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24 mai 2006 3 24 /05 /mai /2006 09:07

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Les Enfants du Paradis,  film de  Marcel CARNE,  tourné en 1943 sur un scénario de Jacques PREVERT, réunissait tous les ingrédients pour être une oeuvre phare qui compterait dans l'histoire du cinéma français. Inspiré de la vie de Debureau, le script fort bien troussé est servi par une distribution de premier ordre, dont l'inoubliable Arletty et Jean-Louis Barrault  dans le rôle émouvant du mime Baptiste. Une méditation sur l'impossibilité de l'amour et du bonheur dans un Paris qui semble aussi fantomatique que les personnages. Un monde en apnée,  un carnaval triste envahi de masques et de funambules qui vous laisse longtemps dans l'esprit un goût fatal de cynisme et de poésie. Bien que complétement décalé de la réalité d'aujourd'hui, on ne se lasse pas de le revoir, ce qui prouve, si besoin est, que l'art a le droit de se moquer des modes.  Il est vrai que cette fresque romanesque et épique composée de deux parties : Le boulevard du crime et l'homme blanc - a ceci de particulier, de ne pas mettre en scène une reconstitution historique de l'époque avec l'évocation d'événements représentatifs, faits d'armes ou catastrophes, mais de favoriser la progression de l'intrigue par une suite de scènes intimistes, bâtissant son scénario sur la noblesse et la dérision des sentiments amoureux, la passion forcenée, au point d'en faire une épopée si originale qu'à ce jour on ne lui connait pas d'équivalent dans le 7e Art, sauf, dans une certaine mesure, chez Renoir qui témoignera avec Le carrosse d'or d'une préoccupation assez voisine. D'entrée de jeu, nous savons, en voyant le générique défiler sur un rideau de scène et en entendant frapper les trois coups, que le récit qu'on nous propose répond aux critères de la stylisation théâtrale. Les personnages, qui animent l'action, affichent une identité volontairement théâtrale, que ce soit Frédérik, Lacenaire, Baptiste ou le comte de Montray. Héroïne romantique, Garance, la femme autour de laquelle tournent les hommes au point que l'existence de chacun s'épanouira en fonction d'elle ; oui, cette héroïne parée des prestiges de la mélancolie n'en est pas moins moderne dans son souci de défier sereinement les préjugés.

 

Hommage au spectacle, Les Enfants du paradis  magnifie les hommes de théâtre qui ne sont eux-mêmes qu'en se mettant en scène. Baptiste, lorsqu'il rejoint Garance, commet un acte irréversible, car la pantomine exige que Baptiste soit malade d'amour pour la plus grande gloire de l'art et de l'artiste. Frédérik, quant à lui, a besoin de ressentir la morsure de la jalousie que lui inflige Garance, afin d'endosser le rôle d'Othello et l'interpréter avec la gravité douloureuse qui sied au personnage. C'est ainsi que le théâtre a raison de tout, au point que la dernière image laisse la marée des masques submerger l'écran. Qui a aimé qui et comment ? Certes Baptiste a aimé la simple jeune fille qui lui a tendu une fleur et est devenu la dame de ses songes. Certes Frédérik a vénéré Desdémone qui suscitait sa passion ; Lacenaire, la seule femme qu'il pouvait considérer comme son égale, parce qu'aussi libre que lui ; le comte de Montray, l'incarnation de la beauté, c'est-à-dire davantage la statue qu'il avait vue sur la scène des Funambules que la femme qu'il avait épousée. Ne lui avait-il pas glissé à l'oreille que la beauté est une exception, une insulte au monde qui est laid. "Rarement les hommes aiment la beauté - avait-il ajouté, ils la pourchassent pour ne plus en entendre parler, pour l'effacer, l'oublier..." Mais Garance, qui aime-t-elle ? Le film laisse planer le mystère, garde secret le coeur de cette femme, représentation idéale et souveraine de la liberté.                             


En procédant par chapitres, comme dans un roman, plutôt que par actes, Carné et Prévert ont réussi un film aussi passionné que contemplatif, aussi incarné qu'idéalisé, aussi lucide que désabusé. D'où le charme aigu qui s'en dégage, la séduction qu'il exerce soixante ans après sa sortie, alors que la plupart des films "à costumes" apparaissent, de nos jours, comme des pièces de musée passablement défraîchies. Nous sommes encore frappés de l'audace de certaines compositions qui ont prévalu dans une mise en scène qui a, néanmoins, beaucoup sacrifié à la beauté plastique, mais on sait combien il est difficile de faire de l'art avec l'art. Alors que nombreux sont ceux qui s'y sont cassés le nez, Carné et Prévert ont su en exalter la quintessence, grâce à l'intelligence et la sensibilité du scénario, du découpage des scènes, des dialogues, des décors, de la musique et de l'interprétation de comédiens de première grandeur. On n'oubliera jamais plus le grincement grêle des manèges, le regard éperdu de Baptiste, le tumulte qui anime le boulevard du Crime, Garance costumée en muse de la poésie et la pantomime que nous propose le fameux "chand d'habits". Pour toutes ces raisons, l'intrigue amoureuse construite autour d'une Arletty magnifique en déesse de l'amour, inspirant un désir fou à un mime enfariné, à un anar glacé (Marcel Herrand) et à un dragueur irrévérencieux (Pierre Brasseur), scènes vécues sur fond de décor populaire, est une des plus grandes réussites du cinéma français. Un chef-d'oeuvre absolu.

 

Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, dont La règle du jeu, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA FRANCAIS 

 

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21 mai 2006 7 21 /05 /mai /2006 11:01
MORT A VENISE de LUCHINO VISCONTI

 

Descendant d'une vieille famille de Lombardie, le comte Luchino Visconti naît à Milan le 2 novembre 1906 et s'intéresse très tôt au théâtre et à l'opéra, au point d'envisager une carrière de musicien. Sa rencontre à Paris avec Jean Renoir le familiarise avec les techniques et les possibilités qu'offre le cinéma à ses exigences d'esthète et à son goût prononcé pour l'art. Sympathisant communiste, il s'engage dans la résistance, est arrêté par la gestapo et échappera de peu au peloton d'exécution. Après la guerre, il réalise un documentaire de propagande communiste Jour de colère, puis revient au théâtre et met en scène des oeuvres de Cocteau et de Sartre. Ce n'est que dans les années 50 qu'il renoue avec la caméra et tourne avec Alida Valli  son premier chef-d'oeuvre " Senso". Entre deux tournages, il travaille pour la Scala de Milan et met en scène des Opéras chantés par les plus grandes voix de l'époque, dont celle de La Callas. Au cinéma, il ne cesse plus de s'imposer avec des films comme Rocco et ses frères (1960),  Le Guépard  (1962), Sandra (1965),  Les Damnés (1969), tous couronnés par de nombreux prix. Après Mort à Venise en 1971, il tournera encore  Le Crépuscule des dieux  (1972), une biographie de Louis II de Bavière avec Helmut Berger et Romy Schneider et  Violence et passion  (1974) avec Burt Lancaster et Silvana Mangano. Il s'éteint à Rome le 17 mars 1976.                            

