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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 09:17

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Dans la cour d’école d’un paisible village japonais, quatre fillettes sont témoins du meurtre d’Emili, leur camarade de classe nouvellement arrivée. Sous le choc, aucune n’est capable de se souvenir du visage du tueur et d’aider ainsi à son arrestation. Asako, la mère d’Emili, désespérée de le savoir en liberté, convie les quatre enfants chez elle pour les mettre en garde : si elles ne se rappellent pas, elles seront leur vie durant accablées par la culpabilité et contraintes à la pénitence. Quinze ans plus tard, que sont-elles devenues ? C’est ce que ces deux  films ( seconde partie : celles qui voulaient oublier ) nous content en cinq épisodes qui s’enchaînent les uns aux autres, sans omettre les moindres pistes, indices et conséquences et en s’attardant principalement sur le vécu de chacune des jeunes protagonistes marquée à jamais par ce drame.

 

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Le retour derrière la caméra de Kiyoshi Kurosawa, après plusieurs projets avortés, avec les deux volets de cet opus dont la seconde partie - à ne pas manquer - sortira en salles la semaine prochaine, prend la forme d’une frise criminelle doucement perverse, mais d’une délicatesse inouïe, en cinq tableaux  d’une cinquantaine de minutes, commandés par la télévision  nipponne d'après un roman à succès. Une histoire de petites filles qui, devenues adultes, restent, chacune à sa manière,  meurtries par la culpabilité de n’avoir pas identifié celui qui avait assassiné l’une d’entre elles sous leurs yeux.

Le film chemine à pas délicats dans l’imbroglio de ce réseau de névroses, jusqu’à ce que vérité éclate enfin lors d’un épilogue centré sur la figure vénéneuse et magnétique de la mère endeuillée que vous verrez en allant voir la seconde partie. Un polar doublé d'une fine analyse des comportements humains face à un drame qui marque la personnalité à tout jamais et une méditation subtile sur le pardon, la pénitence et la rédemption considérés dans leurs phases les plus divergentes. Passionnant.

 

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Alors qu’il aurait été tentant de relier et réunir, pour l'occasion, les quatre fillettes devenues adultes, Kiyoshi Kurosawa établit entre elles un réseau de solitudes conforme à sa vision atomisée de la société. Il y a celles qui voulaient se souvenir dont Sae interprétée par la très belle Yu Aoi qui se refuse à devenir femme et épouse un homme riche qui, allant au-devant de ses vœux, la transforme en une poupée intouchable jusqu’à la répudier quand surviennent ses menstrues ;  il y a Maki qui est institutrice et provoque le courroux des parents en se montrant trop exigeantes et voit partout des violeurs en puissance. Il y a également celles qui voulaient oublier, dont l'une qui se complait dans un état infantile et joue à la fille-ours, repoussant toute coquetterie qui  éveillerait le désir de l’homme ; enfin Yuka, jeune femme à la cuisse légère, qui sera la seule capable de mettre Asako sur la piste de l’assassin. Le cinquième épisode, assez laborieux, est consacré à la résolution du crime et se recentre sur la mère, douée d’une présence énigmatique, séductrice froidement déterminée et manipulatrice un brin démoniaque, campée par l’actrice Kyoko Koizumi, admirable d’inébranlable volonté et de beauté hiératique. Si le cinéaste n’atteint pas ici les sommets de son œuvre, il ne transige pas en matière d'une mise en scène nullement mécanique et d’une belle qualité atmosphérique.

 

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On retrouve également la qualité de cadreur de Kiyoshi Kurosawa au sein d’espaces et de plans scénographiques fort bien gérés et en adéquation avec la psychologie des personnages. C’est peut-être l’écriture qui est davantage marquée par une forme de répétitions inutilement insistantes sur les conséquences psychologiques des traumatismes et de la culpabilité. Il s’agit évidemment d’un film féminin – la maternité pour antienne, et autres questions liées à cet univers  – sans pour autant être féministe. Quoiqu'il en soit, malgré quelques longueurs, les deux volets n'en sont pas moins une étude élaborée et convaincante d'une survie à un traumatisme et, au final, un personnage coupable qui, bien que condamné à ne pas l’être par la justice des hommes, se doit de vivre avec une faute que, dans un premier temps, il avait voulu infliger à d'autres.

 

Pour prendre connaissance de l'article consacré à Kiyoshi KUROSAWA, cliquer sur son titre :

 

KIYOSHI KUROSAWA OU UN CINEMA DE LA DETRESSE

 

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20482678.jpg  KYOKO KOIZUMI

 


 

 

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2 mai 2013 4 02 /05 /mai /2013 08:38

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La trame du film prend place à la fin de la période des Royaumes Combattants (de 453 à 221 avant JC), quand le roi des Qin est sur le point d'unifier une Chine divisée en 7 royaumes se livrant à des guerres constantes. S'il est un danger que redoute le futur empereur, c'est le trio de guerriers de l'état rival de Zhao : Ciel Etoilé, Lame Brisée et Flocon de Neige. Ils ont déjà essayé de l'assassiner dans le passé, ce qui pousse le souverain à s'isoler dans son palais en portant continuellement son armure. Un jour, un combattant qui se fait appeler Sans Nom arrive au Palais du roi de Qin. Il prétend avoir vaincu les trois légendaires guerriers et, pour prouver ses dires, présente leurs armes respectives. Ce qui lui vaut une entrevue auprès de l'empereur, à qui il conte les faits, puis sacrifie sa vie pour sauver la sienne.

