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12 juillet 2007 4 12 /07 /juillet /2007 08:16
INDOCHINE de REGIS WARGNIER

               

Une plantation de caoutchouc en Indochine dans les années trente. Sa direction est entre les mains d'Eliane Devries (Catherine Deneuve), une femme mûre aux idées libérales, menant de main de maître sa plantation d'hévéas, autoritaire et forte, cassante mais blessée et qui, pour toutes sortes de raisons, a choisi de rester célibataire. Son existence, déjà très perturbée par la montée du nationalisme, va être bouleversée par l'arrivée d'un officier Jean-Baptiste Le Guen (Vincent Perez), dont elle tombe amoureuse, ainsi que Camille sa fille adoptive, une petite princesse annamite. Camille (Linh Dan Phan)  va s'enfuir avec lui, traverser le pays en proie à la guerre civile et accoucher d'un bébé dans des conditions difficiles. L'enfant sera récupéré par l'armée française et confié à Eliane, tandis que sa mère opte pour la lutte clandestine. Dix-huit ans plus tard, à Genève, siège de la conférence de la paix, Eliane raconte cette histoire à l'enfant eurasien qui a grandi. Sa mère fait partie de la délégation vietnamienne mais il ne la rencontrera pas.
 


Cette vaste fresque, couvrant plus de vingt ans de l'histoire coloniale de 1930 aux accords de Genève, à travers les destinées d'une poignée de personnages pris dans la tourmente d'un pays déchiré, est certainement le film le plus accompli qui ait été tourné sur le sujet dans les limites de l'imagerie, car il y eut, entre autres, celui très documenté sur le corps expéditionnaire français au Viêt-nam La 317e Section de Pierre Schoendoerffer. La cheville ouvrière de l'entreprise a été le coscénariste Erik Orsenna, prix Goncourt 1988 pour son roman L'exposition coloniale, auquel le producteur Eric Heumann souhaitait tout d'abord confier les rênes de la réalisation du film, mais qui échurent au metteur en scène Régis Wargnier, déjà connu pour deux bons mélodrames, La femme de ma vie et Je suis le seigneur du château.

 

 Avec Indochine , qui date de 1992, le réalisateur va accompagner le narratif de l'écrivain - fasciné par le côté impérial de la civilisation indochinoise - de l'omniprésence des admirables paysages de l'Extrême-Orient, depuis l'île du Dragon à la baie d'Along, qui servent de toile de fond grandiose à cette histoire de violence et de passion, comme le cinéma français en compte finalement assez peu - l'équivalent pour la guerre d'Indochine à ce que fut, pour la guerre de Sécession,  Autant en emporte le vent , toutes proportions gardées.



Orsenna, sympathisant modéré de la cause révolutionnaire qui a écrit le scénario en participation avec Louis Gardel et Catherine Cohen, a voulu rendre hommage au courage d'un peuple humilié en cadrant ce récit autour d'un personnage phare, celui interprété par Catherine Deneuve dans le rôle en or de la femme colon attachée à sa terre. Autour d'elle, figure de proue tutélaire, tourne la ronde des amours contrariés, des conflits raciaux, des trafics d'influence, des guet-apens successifs, des trahisons et des fidélités, monde grouillant que domine également le personnage truculent d'Asselin pour qui seul le profit compte et que campe admirablement le regretté Jean Yanne. Un roman-fleuve exotique, aux partis pris affichés, soit !  mais qui charrie quelques belles pépites. D'ailleurs le public lui fit un accueil triomphal, concrétisé par l'Oscar du meilleur film étranger en 1993 et par cinq Césars la même année. Catherine Deneuve dans le rôle d'Eliane Devries, auquel elle sut prêter une grande autorité, fut nominée pour celui de la meilleure actrice à Hollywood. N'oublions pas Dominique Blanc, merveilleuse actrice qui n'a ici qu'un second rôle, celui d'Yvette, et la touchante Linh Dan Phan en princesse annamite.

 

Pour lire l'article consacré à Catherine Deneuve, cliquer sur son titre :   

 

CATHERINE DENEUVE - PORTRAIT

 

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9 juillet 2007 1 09 /07 /juillet /2007 15:26
VAN GOGH de MAURICE PIALAT

                        

Maurice Pialat, né en 1925, rêvait depuis de longues années de tourner une vie de Vincent Van Gogh, ce qui avait été fait bien des fois avant lui, mais d'une façon qui ne semblait pas correspondre à la vision personnelle qu'il avait du peintre. Ancien élève des Arts décoratifs, peintre à ses heures (c'est sa main qui double celle de Jacques Dutronc dans le film), Pialat réalise enfin son projet en 1991, en adoptant la voie qui lui sied le mieux : celle du dépouillement et de la rigueur, à l'égard d'un personnage qui disait " chercher quelque chose de paisible et de plaisant, réaliste et pourtant peint avec émotion, quelque chose de bref, de synthétique, de simplifié et de concentré, consolant comme une musique". 

 

Le cinéaste relate dans son film les derniers jours de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, où il est recueilli par le docteur Paul Gachet, à qui l'a recommandé son frère Théo. Il a alors 37 ans et mène une existence misérable qui a durement endommagé sa santé. Son tempérament ardent l'a toujours entraîné à fréquenter les prostituées, à boire plus qu'il ne faudrait en compagnie de pochards, à tenir tête à son frère, si dévoué et admirable, au seul prétexte qu'il était trop bourgeois à son gré. Il va même trouver le moyen d'embarquer dans cette débauche la fille de son hôte, la jeune et jolie Marguerite (Alexandra London). Mais malgré son goût des filles, de la boisson, cet être en perdition n'a qu'une seule vraie passion : la peinture. Il s'y consume dans la lumière  poudrée de l'Ile-de-France, jusqu'à ce qu'un jour de juillet 1890, au comble du désespoir, il se tire une balle dans le ventre.