                                                                               

Mort à Venise, film lumineux et complexe est, sans nul doute, l'un des plus grands chefs d'oeuvre du 7ème Art. Inspiré d'un roman de l'écrivain Thomas Mann, lui-même influencé par la philosophie empreinte d'un pessimisme qui s'enivre de la fascination de la mort et du néant de Schopenhauer, il est une longue méditation sur l'ambiguïté de l'artiste confronté à son art et sur la mort, envisagée comme une force de séduction et d'immortalité. Les vers de Platon : " Celui dont les yeux ont vu la Beauté / A la mort dès lors est prédestiné " - sont placés en exergue dans le film, afin de souligner l'importance de l'attrait qu'exerce la beauté physique sur le héros vieillissant Gustav von Aschenback, saisi à Venise d'une soudaine et fatale passion pour un gracieux adolescent, prénommé Tadzio. Le musicien vit une sorte de révélation lors de sa rencontre avec la splendeur presque irréelle de ce jeune polonais. Elle lui fait prendre conscience que la beauté naît d'une apparition impromptue, non de la cogitation présomptueuse et laborieuse de l'artiste. La création et la contemplation artistiques élèvent l'individu au-dessus de lui-même et le font participer à la vie universelle, seule authentique.  "La beauté et la grâce de la figure humaine, une fois associées, sont la performance la plus haute de l'art plastique". Si la beauté rêvée peut être dépassée par la beauté réelle, la mort devient inéluctable  pour l'artiste, convaincu de sa défaite. Ainsi la dernière scène du film, où le vieil homme, assis, regarde l'enfant qui s'éloigne à la rencontre de la mer et semble l'entraîner vers l'ultime voyage. Tout est suggéré dans ces non-dits, rythmés de silences, ceux mêmes de la contemplation, de l'extase caressé par une caméra devenue regard, célébrant  la perfection esthétique du jeune éphèbe. Le producteur avait suggéré à Visconti que la garçon soit remplacé par une nymphette, pensant que celle-ci aurait l'avantage de rappeler la Lolita de Nabokov, mais Visconti s'y refusa avec raison, donnant à son film une dimension plus contemplative d'une beauté intemporelle et sublimée, celle d'un amour interdit qui conduit inéluctablement à la mort, puisque rien n'est plus possible en ce monde. La vie ne vient-elle pas de donner le maximum d'elle-même : cette perfection fugitive que le temps ne pourra pas défaire, corrompre, détruire. Il faut mourir de manière à ce que l'image demeure inviolée dans sa gratuité, comme si le désir immense s'était suspendu dans sa propre vision.

 

 

L'histoire du film est centrée sur les états d'âme et les dilemmes intérieurs éprouvés par le héros et rendus plus intenses et crédibles par le recours aux souvenirs et aux réminiscences. Un musicien (inspiré de Gustav Malher dont la Cinquième Symphonie accompagne le film de façon grandiose) arrive à Venise et croise à l'hôtel des bains, où il est descendu, un jeune garçon d'une surprenante beauté qui le subjugue immédiatement. Leur relation se réduira à un jeu de regard, mais n'en troublera pas moins le musicien, qui voit subitement toutes ses convictions remises en question. Il tente de fuir, puis décide de rester, de prolonger son séjour, alors qu'une épidémie de choléra s'annonce et que la ville elle-même parait s'engloutir dans les eaux, ainsi qu'un navire en perdition. Tout est subtilement évoqué de cette lente érosion à laquelle le temps condamne les êtres et les choses, alors que la beauté traverse cette réalité sordide, pareille à un ange exterminateur. On voit dans le gondolier un passeur d'âme, dans le visage maquillé de poudre blanche d'Aschenback son fantôme dérisoire, dans les calli désertées et putrides une cité qui s'abandonne à l'oubli, dans l'hôtel, que les estivants s'apprêtent à quitter, un monde en train de disparaître, mort annoncée d'une époque que la guerre va bientôt déchirer et ouvrir aux lendemains inquiétants du XXe siècle. L'atmosphère rappelle celle que Marcel Proust nous décrit dans sa  Recherche. D'ailleurs le cinéaste ne cachait pas son admiration pour l'écrivain français, dont il aspirait à porter l'oeuvre à l'écran. Lui seul aurait été en mesure d'adapter cette oeuvre difficile, parce que sa sensibilité, sa notion du temps, son esthétisme étaient proches de ceux de l'auteur du Temps Retrouvé. A l'urgence temporelle correspondait, chez l'un et chez l'autre, un isolement toujours plus grand, la fascination du désir qui ne peut être satisfait, l'encerclement dans des lieux que seule l'imagination nous permet de franchir. Le recours aux zooms, que l'on a reproché au cinéaste d'user à l'excès, est une façon de défier le temps, de le remonter à volonté, de jouer de la mémoire et du souvenir, de refuser à l'action d'être prisonnière de la durée. Le seul enfermement du film est celui du désir qui clôt la vie, lui donne sens et l'ouvre sur un horizon plus vaste : celui d'une invitation au voyage sur les eaux, lieu de transition par excellence. Alors que, par ailleurs, on assiste à la lente agonie des choses dans une ville qui a perdu jusqu'à ses reflets, semble gagnée par la porosité, les moisissures, les putrescences d'une épidémie rampante. Le génie de Visconti, dont l'oeuvre figure au plus haut du palmarès cinématographique, est d'avoir su trouver le langage approprié pour exprimer la beauté et les sentiments ineffables qu'elle inspire, et,  par l'image et le son magistralement utilisés, d'évoquer l'angoisse, la mélancolie, le désir jamais comblé. Je crois que ce film est celui qui m'a le plus bouleversée, car il est l'oeuvre d'une vie, celle qui surpasse son auteur et  l'ouvre à l'immortalité des artistes de génie.

 


Pour lire l'article consacré à Luchino Visconti, cliquer sur son titre :  

 

LUCHINO VISCONTI OU LA TRAVERSEE DU MIROIR          

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, dont Senso, Le guépard et Ludwig ou le crépuscule des dieux, cliquer sur le lien ci-dessous : 

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN  
 

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MORT A VENISE de LUCHINO VISCONTI
MORT A VENISE de LUCHINO VISCONTI
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21 mai 2006 7 21 /05 /mai /2006 09:14
L'INCOMPRIS de LUIGI COMENCINI



Comencini connut la notoriété avec des films comme "Pain, amour et fantaisie",  "Pain, amour et jalousie", "La Storia", où il décrivait la vie ordinaire du peuple italien et fut donc classé aussitôt comme un artisan qui donne à rêver, non comme un auteur. " On ne peut pas avoir une attitude publique contre la société de consommation " confiait-il   en 1979,  et en même temps, contribuer, avec des films publicitaires, à maintenir cet état de chose ". 