 

Ce film est assurément une célébration des arts martiaux envisagée à l’égal de ceux de la danse, transformant l’opus en une chorégraphie savante et d’une grande beauté gestuelle, de même que les costumes conçus de façon à amplifier encore la somptuosité des images. Par ailleurs, la beauté des paysages du nord de la Chine est magnifiée par les couleurs qui, chacune, correspond à une page théâtrale en adéquation avec l’histoire du film. Ainsi du rouge, couleur du feu et de la passion passe-t-on au bleu, couleur de l’eau et de la sérénité, au blanc aérien et léger, pur comme la loyauté des chevaliers à leur cause, puis au vert jade, couleur terrestre et boisée liée au passé, signe de la mort et de la fatalité du destin. Comme la calligraphie, l’un des thèmes du film, l’exercice de l’épée exige du pratiquant une parfaite maîtrise du geste suprême et suppose qu’il la porte dans son cœur  de façon à embrasser par la pensée l’univers entier. C’est ainsi que le roi Quin envisage son rôle et accepte le sacrifice de Sans Nom qu’il transformera en celui de Hero et auquel il réservera des funérailles grandioses, afin que le royaume connaisse enfin la paix et l’harmonie et s’unisse autour de figures légendaires.

 

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Surfant sur la vague du renouveau du wu xia  pian, initié par Tigre et Dragon, Zhang Yimou réalise Hero avec les stars les plus en vue du cinéma de Hong Kong et prend pour directeur de la photographie le très talentueux Christopher Doyle. Il n’échappera pas aux critiques, principalement occidentales, qui lui reprocheront son sous-texte idéologique, lequel justifierait le totalitarisme pour assurer la stabilité de l’empire. Mais tous les sous-entendus sont possibles et cela à l’encontre de bien des films…américains par exemple. Reste que l’œuvre est d’une grande élégance esthétique et d’un réel flamboiement, malgré quelques rares longueurs. Pour se défendre, Zhang Yimou a affirmé qu’il ne mélangeait jamais son travail avec la politique. Mais si on met de côté la suspicion, ce film est indiscutablement magnifique et sa réussite visuelle incontestable mériterait à chaque instant un arrêt sur image.

 

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Zhang Yimou a donc choisi ses interprètes parmi les plus prestigieux :  Jet Li  dans le rôle de Sans nom affirme sa présence et sa virtuosité à manier le sabre, Tony Leung est un Lame brisée émouvant, visionnaire pour qui l’amour et la droiture comptent plus que la mort, Maggie Cheung est un Flocon de Neige glacial et  aérien, belle comme la neige, alors que la ravissante Zhang Ziyi affiche  son ardeur habituelle et son étonnante photogénie. Ainsi Hero est-il entré définitivement dans le panthéon des films de sabre chinois, résumant les traditions artistiques chères au cœur des asiatiques, pour le plus grand plaisir du spectateur qui appréciera autant la beauté des images que la musique fort bien adaptée de Tan Dun.

 

Pour consulter l'article consacré au cinéaste, cliquer sur son titre : 

 

ZHANG YIMOU - PORTRAIT

 

Et pour prendre connaissance des articles de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, cliquer    ICI

 

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 08:18

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Chine, 1936. Ip Man, maître légendaire de Wing Chun (un des divers styles de kung-fu) et futur mentor de Bruce Lee, mène une vie prospère à Foshan où il partage son temps entre sa famille et les arts martiaux. C'est à ce moment que le Grand-maître Baosen, à la tête de l'Ordre des Arts Martiaux Chinois, cherche son successeur. Pour sa cérémonie d'adieux, il se rend à Foshan, avec sa fille Gong Er, elle-même maître du style Ba Gua et la seule à connaître la figure mortelle des 64 mains. Lors de cette cérémonie, Ip Man affronte les grands maîtres du Sud et fait alors la connaissance de Gong Er en qui il trouve son égal. Très vite l'admiration laisse place au désir et dévoile une histoire d'amour impossible. Peu de temps après, le Grand-maître Baosen est assassiné par l'un de ses disciples, puis, entre 1937 et 1945, l'occupation japonaise plonge le pays dans le chaos. Divisions et complots naissent alors au sein des différentes écoles d'arts martiaux, poussant Ip Man et Gong Er à prendre des décisions qui changeront leur vie à jamais.

 

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Au sommet de son art, Wong Kar-wai nous livre avec "The Grandmaster" une oeuvre d'une puissance et d'une séduction rares, où se mêlent une histoire d'amour impossible, un des thèmes privilégiés du cinéaste, liée à la notion d'héritage en tant que transmission d'un savoir et d'une philosophie qui contraint l'héritier à une forme d'ascèse solitaire. On peut écrire, sans craindre de se tromper, que "The Grandmaster" est le modèle parfait de la mise en scène fluide et élégante en fusion avec le récit, où la technique du nouveau chef opérateur de Wong Kar-wai fait merveille. Philippe Le Sourd signe en effet une photographie époustouflante de beauté, toujours en harmonie avec le sujet et rend ainsi le plus bel hommage qui soit à l'art du Wing Chun et autres arts martiaux. Difficile  aux autres productions de rivaliser avec ce film qui atteint en tous points la perfection et élève le 7e Art à un sommet où image, scénario, dialogue, interprétation, musique concourent à composer une oeuvre d'un style incomparable en ampleur et  pureté graphique.

