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28 janvier 2009 3 28 /01 /janvier /2009 17:55
LES SEIGNEURS DE LA GUERRE de PETER CHAN

        
Après la Chine, où le film a raflé toutes les récompenses, Les seigneurs de la guerre de Peter Chan arrive ce mercredi 28 janvier sur les écrans français, précédé d'une réputation qui l'a fait comparer à un tsunami, rien de moins. Fresque historique spectaculaire au coeur de l'empire Mandchou, ce film se déroule durant la seconde moitié du XIXe siècle chinois, aussi riche en bouleversements et en drames que le fut le XVIIIe en France. Mais les thèmes abordés n'en sont pas moins universels : la fraternité d'armes, la fidélité, l'amitié, l'ambition, la trahison, le courage, l'esprit de sacrifice. L'histoire est celle de trois hommes (un général vaincu qui rêve de vengeance et de deux bandits d'honneur) qui choisissent d'unir leurs forces et leurs destins dans la lutte armée, malgré ou grâce à une femme, à laquelle le film doit en partie son intérêt et son originalité. Moments intimistes et batailles s'y succèdent, en effet, dans un souci constant d'harmonie stylistique et de rythme, ainsi s'inscrit-il dans la tradition des films d'aventures héroïques comme sut les faire Hollywood dans les années 50 et 60. Cela avec des moyens et une esthétique moderne, ce qui rend le spectacle plus grandiose et efficace.
D'autre part, cette fresque a le mérite de réunir les plus grands acteurs et techniciens chinois dont la ravissante  Xu Jinglei et  Jet Li  qu'on a souvent comparé à Bruce Lee. Cet acteur sut se façonner une identité de héros national par le biais des arts martiaux dans lesquels il s'illustra brillamment, remportant quantité de tournois et de médailles. Tant et si bien qu'il s'attira l'attention des producteurs de cinéma et qu'il fut retenu pour jouer le rôle principal dans Temple de Shaolin, véritable triomphe dans toute l'Asie. Dans les années 80, il jouera, à la suite de ce premier succès,  Les Héritiers de Shaolin et  Les arts martiaux de Shaolin  qui confirmeront sa renommée au box-office de son pays. A l'orée des années 90, il devient une superstar en interprétant le légendaire personnage Wong Fei-Hung dans  Il était une fois en Chine  du réalisateur hongkongais Tsui Hark, inaugurant une saga qui ne comptera pas moins de six opus. Puis, il cédera aux chants des sirènes occidentales, signera, coup sur coup, avec Joël Silver et Luc Besson et se commettra dans des films racoleurs et affligeants comme  Roméo doit mourir,  Le baiser mortel du dragon,  En sursis qui n'apporteront rien à son prestige personnel. Heureusement, avec Les seigneurs de la guerre, il semble bien que Jet Li renoue avec le 7e Art chinois et amorce une nouvelle étape dans sa déjà longue carrière. Et son choix apparaît judicieux. Entre 1851 et le début des années 1870, près de 50 millions d'hommes et de femmes, de guerriers et d'enfants vont périr. Par les armes, victimes de la guerre, des combats et des exactions qui les accompagnent. Ce chiffre est à la démesure de la Chine. Pour ses habitants, la seconde moitié du XIXe siècle fut à peine moins tragique que la Révolution culturelle. L'explosion de la démographie de l'Empire et une succession de catastrophes naturelles précipitèrent le soulèvement des campagnes et accélérèrent le déclin de la dynastie des Qing, dont le pouvoir, déjà affaibli par de sérieux revers militaires lors de la première guerre de l'Opium contre les puissances occidentales, allait connaître bientôt les derniers soubresauts. Dans ce contexte prend naissance la révolte de Taiping, une secte syncrétique vaguement inspirée du christianisme, en opposition ouverte au pouvoir mandchou. Emmenés par Hong Xiuquan, leur gourou, 500.000 hommes prennent une partie de la vallée du Yangzi en 1851. En  1853, c'est au tour de Nankin, la plus grande ville de Chine après Pékin, de tomber. Hong Xiuquan y fonde son royaume céleste de la grande paix et en fait sa capitale. C'est ce moment précis de l'histoire où tout bascule et vacille que Peter Chan a choisi de peindre à traits larges et puissants, filmant la lente et difficile reconquête de ces villes perdues. A travers le destin de trois frères d'armes, le réalisateur décrit le dernier salut d'un Empire finissant, la dernière respiration d'une dynastie qui doit affronter le chaos d'une guerre civile et voit ses provinces lointaines se disloquer en un brasier de contestation, tout en maintenant les apparences de son pouvoir grâce à une liturgie fastueuse et millénaire.