 

Né le 8 juin 1916, il fit ses études secondaires en France, avant de regagner Milan et d'y obtenir un diplôme d'architecte en 1939. Il dit avoir été marqué principalement par deux livres : "Les Faux-Monnayeurs" de Gide et "L'Evangile". En rencontrant Alberto Lattuada, il prend goût au cinéma, se familiarise avec la technique et fonde une cinémathèque privée. Elle est à l'origine de l'actuelle cinémathèque de Milan. Durant la guerre, il sera assistant-réalisateur et en 1946 travaille à la rubrique culturelle d'un quotidien socialiste Avanti. Son premier documentaire "Bambini in città" est consacré à des enfants des quartiers dévastés de Milan qui tentent de se créer un monde imaginaire supportable pour survivre. Présenté à Cannes et à Venise, il est remarqué par Carlo Ponti qui propose à son auteur un remake d'un film américain à succès "Boy's Town", dont l'histoire est celle d'un prêtre qui s'essaie avec succès à récupérer des enfants en perdition. Plus tard, dans "Proibito rubare", Comencini oppose l'idéalisme d'un jeune prêtre à la violence des quartiers difficiles, film qui sera un échec commercial, si bien que, pour se remettre à flot financièrement, le cinéaste se voit dans l'obligation de commettre une comédie assez médiocre qui n'a d'autre ambition que de tailler un costume sur mesure au comique italien Toto.

 

Son premier vrai succès, Comencini l'obtient avec  "Pain, amour et fantaisie". Dans le rôle d'un maréchal des logis qui préfère courir les filles que de s'acquitter de ses tâches, Vittorio de Sica est inénarrable et Gina Lollobrigida, dont ce sont là les débuts, pulpeuse à souhait. Le film sera bien accueilli par la critique et Alberto Moravia y verra même : "le passage du film néoréaliste à la comédie de dialecte. D'une authenticité de contenu et de documentation à une authenticité d'art et de langage".

 

"La Grande Pagaille", en 1960, reçoit également un bon accueil, alors que le film précédent "Fenêtre sur Luna Park" (1956), film personnel où Comencini poursuit sa réflexion sur l'enfance, est un cruel échec. " Le film est émouvant, mais à quoi bon s'attarder sur la misère dans les taudis ? " aurait déclaré un ministre italien de l'époque. L'incompris, qu'il tourne en 1967, est lui aussi très mal accueilli à Cannes, mais sera réhabilité dix ans plus tard, au point d'être considéré, aujourd'hui, comme le chef-d'oeuvre du mélodrame sur l'enfance, la critique s'étant aperçue, mais un peu tard, que le cinéma italien ne se réduisait pas aux seuls Rosselini, Visconti et Fellini. Par la suite, Comencini se consacrera à des oeuvres majeures plus connues : "Casanova", "Un adolescent à Venise" (1969), "Les aventures de Pinocchio" (1972), "L'argent de la vieille" (1972), "Un vrai crime d'amour" (1973), "Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas ?" (1974). Ce grand cinéaste ne compte pas moins de 48 films à son actif. Moraliste, il pose sur la condition humaine un regard sans complaisance et peu de cinéastes ont aussi vigoureusement souligné le désarroi de notre société contemporaine. Comencini avait pour souci constant de réaliser des oeuvres capables de faire réfléchir sur les sujets les plus graves sans perdre de vue les règles du spectacle. 


Avec "L'Incompris" il traite d'un des sujets qui lui tient le plus à coeur : l'enfance. L'histoire est celle d'un Consul de Grande-Bretagne en poste à Florence, Sir Duncombe, qui vient de perdre sa jeune femme. Le film commence alors que le père désemparé annonce à son fils Andréa, âgé de dix ans, la terrible nouvelle, lui demandant de garder le secret pour protéger son jeune frère de cinq ans, qu'il juge trop vulnérable pour apprendre la vérité. Il est donc convenu entre le père et son aîné que l'on fera croire à Milo que leur maman s'est absentée pour un long voyage. Andréa, conscient de ses responsabilités, accepte de jouer le jeu et s'y emploie si bien que Sir Duncombe finit par penser que l'aîné est insensible et indifférent. Bien sûr, il n'en est rien, mais pour mieux donner le change, le jeune Andréa affiche une attitude distante, s'isolant dans son chagrin et affichant  un visage impénétrable.

 

Arrive alors, dans la belle demeure florentine, un oncle qui a vite fait de percer le mystère et de comprendre que l'aîné est sans doute plus vulnérable que le benjamin, sa réserve n'ayant d'autre raison que de cacher un immense désarroi. Il en parle à Sir Duncombe, qui prend ses propos au sérieux, et décide de se rendre à Rome pour faire découvrir la ville éternelle à Andréa. A l'annonce de ce départ, Milo, jaloux, déploie tout son charme, use de cajoleries, afin de faire échouer le projet. D'autant qu'une opération des amygdales, à la suite d'un gros rhume, tombe fort à propos. Le voyage est annulé. Andréa se sent plus seul que jamais et imagine que son père ne l'aime pas, réservant tout son amour et son attention à son frère. 

 

Un jour, pour se lancer un défi et se prouver à lui-même qu'il est un homme, Andréa s'aventure sur une branche au-dessus d'un étang, tombe et se brise la colonne vertébrale. Le film s'achève sur la mort de l'enfant que son père, désespéré, veille, ayant enfin compris que ce défi n'était autre qu'un appel au secours. Mais le drame s'accomplit et le père ne peut plus que murmurer : Tu es vraiment le fils que tout père voudrait avoir.

 

Ce long métrage, de facture serrée, est servi par un scénario sobre et implacable, des images belles, une interprétation admirable ( particulièrement celle des deux enfants ) et assez de distance pour que le film ne sombre jamais dans le mélo. Tout est suggéré avec tact et délicatesse, sans aucune insistance malencontreuse ou trop appuyée. Pourtant ce très beau film fut littéralement massacré par la critique officielle. Yvonne Baby osa écrire dans Le Monde :
"Luigi Comencini a exploité les pires effets mélodramatiques pour spéculer sur la sensibilité des spectateurs faciles à attendrir. Deux enfants de cinq et dix ans ont été les principales victimes de cette spéculation bassement sentimentale ; pendant près de deux heures, ils nous ont fait assister à un incroyable numéro de cabotinage et de niaiserie. (...) Voilà ce qu'on peut arriver à faire quand on trahit l'enfance et qu'on méprise à la fois le cinéma et le public".
Il est vrai que les années 60 marquent l'apogée du mépris que les intellectuels nourrissent alors pour ce qu'il est convenu d'appeler " la culture populaire". Pour qu'un film soit considéré comme une réussite, il faut qu'il brasse des idées, non de viles émotions.

 

Or, celui-ci, est d'une vérité que nous sommes en mesure, hélas ! de vérifier chaque jour. Connaissons-nous nos proches ? Nous connaissons-nous nous-même ? "L'incompris" nous alerte sur la difficulté quotidienne que nous éprouvons à communiquer. L'autre n'est-il pas trop souvent l'inconnu que l'on ne peut, que l'on ne sait ni accueillir, ni comprendre ? Et cela au sein de nos familles, de nos couples ! Quel père, quelle mère ne se sont pas trouvés démunis face au silence de leur enfant ? Quel est celui qui ne s'est pas trompé en croyant bien faire ? Car Sir Duncombe ne veut, ne cherche qu'à bien faire. Mais il se trompe, se méprend avec la meilleure volonté du monde. Un tel film nous remet en cause sur la façon dont nous gérons nos sentiments.  Il nous rappelle que nous n'avons jamais assez - chevillé au coeur - le goût de l'autre. Ce seul rappel suffit à faire de "L'incompris" une belle oeuvre. 