 

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Longuement mûri, le film a demandé trois années de recherche et de travail pour atteindre sa plénitude et les acteurs eux-mêmes, tous excellents, ont été formés aux arts martiaux et, plus étonnant encore, la construction et le rythme des scènes s'emboîtent adroitement dans une réalité fantasmée avec des abstractions particulièrement habiles qui permettent à Wong Kar-wai de parvenir à un niveau de pureté cinématographique sans égal. A travers ce film, c'est la genèse d'une oeuvre qui s'accomplit, en même temps que se forge, en un narratif cohérent et multiple, l'identité de la Chine contemporaine. On ne peut que s'extasier à chacun des plans, que ce soit ceux des combats ou ceux qui s'attardent sur les visages, les décors précieux,  les effets empreints de raffinement, sans pour cela manquer ni de force, ni de sérénité, et sur les grandes constantes du maître : l'eau, les fleurs, le délicat profil des femmes, la neige, les clairs-obscurs reconnaissables entre tous.

 

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L'histoire est celle d'Ip Man que l'on suit à partir de l'âge de 40 ans. Après avoir vécu dans une certaine opulence et connu un bonheur qui était pour lui comme un éternel printemps, il va tout perdre en 1937, lorsque commence l'occupation japonaise : sa fortune, sa femme et ses enfants. Obligé d'émigrer à Hong-Kong, il ouvrira l'école de Wing Chun qui le fera entrer dans la légende. Une quête de perfection qui met en valeur les arts martiaux en une suite de chorégraphies spectaculaires qui toutes dégagent une intensité stupéfiante, malgré une grande économie gestuelle. Les racines philosophiques et culturelles de ces arts remontent à la nuit des temps - on dit au confucianisme - et ont l'ambition de concourir à l'amélioration de la société qui passe obligatoirement par l'amélioration de l'individu. C'est la raison pour laquelle le Kung Fu est avant tout une école de vertu, d'équilibre et d'harmonie et que le rôle du maître réside à perpétrer des secrets et à fédérer une communauté unie par la tradition. Le souci de Wong Kar-wai a donc été de relater cette quête de perfection au coeur d'une époque troublée avec, au final, la solitude et la mélancolie si chères au cinéaste et qui, dans cet opus magistral, atteint son expressions la plus dépouillée. Tony Leung est un Ip Man aussi noble que sage et élégant face à une Zhang Ziyi impressionnante de détermination et de passion contrôlée. Magnifique.

 

Pour consulter les articles que j'ai consacré à Wong Kar-wai et Tony Leung, cliquer sur leurs titres :

 

HOMMAGE DE DEAUVILLE A WONG KAR WAI           TONY LEUNG CHIU WAI

 

 

Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, cliquer  ICI

 

 

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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 11:55

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Ye Lanqiu, une jeune femme belle et brillante, apprend qu'elle est atteinte d'un cancer lymphatique à un stade avancé. Dans le bus, qui l'amène à son travail, encore sous le choc de cette terrible nouvelle, elle ne prête pas attention au chauffeur qui lui demande de céder sa place à un homme âgé. Ce moment d'incivilité de sa part est aussitôt filmé grâce à un téléphone portable par une assistante en journalisme qui décide de mettre aussitôt en ligne cette vidéo dans l'espoir de faire un buzz qui la fera monter en grade. Ye Lanqiu va ainsi devenir la cible d'une vaste campagne médiatique que des journalistes vont tenter de récupérer à leur profit et, par la même occasion,  empoisonner sa vie privée et professionnelle. Par le fait du hasard, Ye Lanqiu va croiser le chemin de celui qui a contribué de faire d'elle un paria de la société. En choisissant un thème très actuel qui concerne toutes les sociétés modernes, dont la nôtre, Chen Kaige prouve qu'il reste le témoin actif de son époque et en analyse les faits et leurs conséquences d'une caméra précise, entouré d'une équipe de jeunes acteurs de grand talent. Le film est une fable intelligente sur les dangers de l'informatique et les dégâts que cela peut entraîner lorsque, soudain, les médias s'en emparent et exploitent une culture du voyeurisme dont chacun peut être victime à son insu. Il est vrai que le dernier opus du célèbre cinéaste est loin du style et de l'inspiration de "Adieu ma concubine", mais il prouve combien le réalisateur reste en prise avec l'évolution de son pays et se veut le témoin vigilant des phénomènes sociaux qui ne cessent de proliférer au sein d'un pays en pleine mutation. Ce film est une brillante démonstration des méfaits dont la modernité risque à tous moments de nous accabler et s'adresse à chacun de nous, d'où son impact universel. Ici, pas d'effets de style, nous sommes au coeur d' une actualité finement analysée, dans le descriptif et non l'art de l'image ; Kaige ne traite pas son sujet à la façon lyrique et artistique dont Wong Kar-wai a usé envers les arts martiaux ; nous sommes en sa compagnie dans une histoire racontée simplement, sans fioritures aucunes et sans génie particulier non plus.

 

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L'histoire de cette jeune femme se développe à un rythme rapide, avec des enchaînements habiles, des dialogues efficaces et une description très juste du caractère de chacun des personnages, dont les buts sont différents, voire même opposés. Il y a la femme du boss intrigante et intéressée, la journaliste responsable qui entend tirer profit de l'événement à son seul usage, son compagnon touché au coeur par la condition soudainement tragique de la victime, le chef d'entreprise qui se veut objectif et impartial et cherche à minimiser l'affaire ; l'attitude et le comportement de chacun est psychologiquement bien vu et bien rendu. Il est certain que ce film n'est pas d'une grande ambition et risque d'en décevoir plus d'un, mais si Caught in the web est loin d'être un chef-d'oeuvre comme l'était Adieu ma concubine, il reste un ouvrage de qualité que l'on suit avec intérêt et qui pose de bonnes questions sur notre époque. Comme je le signalais plus haut, les acteurs sont parfaits, avec une mention spéciale pour la ravissante  Gao Yuanyuan et Mark Chao.   