Pour le centième anniversaire de cette mort tragique, on comprend qu'un cinéaste comme Pialat ait eu envie, en 1990, de nous redire l'homme plus encore que le génie dans ses doutes et sa misère, ceux d'un créateur pris au piège de sa création, d'un amoureux de la lumière aux prises avec ses ténèbres intérieures et d'un pragmatique en peine de son rêve. Car, certes, Van Gogh, vu par Pialat, n'est guère conforme à sa légende. Refusant l'hagiographie, le réalisateur opte pour le portrait d'un artiste à la dérive, d'une tête brûlée qui n'est pas sans similitude avec lui-même. Le peintre refoulé, qu'il est, se retrouve volontiers en cet homme qui croit davantage en la peinture qu'en son talent, qui ne cesse de se heurter aux obligations de la vie, qui ne s'aime pas davantage qu'il n'aime les autres et semble résumer en son seul destin les ambiguïtés et les tragédies de tout créateur. Si bien qu'à travers ce film, Pialat se raconte un peu. N'est-il pas comme son héros un marginal, un révolté, un incompris? Ce qui le captive au premier chef, "est l'éternel combat entre la force de la vie, irruptive, désordonnée, incontrôlable, et la tentation du doute, de l'abandon, de la déchéance" - écrira Serge Toubiana à propos de ce Van Gogh de Pialat. Convergence de vue frappante, si l'on se souvient de la conception du 7e Art que Pialat résumait ainsi : "  Il n'y a de réalisme que celui du moment où l'on tourne. Il faut s'approcher le plus près possible de la vérité de l'instant, faite de sentiments très simples. Pour moi, c'est cela la musique d'un film". Ce qui fait l'intérêt particulier de ce long métrage est qu'il ne se contente pas d'être une évocation plus ou moins exacte de la vie du peintre, mais se présente comme une interprétation, par un artiste, du mystère qui entoure la création d'un autre artiste dont il se sent proche à maints égards.

 

Heureusement quelques scènes réjouissantes viennent égayer cette oeuvre sombre et bouleversante, marquée du sceau de la fatalité - par exemple, l'imitation hilarante de Lautrec par Van Gogh, ou une flânerie dans une guinguette au bord de l'Oise, ou encore un quadrille dans un beuglant. Cette leçon des ténèbres vous prend à la gorge, d'autant que le choix de l'acteur-chanteur Jacques Dutronc pour tenir le rôle de Van Gogh se révèle particulièrement judicieuse. Ce dernier donne au peintre maudit une force, une vérité à couper le souffle. Il est Vincent comme aucun autre acteur ne l'avait été avant lui, le visage creusé, l'air hagard, puis éclatant brusquement dans une gaieté enfantine qui exprime tellement bien, tour à tour, sa part de robustesse et sa part de fragilité ; Pialat nous redessinant de sa caméra-pinceau le visage tourmenté de l'artiste, au point que son image nous hante bien des heures après la projection. Un film dur, âpre, comme le cinéaste les aimait, un film qui laisse longtemps une trace dans la mémoire.

 


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VAN GOGH de MAURICE PIALAT
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5 juillet 2007 4 05 /07 /juillet /2007 09:42
RAISONS d'ETAT de ROBERT DE NIRO

 

Etudiant à l'Université de Yale en 1939 et issu d'un milieu privilégié, Edward Wilson est recruté pour travailler au sein de l'OSS, l'Office of Strategic Services durant la Seconde Guerre mondiale. Cette nomination va changer le cours de l'Histoire car Wilson et plusieurs de ses collègues vont créer l'agence la plus puissante du monde, la CIA, soit la Central Intelligence Agency. Pour s'initier à ce monde très fermé, l'acteur et cinéaste Robert de Niro s'est adjoint le concours d'un vétéran de la CIA, Milt Bearden qui fut 30 ans au service de la célèbre Society américaine. En sa compagnie, le réalisateur s'est immergé dans le monde du renseignement et a chargé Eric Roth de rédiger le scénario d'un film consacré à décrire cette période trouble qui se situe entre la seconde guerre et le désastre de la Baie des Cochons (1961). L' affrontement Est-Ouest, le KGB, la CIA sont les thèmes passionnants qui nous plongent dans la paranoïa de la guerre froide. Imposant ses propres méthodes, Wilson, interprété par Matt Damon, impressionnant de sobriété, devient l'un des piliers de l'Agence, tout en combattant son homologue du KGB dans un jeu d'échecs redoutable et planétaire.



Avec ce film  "Raisons d'Etat", Robert de Niro signe son retour derrière la caméra après treize années d'absence où il s'est consacré à son métier d'acteur. Il est vrai que depuis "Il était une fois le Bronx" ((1993), il cherchait un sujet qui concerne l'époque de la guerre froide durant laquelle il avait grandi. C'est avec le scénariste de "Forrest Gump", qu'il souhaitait travailler et celui-ci eut la bonne idée de s'emballer pour le projet et d'en écrire le synopsis. De Niro avoue volontiers qu'il a toujours été passionné par les mondes souterrains, les histoires d'espionnage et tout ce qui s'y rapporte. "Et lorsque j'ai vu d'autres films sur le sujet - poursuit-il - à part ceux inspirés par John Le Carré, je suis toujours resté sur ma faim. C'était de bons films mais ils n'étaient pas assez réalistes à mon goût." Voilà pourquoi De Niro s'est lancé, pour la seconde fois, dans l'aventure de la mise en scène et de la réalisation avec ce film palpitant qui dresse le portrait de l'Amérique de l'entre-deux-guerres au plus fort de la guerre froide, à travers l'essor de ses services secrets et de la toute puissante CIA.