 

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L'INCOMPRIS de LUIGI COMENCINI
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17 mai 2006 3 17 /05 /mai /2006 08:26
LE SEPTIEME SCEAU d'INGMAR BERGMAN



Ingmar Bergman, fils d'un pasteur luthérien, naquit à Uppsala en 1918 et fut, dès son enfance, en proie à des doutes et des préoccupations métaphysiques. La vie austère qu'il menait dans sa famille, l'éducation stricte qu'il reçut, en firent un enfant inventif et rêveur. Il éprouva très tôt une véritable fascination  pour le monde du spectacle, monde qui figurait pour lui le fantastique, le mythique, l'imaginaire, en contradiction avec la vie ordinaire, et lui permettait d'outrepasser les interdits. En compagnie de sa soeur, il montait des spectacles et prêtait aux marionnettes qu'il animait ses audaces et ses fureurs, ses désirs et ses révoltes. Ainsi envisagea-t-il l'art comme le lieu idéal de la transgression, celui où l'homme s'autorise à vivre  une vraie vie, celui où l'on franchit le seuil des tabous et des peurs. Il est vrai qu'il fût toujours en quête de l'effrayante vérité, celle qui, ne cessant  de se réfugier dans les replis ultimes de notre inconscient,  inspirera son oeuvre et l'incitera à exiger de ses acteurs et de ses actrices le paroxysme. Metteur en scène au regard implacable, il fut pour lui-même et les autres d'une exigence parfois impossible à satisfaire. Tourner sous sa direction était un honneur autant qu'une épreuve. Eric Rohmer - qui l'admirait - écrivit  à son propos :  L'art de Bergman est si franc, si neuf, que nous oublions l'art pour le problème des problèmes et son cortège infini de corollaires. Rarement le cinéma a su porter si haut et réaliser si pleinement nos ambitions.
 
 
 

Le Septième Sceau fut tourné en 1956 et se vit attribuer en 1957 le Grand Prix Special du Festival de Cannes, alors que le cinéaste suédois avec déjà produit quelques-uns de ses chefs- d'oeuvre :  Jeux d'été (1950),  Monika  (1953), La nuit des forains (1953), Sourires d'une nuit d'été (1955) .
 

"Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit dans le ciel un silence d'environ une demi-heure".

 

"C'est l'ombre de la mort qui donne relief à l'existence ", disait-il et ce film, qu'est-il d'autre, sinon une longue méditation sur le sens de la vie, que la mort vient implacablement interrompre, dans sa trajectoire terrestre et humaine ? Un pessimisme fondamental, dont Kierkegaard est peut-être l'un des inspirateurs et père spirituel, mêle les thèmes du désespoir, de la révolte, de la misère d'une humanité sans amour, mais non sans Dieu, dont la présence sera ré-affirmée dans son film  La Source ( 1959 ), comme l'unique moyen de réconciliation entre les vivants.

 

L'histoire est la suivante : un Chevalier interprété par Max von Sydow - avec lequel Bergman tournera plusieurs longs métrages - revient des Croisades, lorsque lui apparaît -au bord de la mer - sur une grève sauvage et solitaire, la mort. Pour gagner du temps et peut-être découvrir l'ultime vérité, le Chevalier lui propose une partie d'échecs. Autour d'eux, dans la Suède du XVIe siècle, que l'usage du noir et  blanc restitue dans une sorte de dépouillement minéral, la peste sévit, fauchant les vies avec une sombre indifférence.

 

Je veux utiliser ce délai ( celui que lui accorde la partie d'échecs ) a quelque chose qui ait un sens.
- C'est pourquoi tu joues avec la mort ?
- C'est une habile tacticienne mais je n'ai encore perdu aucune pièce.
- Comment espères-tu la déjouer ?
- Je jouerai avec mon cheval et mon fou.
- Je veux savoir, pas croire, dit encore le Chevalier à son partenaire, la mort. Je veux que Dieu me tende la main, qu'Il me dévoile son visage et qu'Il me parle.


 

Mais le silence de Dieu parait être la seule réponse que reçoive l'ancien Croisé. Et ce silence est intolérable. L'obsession de Bergman se dévoile dans ce film avec une troublante intensité. Même si aucune figure visible de Dieu n'existe, il ne peut pas ne pas y avoir une vérité à découvrir et à comprendre. Une vérité qui se livre et ne nous condamne plus à la vision improbable de son reflet. Chacun des protagonistes du film cherche quelque chose, parfois sans le savoir, ou possède quelque chose, parfois en l'ignorant. Ainsi le jongleur, simple en esprit, sorte d'Adam avant la chute, nimbé de la grâce de l'innocence. Ou bien le jeune couple de la troupe de comédiens ambulants qui consacre le plus clair de son temps à chanter et à s'aimer.Ceux-là ne seront pas emportés dans la sinistre farandole de la mort. Ceux-là représentent une humanité, encore dans sa pureté originelle, qui n'apostrophe ni Dieu, ni Diable, et se contente de vivre, malgré la peste noire et les épreuves innombrables, avec une naïve simplicité. 

 

Le grand mérite de ce film est d'abord d'être simplement un film et l'un des plus beaux que l'on puisse voir, bien qu'il comporte une part importante d'abstrait et de théorie. Son point de départ n'est pas - ainsi que nous le confie l'auteur - une idée mais une image. Et nous n'avons pas de peine à le croire, tant il y fait référence aux thèmes chers aux peintres et sculpteurs du Moyen-Age. S'il y a naïveté dans ces diverses allégories, c'est parce que Bergman a su retrouver la candeur et la saveur de cet art incomparable et qu'avec sa pellicule il en a restitué l'iconographie, sans céder au décalque, et en y ajoutant, pour notre plus grand bonheur, le fruit d'une création constamment originale.

 

Le Septième Sceau se déroule comme une longue fresque médiévale qui n'est pas sans évoquer les peintures du Hollandais Jérôme Bosch aux composantes mystiques et symboliques et  les danses macabres, fréquentes alors, sur les murs des cathédrales. L'époque est évoquée avec un réalisme sans outrance, mais volontairement détaché, qui ajoute à l'esthétisme de ce film bien séquencé. C'est, à mon avis, l'un des plus aboutis de Bergman. Grâce à lui, il connut d'ailleurs une renommée mondiale et se révéla comme l'un des maîtres incontesté de l'art cinématographique. D'autant qu'il  replace l'humain et le questionnement métaphysique au centre de nos préoccupations ;  ce, avec une écriture sobre et des images qui cernent l'essentiel au plus près. Les acteurs, conduits de main de maître, sont tous excellents. Leurs visages, saisis avec précision dans leur nudité la plus émouvante,  nous rendent étonnamment sensible le drame dans lequel le metteur en scène les immerge. Un film qui fait date et a le mérite de nous remettre en phase avec les problèmes fondamentaux de notre destinée.