 

Né en 1952 à Pékin, Chen Kaige est diplômé de l'Académie du cinéma de Pékin et l'un des réalisateurs chinois issu de la Cinquième Génération ; ceux qui apparurent juste après la Révolution culturelle. Il a obtenu une reconnaissance internationale en 1993 avec son film Adieu ma concubine, Palme d'or au Festival de Cannes. Le Festival du film asiatique de Deauville lui avait rendu hommage en 2006. Parmi ses autres oeuvres les plus connues :
 

Terre jaune

La Grande Parade

L'empereur et l'assassin

Ji, la légende des cavaliers du vent

 

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11 mars 2013 1 11 /03 /mars /2013 11:30

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Un tremblement de terre frappe le Japon, entraînant l'explosion d'une centrale nucléaire. Dans un village proche de la catastrophe, les autorités tracent un périmètre de sécurité avec une bande jaune qui coupe en deux la localité. Une sorte de ligne de démarcation absurde entre danger bien réel et sécurité toute théorique. Au sein de la famille Ono, les parents âgés choisissent de rester. Leur fils et son épouse acceptent d'être évacués pour fuir la radioactivité. Avec ce film qui sort à quelques semaines de l'anniversaire du tsunami qui a causé des dégâts incommensurables dans la centrale nucléaire de Fukushima, Sono Sion met en images et en perspective une catastrophe nucléaire identique qui interroge chacun d'entre nous sur la politique intérieure d'un pays, la gestion de crise, la propagande utilisée pour soi-disant ne pas affoler les populations et le bouleversement humain et social qui  s'en suit. Devant l'importance du thème, le réalisateur s'efface et compose son opus de façon plus formelle, coordonnant et structurant son récit afin d'en expliciter les conséquences inévitables sur les hommes et la nature. Co-production internationale, ce projet a obligé Sono Sion à une réserve qu'on ne lui connaissait pas et, surtout, à faire de cette oeuvre une démonstration éloquente des suites catastrophiques qu'engendre fatalement un tel drame.

 

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Malgré le malheur qui l'a plus d'une fois éprouvé - rappelons-nous les bombes d'Hiroshima et de Nagasaki - l'Empire nippon a en lui des ressources de courage et de volontarisme inimaginables et le Japon post-Fukushima demeure la terre de l'espoir, parce que la population, serrant les dents, a repris le pas de l'homme et s'est remise en route ayant révisé ses ambitions et mis en veilleuse son orgueil. Apercevant le soleil se lever sur la mer, Sono Sion nous invite à croire que l'espoir persiste et que la vie continue envers et contre tout, grâce à une jeunesse prête affronter l'adversité et à croire en un avenir meilleur. Plutôt qu'un film, il s'agit davantage d'un documentaire tourné dans les paysages dévastés par le tremblement de terre et le tsunami, au coeur d'une population en plein désarroi qui ne sait plus, sur le moment, qui croire, que faire, où aller. Leurs détresse nous touche d'autant plus que nos pays ne sont pas à l'abri de telles tragédies et que l'homme, ayant mis le doigt dans l'inexorable engrenage du progrès scientifique et technique, se trouve en quelque sorte dépassé par des événements incontrôlables et incapable de revenir en arrière. Alors ?

 

Bien fait, bien construit, The Land of Hope  m'a d'autant plus séduite qu'il se penche avec une égale compassion vers le monde humain et animal, que l'on voit un vieil éleveur, interprété avec infiniment de sensibilité par l'acteur Isao Natsuyagi, préférer tuer lui-même son cheptel de bovins que de le laisser abattre par des mains étrangères. Ce sont à des notations de ce genre que l'on mesure la différence avec le film de l'an passé Himizu  d'une violence proprement insoutenable, alors que celui-ci est tout en demi-teintes, en notations soit tendres, soit drôles, car, malgré la gravité du sujet, l'opus n'évacue pas l'humour que suscitent certaines situations. Le vieux couple qui se refuse à abandonner sa maison et préfère se donner la mort que de fuir et de quitter un environnement où il a ses repères et ses habitudes -surtout que l'épouse est atteinte de la maladie d'Alzheimer - est rendu avec une touchante poésie, de même que la jeune femme habitée par la peur d'être irradiée alors qu'elle attend un enfant. De jolies et déchirantes scènes se succèdent qui ont pour but d'éveiller nos consciences sur un sujet capital et d'une gravité qui mérite, ô combien! une urgente réflexion.

