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1 novembre 2008 6 01 /11 /novembre /2008 11:05
QUANTUM OF SOLACE de MARC FORSTER
QUANTUM OF SOLACE de MARC FORSTER

   

La salle était pleine hier soir pour assister à la sortie très attendue du 22ème épisode de la série fameuse des James Bond, film haletant et spectaculaire d'un style un peu différent des précédents (mais je ne les ai pas tous vus), et qui fait suite à Casino Royale où l'on voyait mourir Vesper (Eva Green) la compagne de Daniel Craig, dont la motivation principale va être désormais de rechercher les vrais coupables. Cet opus nous présente donc un héros en proie, pour la première fois, à des sentiments personnels qui vont le mettre en porte à faux avec sa haute direction et faire de lui un fauve solitaire froidement déterminé à satisfaire sa vengeance. Faisant fi des aventures amoureuses, le James Bond d'aujourd'hui travaille pour lui et voit les dangers se multiplier et le cerner de toutes parts : de la CIA comme du M 16 Britannique, son propre service qui lui reproche avec véhémence de se laisser aveugler par ses ressentiments. Ce thème donne lieu à des séries de poursuites plus spectaculaires les unes que les autres avec des effets spéciaux époustouflants, que ce soit en bateau, en avion ou en voiture, elles sont la grande réussite de ce film.


 

Le principal ennemi de Bond va être un méchant à l'apparence ordinaire, psychopathe de surcroît, homme d'affaires impitoyable et puissamment riche, admirablement campé par Mathieu Amalric, qui tente de mettre la main sur les ressources quasi inépuisables de la matière première qui, bientôt, sera plus précieuse que l'or : l'eau. S'en suivent des actions qui vont les opposer et nous balader à une vitesse hallucinante aux quatre coins de la planète pour finir, après de multiples rebondissements, dans un désert où l'homme riche nous apparaîtra soudain plus vulnérable que son justicier, l'un ayant peut-être son compte en banque mais l'autre son incorruptible force de caractère. Daniel Craig se révèle une fois encore très convaincant, froid, robuste, violent, dont le regard d'un bleu d'acier n'est pas sans rappeler celui de Poutine. Mais oui ! et je ne crois pas être la seule de cet avis ... Dire que ce film ne m'a pas déçue serait faux. Car le scénario m'a semblé assez plat, alignant les unes à la suite des autres des séquences d'action, des slaloms en hors-bord, voire des explosions pyrotechniques impressionnantes, mais sans causes apparentes, tant la psychologie des personnages est reléguée au second plan. Nous sommes totalement immergés dans un monde de brutes et cernés par des comploteurs machiavéliques proches de la trilogie vengeresses de Jason Bourne que, personnellement,  je préfère.

 

 
Alors James Bond dans tout cela ? Il est bien là mais changé et assez différent du héros incarné autrefois avec panache par Sean Connery, l'invulnérable. Le héros de ce dernier opus ne l'ait plus ; il semble avoir pris du plomb dans l'aile et, malgré sa forme physique impressionnante, être en proie à des sentiments confus et victime d'une blessure intérieure secrète qui, certes, l'humanise. A ses côtés, une femme ravissante, Camille (Olga Kurylenko), son double féminin, elle aussi assoiffée de vengeance et chaste amie d'une réalité passagèrement partagée. Tous deux sont aux prises avec des personnages inquiétants qui cherchent à asservir les nations sous le faux prétexte de préserver l'environnement, au point de préparer des coups d'Etat (ici en Bolivie) pour parvenir à leurs fins et satisfaire leurs appétits mercantiles. Cependant, malgré ses qualités indéniables, ce long métrage n'est pas parvenu à me séduire. Une bande sonore trop agressive, une accélération de l'action trop hachée et brouillonne finissent par dissoudre toute annexe psychologique, faisant de ce film un spectacle purement visuel.

 

Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN & CANADIEN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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QUANTUM OF SOLACE de MARC FORSTER
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25 octobre 2008 6 25 /10 /octobre /2008 14:33
LA MORT AUX TROUSSES d'Alfred HITCHCOCK

   
La mort aux trousses ( North by Northwest ) est l'un des films les plus connus de Hitchcock et l'un des rares qui ne soit pas inspiré d'un roman, mais trouve sa source dans la seule imagination de Sir Alfred.A New-York, Roger Thorhill est enlevé par deux hommes qui le prennent pour un certain Kaplan, un inconnu qui n'a pas d'existence concrète. Ils l'emmènent chez le riche Philipp Vandamm, le saoulent et le mettent dans une voiture lancée à vive allure. Bien entendu, la police l'arrête, puis le relâche. Aux Nations-Unies, un homme, que Roger désirait voir, est assassiné sous ses yeux et lui-même suspecté du crime, aussi s'enfuit-il à Chicago. Dans le train, il est caché par la séduisante Eve Kendall. Alors qu'il avait rendez-vous avec Kaplan, dont on cherche à lui attribuer l'identité, Roger est attaqué par un avion qui tente de le tuer. De nouveau arrêté par la police, il apprend que Kaplan n'existe pas : ce personnage imaginaire sert de couverture à Eve, agent de la CIA. Roger retrouve Eve et Vandamm près du Mont Rushmore et profite de la nuit pour s'enfuir avec elle et retrouver - on lui souhaite - une existence normale. Ce film- poursuite accumule, sur un rythme effréné, les situations les plus paradoxales. Le point de départ est donc une idée d'Hitchcock : une intrigue mouvementée, pleine de rebondissements inattendus, dont l'une des scènes principales se déroule sur le Mont Rushmore, au milieu des têtes géantes sculptées dans le roc des premiers présidents des Etats-Unis.