Pour lire l'article que j'ai consacré au cinéaste, cliquer sur son titre :   

 

INGMAR BERGMAN OU UN CINEMA METAPHYSIQUE



Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, cliquer sur le lien ci-dessous :  

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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LE SEPTIEME SCEAU d'INGMAR BERGMAN
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13 mai 2006 6 13 /05 /mai /2006 20:30
CITIZEN KANE d'ORSON WELLES

    
Orson Welles,  né le 6 mai 1915 à Kenosha dans le Wisconsin, avait 25 ans lorsqu'il réalisa Citizen Kane. Formé, en tant qu'acteur de théâtre, à la Todd School de Woodstock, il commence par adapter et filmer des pièces pour la radio et le cinéma avec sa troupe, la " Mercury Théâtre ". Dès son jeune âge, il apparait comme un meneur, épris de nouveauté et doté du sens de la dérision, d'autant que la mort de ses parents l'oblige trop vite à se prendre en charge et à se débrouiller seul. La solitude va marquer sa vie et celle de ses héros. Citizen Kane  nous conte l'existence compliquée et conflictuelle d'un magnat de la presse ( il s'est inspiré de William Hearst ), sur laquelle pèse une énigme, que le cinéaste va amplifier et aggraver à plaisir, mais avec quel talent ! Que signifiait, en effet, ce mot "rosebud " que Kane avait prononcé juste avant de mourir ? La vie du personnage est  retracée d'après l'enquête conduite scrupuleusement par un journaliste, à l'aide de flashbacks, qui sont utilisés, pour l'occasion, de façon inhabituelle, autorisant le cinéaste à des variations qui s'appliquent toutes à déconstruire le temps. Chacun de ceux qui ont côtoyé Kane donne de lui une version différente, si bien que les récits s'entrecroisent, brouillent les pistes et accroissent le sentiment de mystère qui nimbe la personnalité du héros. Ainsi Welles introduisait-il, dans le jeune cinéma américain, des innovations que ses successeurs utiliseront avec plus ou moins de bonheur.  Mais, à moins de trente ans, il  venait de marquer d'une empreinte indélébile le cinéma international, son influence ayant  tôt fait de déborder les frontières de l'Amérique. Ainsi a-t-il  eu recours à la "profondeur du champ", comme si les scènes se superposaient ou s'entrechoquaient, dilatant l'espace, ainsi que le flashback avait déconstruit le temps, et offrant à l'art cinématographique des possibilités encore insoupçonnées.


 

Malgré les trouvailles techniques, esthétiques, narratives, le film fut un échec commercial. La firme RKO retira même à son auteur le droit de superviser ses films suivants. Ainsi en va-t-il trop souvent des novateurs, rarement reconnus de leur vivant. Le génie hors norme de Welles et son goût du subversif en faisaient un homme à part, qui ne parvenait pas à s'adapter à la cuisine des grands studios hollywoodiens. Il aimait trop l'outrance des personnages grandioses et monstrueux. En amour, il ne fut guère plus heureux, mais il laisse derrière lui une filmographie remarquable, où voisinent Othello et Macbeth, auxquels il devait s'identifier. Citizen Kane, son film de jeunesse, le place aux côtés d'un Eisenstein ou d'un Dreyer. Oeuvre personnelle s'il en est,  réflexion désabusée sur le sens de la vie et le tragique du destin humain, il y révèle son savoir-faire, son habileté et sa formidable originalité de créateur.

 


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ORSON WELLES OU LA DEMESURE

 

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CITIZEN KANE d'ORSON WELLES
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11 mai 2006 4 11 /05 /mai /2006 10:14
IVAN LE TERRIBLE de S.M. EISENSTEIN

    
Sergheï Mikhailovitch Eisenstein est né à Riga en Lettonie le 23 janvier 1898. Après de brillantes études -  il était un dessinateur prolifique et un personnage très cultivé, dont les écrits extra-cinématographiques sont malheureusement peu connus - il s'engage dans l'Armée Rouge. Démobilisé en 1920, il se destine alors à une carrière de metteur en scène et de décorateur de théâtre. Quatre ans plus tard, il réalise son premier long métrage  La Grève et  l'année suivante  Le Cuirassé Potemkine, film qui a beaucoup contribué à sa célébrité et dont la scène fameuse de la poussette dévalant un escalier reste un des grands moments du cinéma. En 1931, il part au Mexique tourner Que viva Mexico, projet qui n'aboutira pas davantage que son premier film parlant " Le Pré de Béjine" d'après une nouvelle de Tourgueniev.

 

C'est en 1941 qu'il entreprend son film  Ivan le Terrible, dont l'action se situe en l'an 1547, lorsque le Grand Duc de Moscovie est couronné tsar de toutes les Russies. Le film se déroule dans l'atmosphère oppressante des complots : ceux des Boyards qui craignent pour leurs privilèges et ceux de ses proches qui jalousent son pouvoir grandissant. Ivan a heureusement l'appui du peuple dans son effort pour faire de la Russie féodale un puissant Etat centralisé.
 


En effet, Ivan IV doit faire face, non seulement aux intrigues de la cour, mais à l'opposition de sa propre tante Euphrosina. En public, toutes les marques de respect lui sont prodiguées, alors qu'en privé il est insulté et outragé. Après son mariage, il réussit à prendre Kazan, la ville de ses ennemis, les Tatars, qui lui contestaient le titre de tsar. De retour à Moscou, il tombe malade, empoisonné par ses opposants. Une fois rétabli, il fait part de son désir de gouverner pour le bien du peuple. Son grand discours sur la place Rouge est acclamé. Fort de cette ferveur populaire, Ivan entreprend alors une terrible vengeance.

 

Ivan le terrible concentre son action sur la personnalité du premier tsar de toutes les Russies en privilégiant, par ailleurs, une méditation sur la violence du pouvoir ( d'où le mécontentement de Staline probablement ), cela à travers des séquences d'une grande beauté plastique. Ce film révèle un artiste en recherche permanente pour qui le 7e Art était d'abord un discours esthétique. Ainsi a-t-il réussi une fresque grandiose aux dimensions inégalées. Comme à son habitude, et malgré l'ampleur de l'enjeu, Eisenstein y poursuit ses vertigineuses expériences. A la fois lyrique, monumental et dramatique, le film est l'aboutissement de ses recherches de cinéaste. Les audaces stylistiques, le montage polyphonique en font son oeuvre la plus aboutie, bien que le second volet ne sera rendu public qu'en 1958, dix ans après sa disparition.

 

Son influence n'en fut pas moins immense, particulièrement sur la génération " nouvelle vague" et sur des cinéastes comme Resnais, Bresson et Godard. Si l'oeuvre reste inachevée, du fait de la mort d'Eisenstein survenue à l'âge de 50 ans, ce dernier opus correspond, dans l'ensemble de son oeuvre, au passage du conflit collectif au drame personnel, de l'intérêt qu'il portait à une foule sans visage à celle qu'il accorde soudain au héros solitaire, entre l'image pleine de compassion qu'il se faisait du petit peuple grouillant et celle grandiose et inhumaine du monarque.