 

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 12:30

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Le film de Wang Xiaoshuai était très attendu en mars au 14e Festival Asia de Deauville. Personnellement, sans m'enthousiasmer à proprement parler, il ne m'a pas déçue. Le cinéaste ayant déjà fait ses preuves avec des films comme  Une famille chinoise. Après avoir obtenu son diplôme à l'Académie du cinéma de Pékin, Wang Xiaoshuai avait signé son premier film, intitulé The Days, à l'âge de 27 ans. Il a toujours été très apprécié de la critique internationale mais a essuyé des refus de la part des autorités chinoises. Sous le pseudonyme Wu Min, il réalise Frozen qui reçoit, en 1995, la Mention spéciale du jury au Festival de Rotterdam. Le film est même sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. Mais Wang Xiaoshuai ne cesse d'avoir des démêlés avec le bureau du cinéma: A Vietnamese Girl est refusé par le comité de censure. Son auteur doit alors en changer le titre qui devient So Close to Paradise et retravailler le montage pour que le long métrage soit enfin autorisé. Cela lui prendra trois ans. En 1998, le film est en compétition officielle au Festival de Cannes dans la section "Un certain regard". Cette même année, Xiaoshuai participe en tant qu'acteur au Violon rouge  de François Girard, avec Samuel L. Jackson et Greta Scacchi. En 2001, Wang Xiaoshuai réalise son cinquième long métrage Beijing Bicycle, qui remporte l'Ours d'argent au Festival de Berlin et, en 2002, Drifters, l'histoire d'un jeune Chinois qui entre clandestinement aux Etats-Unis. Avec Shanghai Dreams  (2005), il obtient le prix du Jury à Cannes, avant de décrocher l'Ours d'argent du Meilleur scénario à Berlin pour Une famille chinoise (2008). En 2010, Chongqing Blues  entre en compétition officielle à Cannes. C'est donc un cinéaste déjà chevronné qui nous propose avec 11 fleurs, l'histoire d'un garçon de 11 ans qui ,en 1974, observe le monde des adultes et n'est sans doute autre que lui-même. La rencontre avec un fugitif, qui a tué le violeur de sa soeur, l'oblige au secret et au mensonge et cette confrontation signera la perte de son innocence.

 

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Sans avoir le charme des enfants du film  I wish - nos voeux secrets ou l'autorité extraordinaire de la petite fille de Saya Zamuraï, le monde de l'enfance décrit par Xiaoshuai n'en reste pas moins crédible et l'histoire n'en prend que davantage de relief et de subtilité qu'elle ait vue par des regards enfantins encore empreints d'authenticité. Cette société nivelée qui laisse une part si réduite à l'imagination, seuls les enfants savent encore la colorer de quelque chose de plus, y introduire une part de crédulité et d'insouciance. A l'école, le petit héros est le meilleur en gymnastique et sa maîtresse souhaite qu'il ait une chemise neuve de façon à ce qu'il soit plus élégant sur l'estrade, mais la maman est si pauvre qu'elle sera obligée de puiser dans ses économies pour acheter le tissu et fabriquer elle-même la chemise. Petit détail de la vie quotidienne dans une bourgade de la Chine de Mao où les intellectuels n'ont pas leur place et où la ruralité se vit aux champs et à l'usine sous le regard toujours scrutateur et présent des factions gouvernementales.

 

Le père du jeune garçon est comédien ambulant et s'absente souvent pour aller jouer dans les villages environnants. Son meilleur ami, avant de mourir, lui a laissé quelques  gravures représentants des toiles des peintres impressionnistes, dont plusieurs paysages de Claude Monet, que le père détaille le soir à son fils à la lueur d'une bougie, afin de l'initier à l'art avec l'espoir secret qu'il deviendra peintre. Par ailleurs, l'un de ses voisins est un intellectuel que le gouvernement a rétrogradé à la suite de la Révolution culturelle, à des taches agricoles, si bien que le malheureux se sent inutile et n'a plus rien qui le raccroche à la vie, d'autant que son fils vient de commettre un crime en vengeant l'honneur de sa soeur violée et que sa fille a, du fait de ce viol, perdu toute honorabilité vis à vis de la société. Le petit garçon est donc le témoin de ce monde où n'existe d'autre liberté que celle de se taire. Un monde auquel nos intellectuels français ont longtemps cru, alors même que leurs coreligionnaires chinois étaient condamnés au silence. Un film sobre, de facture classique, qui raconte une histoire condensée dans le regard d'un petit garçon trop tôt confronté à des situations qui le dépassent, mais qui conserve envers et contre tout son goût du jeu et sa faculté d'émerveillement. Son dernier émerveillement, avant d'entrer dans la puberté, sera celui qu'éveille en lui la belle jeune fille pour laquelle son frère est devenu un assassin et dont la tristesse et la grâce le bouleversent. Le jour de l'exécution du jeune homme, il refusera de suivre ses copains sur les lieux, afin de conserver sa propre vision des choses. De par son sujet et la façon délicate de le traiter, ce film - qui est aujourd'hui  projeté sur les écrans français - mérite notre intérêt et fait honneur au 7e Art chinois.

 

Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, clisuer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA ASIATIQUE
 

 

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 09:11

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Faire rire semble être la grande obsession de Hitoshi Matsumoto malgré la mélancolie de son sujet, puisqu'il a contribué à de nombreuses émissions comiques populaires à la télévision japonaise. Ainsi met-il en scène dans son troisième film Saya Zarumai ses préoccupations émotives en lien avec son métier. Kanjuro Nomi, un samouraï ayant perdu l’envie de se battre à la suite de la mort de son épouse, est emprisonné pour avoir quitté ses fonctions sans la permission de son maître. Il aura trente jours pour parvenir à faire sourire le fils d'un seigneur muré dans le chagrin depuis la disparition de sa mère. S’il échoue, il devra s’enlever la vie, suivant le rite traditionnel du seppuku qui consiste à s'ouvrir le ventre avec son sabre. Accompagnée de ses deux gardiens de prison et de sa fille qui l’encourage à s’enlever la vie dignement plutôt que de perdre la face, la petite troupe élabore une suite de gags pour racheter la vie du samouraï déchu. Néanmoins le recours à l’humour n'est utilisé ici que comme le seul moyen de défense susceptible de s'opposer au désespoir du monde. Matsumoto fait alors bien plus que rendre hommage à sa profession : ces deux heures de film nous présentent sa vision obsessionnelle de l’art de la drôlerie confrontée à l'implacable cruauté qui se trouve au coeur de son sujet.  