 


Au début du film, nous plongeons dans l'action sans très bien savoir où nous allons. Jusqu'au moment où Cary Grant - qui interprète le rôle de Roger - raconte au chef du contre-espionnage tout ce qui lui est arrivé depuis le début de l'aventure. Cette scène a pour fonction de clarifier et résumer l'intrigue à l'intention du public ; elle permet, d'autre part, au chef du contre-espionnage de dévoiler l'autre partie du mystère et de nous révéler pourquoi la police ne peut rien faire pour aider le malheureux Roger, empêtré dans un imbroglio infernal, auquel il ne saisit pas grand chose. Rien n'a été laissé au hasard dans ce film et les scènes s'imbriquent les unes dans les autres pour nous renseigner au fur et à mesure et nous démontrer que nous sommes rarement les maîtres de notre destin. D'autre part, Hitchcock, toujours exigeant et précis, a veillé à ce que les décors, reconstitués en studio, soient des copies exactes des lieux évoqués. L'endroit, où l'agent se fait poignarder sous les yeux de Roger, est la réplique de la salle d'attente des délégués des Nations-Unies. La question de l'authenticité des décors et des meubles préoccupait à tel point Sir Alfred, que lorsqu'il lui était impossible de tourner dans l'endroit même, il demandait une documentation photographique complète. L'autre élément capital de ce film est la gestion de la durée. Ainsi la grande scène - qui est un véritable morceau d'anthologie - où Roger/Cary Grant court seul dans le désert pour échapper aux attaques de l'avion qui l'a pris en filature, cette scène muette dure sept minutes, ce qui est un tour de force. Lorsqu'on suggérait à Hitchcock qu'il aurait pu recourir à un montage accéléré, il répondait ceci :

" La durée des plans est destinée à indiquer les différentes distances que Cary Grant doit parcourir pour se couvrir et à démontrer qu'il ne peut pas le faire. Une scène de ce genre ne peut être entièrement subjective, car tout irait trop vite. Il est nécessaire de montrer l'arrivée de l'avion - même avant que Cary Grant le voie - parce que si le plan est trop rapide, l'avion ne reste pas suffisamment dans le cadre et le spectateur n'est pas conscient de ce qui se passe. Je crois que l'utilisation du montage accéléré, pour rythmer les scènes d'actions rapides, dans beaucoup de films, constitue une dérobade devant la difficulté ou même un rattrapage dans la salle de montage. Ce n'est pas satisfaisant", concluait-il.
 

 

Il est vrai que l'aspect séduisant de cette scène réside dans sa gratuité même. C'est une scène vidée de toute vraisemblance et de toute signification : le cinéma envisagé de cette façon devient vraiment un art abstrait comme la musique. Cette gratuité, que les critiques ne se sont pas privés de reprocher à Hitchcock, constitue l'intérêt et la force de la scène. C'est très bien indiqué dans le dialogue, quand le paysan, avant de monter dans l'autocar, interpelle Cary Grant par ces mots : " Tiens ! voilà un avion qui sulfate et pourtant il n'y a rien à sulfater ? " L'avion, en effet, ne sulfate rien et la scène ne sert, en définitive, que la religion de la gratuité, si chère à Sir Alfred, ainsi que le goût de la fantaisie, fondé sur l'absurde. Une idée, comme celle de l'avion dans le désert poursuivant le malheureux Roger, n'aurait pu germer dans la tête d'un scénariste, pour la simple raison qu'elle ne fait pas avancer l'action ; c'est une pure idée de metteur en scène à l'originalité et à l'imagination inouïes. L'essentiel pour un cinéaste comme Hitchcock était de reproduire fidèlement les dessins préalablement établis. Il ne fallait nullement se laisser impressionner par l'espace, car on doit considérer que pour obtenir l'image finale, il y a toujours possibilité de recourir à une paire de ciseaux et de couper le rejet, l'espace inutile. Le maître répétait souvent, comme un leitmotiv, que chaque réalisateur devrait  savoir que le réalisme, à l'intérieur d'un cadrage prévu, découle la plupart du temps de l'irréalité accordée à l'espace environnant. Le classement des images sur l'écran, en vue d'imprimer quelque chose, ne doit jamais être entravé par une chose factuelle, assurait-il. Et il insistait encore :
 

" La technique cinématographique permet d'obtenir tout ce que l'on désire, de réaliser toutes les images que l'on a prévues, alors il n'y a aucune raison de renoncer ou de s'installer dans le compromis entre l'image prévue et l'image obtenue. Si tous les films ne sont pas rigoureux, c'est qu'il y a dans notre industrie trop de gens qui ne comprennent rien à l'imagerie".

                    


Ce film d'action est donc, par excellence, un film profondément pensé. Hitchcock avait un oeil de lynx et surtout une technique personnelle d'une rare efficacité. A la fois maître de l'image et maître du jeu, n'omettons pas d'ajouter sa remarquable faculté à diriger ses acteurs. Les siens furent toujours au top. Dans La mort aux trousses, Cary Grant est au mieux de sa forme et James Mason, convaincant en homme retors et sans scrupules. Avec Eva Marie Saint, Hitchcock agira, comme avec toutes ses actrices précédentes, en Pygmalion. Il choisira ses vêtements, sa coiffure, ses chaussures. Et cette actrice délicieuse saura répondre aux attentes de son metteur en scène, sans sourciller. Bien lui en a pris. Elle est parfaite. Ce Pygmalion savait extraire la quintessence de chacun. Il a toujours dominé avec aisance l'action, les prises de vue, les dialogues, le montage. Dans La mort aux trousses,  nous partons à la recherche d'un homme qui n'existe pas et tous les personnages du film sont manipulés au nom de la raison d'Etat. Sauf le spectateur, qui ne l'est qu'au nom de la raison d'Hitchcock.



Pour lire les articles consacrés aux acteurs et actrices de Hitchcock et au réalisateur lui-même, cliquer sur leurs titres :

           

 ALFRED HITCHCOCK - UNE FILMOGRAPHIE DE L'ANXIETE

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, dont la plupart des films de Hitchcock, cliquer sur le lien ci-dessous :


LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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23 octobre 2008 4 23 /10 /octobre /2008 14:27
VICKY CRISTINA BARCELONA de WOODY ALLEN

                                                            

Voici un Woody Allen, version Marivaux remis au goût du jour et qu'on a saupoudré, pour faire actuel, d'une pincée d'homosexualité aux prises avec les affres de l'amour de trois femmes et d'un homme dans les décors baroques d'une Barcelone estivale. Film plaisant, même si le metteur en scène ne peut échapper totalement aux clichés inévitables que le sujet traîne à ses basques. Mais c'est enlevé, bien rythmé, joliment interprété et ce libertinage ne cède à aucune vulgarité, malgré  l'ambiance barcelonesque torride.