                         

Le cinéaste signe ici une oeuvre ambitieuse et implacable où il s'est donné pour rôle celui du général Sullivan qui, à l'écran, incarne le père fondateur des services secrets américains. "Ce n'est pas parce que j'aime particulièrement me diriger, mais mon salaire d'acteur m'a permis de renflouer les caisses !" - a-t-il confié aux journalistes. Ajoutant qu'il aspirait à réaliser deux autres films qui se dérouleront de 1961 à 1989 avec la chute du Mur de Berlin et de 1989 à nos jours. Il semble donc que De Niro ait pris goût à ce nouvel emploi de metteur en scène et qu'il se focalise désormais sur des personnages comme celui d'Edward Wilson, un homme déterminé à se forger un destin, serait-ce au prix d'y perdre son âme et d'y sacrifier son mariage avec une belle héritière, superbement jouée par Angelina Jolie. Car la réussite du film réside également dans le casting qui voit se bousculer les seconds rôles prestigieux, de William Hurt à John Turturro en passant par De Niro et son vieux complice Joe Pesci. Malgré sa durée - deux heures quarante-cinq -, cette saga politico-économique de haute volée s'avère captivante de bout en bout.

 

Pour prendre connaissance de l'article consacré à Robert de Niro, cliquer sur son titre :

  

ROBERT de NIRO - PORTRAIT

  

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RAISONS d'ETAT de ROBERT DE NIRO
RAISONS d'ETAT de ROBERT DE NIRO
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4 juillet 2007 3 04 /07 /juillet /2007 11:20
TOUS LES MATINS DU MONDE d'ALAIN CORNEAU

                                                                                                                   

Marin Marais, compositeur en vogue à la cour de Louis XIV, se souvient de son vieux maître, Monsieur de Sainte Colombe virtuose de la viole de gambe, auquel il doit sa science de l'archet. Soucieux de perfection jusqu'à tout lui sacrifier, Sainte Colombe a mené une existence ascétique et élevé ses deux filles, surtout après la disparition de leur mère, selon des préceptes sévères. Dans ce film Tous les matins du monde, tiré du roman éponyme de Pascal Quignard, le cinéaste nous raconte la vie de ce dernier qui, retiré du monde,  ne semble plus trouver de consolation que dans la musique. A cette fin, il s'isole dans une cabane forestière afin de s'adonner au plaisir de la composition et joue des heures durant, éconduisant les importuns qui risqueraient de troubler sa sombre rêverie. Marin Marais sera le seul à parvenir à cette prouesse : franchir le seuil de la cabane et se faire accepter, allant même jusqu'à séduire l'une des deux filles, Madeleine (Anne Brochet), qui deviendra sa maîtresse, de façon à percer plus complètement les secrets de la science instrumentale de l'ermite. Puis il s'en retournera à Versailles connaître le succès, abandonnant sa jeune amante, qui se suicidera de désespoir. C'est alors que, frappé à son tour par le chagrin, comme l'avait été son vieux maître par la mort de sa femme, il parviendra à tirer de son archet les notes en mesure de le faite accéder à la notoriété.

 

         VIOLE

 

Le choix fait par Alain Corneau d'une fiction historique retraçant les parcours très différents, voire opposés, de deux compositeurs du XVIIe siècle avait de quoi étonner. Comment ce spécialiste du film noir allait-il s'y prendre pour évoquer l'art de la viole à l'époque de Lully et de Couperin et, ce, dans une forme volontairement sobre, à l'encontre de son style habituel ? Gageure superbement tenue par cet amateur de musique qui n'a nullement reculé devant les difficultés et réalisé un film d'une mélancolique beauté, riche en clairs obscurs qui ne sont pas sans rappeler les toiles de l'école flamande.



Selon Corneau, la musique baroque, par son rejet du sentimentalisme, sa liberté de composition, sa parenté avec l'éthique janséniste, témoigne d'une inventivité et d'une profondeur qui valaient bien ce détour. La présence de la musique donne son unité à l'oeuvre : elle est la pierre angulaire sur laquelle elle s'édifie et elle est l'âme du film. Rien à voir avec le foisonnement romanesque de l'Amadeus de Milos Forman ; nous sommes là dans un dépouillement plus proche d'un Jean-Marie Straub ou d'un Carl Dreyer. S'y ajoute l'ambiguïté des rapports d'un vieux misanthrope puritain (admirablement interprété par Jean-Pierre Marielle) et de son turbulent épigone. Ce dernier a pris les traits de Guillaume Depardieu, qui possède, semble-t-il, un vrai tempérament d'acteur et exprime clairement le fossé creusé par les générations, dont l'une est encore  tournée vers le passé et l'autre impétueusement orientée vers une modernité qui annonce le siècle des Lumières. 



Le récit est scandé par la voix off de Gérard Depardieu, sensé être Marin Marais en son âge mûr, précédant les images qui illustrent les évocations successives de la vie de Sainte Colombe. Le jeu de ces deux musiciens est également très dissemblable. Alors que celui du vieux maître est douloureux, émouvant, noyé de larmes, celui du jeune homme est rapide, enjoué, étincelant, comme s'il quêtait l'approbation d'un auditoire qu'il entendait tenir sous son charme. Il est vrai que pour le benjamin, l'instrument n'est autre que le moyen d'obtenir une revanche sur le sort qui lui a fait perdre sa voix de baryton et que pour le grand aîné, elle est une consolation aux épreuves de la vie, un apaisement aux douleurs engendrées par l'absente ... Par ailleurs, le film sait dissocier l'immobilisme du maître aux mouvements et à l'animation constante et parfois brouillonne du disciple ; de même qu'il oppose l'austérité des vêtements de l'un à l'éblouissant chatoiement de ceux de l'autre. Tout est dit dans ces infimes détails qui composent une atmosphère propice au déroulement lent et grave du film : approche de la genèse de la musique, des affres de la composition et du génie des artiste aux prises avec eux-mêmes.  Tel Orphée, ne font-ils pas renaître, à l'aurore de chaque nouveau matin du monde, ce qui ne s'était que momentanément enseveli dans la nuit : les amours perdus, les oeuvres inachevées.