 

 

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Grâce à une imagerie d'une infinie précision, Saya Zamurai  repousse les frontières du gag à répétition pour mieux construire son discours. Au lieu de s'enfoncer dans le ridicule ou le banal, le réalisateur montre à chacune des scènes sa capacité d'invention en retravaillant les mêmes plans, les mêmes grimaces, sous des angles différents. Par leur simple répétition, il développe son récit autour du changement d’angle de caméra et les trouvailles farfelues de ses personnages. Ces trouvailles s'enchaînent sans  être répétitives car, à chaque plan, le spectateur est placé devant une situation différente et particulièrement angoissante.  Il s’en dégage dès lors une compassion désintéressée qui procure à l'opus son caractère humain. Sans raison apparente, si ce n'est qu'ils sont touchés par la présence de l'enfant et le désarroi de leur prisonnier, les deux gardiens multiplient les idées afin d' aider cet homme pitoyable. Quant à la petite fille, délicieusement interprétée par Sea Kumeda, étonnante de présence et de sensibilité, elle sauvera l’honneur de son père en devenant maître de cérémonie à chaque nouveau spectacle. La fin, un peu longue, seule réserve que ce film m'inspire, n'est certes pas celle que l'on attendait mais elle prouve le souci d'honneur qui s'attache à tout japonais depuis la nuit des temps. Servi par une interprétation parfaite, des images d'une grande beauté et une poésie de chaque instant, ce film étonnant qui avait toutes les raisons de sombrer dans le pathos ou, pire, le trivial ou le grossier, est un conte merveilleux, original, déjouant toutes les facilités qui risquaient d'en ternir l'éclat. Un oeuvre qui montre un cinéma japonais en pleine renaissance. A l'honneur cette année à Deauville, Hitoshi Matsumoto nous révèle, avec ce long métrage magnifique déjà acclamé à Locarno en 2011, qu'il n'a pas fini de nous surprendre. Burlesque mais philosophique et métaphorique, il en dit long sur la tragédie humaine qui demeure notre quotidien.

 

 

 

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 08:32

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Voilà une merveilleuse ode à l'enfance et le plus fabuleux des anti grise-mine. Un chef-d'oeuvre.

Hors compétition, le film, projeté lors du 14e Festival du film asiatique de Deauville, nous révèle un cinéaste en osmose avec le monde des enfants et le donnant à voir dans sa quotidienneté avec bienveillance et malice, servi par de jeunes acteurs d'un naturel et d'un charme irrésistibles. Bien que long, on ne résiste pas à la poésie de ces pages écrites avec naturel et simplicité par un réalisateur qui a permis au cinéma japonais de se réinventer avec de nouveaux sujets, des images classiques mais empreintes de finesse, de nous faire entrer dans un monde sans violence, sans vulgarité, d'une fraîcheur réconfortante, à l'opposé du terrifiant  Himizu  et également du cinéma de Kurosawa tellement désespéré et âpre. Celui-ci nous parle de la vie de tous les jours, des rêves auxquels se livrent les enfants dans leur ingénuité, des familles séparées mais reliées par des fils invisibles, des fleurs, des volcans, de l'espoir que le monde soit meilleur ; oui, un univers dédié à des petits princes en mal de planète. Né en 1962 à Tokyo, Hirokazu Kore-Eda a d'abord travaillé comme assistant-réalisateur sur des documentaires avant de se lancer dans la réalisation avec un premier film en 1995 Maborosi  qui remportera l'Osella d'Or du Meilleur Réalisateur au Festival de Venise. En 2001, Distance est présenté en compétition au Festival de Cannes, tout comme Nobody Knows en 2004,  où il aborde déjà l'univers enfantin.

 

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L'histoire de I wish - nos voeux secrets  se déroule au Japon, sur l’île de Kyushu, où deux frères sont séparés après le divorce de leurs parents. L’aîné, Koichi, âgé de 12 ans, part vivre avec sa mère chez ses grands-parents au sud de l’île, tout près de l’inquiétant volcan Sakurajima. Son frère cadet, Ryunosuke, est resté avec son père, guitariste rock, au nord de l’île. Koichi souhaite par-dessus tout que sa famille soit à nouveau réunie – même si cela doit passer par l’éruption dévastatrice du volcan ! Lorsqu’un nouveau TGV  relie enfin les 2 régions, Koichi et son jeune frère organisent clandestinement un voyage avec quelques amis qui ont tous un souhait à exaucer jusqu’au point de croisement des trains, là où le miracle, les miracles pourraient, dit-on, s'accomplir… Alors verront-ils leurs vœux secrets se réaliser ? En tous cas, ils vont agir en sorte que cela soit possible. Peu importe d'ailleurs que les voeux se réalisent ou pas, l'essentiel n'est-il pas d'en formuler et de croire en la force vive de l'imagination, en la présence, sous une forme souvent humble, de la beauté et de savourer le plaisir de vivre ensemble. A travers la description d'un quotidien banal, l'auteur nous montre des enfants capables de prendre en mains leur destin face à des adultes trop souvent résignés, ayant perdu, contrairement à leur progéniture, tout idéal, tout enthousiasme, tout projet. Ce qui se dégage de ce film délicat est une immense tendresse, un optimisme voilé d'un rien de mélancolie, une espérance joyeuse qui est une bouffée de fraîcheur, une sonate douce et envoûtante  qui vous charme et dont on garde longtemps en tête la persistante tonalité. Une merveilleuse bonne surprise en ces temps empreints de désenchantement et d'amertume. En nous racontant cette quête d'une bande de charmants galopins qui croit que les miracles sont à sa portée, Kore-Eda écrit un hymne à la foi et à la vie et, sans effets inutiles, nous gratifie d'un petit miracle.