 

Il n'est pas incongru de supposer qu'Ivan était une projection de Staline, devenu un tyran et qui aspirait à changer la Vieille Russie. Cette supposition affleura certainement dans l'esprit du dictateur, puisque le film ne put être projeté dans les salles qu'après sa mort et celle de son auteur, par la même occasion. "Il n'est pas d'art sans conflit" - écrivait Eisenstein et il nous le démontre superbement en nous faisant vivre le combat singulier de son héros aux prises avec les événements qui le conduiront à son déclin, à sa chute et à son anéantissement. Outrepassant l'ancienne distinction entre le contenu et la forme, il déclarait que si le contenu était un principe d'organisation, le principe d'organisation de la pensée constituait, en réalité, le véritable " contenu" de l'oeuvre.

 

Quoi qu'il en soit, Ivan le Terrible reste une film magistral, où Eisenstein tire toutes les ressources esthétiques que permet l'alliance de l'image et de la musique - en la circonstance celle admirable de Prokofiev - ainsi que du montage comme construction plastique, ce qui était une véritable innovation à l'époque. Cette originalité et cette intuition qu'il avait de ce que le cinéma était en mesure de révolutionner dans l'art, ont placé au rang des maîtres celui que les étudiants de la cinémathèque nommaient volontiers, à cause de ses initiales "Sa Majesté Eisenstein".


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IVAN LE TERRIBLE de S.M. EISENSTEIN
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9 mai 2006 2 09 /05 /mai /2006 13:38

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"Au théâtre, vous avez des mots. Et les mots emplissent l'espace, restent dans l'air. On peut les écouter, les sentir, éprouver leur poids. Mais au cinéma, les mots sont très vite relégués dans un arrière-plan qui les absorbe".Carl Th. Dreyer 1965

U
ne femme, accusée de magie noire dans un village du Danemark en l'an 1623, maudit les notables qui l'ont condamnée au bûcher. Cette petite société, écrasée dans son conformisme et ses peurs, se voit soudain mise en face de ses responsabilités. L'atmosphère morbide et étouffante qui règne dans ce petit coin de la province scandinave est décrite par le cinéaste Carl Th. Dreyer avec un réalisme sans complaisance. Admirablement traité, avec les ressources du clair obscur, que permettaient les pellicules en noir et blanc d'alors, Jour de colère (Dies irae) tourné en 1943, est d'une austérité qui sert à la perfection ce sujet difficile. J'avais vu le film jeune étudiante à la cinémathèque et n'ai pu l'oublier. Un poème plein de silence. Du vrai cinéma de par la force des images et l'économie du verbe. Un cinéma de l'écriture contre le spectacle et le théâtre du texte et du discours, c'est sans doute ce qui a motivé l'oeuvre cinématographique de Carl Dreyer qui a conçu son art comme un artisan. En 1933, dans un article intitulé 'Le vrai cinéma parlant", il laisse éclater son indignation à l'égard du théâtre et des décors fabriqués. Et déclare que le cinéma doit retourner à la rue, entrer dans de vraies maisons. Qu'on puisse construire des décors, reconstituer des tronçons de rue, les jardins d'une villa sont pour lui des projets révoltants. Quelques pages plus bas, il ajoute : " Je réserve mon jugement définitif jusqu'à ce que j'aie fait un film cent pour cent en studio ".La réponse viendra trente ans plus tard, frappée du sceau de la sérénité. Le film s'appelle Gertrud.



Dreyer a toujours écrit. Sa vie est sillonnée de projets qui dépassent de beaucoup le continent immergé de ses films. D'ailleurs le réalisateur est venu au cinéma par l'écrit, en exerçant conjointement les métiers de journaliste et de scénariste. Il sera un moment chroniqueur judiciaire pour un quotidien et rédigera plus de mille articles. Sa trajectoire cinématographique couvre à elle seule la plus grande partie du siècle dernier et un film comme Gertrud tombe comme un météore en pleine Nouvelle Vague, déconcertant une époque qui, peu à peu, retourne à la rue comme l'avait prophétisé le danois dès 1933. Si Dreyer apparaît comme un cinéaste différent, singulier, dérangeant, c'est pour la raison qu'il est resté secrètement marqué par le muet. Dans le muet, il y a un temps pour l'image et un temps pour le texte, un temps pour voir et un temps pour lire. Alors que le théâtre est l'art du faux. Il semble bien alors que la détermination secrète de l'auteur soit une quête de vérité. Il ira même jusqu'à poser les préceptes d'un "cinéma-vérité". Il écrira à ce propos : " Le véritable film parlant doit donner l'impression qu'un homme, équipé d'une caméra et d'un micro, s'est glissé dans un des foyers de la ville ".La caméra, selon lui, sera transgressive. Contrairement au théâtre qui voile, elle dévoile, elle révèle, le vieillard doit être un vrai vieillard, les gémissements de la femme dans Ordet sont ceux d'une femme qui accouche réellement, de même que le maquillage est éliminé. La force du cinéma, c'est de montrer les choses et les êtres tels qu'ils sont. Dreyer a trop la passion de l'authentique pour supporter les masques de la pantomime théâtrale. Ceux qui ajoutent le faux au faux procèdent par addition et superposent les masques à l'infini au point de les vouer au néant. Alors que ceux qui agissent par soustraction finissent par faire rendre au faux sa vérité ultime. Dénuder pour mieux dévoiler, aller à l'extrême de la personne et au-delà du corps chercher l'esprit. Telle est sa politique de cinéaste. Dreyer n'a-t-il pas écrit : Dans tout art, c'est l'homme qui est déterminant. Dans un film, oeuvre d'art, ce sont les hommes que nous voulons voir et ce sont leurs expériences spirituelles, psychologiques que nous voulons vivre. Nous désirons que le cinéma nous entrouvre une porte sur le monde de l'inexplicable".