Un soir, deux jeunes américaines venues passer leurs vacances dans la ville espagnole, l'une poursuivant une thèse sur la Catalogne, l'autre cherchant une vocation improbable de photographe dans le domaine de l'art, croisent dans une galerie, lors d'un vernissage, un peintre en vogue, du genre viril et maudit ( Javier Bardem ), qui leur propose avec effronterie de les emmener passer le week-end à Orviedo, sans leur cacher qu'il a envie de les mettre toutes les deux dans son lit. L'invitation est sans ambages, bien que prononcée selon les usages. L'une est prête à oser la transgression, c'est Cristina la blonde jouée par Scarlett Johansson, tandis que la brune Vicky ( Rebecca Hall ) d'un naturel raisonnable, s'élève vigoureusement contre cette suggestion qui la choque, bien qu'elle succombera la première.


Déboule un peu plus tard la femme légitime du don Juan, incendiaire et suicidaire, qui va ajouter un peu de piment aux chassés-croisés d'un trio qui risquait de se scléroser. Superbe dans ce personnage de passionaria ibérique, Penélope Cruz enflamme la pellicule et ravive des amourettes un peu trop consensuelles, dans un décor idéalement catalan.


Il semble que Woody Allen, après une période anglaise plus sombre, retrouve avec cet opus inattendu une jeunesse dissipée et que, sur le tard, il se délivre enfin d'une vie entière d'angoisse existentielle. Vicky Cristina Barcelona est un film pétillant, léger et glamour, où l'on boit beaucoup, où la vie apparaît douce et soft, les femmes belles et insouciantes, l'homme satisfait et désoeuvré. On est là dans l'ivresse d'un immédiat taillé sur mesure pour la détente, le plaisir de l'oeil, le divertissement ... made in Woody Allen. A n'en pas douter de l'ouvrage cousu main mais sans surprise innovante  de la part de ce cinéaste transgressif.

 

Pour lire les articles consacrés à Woody Allen et à Penélope Cruz, cliquer sur leurs titres    

 

WOODY ALLEN OU UN GENIE TOUCHE-A-TOUT        PENELOPE CRUZ - PORTRAIT



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VICKY CRISTINA BARCELONA de WOODY ALLEN
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13 octobre 2008 1 13 /10 /octobre /2008 10:31
PSYCHOSE d'ALFRED HICTHCOCK

    
Deux voyageurs se trouvent dans un train en Angleterre. L'un dit à l'autre : " Excusez- moi, monsieur, mais qu'est-ce que ce paquet à l'aspect bizarre qui se trouve au-dessus de votre tête ? - Oh, c'est un macgguffin. - A quoi cela sert-il ? - Cela sert à pièger les lions dans les montagnes d'Ecosse. - Mais il n'y a pas de lions dans les montagnes d'Ecosse. - Alors il n'y a pas de macguffin. "Hitchcock aimait à raconter cette histoire pour se moquer des exégètes de ses films qui exigeaient une explication rationnelle de chacun d'eux. Lui, ce qui l'intéressait, était de manipuler le spectateur, de le mener là où il le voulait, et de le soumettre au rythme imprimé à l'histoire. Il souhaitait plus que tout que la peur du héros ou de l'héroïne soit partagée par le public. Aussi faisait-il en sorte que le processus d'identification fonctionne à merveille. Et  pour comble d'habileté, il parvenait souvent à ce que le spectateur s'identifie successivement à plusieurs personnages. C'est le cas dans Psychose, où le public est d'abord avec Janet Leigh, puis enclin à soutenir Anthony Perkins, mais comme il n'est pas au bout de ses surprises, il aura vite oublié la raison initiale qui a poussé l'héroïne à dérober de l'argent, ce qui revient à dire, qu'en quelque sorte, il n'y avait pas vraiment de macguffin...


 

Une employée de banque nommée Marion  (Janet Leigh), dans un moment d'égarement, s'enfuit en voiture avec quarante mille dollars que son patron lui avait demandé de remettre à la banque. Un soir, elle s'arrête dans un motel dirigé par un certain Norman Bates  (Anthony Perkins), qui vit seul en compagnie de sa mère, une femme dont il laisse entendre à Marion qu'elle est difficile à vivre et d'ailleurs la jeune femme l'a entendue, à un certain moment, crier sur son fils. Tandis que Marion prend sa douche avant de se coucher, elle est brutalement agressée par une vieille femme qui la frappe de plusieurs coups de couteau. Norman découvre le corps avec horreur et s'emploie aussitôt à faire disparaître les traces du meurtre, puis il place le corps de Marion, ses vêtements et ses bagages dans le coffre arrière d'une voiture, et se débarrasse de celle-ci en la laissant s'enliser dans la vase noirâtre d'un étang. Peu de temps après, Marion est recherchée par Lila  (Vera Miles), sa soeur, par Sam  (John Gavin) son amant, et par un détective d'assurances chargé de récupérer l'argent : Arbogast (Martin Balsam). Arbogast, conscient du trouble dans lequel ses questions ont plongé Norman, revient subrepticement dans la maison pour tenter d'interroger la vieille dame. Il monte à l'étage et là est poignardé par une femme visiblement âgée. Norman s'emploie de nouveau à faire disparaître le cadavre dans l'étang voisin. C'est alors que Sam et Lila interviennent. Ayant appris que la mère de Norman était morte depuis huit ans, ils se rendent à leur tour dans la maison et, dans la cave, Lila aperçoit le cadavre momifié de la mère et surprend le fils coiffé et habillé avec les vêtements de celle-ci. Se sachant découvert, le coupable se jette sur Lila, couteau en main, mais Sam réussit à le désarmer. En définitive, Norman est un malade qui accomplit ses abominables crimes en se servant d'une autre personnalité que la sienne, celle de sa mère à laquelle il s'identifie lorsqu'il est en proie à ses pulsions meurtrières.