 

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4 mai 2011 3 04 /05 /mai /2011 09:46
LA BALLADE DE L'IMPOSSIBLE de TRAN ANH HUNG

          

La ballade de l'impossible  du réalisateur Tran Anh Hung, d'après le roman éponyme de l'auteur japonais Haruki Murakami, qui fut un best-seller dans les années 1987, se passe à Tokyo en 1960. Kizuki, le meilleur ami de Watanabe, s'est suicidé. Watanabe quitte alors Kobe et s'installe à Tokyo pour commencer ses études universitaires. Alors qu'un peu partout, les étudiants se révoltent contre les institutions, la vie de Watanabe est elle aussi bouleversée quand il retrouve Naoko, ancienne petite amie de Kizuki. Fragile et repliée sur elle-même, Naoko n'a pas encore surmonté la mort de Kizuki. Watanabe et Naoko passent les dimanches ensemble et le soir de l'anniversaire des 20 ans de Naoko, ils font l'amour. Mais le lendemain, elle disparaît sans laisser de traces. Watanabe semble alors mettre sa vie en suspens à la suite de la perte inexplicable de ce premier amour. Lorsqu'enfin il reçoit une lettre de Naoko, il vient à peine de rencontrer Midori, belle et vive, qui ne demande qu'à lui offrir son amour.


Tran Anh Hung, né en 1962, est d'origine vietnamienne et s'est réfugié en France en 1975 où il a commencé des études d'opérateur à l'école Louis-Lumière. L'odeur de la papaye verte sera son premier long métrage, tourné dans les studios parisiens, bien que l'action se déroule au Viêt Nam. Ce film lui mérita la Caméra d'or au Festival de Cannes 1993 et le César de la meilleure première oeuvre en 1994. Cyclo, un polar très stylisé, qui se passe dans les rues de Hô-Chi-Minh, lui vaut le Lion d'or de la Mostra de Venise en 1995 et fait de lui l'un des plus jeunes cinéastes à avoir obtenu cette distinction. Son quatrième opus Je viens avec la pluie est un thriller intense et poétique hanté par trois figures de la mythologie occidentale : le tueur en série, le détective privé et la figure christique et fut projeté au Japon au printemps 2009. Son cinquième long métrage est cette Ballade de l'impossible projetée lors du 13e Festival du film asiatique de Deauville en mars dernier, que l'on pourrait titrer par " la douleur d'être", tant elle est présente, obsédante, tout au long de l'opus. Oui, La ballade de l'impossible est un road-movie intérieur, une descente dans les abimes de l'être où tout semble souffrance et malaise. Dans le Japon des années 60, une génération de jeunes gens parvient difficilement à trouver l'allégresse du coeur, tant la guerre, les guerres ont marqué, jusqu'à ces toutes dernières années, l'Extrême-Orient. Les suicides sont fréquents chez des adolescents qui se refusent à grandir. C'est le cas de Naoko, frappée par le suicide de Kisuki, son ami d'enfance avec lequel elle n'a jamais pu faire l'amour, parce quelque chose dans son être, dans sa chair, semblait s'être verrouillé à jamais. Est-ce la raison qui a poussé le jeune homme à se donner la mort ? Naoko se sent-elle responsable de son suicide ? Toujours est-il que la tendresse de Watanabe ne parvient pas à l'arracher à sa prison intérieure. Le jour de son anniversaire, elle cède et fait l'amour avec lui, mais sans en éprouver de plaisir, et pour cause, puisque, comme elle l'avoue, elle aimerait avoir toujours 18 ans, l'âge où elle a perdu son amour d'enfance, son insouciance. Le lendemain, elle s'enfuit et va entrer dans une maison de santé pour essayer de retrouver un semblant d'équilibre. Mais qui peut sauver Naoko, alors même que la tendresse de Watanabe, qui lui rend souvent visite, est impuissante à le faire ? Paysages de neige, désert de solitude, pour l'un et pour l'autre, le film déroule sa lente et triste mélopée, sa cantate douce-amère qui donne la mesure de l'inexprimable, de l'inextricable. Un film grave, comme savent si bien les faire les asiatiques, qui pose les questions sans les résoudre, mais touche la sensibilité de chacun en son point le plus secret. Naoko, déjà habitée par la mort, par ce froid qui glace son corps et ses sens, peut-elle être sauvée par autre chose que la mémoire et les souvenirs qui perdureront dans Watanabe ? Et lui parviendra-t-il à se délivrer de son chagrin auprès de la touchante et aimante Midori ? Peut-on avoir une seconde chance en amour ?
 