 

Pour lire l'article consacré à Alain Corneau, cliquer sur son titre :   ALAIN CORNEAU

 

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TOUS LES MATINS DU MONDE d'ALAIN CORNEAU
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23 juin 2007 6 23 /06 /juin /2007 08:41
LADY CHATTERLEY de PASCALE FERRAN

                      
Je n'avais pas vu la version cinématographique couronnée par le César du Meilleur film en février 2007, ainsi que celui de la meilleure interprétation féminine pour la charmante et lumineuse Marina Hands, aussi ce fut une vraie découverte d'assister, sur Arte, à la projection de la version télévisée plus longue de cette Lady Chatterley et l'homme des bois en deux épisodes de 1h40 chacun.  C'est bien entendu la même histoire, mais plus ample, plus détaillée, plus fidèle aussi au roman que David Herbert Lawrence rédigea en 1927, moins de trois ans avant sa mort. Par ailleurs, cette version longue nous permet d'entrer davantage dans les méandres de la pensée de Constance Chatterley et d'assister plus intimement à sa métamorphose. Car c'est de cela qu'il s'agit : la lente transformation d'une jeune lady anglaise qui avait  cru bon de renoncer à la vie parce que sa condition sociale l'exigeait et qu'elle n'avait pas encore trouvé l'occasion capable de lui inspirer l'impulsion salvatrice. L'événement déclencheur sera sa rencontre avec le garde-chasse du domaine de son époux.

                        

Je dirai tout d'abord que ce film se singularise par sa  féminité et que c'est l'expression même de celle-ci, dans ses délicatesses et ses nuances subtiles, qui m'a touchée. Si ce n'est pas le chef-d'oeuvre que l'on a proclamé ici et là, ce n'est pas non plus le navet que quelques-uns se sont plus à caricaturer outrageusement. Non, nous assistons là à un long métrage qui prouve, si besoin était, la maîtrise, le sens du rythme, de la direction d'acteurs et de la mise en scène de son auteur. Excessivement soigné, peut-être trop au goût de certains, il se déroule avec une lenteur calculée qui allie la fraîcheur et la solennité, sans une once de vulgarité, et bénéficie de l'interprétation empreinte de charme et de grâce de Marina Hands, qui sait rendre pleinement crédible son apprentissage de l'amour. Fête des sens, il mêle complicité et tendresse, sensualité et passion ; ode à la vie d'une jeune femme frustrée par l'infirmité de son mari, il s'accompagne d'une célébration lyrique des beautés de la nature. L'une des scènes les plus réussies n'est-elle pas celle où les amants nus courent et se poursuivent sous la pluie dans le parc de Wragby ?
                        


Pascale Ferran, fidèle à l'esprit du livre, a fait de son garde-chasse un homme plus tendre que rustre, sinon l'attachement prolongé de la jeune aristocrate aurait pu paraître incompréhensible, bien que cela ait été au départ le souci initial de l'auteur. Ce qui la lie à son amant est, au-delà du plaisir sensuel, celui d'une proximité immédiate dans l'ordre de la sensibilité. Tous deux sont d'autant plus proches qu'ils partagent le goût des choses simples, naturelles, authentiques. S'il y a des naïvetés et si la fin est décevante, les presque trois heures de la version télévisée ne m'ont pas semblé fastidieuses, car il y a dans cette projection une fluidité, une harmonie, une volupté auxquelles il est difficile de résister. La plus grande faiblesse réside dans les concessions accordées par la cinéaste au discours social, abordé de façon simpliste et conventionnelle, comme si Pascale Ferran voulait s'en sortir d'une pirouette et se donner ainsi bonne conscience à propos d'un sujet périlleux. En définitive, le personnage du mari infirme, homme sans corps et sans vie charnelle, campé remarquablement par Hippolyte Girardot m'est apparu davantage comme une victime qui n'a guère que son statut social pour tenter d'exister face à une jeune épouse qu'il aime et qui, irrémédiablement, lui échappe. Les critiques ont passé un peu vite sur le rôle de cet homme figé dans sa douleur plus que dans son arrogance, dans son orgueil blessé plus que dans son mépris. C'est peut-être là que s'exprime le mieux le génie féminin de l'auteur qui parvient à doser avec légèreté et justesse la part toujours fluctuante des sentiments.

                       

Quant au jeu des deux principaux personnages, il mérite d'être souligné. Marina Hands est simplement délicieuse de naturel, de spontanéité, de force et de naïveté touchante face à Jean-Louis Coulloc'h qui parvient très bien par ses silences à nous suggérer ses doutes, ses appréhensions, ses joies. Plus qu'elle, il est conscient de l'abîme qui les sépare et conserve sa dignité malgré la passion qui le submerge. Le film doit beaucoup à ce casting réussi.