 

Hitchcock considérait que Psychose était son film le plus intéressant pour la raison que la construction du scénario permettait de s'engager sur plusieurs pistes à la fois. " Vous savez que le public cherche toujours à anticiper - disait-il - et qu'il aime pouvoir dire : Ah ! moi je sais ce qui va se passer maintenant. Alors il faut non seulement tenir compte de cela mais diriger complètement les pensées du spectateur. Plus je donne de détails sur le voyage en automobile de Marion, plus le spectateur est absorbé par sa fugue et c'est pour cela que je donne autant d'importance au policier motocycliste aux lunettes noires, image de terreur pour la jeune voleuse". En effet un policier se penche vers elle - alors que celle-ci dort dans sa voiture rangée sur le bas-côté - et quand le policier l'interpelle, à la place des yeux, elle voit deux ronds noirs formés par ses lunettes miroirs. C'est le même regard mort que celui de la mère de Norman, momie aux yeux desséchés. Même chose encore, quand Norman observe Marion en train de se déshabiller dans sa chambre, par le trou de la serrure. L'oeil devient énorme au point d'envahir l'écran. Ce thème du regard mort, opaque, creux, vide est omniprésent dans le film et trouve son explication dans l'une des phrases que prononce Norman, ancien hôte d'un asile de fous : " Il y a des yeux cruels qui vous étudient". Il y a également le symbole des oiseaux empaillés qu'il collectionne - lui-même n'a-t-il pas empaillé sa mère ? - Ainsi sa propre culpabilité se reflète-t-elle en permanence dans le regard de ces oiseaux. D'autant qu'il y a parmi eux des hiboux, oiseaux qui appartiennent au domaine de la nuit, inquiétants guetteurs qui participent du masochisme de ce héros pitoyable. "Ma principale satisfaction, disait encore Sir Alfred, est que le film a agi sur le public et c'est la chose à laquelle je tenais beaucoup. Dans Psychose, le sujet m'importait peu, les personnages m'importaient peu, ce qui m'importait, c'est l'assemblage des morceaux du film, la photographie, la bande-sonore et que tout ce qui est purement technique pouvait faire hurler le public. Je crois que c'est une grande satisfaction d'utiliser l'art cinématographique pour créer une émotion de masse. Et avec Psychose, j'ai accompli cela. Ce n'est pas un message qui a intrigué le public. Ce n'est pas une grande interprétation qui a bouleversé le public. Ce n'était pas un roman très apprécié qui a captivé le public. Ce qui l'a ému, c'est le film pur. Car la façon de construire cette histoire et de la raconter a amené le public à réagir d'une façon émotionnelle. Avec Psychose, j'ai fait de la direction de spectateurs, exactement comme si je jouais de l'orgue".
 

 

Ce film fut à l'évidence l'un des plus grands succès du metteur en scène. Alors qu'il avait été peu onéreux - il était quasi muet et facile à doubler, il se déroulait en grande partie dans une maison gothique de la Californie du Nord et les trucages étaient relativement simples - il en a rapporté beaucoup, ce qui eut un effet salutaire sur son réalisateur que l'échec commercial n'avait pas épargné. Il est vrai aussi qu'il a bénéficié d'une campagne promotionnelle particulièrement réussie. Le cinéaste avait enregistré un message qui interdisait aux spectateurs de révéler le contenu des dernières séquences. Et les directeurs de salles avaient ordre de refuser l'entrée aux retardataires. Tourné en noir et blanc, ce film, oppressant comme il en est peu, est une suite d'images épurées qui sont autant de chocs pour le spectateur. Comme d'habitude, les acteurs, bien dirigés, donnent le meilleur d'eux-mêmes. Son interprétation de Norman Bates valut à Anthony Perkins de remporter un triomphe personnel. Il est idéalement ce héros qui porte en lui une effroyable double personnalité qui, tour à tour, en fait un homme soumis et un tueur abominable, comme si, à l'intérieur de lui-même, le bien et le mal se livraient un combat sans merci. Perkins donnera une suite à ce film qu'il réalisera lui-même.

 

Pour lire l'article que j'ai consacré à Alfred Hitchcock, cliquer sur son titre : 

 

ALFRED HITCHCOCK - UNE FILMOGRAPHIE DE L'ANXIETE

 

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PSYCHOSE d'ALFRED HICTHCOCK
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11 octobre 2008 6 11 /10 /octobre /2008 10:52
APPALOOSA de Ed. HARRIS

                                                          

Je me rendais à cette projection sans à priori mais sans grand enthousiasme et je n'ai pas été déçue. Voilà une agréable surprise en des temps où le chef-d'oeuvre ne court pas les rues. Ne parlons pas de chef-d'oeuvre ici, bien sûr, mais d'un film bien fait, bien joué, et qui tient en éveil par une action rondement menée. Ce n'est déjà pas si mal...

 

Au Nouveau-Mexique, dans les années 1882, la ville minière d'Appaloosa vit sous la domination d'un redoutable hors-la-loi Randall Bragg (Jeremy Irons) qui n'a pas hésité à en éliminer le shérif, afin de perpétrer ses forfaits en toute impunité. Pour mettre fin à ce régime de terreur, les habitants font appel à deux gâchettes Virgil Cole (Ed. Harris) et son adjoint Everett Hitch (Viggo Mortensen), bien connues pour avoir su ramener la paix et le calme dans des cités plus importantes. Si l'acteur n'avait pas convaincu avec sa première réalisation "Pollock", sage biographie du peintre, il fait mouche avec celui-ci qui, sans rien innover dans l'art du western, fait preuve de nerf et offre quelques variations inédites sur des thèmes pourtant mille fois rabâchés depuis que le genre existe. D'autant que la qualité de l'interprétation est irréprochable, servie par une mise en scène élégante et de superbes panoramiques. Un peu décalée dans sa forme, l'oeuvre explore un territoire fictif inhabituel dans la mesure où, malgré les faits, la conscience morale n'a pas déserté ses héros. On pense, bien entendu, à Gary Cooper dans "Le train sifflera trois fois", où ce dernier regardait également le hors-la-loi sans ciller, en idéaliste politique et sentimental, prêt à affronter le diable en personne, seul contre tous.