 

Avec cette fiction inspirée de faits réels, le cinéaste Peter Chan ne fait rien de moins qu'un travail d'orfèvre historien. La pellicule nous fait traverser les plus beaux paysages steppiques de la Chine, assister à des scènes spectaculaires d'une incontestable grandiloquence, ayant nécessité des milliers de figurants, aux côtés de héros dont les valeurs chevaleresques ne font aucun doute. Le metteur en scène, ayant bénéficié d'un budget de 40 millions de dollars, n'a pas lésiné sur la splendeur des reconstitutions de palais, de costumes, de décors, et ne s'est pas privé de réaliser une fresque historique de grande ampleur, mêlant les passions de la petite histoire aux fracas de la grande, dans la tradition d'un Ang Lee ou d'un Zhang Yimou. Il a aussi pris soin de réunir sur son affiche, outre les deux acteurs cités précédemment, deux autres stars adulées par des milliers de fans en Asie : Andy Lau et Takeshi Kaneshiro. Si Peter Chan reprend la trame principale des Frères de sang de l'illustre Chang Cheng, il sait également s'en émanciper et imposer sa facture personnelle, imprimant à cette oeuvre grandiose sa différence et son identité. Un film que les amateurs du genre ne doivent manquer sous aucun prétexte.


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Jet Li et Takeshi Kaneshiro
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15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 18:58
UN MILLIER D'ANNEES DE BONNES PRIERES de WAYNE WANG

                                                                               
Après son divorce, une jeune femme chinoise nommée Yilan s'installe dans une petite ville des Etats-Unis. Son père, supposant qu'après cette épreuve elle a besoin de réconfort, annonce sa visite. C'est alors que Monsieur Shi découvre que sa fille n'a nul besoin de lui, qu'elle s'est totalement adaptée à son nouveau pays et a rompu, semble-t-il définitivement, ses attaches avec sa terre natale. Elle refuse en quelque sorte le soutien paternel et l'héritage de sa culture chinoise. Cette constatation affecte profondément le père qui, soudain, se sent de trop et inutile, d'autant que sa fille a une nouvelle liaison en dents de scie et ne lui prête qu'une attention distraite. Malgré tout, il fait son possible pour tenter de rétablir la confiance perdue et rétablir un dialogue avec cette enfant devenue inaccessible et lointaine. Avec ce second film, Wayne Wang nous livre une magnifique confrontation entre deux générations qui n'ont plus les moyens de se comprendre et de communiquer. Le cinéaste revient sur son sujet de prédilection : l'immigration en terre inconnue et la transmission du patrimoine culturel et social. Il s'adonne également, dans cet ouvrage, à une réflexion sur une identité pénible à assumer, héritage d'un passé qui ne s'accorde plus avec les moeurs de la société dans laquelle on vit et travaille ; ce qui conduira peu à peu ce père à accepter l'autonomie de sa fille, qui a rompu avec la morale des anciens et ses racines familiales. On surprend avec émotion ce vieil homme observant dubitatif un monde qui se libère et s'organise sans lui. Avec des moyens modestes, Wang crée une atmosphère intime et provinciale, inscrivant son oeuvre dans un paysage parfaitement neutre, qui n'est ni la ville, ni la campagne ; de même qu'il joue des silences, des non-dits avec finesse et s'approche à pas délicats, dans des teintes volontairement automnales, de ses personnages, afin d'en  mieux percer le mystère. Par sa brièveté et sa concision, l'auteur délivre un message émouvant et laisse entrevoir un mode de communication où chacun éviterait d'agresser l'autre, si bien que grâce à ce ton juste, à cette sobriété, au jeu concentré et expressif des acteurs, le présent s'habille de petits signes discrets d'une possible espérance. Un joli film épuré comme une estampe.