 

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LADY CHATTERLEY de PASCALE FERRAN
LADY CHATTERLEY de PASCALE FERRAN
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20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 09:43
LA BELLE NOISEUSE de JACQUES RIVETTE

                         
Jacques Rivette est l'homme des défis : entre autres défis, ceux de la dramaturgie et des codes traditionnels de l'écran. Chacun de ses films se présente comme une énigme à déchiffrer, dont il n'est pas sûr que lui-même en détienne la clef. On dirait que le cinéaste se plaise à épier les signes, à mettre en route des choses et des événements qu'il ne maîtrise pas forcément, mais dont le déroulement, quand bien même qu'il le déborde, excite son imagination. Aussi ne peut-on rêver création plus ouverte, plus ludique, plus expérimentale. La Belle Noiseuse (1990) ne déroge pas à la règle des films qui la précédèrent ; la version intégrale était de 4 heures, comme L'amour fou de 4h12 ou Céline et Julie de 3h10. Mais Rivette envisagea un traitement allégé qui la réduisit à 2 heures et, par la même occasion, la priva d'une grande part de son intérêt. L'intrigue se place sous le patronage du Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac, l'écrivain préféré de Rivette vers lequel il se plait à revenir, tout récemment encore avec Ne touchez pas la hache. Elle illustre parfaitement le propos du vieux peintre à son épigone : " La beauté est une chose sévère et difficile qui ne se laisse point aisément atteindre ; il faut attendre des heures, la presser et l'enlacer étroitement pour la forcer à se rendre... Ce n'est qu'après de longs combats qu'on peut la contraindre à se montrer sous son véritable aspect". Ainsi procède le peintre Frenhofer (admirablement interprété par Michel Piccoli), cloîtré dans son atelier, pareil à une forteresse, pressant son jeune et beau modèle, nu et soumis, à livrer le mystère de sa torturante séduction. Le public assiste fasciné à cette ascèse esthétique qui ne se prive pas d'exigence et n'est pas moins dénuée de tyrannie.

                                                  

Dans le midi de la France, le peintre Frenhofer s'est retiré avec sa femme Liz (Jane Birkin), qui fut longtemps son inspiratrice. Arrive Porbus (Gilles Arbona), un amateur d'art, en compagnie d'un jeune peintre Nicolas et de sa compagne Marianne (Emmanuelle Béart). Depuis 10 ans, Frenhofer avoue à Porbus qu'il n'a plus touché un pinceau, laissant inachevée La belle Noiseuse, un portrait de sa femme, tableau qui devait être tout ensemble son dernier ouvrage et son chef-d'oeuvre. Porbus l'encourage à reprendre ce travail avec pour modèle la jeune et belle Marianne. Cinq journées de pause harassantes seront nécessaires pour concrétiser le projet que vont vivre avec difficulté les deux couples, dans un climat de tensions et de jalousies. Alors que le vieux ménage se ressoudera dans l'épreuve, le jeune s'y consumera et le tableau, remisé à l'écart, conservera son secret.
 


La main d'un peintre de métier se substitue à celle de l'acteur dans les plans rapprochés. Il s'agit de celle de Bernard Dufour qui a exposé au Centre Pompidou et à la Biennale de Venise. Pour autant sa technique de composition picturale ne saurait constituer le motif principal du film. Rien à voir avec Clouzot traquant le geste de Picasso dans Le mystère Picasso (1956), pas davantage avec Pialat montrant Van Gogh à son chevalet. Rivette envisage le travail d'un peintre anonyme comme pur et simple prolongement de son itinéraire de cinéaste et le processus utilisé nous renvoie inlassablement à ses propres méthodes de tournage. La recherche présumée d'une forme sur la toile est symétrique de la sienne sur l'écran et c'est véritablement là que réside l'attrait essentiel du film. Ce qu'il raconte, par ailleurs, est l'histoire d'un couple d'âge mûr qui sent la jeunesse lui échapper pendant qu'un autre couple, pas assez mûr, se défait sous ses yeux. A l'expérience de l'un s'oppose l'immaturité de l'autre et toujours l'impossibilité d'aboutir à l'harmonie et la plénitude. C'est donc à une leçon sur les possessions impossibles que le cinéaste nous convie, prenant soin de ne point offrir une quelconque conclusion à son film, à ne rien clore et à laisser place à la réflexion sur la création toujours en train de se créer. Rien n'aboutit, tout reste en suspens, en état d'accomplissement permanent. De même que l'amoureux se trompe en croyant posséder celle qui est l'objet de son amour, que le peintre s'illusionne lorsqu'il croît s'emparer des secrets intimes de son modèle, l'artiste se fourvoie en pensant qu'il a terminé l'oeuvre de sa vie. Passionnant document sur le travail de réalisateur et tentative intelligente et originale qui illustre l'axiome que Rivette, lorsqu'il était critique aux Cahiers du cinéma, avait posé au sujet de la vocation de celui-ci à se faire l'élément constitutif de son propre tournage. Il y réussit avec ce film exemplaire qui permet à la caméra de capter les liens invisibles que les êtres parviennent à tisser entre eux, sans jamais atteindre une solution satisfaisante, puisque l'on sait que le travail de Rivette n'a d'autre but que de nous décrire, par le menu, l'élaboration des actes et la gestation des oeuvres.

 

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LA BELLE NOISEUSE de JACQUES RIVETTE
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16 juin 2007 6 16 /06 /juin /2007 08:40

                                                                                                  

En 1327, alors que la chrétienté est divisée entre l'autorité papale de Jean XXII et celle de l'empereur Louis IV du Saint-Empire, le moine franciscain Guillaume de Baskerville et le novice Adso von Melk enquêtent sur des morts suspectes qui ont eu lieu dans une abbaye bénédictine. Malgré les silences de l'abbé et du vénérable Jorge, Guillaume pressent que la clé du mystère se trouve dans la bibliothèque. Un inquisiteur, accouru pour remettre de l'ordre dans ce monastère, qui semble en proie à l'hérésie, condamne au bûcher deux moines et la jeune paysanne qui se prête volontiers à assouvir les désirs les moins purs des ressortissants. Finalement Guillaume parvient à résoudre l'énigme. C'est Jorge, en empoisonnant les pages d'un livre sacré et interdit, qui a entraîné la mort de moines trop curieux. A l'opposé des mises en scène fastueuses des productions hollywoodiennes ou des aventures exotiques, Jean-Jacques Annaud a préféré, pour ce film cosmopolite,  le huit-clos d'un monastère perdu dans les terres désertes de l'Italie septentrionale et le spectacle d'idées au spectacle tout court. L'environnement âpre et sauvage sert de toile de fond aux génériques du début et de la fin ; son immensité se prête à évoquer un ailleurs dont la découverte est l'un des thèmes du film. Mais l'essentiel se déroule à l'intérieur même de l'abbaye, dans les salles communes, la chapelle, la bibliothèque, le réfectoire et les étroites cellules des moines. Là, plongée dans un clair-obscur savamment dosé, la vie ne conserve pas moins une intensité que le confinement rend encore plus inquiétante ; les cloîtrés réprimant leurs désirs ou les assouvissant honteusement et partageant leur temps entre l'étude et la prière.