 


Soulignons aussi que l'humour reste présent. Comment ne pas sourire lors des nombreuses scènes qui éveillent en nous des souvenirs impérissables et montrent des personnages coulés dans leurs convictions opposées ainsi que des blocs de granit ? Un humour noir dans un univers dangereux en intimité constante avec la mort.  Bien qu'assez misogyne, ce qui risque d'agacer plus d'une spectatrice, ce opus présente néanmoins une intéressante figure de femme moderne à travers la personne excentrique et séduisante de Allison French (Renée Zellweger) qui va être le talon d'Achille insoupçonné de Virgil Cole. Si le schéma est archi-classique, la variation est intelligente et bien conduite dans un climat qui captive.
 


Décidément le western ne cesse pas de renaître de ses cendres après qu'on l'eût enterré à jamais (croyait-on !) à la suite de son fastueux chant du cygne dans "Impitoyable" de Clint Eastwood. Il y avait eu encore récemment "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" d'Andrew Dominik, formidablement interprété par le duo Brad Pitt/Casey Affleck qui cédait à une vision crépusculaire. Chez Harris, rien de tel, les héros sont de nouveau parés de la magie des dieux de l'Olympe - n'oublions pas que ceux-ci avaient leurs faiblesses, surtout amoureuses - et finissent par avoir raison des causes les plus désespérées, ce qui renoue avec l'optique du western traditionnel et se révèle conforme aux impératifs du genre. A voir pour retrouver les émotions d'antan et pour les connaître, si on vient de naître au 7e Art.

 

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APPALOOSA de Ed. HARRIS
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24 juillet 2008 4 24 /07 /juillet /2008 08:51
LE REBELLE de KING VIDOR



Le Rebelle est une variation sur le thème de l'amour dans ce qu'il a de plus fou, désespéré, impossible. Amour passion qui se vit dans une exaltation de tous les instants et amène les personnages à sacrifier leur équilibre, leur carrière et même leur existence. A l'image de New-York, dans laquelle l'action se déroule, cet opus exalte la démesure et la solitude de l'homme de talent en perpétuelle lutte pour sauvegarder son originalité et son indépendance. Dans cet univers de gratte-ciel mis en scène par King Vidor, les constructions architecturales prennent une dimension humaine et le héros peut affirmer : Un édifice a son intégrité, tout comme un homme, et c'est aussi rare. N'est-ce pas au nom de cette intégrité que Roark détruira la cité de Cortlandt ? Architecte visionnaire, cet homme refuse de s'incliner devant les désirs d'éventuels commanditaires susceptibles de dénaturer ses plans. Il va jusqu'à préférer travailler comme simple ouvrier sur un chantier que de céder aux pressions des médiocres. Homme passionné et exigeant jusqu'à la violence, il conçoit ses ouvrages de façon audacieuse et révolutionnaire. Un jour, il rencontre une journaliste Dominique Francon pour laquelle il va tout de suite éprouver un sentiment véritable. Mais celle-ci épouse le patron d'un journal The Banner, qu'elle n'aime pas, dans le seul but de se mortifier de sa liaison avec Roark. Ces deux êtres hors du commun ne vont plus cesser de se déchirer et de s'affronter.


                     

Que quelques-unes des scènes les plus puissantes aient pour décor le bureau du patron de presse Gail Wynand, devenu le mari de Dominique, véritable toit du monde qui domine tout New-York, n'est pas dépourvu de sens et met sans cesse en situation de vertige. On sait que le personnage de Roark n'est autre que l'architecte Frank Wright dont la vie a été romancée par Ayn Rand, tout d'abord pour les besoins de son roman The Fountainhead, et d'autre part pour le scénario qu'il a été chargé de réaliser à partir de ce dernier.  " Je m'étais fiançée à Peter Keating, - déclare fièrement et non sans cynisme Dominique, l'héroïne du film, - parce que je savais qu'il était l'être le plus insignifiant que je pourrais rencontrer et que je ne l'aimerais jamais".  Cette phrase donne le ton et l'ambiance dans lesquels les personnages évoluent, se combattent sur fond de bulding new-yorkais et se déchirent au nom de leur amour et de leur intégrité. Amour sans concession, amour-conflit, où les caractères et les natures s'opposent sans cesser de se fasciner. Le décor est donc celui de New-York, ville grouillante symbolisée par l'un de ces journaux à gros tirage comme The Banner, dont le directeur Gail Wynand se transforme sous nos yeux, à force de compromissions, en parfait miroir de ses lecteurs, devançant leur désir de crainte de ne pas assez refléter leur banalité. Riche, puissant, redouté, il convoite une femme qui, jusqu'ici  lui a échappé, Dominique Francon, sa propre collaboratrice. Une femme exceptionnelle qui ose avouer : "  Si jamais un jour je décidais de me punir de quelque chose de terrible, je vous épouserais."  Leur relation est déjà l'un des affrontements fulgurants du film.

 

Face à ce couple se dresse la figure de Howard Roark, ce génial architecte qui pose ses propres normes et n'autorise personne à altérer l'un de ses projets. Ce sera pour échapper à son emprise que Dominique, fière et insoumise, épousera Wynand, alors même qu'elle vient de démissionner de son journal. Wynand propose alors à Roark de bâtir la maison où il souhaite vivre avec sa femme, une maison qu'il ne veut partager avec personne et qu'il demande à l'architecte de concevoir de façon telle qu'elle soit un temple dédié à la femme qu'il aime et une véritable forteresse qui protège leur amour. Roark accepte de réaliser la maison, alors qu'il est également épris de Dominique. La tension du film et ses rebondissements tournent autour de ces trois personnages et sont ponctués de cataclysmes et de morts violentes. Lors du tournage, Gary Cooper et Patricia Neal étaient passionnément amoureux l'un de l'autre, et il est possible que cela ait contribué à apporter au film une intensité rare et rendu plus vraisemblable encore cette relation presque sauvage de deux natures qui ne peuvent s'aimer sans se détruire. Un film inoubliable qui semble se plaire à frôler les abysses avec fureur et volupté. Les acteurs principaux traduisent cette violence de manière admirable et sont impressionnants de vérité. Autour d'eux évoluent une bande d'hommes d'affaires et de membres de conseil d'administration divers, habitués à toutes les formes de compromission possibles, des hommes qui par-dessus tout redoutent l'originalité, le talent, le génie. Un grand moment de cinéma.