Voilà un film qui ne peut laisser de marbre, tant il tisse une trame  sensible, voire désespérée, tant il avance à petits pas dans l'imbroglio des coeurs et la solitude des personnages. Les jeunes acteurs sont admirables : Kenichi Matsuyama donne à Watanabe l'ampleur déchirante d'un héros antique, alors que Rinko Kikuchi  (Naoko) et Kiko Mizuhara (Midori) sont ravissantes et légères, d'une intense féminité, ballottées et blessées avec cette grâce qui les rend touchantes. Et il est vrai que ce film a une portée d'autant plus grande qu'il va à l'essentiel : qu'est-ce que vivre ? qu'est-ce qu'aimer ? et établit un parallèle entre passer et durer, être ou n'être pas, shakespearien dans ses interrogations. Esthétiquement travaillé, La ballade de l'impossible sait faire le lien entre nature et sentiment, allier l'image aux états d'âme et faire chanter les paysages comme des partitions musicales, parfois même un requiem. Seule la bande sonore, plaquée plus que fondue, gêne à certains moments. Un film long, qui aurait gagné à être plus condensé, mais qui touche par la grâce qu'il dégage et par le talent des acteurs à tenter d'exprimer l'inexprimable. 

 

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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 09:13
ONCLE BOONMEE de APICHATPONG WEERASETHAKUL

                                                                   
"Oncle Boonmee" de Apichatpong Weerasethakul qui a reçu la Palme d'Or au dernier Festival de Cannes a suscité  une  controverse ; le public et les critiques ayant été partagés entre l'adhésion et le rejet pur et simple d'un film à l'évidence long et hermétique, se partageant en deux clans : les séduits et les agacés. Je vous avais déjà parlé de ce metteur en scène atypique que j'ai découvert à Deauville, lors du Festival du Cinéma Asiatique 2007, et tout le bien que je pensais du film qui était alors en compétition  Syndromes and a century . (Voir ma critique en cliquant sur l'icône au bas de la page). Pourquoi cet opus exaspère-t-il à ce point les spectateurs ?  Parce qu'il est extrêmement long et lent, plus, sans doute, qu'un occidental est en mesure de supporter sans décrocher ; ce qui m'est arrivé, je l'avoue à deux reprises, à cause d'un narratif  souvent décousu, parsemé néanmoins d'images sublimes, d'inventions stupéfiantes, ce qui laisse présager ce que ce réalisateur sera capable de faire à l'avenir, car il n'a jamais que quarante ans. Oncle Boonmee est une méditation qu'il faut laisser infuser afin qu'elle délivre sa magie, soit celle d'une inspiration qui mêle les époques, les humains et les animaux et ne cesse de se laisser quérir par ses fantasmes et ses énigmes. Le souci d'Apichatpong n'est-il pas de coudre à petits points une oeuvre de longue haleine, mystérieuse et troublante, qui entretient des liens étroits entre vivants et morts, naturel et surnaturel, sans  se départir de sa poésie, tant cette lenteur se pare à tous moments de majesté et d'obscurs secrets ?Mieux que la disparition d'oncle Boonmee, atteint d'insuffisance rénale et qui est venu mourir dans sa maison, c'est de la disparition d'un monde qu'il s'agit. Avant de finir son existence terrestre, oncle Boonmee va recevoir la visite de deux fantômes, celui de sa femme et celui de son fils qui surgit sous la forme d'un singe aux yeux phosphorescents, l'une des scènes les plus fortes du film. Puis, il lui faudra se confronter à ses vies antérieures, au long d'un périple de deux heures, qui lui fera traverser la jungle avant de rejoindre la grotte sacrée, censée représenter l'utérus maternel ; ainsi la boucle sera-t-elle bouclée, de même que sera achevée son errance au coeur de sa propre mythologie. Film où les métamorphoses et les métaphores sont courantes, tant le cinéaste se veut en osmose avec les forces originelles et ténébreuses de l'univers. Pour Weerasethakul, rien que de très normal dans cette vision des choses, l'homme vivant dans un univers en constante mutation qui l'oblige à se transformer continûment afin de rester en liaison et harmonie avec les forces vives qui nous gouvernent, nous traversent et nous transforment. C'est ainsi, qu'à sa manière Uncle Bonmee transforme, ou plutôt transpose ses fantasmes et ses souvenirs, qui ne sont autres que ceux du réalisateur, adepte de la réincarnation.

 

Avec cet opus, Apichatpong Weerasethakul rend hommage aux films fantastiques thaïs qui bercèrent son enfance, productions peuplées de créatures chimériques. Cette façon d'envisager le 7e Art comme vecteur entre le monde des esprits et celui des vivants est devenu son principal centre d'intérêt et de créativité et n'a jamais été aussi prégnant que dans Uncle Bonmee. Malgré ses longueurs, sa lenteur méditative et parfois hermétique, ce film a su conquérir le jury de Cannes, présidé par un Tim Burton épris de poésie et d'imagination, se plaisant dans des rêveries semblables, à l'opposé de celles d' Inception" La personnification des dieux m'est très naturelle. J'essaie toujours de me placer en anthropologiste pour comprendre l'irrationnel - dit-il - ce qui renvoie à son éducation religieuse dans une famille boudhiste. Ce déchiffrage du monde ne nous est certes pas habituel à nous autres  Français, nourris par la pensée d'un Descartes et pris dans l'engrenage d'une accélération irréversible. Même si je n'ai pas été totalement ensorcelée par cette oeuvre difficile, je salue avec admiration un cinéaste qui, allant à rebours des autres, assume et assure de film en film, une inspiration d'une inventivité et d'une audace garantes, l'une et l'autre, d'un talent authentique et plein d'avenir. Et je le remercie de nous ouvrir une nouvelle voie de réflexion, ce qui de nos jours n'est pas courant.

 

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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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