 

Rien apparemment ne saurait précipiter le cours tranquille de ces existences, sinon l'irruption de l'étranger indésirable et, de surcroît, hérétique. Situé au coeur d'une période mouvementée, le film se développe sur un rythme de plus en plus soutenu avec pour objectif le combat des hommes contre l'obscurantisme et l'opposition entre raison et surnaturel . C'est, par ailleurs, un plaidoyer en faveur de la liberté de conscience. Si la plupart des moines sont considérés comme des illuminés et des hypocrites, les personnages interprétés par Sean Connery et Christian Slater semblent s'interroger réellement sur le mystère de la foi et de l'amour de Dieu. Sans effets spéciaux, ni déploiement de foule, aux antipodes du bruit et de la fureur, Le Nom de la rose a suscité l'engouement du public lors de sa sortie en 1986 et bénéficié d'un succès international. Or si le film apparait aussi spectaculaire que ceux des maîtres américains, n'est-ce pas simplement parce que le cinéaste a choisi de prendre le contre-pied des règles et artifices du genre ? Il n'a point tenté d'adapter le roman philosophique de l'écrivain italien Umberto Eco, mais en a réalisé un palimpseste. C'est ainsi - expliquait-il à l'époque - qu'on appelle les vieux parchemins qui ont été grattés pour pouvoir être réutilisés, mais sous lesquels apparaissent, par fragments, les textes d'époque. Donc le livre va sûrement transparaître dans le film, mais j'ai voulu filmer ma vision de ce livre qui peut être lu à plusieurs niveaux. Et Eco, qui l'a très bien compris, m'y a d'ailleurs encouragé".

 

Ainsi, en imposant à son récit, à sa dramaturgie et aux personnages de se plier aux impératifs du réalisme, Annaud est-il parvenu à imposer une vérité historique et un climat qui permettent d'adhérer pleinement à cette aventure humaine hors du commun, aventure qui explore d'autres horizons que ceux de l'imagination pure et aborde avec pertinence l'histoire et son héritage, le savoir et sa transmission, la religion et son pouvoir, l'homme et sa dualité esprit/matière. Ainsi les horizons infinis de la pensée et du destin d'une civilisation élargissent-ils la fiction policière et moyenâgeuse de l'intrigue aux dimensions d'une fresque métaphysique. Avec cette oeuvre réussie et passionnante, Annaud s'est imposé comme le précurseur d'un cinéma européen ambitieux qui ose s'attaquer à des sujets difficiles sans rien perdre de son attraction populaire. Un défi gagné et un long métrage devenu un classique. Et l'une des plus belles prestations de l'acteur Sean Connery.

 

 

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14 juin 2007 4 14 /06 /juin /2007 17:22

temps-retrouve-raoul-ruiz-L-1           

                             

  
Atteint de tuberculose dès sa petite enfance, Raoul Ruiz, né à Santiago du Chili en 1941, est tôt nourri de littérature. C'est un lecteur avide de beaux textes qui s'orientera à l'adolescence vers des études de droit et de théologie, tout en dirigeant le ciné-club de l'université et en commençant à rédiger ses premières pièces de théâtre : il en écrira plus d'une centaine.

 

Installé à Paris en 1973, il tourne Dialogues d'exilé que lui inspire son expérience de réfugié politique. Amoureux de toutes les formes d'art et proche du surréalisme, il consacre un film à la peinture : L'hypothèse du tableau volé mais il lui faudra attendre Trois vies et une seule mort en 1996 pour accéder à la notoriété. En 1998, il relève le défi d'adapter Le temps retrouvé de Marcel Proust ce qu'avait tenté de faire Visconti, projet auquel il renonça finalement -  film qui connut un succès mérité par sa mise en scène superbe, sa savante écriture et une interprétation de qualité.

 

En début de projection, nous voyons l'écrivain sur son lit, feuilletant les images de son passé et se remémorant les heures les plus marquantes d'une vie bouleversée par l'irruption de la Grande Guerre. Or cette vie quelle est-elle, sinon celle de son oeuvre ?  Dans le film, les personnages du roman et ceux de la réalité se croisent et viennent  hanter la mémoire d'un Proust parvenu au seuil de la mort, comme s'ils se refusaient à quitter celui qui leur avait donné vie une seconde fois, vie que la littérature perpétue au-delà du temps, faisant du temps perdu un temps retrouvé.

 

Parmi ceux-ci, apparaissent les personnages clés de La Recherche : Charlus, Odette, Morel, Saint-Loup, Gilberte, Madame Verdurin ; Swann et Albertine ne feront que de courtes apparitions, le cinéaste n'abordant dans son film que le dernier volume de l'ouvrage, ce qui  est, à l'évidence, une approche réductrice d'une oeuvre riche de 3000 pages. Il faut cependant reconnaître à Raoul Ruiz le mérite d'avoir restitué l'élégance de l'univers proustien et l'atmosphère d'une époque qui vivait ses dernières moments, puisque l'on sait que la guerre de 14 a enseveli dans ses tranchées un XIX ème siècle qui n'en finissait pas de mourir. Le film pourrait se contenter d'être un beau livre que l'on compulse avec plaisir, un  album du temps passé nous présentant une société raffinée, des femmes coquettes, des demeures fastueuses, un Paris du début du siècle restitué dans ses moindres détails, mais il est plus que cela.