 

Pour lire l'article consacré à Gary Cooper, cliquer sur son titre :   GARY COOPER - PORTRAIT

 

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LE REBELLE de KING VIDOR
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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 08:18
BROKEN ENGLISH de ZOE CASSAVETES

                                                                                                             

Le premier film de Zoe Cassavetes, en compétition à Deauville en septembre dernier au Festival du Film Américain, ne restera probablement pas dans les annales, mais il est toujours sympathique de se pencher sur les débuts d'une jeune cinéaste, fille de son père, ce qui facilite les choses, mais n'enlève rien au fait qu'étant tombée dans le chaudron à pellicules, elle ait été gagnée par la contagion des studios et y ait pris goût. Si elle a la nationalité américaine, ses origines sont grecques et elle est française depuis 10 mois. Exilée par amour à Paris, comme sa grande amie Sofia Coppola, Zoe nous raconte dans ce film, très autobiographique, l'histoire d'une trentenaire new-yorkaise qui découvre le grand amour dans les bras d'un séduisant gaulois. Ce film charmant et sans prétention pourrait être le chaînon manquant entre Le journal de Bridget Jones et Sex and the City, interprété agréablement par Parker Posey et la grande Gena Rowlands, mère de la réalisatrice, qui contribuent l'une et l'autre à donner à cet opus une saveur indéniable.


                     

Néanmoins, il faudra que, par la suite, Zoe choisisse des scénarii plus charpentés et use de la caméra sur un rythme plus soutenu. En imaginant, en bonne francophile nourrie aux films de la Nouvelle Vague par son père, la rencontre de son héroïne avec un Français bohème et bon vivant, joué par Melvil Poupaud, Zoe Cassavetes ne se doutait pas qu'elle allait à son tour croiser l'homme de sa vie d'une façon quasi identique, ce qui a nourri son inspiration. Se lancer dans la réalisation, après avoir été photographe, n'a pas été simple, même si l'on appartient au sérail. Zoe le reconnaît volontiers : " Oui, il m'arrive d'avoir peur, même si j'ai beaucoup de chance". Elle sait qu'elle est attendue et que les critiques ne lui feront pas de cadeau. L'intérêt principal du film, en dehors de l'interprétation, tient dans la façon dont la jeune cinéaste s'empare d'un sujet convenu pour essayer de contourner les clichés au milieu desquels elle navigue. Il y a, dans ce long métrage, autant de fraîcheur que de naïveté. Mais, en refusant de se prendre au sérieux, l'auteur communique une bonne humeur appréciable, si bien que l'on regarde ce gentil premier film avec indulgence. On réservera l'exigence pour le prochain.

 

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7 juillet 2008 1 07 /07 /juillet /2008 08:23
OUT OF AFRICA DE SYDNEY POLLACK

                             
 "J'avais une ferme en Afrique " ...

Le film  Out of Africa  est tiré d'un roman autobiographique de l'écrivain danois Karen Blixen, pas assez connue en France à mon goût, dont l'existence fut fracassante et tragique. Avec Ma ferme en Afrique,  l'ouvrage qui inspira le film, elle décrit ce que furent ses années passées en Afrique orientale anglaise, non loin de Nairobi, où son mari le baron Bror Blixen-Finecke venait d'acquérir une ferme et une exploitation de café. Mais Bror s'avérera incapable de gérer l'exploitation, si bien que les circonstances obligeront Karen à s'en occuper seule. Elle s'attachera d'ailleurs profondément à cette terre et à ses habitants. Mais la crise mondiale, qui sévit durant les années 28/31, aggravera les difficultés économiques qu'elle ne cessât de rencontrer et l'acculera à vendre sa ferme et à regagner le Danemark, après avoir pris soin de sauvegarder l'avenir de ses employés.
 

De cet ouvrage rédigé en 1936 et qui connut aussitôt un succès mondial, foisonnant de connotations infinies et qui ose aborder des thèmes divers, parfois quasi interdits à l'époque avec une audace surprenante, le film ne retient, certes, que l'histoire passionnelle qui unit un moment Karen au pilote anglais et chasseur d'éléphants Denys Finch-Hattor, mais il n'en est pas moins un document magnifique sur l'Afrique d'avant la seconde guerre mondiale.
 

Dès 1969, un projet d'adaptation de l'oeuvre avait été envisagé par le cinéaste Nicholas Roeg sans aboutir, aussi  Sydney Pollack,  reprenant le projet, a-t-il volontairement choisi de le tourner à la manière des anciens longs métrages hollywoodiens, privilégiant les sentiments et le décor somptueux de la jungle africaine. La scène où l'avion de Denys survole un banc de flamants roses est une façon habile et esthétique d'intégrer les personnages dans la réalité de la nature sauvage. Elle ne cesse d'ailleurs d'être présente tout au long du film avec ses couleurs, ses horizons, sa faune, sa flore, la population Kikuyu si attachante. Reprenant le style des mélodrames d'antan, Out of Africa s'attache à ses deux héros, au monde qui les entoure et aux péripéties qui vont marquer leur liaison. Ce qui a capté mon intérêt, avoue le cinéaste, est le spectacle de l'éclosion de cette femme, de sa maturation, du fait qu'elle parvienne à donner un sens positif aux événements les plus tristes, qu'elle surmonte son désarroi, qu'elle fasse du drame de sa vie une espèce d'oeuvre d'art. Pollack y décrit des êtres isolés, marqués par la solitude et menacés par la mort qui rôde, dans un climat de fin d'époque, telle le fauve qui s'aventure la nuit aux abords de la ferme.
 