 

Une telle perspective est bien celle de Jour de colère, où la tension est moins le résultat d'une action extérieure que celui des conflits de l'âme. N'est-il pas vrai, d'ailleurs, que les grands drames se jouent dans le secret ? Les hommes cachent leurs sentiments et évitent de laisser voir sur leur visage les tempêtes qui sévissent dans leur esprit. La tension est souterraine et ne se déclenche que le jour où la catastrophe arrive. C'est cette tension latente, ce malaise couvant  sous l'apparence banale de la famille du pasteur - a dit le cinéaste à propos de ce film -  qu'il m'a toujours semblé important de faire apparaître. Il y a certainement des gens qui eussent préféré un développement plus violent.  Mais regardez autour de vous et remarquez comme les plus grandes tragédies se passent d'une manière très ordinaire et très peu dramatique. Peut- être est-ce ce qu'il y a de plus tragique dans les tragédies ? Ce qui a lieu sur l'écran n'est pas la réalité et ne doit pas l'être, car si cela était, ce ne serait pas de l'art. Nous avons cherché - a poursuivi Carl Dreyer - mes acteurs et moi, à jouer vrai pour créer des hommes vivants et authentiques. J'ai mis en garde les uns et les autres contre le faux et l'extérieur. J'ai tâché, autant que possible, d'être impartial. Il est vrai que le prêtre condamne la bonne vieille sorcière mais ce n'est pas parce qu'il est méchant et cruel. Il ne fait que refléter les préjugés et les idées religieuses du temps. Lorsqu'il tourmente sa victime pour lui arracher des aveux, c'est que l'aveu assurait aux accusés la vie éternelle. D'une façon générale, le metteur en scène doit être libre de transformer la réalité afin qu'elle s'identifie à la simplicité de l'image qu'il a envisagée. Tout créateur est confronté au même problème : il doit s'inspirer de la réalité, puis s'en détacher, afin de couler son oeuvre dans le moule de son inspiration. Ce dépouillement, cette simplicité si caractéristiques du cinéma de Dreyer sont assurément l'art suprême et ont contribué à rendre ses films indémodables. Curieusement, en jouant avec le minimum de moyens, il est parvenu à dire le maximum de choses et à atteindre l'essentiel. On retrouve cela dans quelques toiles de grands peintres : une paire de galoches, une chaise vide, une fleur oubliée suggèrent davantage qu'un assemblage hétéroclite d'objets. Là où la surabondance disperse et embrouille, le dénuement rassemble et éclaire et la leçon vaut dans tous les cas.

 

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JOUR DE COLERE de CARL DREYER
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30 avril 2006 7 30 /04 /avril /2006 10:53
ENTRONS DANS LA DANSE de CHARLES WALTERS

 
En ces temps de vacances, un peu de champagne, un peu de joie, un peu de fête. C'est ce que nous propose ce film qui n'a pas pris une ride et que je vous invite à visionner lors d'une douce soirée entre amis, avant de partir danser à votre tour. Entrons dans la danse est l'un de ceux qui ont contribué à assurer la renommée du couple Astaire/ Rogers, de même qu'il  nous révèle cet art de la danse qu'ils ont servi avec un talent inégalé. Danseurs-nés tous deux, leur rencontre à Hollywood en 1930 fut un merveilleux hasard. Elle leur permit, dès l'année suivante, de tourner leur premier film : La joyeuse divorcée. La firme RKO avait immédiatement deviné que leur association était vouée au succès et, en effet, celui-ci fut présent au rendez-vous. Ce premier galop d'essai réussi, ils vont enchaîner film sur film avec le même brio et cinq nominations aux Oscars les feront bientôt entrer dans la légende de Hollywood. Il est vrai qu'ils avaient tout pour séduire : la grâce, la légèreté, l'élégance et une technique, une virtuosité insurpassables. Alors ne boudons pas notre plaisir, vite à nos DVD si c'est possible. Le film de Charles Walters est entièrement consacré à  la danse et c'est tant mieux. Dans le genre, c'est une réussite parfaite, un enchantement pour l'oeil et l'oreille, une suite de ballets  étincelants, de duos inoubliables, où Fred et Ginger donnent le meilleur d'eux-mêmes et nous envoûtent. L'histoire est celle d'un couple de danseurs célèbres Josh et Dinah tenté un moment par une carrière d'acteurs dramatiques, mais qui s'empresse de revenir à ses premières amours - a été taillée à leurs mesures. Ils peuvent ainsi donner libre cours à leurs improvisations, à ces pas de deux époustouflants qui s'enchaînent au rythme des claquettes. Les toilettes de Ginger Rogers sont ravissantes, sa beauté et sa souplesse font merveille auprès d'un Fred Astaire d'une sobre élégance. Le film est joyeux, enlevé, les décors se succèdent comme les ballets, selon une synchronisation qui ne laisse rien au hasard. Il y a entre ces deux admirables danseurs  une magie qui nous atteint et nous subjugue. Comment faire mieux ? La perfection est réellement atteinte. On est là au sommet de ce que Hollywood a pu et su accomplir pour notre plus grand bonheur.

 

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13 avril 2006 4 13 /04 /avril /2006 10:01
FEDERICO FELLINI OU UN UNIVERS ONIRIQUE

     

" Les ombres meurent-elles ? " demandait le cinéaste pour souligner le caractère immanent du clown dans les formes du spectacle contemporain. Et c'est précisément cette poésie de l'inutile et du superflu qui habite l'art de  Federico Fellini  : un univers fantasmé qui se reflète dans la vie, un monde où ne cessent de cohabiter le vraisemblable et l'artifice. Auteur singulier, insaisissable, magicien de la lumière, la présence de ce réalisateur inclassable dépasse de beaucoup le domaine du 7e Art, auquel il a pourtant donné une âme, un coeur et des images inoubliables. Car il est de ceux qui non contents d'animer des personnages, de donner existence à des récits et à des contes, ont influencé un langage en libérant l'imagination onirique et en devenant les géographes de mondes inexplorés. Il est également de ceux qui se sont fait les chantres de la mémoire, du faux et du vrai, et dont chaque oeuvre ouvre des perspectives inédites. Chez lui, face à l'angoisse du présent, le retour aux rives bienheureuses de l'enfance, du souvenir, était une tentative pour échapper à l'emprise du réel, pour reculer désespérément le crépuscule d'un monde qu'il savait inexorablement perdu.


Federico était né à Rimini le 20 janvier 1920. Il héritera de ses parents une sensibilité peu commune qu'il considère ainsi : " Certains pleurent dans leur for intérieur. D'autres rient. Moi, j'ai toujours eu tendance à protéger l'intimité de mes émotions. J'étais content de partager ma joie et mes rires, mais je ne voulais pas que l'on sache que j'étais triste ou que j'avais peur. Ce que je sais - ajoutait-il - c'est que mes souvenirs m'appartiennent et qu'ils seront miens tant que je vivrai". On comprend déjà à cette façon simple et compliqué de s'expliquer, l'alchimie secrète dont il saura user, cet apanage des grands qui ne craignent pas d'assumer leurs extravagances et leurs désirs  et donnent raison à la phrase de Shakespeare dans La Tempête : "Nous sommes faits de la même matière que nos songes". Il ne craignait pas davantage le chaos et se plaisait à le provoquer afin de reconstruire mieux et de manière autre, plus proche de son idéal. Deux thèmes vont dominer son art : l'amour et le voyage. Jeune, il aimait s'évader et la fugue, qui le marquera le plus profondément, sera celle qu'il fera avec un cirque, où les personnages de clowns le frapperont à un point tel qu'ils feront partie à tout jamais de son univers. Il affirmera d'ailleurs après sa rencontre avec le clown Pierino : "Je compris que lui et moi n'étions qu'un seul et même être. Je ressentis une affinité immédiate avec son manque de respect. Il y avait quelque chose dans sa négligence soigneusement pensée, quelque chose d'amusant et de tragique." Il ira jusqu'à laver un zèbre déprimé, épisode dont il se souviendra toujours.