 

Le temps Retrouvé est avant tout un film sur le temps et la mort, saisi par le regard d'un cinéaste habile et intelligent qui tente d'établir entre l'oeuvre du romancier et son propre travail des liens étroits, de façon à créer une ambiance singulière, ce, par le biais d'un film volontairement non-narratif. Ruiz, en effet, a souhaité épouser les desseins de Proust, parce qu'ils étaient proches des siens, et les a reformulés en termes cinématographiques. De même qu'il poursuit sa réflexion sur la création artistique. La force du film tient à cette volonté de s'approcher au plus près du processus d'écriture. Une extrême complexité d'élaboration l'a contraint à conjuguer une suite subtile de correspondances auditives et visuelles, véritables équivalences que mènent de conserve deux approches de la pensée poétique - celle de la plume et celle de la caméra.

 

Cette tentative est intéressante à plus d'un titre, même si elle ne comble ni le néophyte - qui ne dispose pas de suffisamment de points de repère, ni l'amateur éclairé qui s'agace de cette adaptation trop restrictive et imparfaite. Mais il faut admettre que Ruiz a osé une expérience originale. Il le dit lui-même : " Il me fallait créer un labyrinthe cinématographique qui soit l'équivalent de cette phrase proustienne, qui égare le spectateur - de façon plaisante. Or la méthode que je cherchais était une forme de liberté d'écriture qui correspondait à des passages dans le temps, des allers et venues entre un épisode et un autre. Ces portraits variaient en fonction d'un moment et ainsi on retrouvait ce fameux temps circulaire " - qui n'est autre que celui envisagé par l'écrivain.

 

Les principales faiblesse de cette expérience concernent le recours quasi systématique au flash-back, à la multiplicité des personnages qui finit par égarer le spectateur, tandis que certaines figures de style oniriques rendent l'oeuvre inaccessible aux non initiés. En définitive, cette galerie de personnages surgie de la mémoire d'un Proust mourant se contente de défiler sous notre regard, les protagonistes du roman de se croiser, se chercher, s'épier, une fois transposés sur la pellicule, sans parvenir à nous convaincre du rôle qu'ils ont réellement tenu dans la vie de l'auteur. Si l'époque et les lieux sont restitués, l'essentiel s'est évaporé et l'admirable roman n'est plus qu'une belle enveloppe vide.

 

Car, ce qui est possible en littérature ne l'est pas forcément sur le plan cinématographique et le flou de nombreuses scènes ajoute à la difficulté de lisibilité du film. Celui-ci, après le tournage, durait quatre heures mais, pour les nécessités de la diffusion, fut ramené à deux heures quarante. Cette amputation a probablement desservi l'adaptation audacieuse de Ruiz d'une grande part de son intérêt. Hélas !

 

Proust aurait-il aimé le film ? Certainement pas, ne serait-ce que parce que la littérature se suffit à elle-même, qu'elle est un art total comme le souhaitait et le désirait l'écrivain, invitant chacun de ses lecteurs à entrer en recherche avec lui. L'adaptation de Raoul Ruiz lui serait apparue comme faisant offense à l'imaginaire de chacun,  imposant une vision unilatérale de l'oeuvre, alors que la lecture, contrairement au cinéma, laisse une grande part de liberté dans l'interprétation. Le lecteur n'est jamais passif, il apporte au livre sa propre vision . La relation que Proust entendait établir avec son lecteur était trop étroite, trop intime, pour souffrir autre chose que le murmure des mots.

 

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LE TEMPS RETROUVE de RAOUL RUIZ
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6 juin 2007 3 06 /06 /juin /2007 09:17
Mon oncle de Jacques Tati

 

"Mon Oncle" de Jacques Tati fut tourné en couleur en 1958. Hulot habite alors une maison tarabiscotée dans la banlieue parisienne en pleine rénovation, envahie de grues et de pelleteuses, dans un bruit assourdissant. Célibataire, il est très attaché à son neveu qui demeure avec ses parents dans une coquette villa d'un quartier résidentiel pourvue des derniers équipements et gadgets à la mode. Hulot vient souvent lui rendre visite et l'emmène se promener et se distraire. Il en profite pour lui faire découvrir un monde inhabituel, celui des terrains vagues, des jeux, où entre une grande part d'imagination. Pour l'enfant, c'est la soudaine découverte d'un univers surprenant où l'on s'accorde quelques privautés et d'où l'on revient les mains sales et les genoux écorchés, au grand dam des adultes.

 

En 1958, la France est à l'orée de ce que l'on appellera la société de consommation. Aussi, pour créer un habitat conforme aux normes exigées par la vie moderne, commence-t-on à raser les immeubles insalubres. "Mon oncle" a été tourné à Saint-Maur et son comique naît principalement du contraste entre le quartier huppé des nouveaux riches et celui des quartiers anciens, faits de bric et de broc, mais qui ont conservé leur chaleur villageoise. L'utilisation remarquable des sons, du langage, des gags empruntés à la réalité la plus immédiate font de ce film un chef-d'oeuvre où se tissent étroitement satire du présent et nostalgie du passé. Le cinéaste défendait ainsi une certaine idée du bonheur paisible, fondé sur des relations humaines harmonieuses et faisait, pour nous en convaincre, l'apologie d'un univers accordé au rythme naturel du pas de l'homme.