Karen, atteinte par la syphilis que lui a transmis son mari, repart pour le Danemark s'y faire soigner, puis regagne sa ferme et décide de vivre séparée de Bror, usé par la boisson et les femmes. Son amour pour Denys, qu'elle a rencontré dans le train de Mombasa, ne fait que s'amplifier, mais celui-ci ne veut pas renoncer à sa liberté et la jeune femme prend la douloureuse décision de ne pas garder l'enfant qu'elle attend de lui. Quand Karen se voit contrainte à quitter sa plantation, Denys promet de la rejoindre. Hélas, son avion s'écrase dans la savane et Karen apprend sa mort de la bouche de son ex-époux.  Plus tard  la tombe de l'aviateur deviendra un site fréquenté par les lions.

 

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Le film, au débit lent, épouse le rythme de cette terre majestueuse, pleine de contradictions, dont les paysages ne manquent pas de nous envoûter et dégagent une puissante nostalgie, comme si la perte de ce monde primitif et authentique s'avérait imminente. L'évasion, qu'il propose, n'est pas seulement physique, il y a quelque chose de plus, un dépaysement, un déracinement intérieur, un face à face avec ce qui reconduit chacun à ses origines, à son questionnement initial, là où le génie de Karen Blixen sut trouver la dimension insolite à laquelle elle aspirait.
 

Sans avoir le retentissement de l'ouvrage, le film reste fidèle aux lignes directrices du roman, à cette mémoire sans cesse sollicitée que Karen Blixen, conteuse inouïe, tenta de faire partager. En effet, elle n'eut de cesse d'aller le plus loin possible dans la communication de ce qu'elle tenait à dire, mais elle est tout autant dans son non-dit que dans l'admirable façon qu'elle eût d'exposer idées, sentiments et images, souligne Régis Boyer.
 

Karen Blixen mourut en 1962 après une existence semée d'épreuves. Si elle n'avait pu sauver sa ferme africaine et ses plantations de la faillite, elle eut la consolation de préserver et de restaurer sa maison natale de Rungstedlund au nord-est de l'île de Seeland au Danemark, avec ses soixante hectares de jardins et de forêts, véritable sanctuaire pour les oiseaux. Un autre film fut tiré de son oeuvre : Le festin de Babette, chef-d'oeuvre de cette auteure dont le nom fut proposé en 1957 pour le prix Nobel de littérature.
 

Malgré les restrictions que ne manquèrent pas de lui adresser les critiques, le film de Sydney Pollack ne figure pas moins parmi les grands films d'amour du cinéma américain. L'interprétation de  Meryl Streep et Robert Redford, la photographie, la musique (celle de Mozart principalement) et l'atmosphère générale lui méritent de rester parmi les classiques que nous ne nous lassons pas  de revoir.


Pour lire les articles consacrés à Sydney Pollack et Meryl Streep, cliquer sur leurs titres :

 

SYDNEY POLLACK              MERYL STREEP - PORTRAIT



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OUT OF AFRICA DE SYDNEY POLLACK
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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 08:31
CHANTONS SOUS LA PLUIE de STANLEY DONEN

                                                                                        

Dans les années 1920, les problèmes divers que posèrent aux équipes de cinéma le passage du muet au parlant ont inspiré l'intrigue de ce film qui n'a d'autre prétention que d'être un parfait divertissement. L'histoire est simple : inquiet de la voix nasillarde de sa vedette, un metteur en scène - sachant son film très attendu - a l'idée de le transposer en comédie musicale. A partir de ce mince sujet, Stanley Donen aura l'intelligence et le talent de se livrer à un travail d'orfèvre. Il commence par choisir des mélodies à succès, un bon chorégraphe et surtout d'excellents artistes, dont certains ont déjà fait leurs preuves dans le music-hall et la scène. Enfin pour jouer les rôles principaux, il pose son dévolu sur Gene Kelly, qui vient de remporter un immense succès avec  Un américain à  Paris de Vincente Minelli, et Debbie Reynolds, âgée alors de 19 ans, et considérée à Hollywood comme l'ingénue malicieuse du moment. Ce film contribuera d'ailleurs à la propulser au rang de star. Il est vrai qu'elle apparaît dans cette comédie rafraîchissante, rayonnante de charme et de fantaisie, et qu'elle ne retrouvera jamais plus un rôle qui lui conviendra à ce point. A côté d'elle et de Gene Kelly, on découvre, lors d'un duo devenu pour les cinéphiles un numéro d'anthologie, une Cyd Charisse qui faisait là des débuts prometteurs. On sait la carrière éblouissante qui fut la sienne par la suite. 

 

 

 Le film (1952) se présente donc comme une satire savoureuse des débuts du parlant et, tout au long de son déroulement, nous distille, comme le ferait un bon vin ou une coupe de champagne, une délicate ivresse.  Pas d'état d'âme, mais une bonne dose de philosophie optimiste qui aborde les inévitables tracas de l'existence comme autant d'obstacles à franchir dans l'allégresse. La pluie, elle-même, devient un élément ludique de diversion avec lequel on joue et que l'on accepte en riant. Jamais elle n'a été dans un long métrage une partenaire aussi convaincante, aussi gaillarde et guillerette. Tout est motif à chanson et à danse,  d'où  l'entrain  irrésistible de ce film qui est un remède souverain contre la morosité. Cette gaieté de l'entre-deux-guerres n'est pas sans rappeler celle des années 60. Même insouciance, même légèreté  dans une actualité où rien ne semble devoir peser. C'est frais comme un sorbet, pétillant comme un gin-tonic et se laisse regarder avec délectation.  " C'était une très bonne idée de faire un film sur la période de transition du muet au parlant. (...) Ainsi au départ, nous ne disposions d'aucune ligne directrice ; aucune vedette prévue si ce n'est Kelly " - dira Stanley Donen en 1963.  Pour réaliser le scénario, Adolph Green et Betty Comden n'hésitèrent pas à travailler dans les cabarets et à se pencher, en vrais professionnels, sur les moindres détails relatifs aux spectacles de chant et de danse. Dans un premier temps, le film devait se présenter comme un remake de Bombshell de Victor Fleming dont Jean Harlow était la vedette. Mais, réflexion faite, il fut décidé de renoncer à cette idée  pour un scénario totalement original. Gene Kelly, ayant été choisi par Stanley Donen, il restait à trouver la vedette féminine en mesure de chanter et danser avec naturel face à un partenaire de la compétence et de l'envergure de Kelly. Debbie Reynolds ne savait effectuer ni l'un, ni l'autre, mais Louis B. Mayer tenait à ce qu'elle soit la vedette féminine de la comédie musicale, aussi Gene Kelly la soumit-il à un entraînement intensif et épuisant durant 3 mois, à raison de huit heures de travail par jour. Sur le point de craquer, Debbie fut aidée par Fred Astaire qui répétait Mariage royal sur un plateau voisin.