Bien que la légende veuille qu'il ait été un cancre et un vaurien, il faut croire que l'enfant Federico avait des dons assez exceptionnels et une intelligence assez vive pour avoir su tirer de cette jeunesse agitée et instable une manne capable de nourrir toute sa vie d'artiste et de créateur. Il ira même jusqu'à dire : "J'ai passé ma vie à tâcher d'oublier mon éducation", mais il le fera de façon à n'offenser personne, à ne causer de souffrances à quiconque, comme à son habitude. Ainsi il s'éloignera peu à peu d'une école peu stimulante, d'une mère mélancolique, d'une éducation répressive, d'une province fermée, afin de devenir pleinement lui-même, un homme qui chérit la fantaisie, l'improvisation et se plaît dans un monde imaginaire qu'il peut édifier selon ses aspirations. Excellent dessinateur, il commence à monnayer ses premiers dessins et à 17 ans justifie la bonne raison qui l'incite à quitter le domicile paternel : il vient d'être engagé par une revue satirique de Florence. Il y résidera quatre mois et se fixera ensuite à Rome où il s'inscrit, de façon à rassurer sa famille, à la faculté de droit. "Dès que je suis arrivé à Rome  - avouera-t-il - j'ai eu l'impression d'être chez moi. Rome est devenue ma maison dès que je l'ai vue. C'est à cet instant-là que je suis né". Après avoir connu les petits boulots, il est embauché par le journal "Marc'Aurélia", authentique fourmilière de cerveaux humoristiques qui lui donnera l'occasion de réaliser de nombreuses illustrations, d'écrire environ 700 pièces et lui méritera la sympathie d'un public jeune. L'autobiographie et l'auto-ironie seront le moteur de ces rubriques et le secret de son succès. C'est à cette époque qu'il rencontre Giulietta Masina, une jeune actrice qui prête sa voix à l'un de ses personnages lors d'un enregistrement radiophonique. Fellini commence alors à fréquenter le milieu du music-hall qui l'inspire pour ses productions et fait, entre autre, la connaissance de Fabrizi pour lequel il rédige des dialogues. Ils se sépareront mais ces heures d'échanges et d'amitié suggéreront à Fellini certains de ses dialogues ultérieurs. Ce monde du music-hall le conduit à composer deux revues ; ses rapports avec  Giulietta Masina  se concrétisent par un mariage ; enfin on lui propose d'écrire son premier scénario. Mais Rome en cette année 1943 est occupée par les Allemands et la vie n'y est pas facile. On fait du cinéma en cachette et le public se rend au théâtre comme à une manifestation, afin de persuader l'occupant que la vie continue bon gré mal gré. Avec l'arrivée des alliés, les acteurs et metteurs en scène vont être pris d'une vraie fringale de réalisations. Il y a tellement à dire et à montrer, d'autant qu'on sait l'épreuve stimulante. C'est à cette époque que Fellini croise Rossellini, rencontre déterminante qui va lui permettre de travailler à l'élaboration du scénario de "Païsa" (1946) et même d'en être, lors du tournage, l'assistant-réalisateur. C'est grâce à Rossellini  - dira Fellini  -que m'est venue l'idée du film comme voyage, aventure, odyssée. Il fut un maître et un ami sans pareil. Fellini vient de faire son entrée dans le 7e Art qui sera désormais son moyen d'expression privilégié. Il poursuivra un moment son apprentissage technique auprès de Lattuada avant de prendre son destin en main avec "Courrier du coeur" ou "Le Cheikh blanc".

Suivront plus d'une vingtaine de films dont presque autant de chefs-d'oeuvre. " Je fais des films car je ne sais rien faire d'autre et j'ai l'impression que les choses se sont mises en place très rapidement, de façon spontanée, naturelle, pour favoriser cette inéluctabilité. (...) Je n'aurais jamais pensé devenir metteur en scène, mais dès l'instant où j'ai crié pour la première fois : "Moteur !  Coupez ! ", j'ai eu l'impression de l'avoir toujours fait, et je n'aurais pas pu faire autre chose, c'était moi, c'était ma vie. En faisant des films, je n'ai donc pas d'autres intentions que de suivre un penchant naturel, c'est-à-dire raconter en images des histoires qui me sont proches et que j'aime raconter dans un mélange inextricable de sincérité et d'invention avec l'envie d'étonner, de me confesser, d'absoudre, de prendre effrontément du plaisir, d'intéresser, de faire la morale, le clown, d'être prophète, témoin...de faire rire et d'émouvoir."

 

C'est avec "La Strada"  que Fellini rencontre vraiment le succès en 1954, opus qui sera suivi en 1955 par "Il bidone" et en 1957 par "Les nuits de Cabiria". De la pauvre fille ballottée sur les routes par un saltimbanque, à la prostituée candide honteusement trompée par un homme qui ne voulait que son argent, en passant par l'escroc vieillissant qui meurt abandonné de ses complices, se définit un univers de détresse sans issue, sinon celle d'une espérance d'inspiration chrétienne qui se concrétise sous les traits de la grâce et frappe ainsi les coeurs endurcis. En 1960, sa réputation deviendra encore plus grande avec le succès de "La dolce vita" où le cinéaste se livre à une radiographie de la société romaine mise à nu par ses turpitudes. La film provoque le scandale mais n'en reste pas moins  une oeuvre de référence dont le succès sera planétaire. Avec "Satyricon", en 1969, c'est une antiquité décadente qu'il nous invite à suivre dans ses débordements et ses méfaits, reflet exacerbé de notre décadence moderne. Avec une trentaine de réalisations à son actif, Fellini, homme de spectacle, est un fabuleux inventeur de formes, un visionnaire capable de saisir la dimension fantastique de l'existence et, sous ses oripeaux de magicien, de mettre en scène le crépuscule de notre civilisation. Son contrat de réalisateur parfaitement rempli, il apparaît aujourd'hui comme l'un des plus grands maîtres du 7e Art qui a su nous toucher si essentiellement et durablement par son don d'invention et son imprévisibilité. Mieux que personne, il était conscient que la mort n'existe pas, que ce n'est là qu'un accident de  la vie normale, toujours vaincue par la puissance de l'imaginaire. De sa boite à sortilèges, il a fait jaillir les personnages les plus incroyables, les métaphores les plus inattendues, opposer à la médiocrité journalière les défis les plus délirants, jouer de l'étrange, du désarmant, de l'outrancier, surprendre toujours, décevoir rarement, mais choquer parfois ceux qui n'avaient pas encore pris le temps de le rejoindre. 

 

 

Pour lire les articles de la rubrique consacrée aux réalisateurs, cliquer sur son titre :

 

 

 
LISTE DES ARTICLES - REALISATEURS du 7e ART

 

 

Et pour consulter les articles que j'ai consacrés aux films de Fellini,  cliquer sur le leurs titres :

 

 

AMARCORD de FELLINI          LA STRADA de FEDERICO FELLINI

     


 LA DOLCE VITA de FEDERICO FELLINI 

 

 

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FEDERICO FELLINI OU UN UNIVERS ONIRIQUE
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

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Stanley Kubrick

 

 

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