse est grande. Ce dernier découvre, en l'écrivant, la perfection absolue de la composition, perfection à laquelle il a aspiré en vain, puisque c'est son jeune confrère qui se montre en mesure de la concevoir.


                      

Grâce à ce film baroque et néanmoins grave, le metteur en scène a eu le mérite de rendre compréhensible et accessible le phénomène de la création et de nous transporter dans l'univers de la musique de façon inhabituelle et fascinante. Mérite auquel il nous faut ajouter celui supplémentaire de nous montrer un Mozart non point figé et idéalisé tel que le veut sa légende, mais un être de chair et de sang dont la trajectoire fulgurante est aussi incroyable et bouleversante sur le plan humain. Si certaines scènes choquèrent quelques inconditionnels d'un Mozart coulé dans le marbre de la postérité, il a ému la majorité des spectateurs et fut couronné par 8 Oscars. Aujourd'hui le temps a donné raison aux audaces du metteur en scène et "Amadeus" demeure un film incontournable pour tout amateur de cinéma et de musique.

 

 Pour lire l'article que j'ai consacré à "MOZART A L'HEURE DU REQUIEM" cliquer    LA


                                             
Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

 

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AMADEUS DE MILOS FORMAN
AMADEUS DE MILOS FORMAN
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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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