 

 

Eblouissante comédie, Chantons sous la pluie est, en effet, un film dont chaque instant porte la marque du souci de perfection de ses créateurs. Les centaines d'heures d'apprentissage, d'entraînement et de répétition aboutissent à quelques minutes de pur ravissement. Par ailleurs, le film pose un regard à la fois tendre et ironique sur le cinéma d'autrefois et évoque avec humour les derniers mois du muet et les débuts compliqués du parlant. Les références y sont nombreuses et pertinentes. La plus judicieuse est l'utilisation d'extraits de The three Musketeers (1948) de George Sidney. C'est l'exemple le plus intelligent de ré-emploie, puisque certains plans du film de Sidney s'enchaînent directement avec ceux tournés par Gene Kelly et Stanley Donen. La scène, inoubliable entre toutes, est probablement celle où l'on voit Kelly chanter et danser sous la pluie, pataugeant dans l'eau avec bonheur, sous les yeux médusés d'un agent de la circulation. L'autre grand moment n'est autre que l'apparition de Cyd Charisse qui danse d'abord avec Kelly comme une vamp, avant de le retrouver peu de temps après dans un club de jeu. Cyd Charisse danse de nouveau avec Kelly alors que sa longue traîne évolue dans l'air au gré d'une soufflerie, puis la jeune femme disparaît et son partenaire retrouve brusquement l'agitation de Broadway, passant du rêve à la réalité sans transition, comme s'il n'y avait pas, à proprement parler, de ligne de démarcation précise entre le vécu et l'espéré. Ainsi tout fut mis en oeuvre afin d'assurer la réussite de ce film : que ce soit les costumes de Walter Plunkett, les décors, la musique, la précision de la chorégraphie, même la voix de Debbie Reynolds, jugée insuffisante, fut doublée pour les chansons par celle de Betty Royce ; oui, aucun détail ne fut laissé au hasard par une équipe soudée dont l'ambition était de donner le meilleur d'elle-même et de faire de ce spectacle un époustouflant moment de bonheur. Elle y a parfaitement réussi et cette comédie musicale fait partie des films-cultes que l'on aime à se passer et repasser sans éprouver la moindre lassitude.

 

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CHANTONS SOUS LA PLUIE de STANLEY DONEN
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28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 08:12
GRACE IS GONE de JAMES STROUSE

                     

Grace is gone de James C. Strouse est un film d'auteur qui frappe par sa sobriété et son dépouillement, son écriture épurée et sa gravité. Aucun recours à des effets spéciaux ou à des impacts racoleurs, mais une retenue dans le narratif et l'interprétation du formidable acteur que se révèle être John Cusack dans le rôle de Stanley Philipps. Ce monsieur tout le monde, au physique désespérément banal, surprend par son jeu nuancé et sensible. Nous plongeons avec lui au plus profond d'une Amérique moyenne, sans paillette, l'Amérique des milieux modestes confrontée chaque jour aux problèmes qui sont, à peu de chose près, les mêmes que les nôtres. 

 

L'histoire est simple : le père de deux petites filles apprend que sa femme Grace, engagée en Irak, vient d'être tuée. Submergé par la douleur, il ne sait comment apprendre la nouvelle à ses enfants et lui-même se demande comment il va faire face à un tel événement et envisager son avenir. Sa vie lui parait laminée. Aussi, en désespoir de cause, a-t-il l'idée de prendre sa voiture et de s'en aller - on a toujours envie de partir quand on souffre beaucoup - et de mener ses fillettes dans le parc d'attraction qu'elles préfèrent, en Floride. Ce road-movie fera office de voyage initiatique, presque silencieux, pesant comme un ensevelissement, mais où l'on partage les états d'âme de ce père en proie aux sentiments les plus contradictoires. Cela, sans complaisance, avec beaucoup de pudeur. En effet, John Cusack est remarquable de sobriété et de justesse, nous gratifiant de moments rares d'émotion. Cela donne au film sa tonalité et le transcende bien au-delà d'une trame politique sous-jacente mais discrète.                    


Ce n'est pas non plus un film sur la guerre en Irak ou sur la politique de Bush, mais la peinture d'une Amérique en proie à un dilemme entre son patriotisme profond et son opposition à une guerre qu'elle ne comprend pas. Le héros du film, patriote convaincu, syncrétise parfaitement cette dualité. Son seul recours, pour ne pas perdre pied et garder une certaine verticalité, sera de se raccrocher à ses valeurs et à celles de sa patrie conquérante. C'est là la subtilité de l'oeuvre : nous rendre sensible l'Amérique des gens ordinaires, l'Amérique d'une classe sociale modeste et besogneuse dans un quotidien difficile à vivre en ce temps de guerre en Irak qui, après celle du Vietnam, la dépasse et la perturbe. Il est certain que nous sommes en présence d'un être fragile, vulnérable, qui se culpabilise facilement et à tout propos, mais cette faiblesse n'est-elle pas la nôtre à bien des égards, d'autant qu'elle est rendue plus poignante d'être vécue à travers un acteur qui semble se l'être attribuée personnellement ? Tout le film, malgré certaines facilités, a cette lecture fondamentalement vraie et émouvante d'une population qui s'interroge, se remet en cause, cherche à comprendre et à se comprendre et nous invite à entrer dans cette interrogation d'un XXI siècle rongé par ses doutes.

En conclusion, un long métrage juste, sans prétention, dont les maladresses ne parviennent pas à ternir l'intérêt et qui, sans être à proprement parler une première oeuvre engagée, pointe du doigt, sans outrance, le barrage médiatique du gouvernement Bush autour de la mort des soldats américains en Irak.

 

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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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