 

Pour prendre connaissance de l'article que j'ai consacré à l'oeuvre de Jacques Tati, cliquer sur son titre :

 

 

JACQUES TATI OU LE BURLESQUE REVISITE 

 

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Mon oncle de Jacques Tati
Mon oncle de Jacques Tati
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2 juin 2007 6 02 /06 /juin /2007 09:15
JEAN-CLAUDE BRIALY - PORTRAIT
JEAN-CLAUDE BRIALY - PORTRAIT

                                                                     
Né en 1933, il était un maître de cérémonie toujours élégant, empressé, ayant le mot aimable à l'intention de chacun. Mais derrière l'apparence policée du parfait dandy, sorti tout droit de La Recherche du temps perdu, derrière le savoir-faire et le savoir-vivre, se cachait un homme plus profond, amoureux de la belle ouvrage, de la langue française, du théâtre et du spectacle en général, à la seule condition qu'ils fussent de qualité. Les Français le connaissaient peu et l'aimaient  bien, parce qu'il avait le don rare de réussir ce qu'il entreprenait : ses rôles, ses maisons, ses restaurants, ses théâtres...Cette facilité apparente n'en cachait pas moins un travail acharné qui ne laissait aucun détail au hasard. Comme les danseurs, il exécutait ses entrechats comme si c'était la chose la plus naturelle du monde.

 

Il était méticuleux et précis sans être ennuyeux, ironique et critique, sans être méchant. Pour lui existait une hiérarchie des valeurs à laquelle il se conformait scrupuleusement. C'était un amateur de livres et d'objets rares, un connaisseur à n'en pas douter. Ce qu'il exécrait le plus était la vulgarité et comme on le comprend ! Nous n'avions qu'à l'écouter parler pour savoir quel amour il avait de l'excellence dans tous les domaines.

 

Acteur fétiche de la Nouvelle Vague, il s'était trompé d'époque. Il eut mieux valu pour lui naître vingt ans plus tôt et faire carrière dans le cinéma français des années 30 et 40 où il aurait porté l'habit comme André Luguet ou Fernand Gravey, joué les jeunes premiers fantaisistes et donné la réplique à des actrices magnifiques  habillées en Lanvin ou Schiaparelli. Son raffinement, sa classe auraient fait merveille. Mais la vie en a décidé autrement et ce séduisant amphitryon, plein de prévenance et de magnificence, fit ses véritables débuts auprès de Bernadette Lafont dans Le beau Serge (1958) avant de poursuivre son parcours cinématographique avec Les cousins (1959). Le voilà lancé, car il joue juste et a de la présence, même si ses rôles ne correspondent pas toujours à sa nature de Rastignac flamboyant, beau, et bien disant. Il tournera successivement avec Rivette, Godard, Astruc, Vadim, de Broca, Aurel, Truffaut et Rohmer, mais également Malle, Bunuel, Téchiné, Scola et Miller. Lui-même, avec beaucoup de joliesse, comme on peint une aquarelle, réalisera plusieurs films dont Eglantine (1971) et Un bon petit diable en 1983.


Des Godelureaux (1960) à Les lions sont lâchés (1961), l'acteur ne manque aucun rendez-vous des nouveaux conquérants, ce qui ne l'empêche nullement d'aller faire quelques détours chez des metteurs en scène qui correspondent mieux à ses aspirations secrètes, tels que Duvivier, Cayatte et Verneuil, afin de retrouver quelque chose du mythique écran noir d'avant-guerre. Passé la trentaine, les remous de la Nouvelle Vague calmés, Brialy va changer insensiblement de registre. Au jeune premier un peu fou, qui se cherche, succèdent des compositions plus sages, plus ironiques et narquoises d'un homme mûri avant l'âge. On se souviendra de lui dans Le genou de Claire de Rohmer, l'un de ses meilleurs rôles, et on peut regretter que Marc Allégret, trop âgé, ait manqué Le Bal du comte d'Orgel ( 1970), dont il était si parfaitement le personnage.
                  

 

Au théâtre, le rythme de ses apparitions est également soutenu, car Brialy est un avide, un curieux, un homme généreux qui aime la scène et le contact direct avec le public. C'est un être solaire qui  se plait à séduire et à être séduit. Ses auteurs seront Krasna, Félicien Marceau, Feydeau, Hartog adapté par Colette, Françoise Dorin, Sacha Guitry, Didier Van Cauwelaert dont il jouera Le Nègre en 1987. Cette dernière comédie inaugure la première saison de Brialy en tant que directeur des Bouffes-Parisiennes, responsabilité qu'il avait accepté d'endosser avec les risques que cela comporte. Dans le même temps, il n'arrête pas de présenter des émissions de télévision, de radio, des festivals, des galas. On le réclame partout, parce qu'il sait tout faire avec panache et aisance. Il est, à n'en pas douter, le plus fastueux des présentateurs. Cet aspect extraverti de sa personnalité est d'autant plus surprenant qu'il se révèle, dans le privé,  pudique et secret. Jamais d'étalage, aucune forfanterie, selon les modalités d'une exubérance bien tempérée, d'une retenue de bon aloi. Peu importe si sa filmographie- fleuve (une centaine de longs métrage) ne comporte pas que des chefs-d'oeuvre, si tout n'est pas d'égale qualité, si certains choix nous paraissent aujourd'hui regrettables. Il nous faut bien admettre que le raffinement n'a pas cours tous les jours, que nombre de metteurs en scène ne surent deviner les ressources d'un acteur, tout en finesse, qui se plaisait dans les nuances, les subtilités, les paradoxes. D'autant qu'il refusa de se laisser déborder par des excès qui, assurément, caractérisent les monstres sacrés dont il ne fut pas par modestie et réserve, quelle chance ! Il nous a quittés en 2007 à l'âge de 74 ans et ne fut jamais remplacé.


Pour consulter les articles des films où figure l'acteur, dont Le beau Serge et Le genoux de Claire, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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JEAN-CLAUDE BRIALY - PORTRAIT
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  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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