 

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24 juillet 2008 4 24 /07 /juillet /2008 11:18
SOUVENIR de IM KWON-TAEK

                                                                                                       
                                        
L
a barre du 10e Festival du Film Asiatique de Deauville avait été placée très haut cette année avec pour film d'ouverture Beyong the years devenu en français Souvenir du cinéaste coréen Im Kwon-taek, auquel un hommage avait été rendu en sa présence. Après la remise de la médaille de la ville, une brève allocution de la part du cinéaste honoré, les lumières s'étaient éteintes pour laisser place à la projection d'une oeuvre enthousiasmante pour sa beauté et sa poésie. A partir d'un récit simple et douloureux d'une quête de l'art à son plus haut degré de perfection et de l'amour dans son accomplissement le plus pur, le cinéaste propose un véritable poème, un chant d'une tristesse magnifique. Ce long métrage, qui date déjà deux ans, relate l'existence d'une chanteuse et d'un musicien de pansori, le chant traditionnel coréen dont les percussions s'élèvent jusqu'à l'épuisement et que l'auteur avait déjà abordé dans deux opus précédents : La chanteuse de pansori (1993) et Le chant de la fidèle Chunhyang (2000). L'histoire est la suivante : un maître du chant traditionnel, qui n'est pas parvenu à faire carrière, enseigne à son beau-fils et à sa fille adoptive les arcanes du pansori, mais ses méthodes sont si dures, ses exigences si grandes, que le jeune Dong-ho finit par s'enfuir, laissant seule avec le vieil homme celle qu'il considère comme sa soeur et aime en secret, la douce Song-hwa. Le départ du jeune homme plonge la jeune fille dans une immense douleur, au point qu'elle perd peu à peu la vue ... son mentor va alors lui appliquer un traitement à base de plantes, mais ajoutera, à la potion recommandée par l'herboriste, une autre plante qui accélère l'évolution du mal. Pourquoi a-t-il agi ainsi, alors que la jeune fille est la source de tous ses espoirs ? Est-ce afin de la garder auprès de lui ou bien parce que, comme il aime à le dire, les sommets de l'art ne peuvent s'atteindre qu'aux prix de grandes souffrances ? Nous ne le saurons jamais vraiment. Toujours est-il que Dong-ho, longtemps après sa fugue, revient dans une auberge où, autrefois, le vieil homme et ses jeunes élèves aimaient à se rendre, tant le paysage était d'une splendeur admirable, au bord d'un lac entouré de montagnes et survolé par des grues cendrées au vol majestueux. Il s'installait alors avec les enfants et ils chantaient ensemble la beauté de la nature, rendant grâce à l'art et à la beauté. Mais lorsque Dong-ho se retrouve des années plus tard sur les lieux, sa nostalgie est plus grande encore, car plus rien n'est semblable. Le lac a été asséché par une digue, les arbres ont disparu, ainsi que les grues cendrées. C'est ainsi, en présence de l'aubergiste, qu'il va nous révéler les tranches de sa vie et de celle de Song-hwa, qu'il s'efforce de retrouver. Cela se fera grâce à une succession de rencontres qui nous permettront de suivre les destins parallèles de deux êtres qui n'ont point cessé de s'aimer et ne parviendront à s'atteindre que dans la musique. Pour elle, Dong-ho fera construire une maison où chaque détail a été pensé pour faciliter son existence d'aveugle, mais Song-hwa ne pourra jamais y demeurer, minée par la tuberculose. Le film s'achève sur une image apaisée : celle puissante du souvenir qui, en nous permettant de remonter le temps, rend à Dong-ho, désormais seul, la plénitude de son art et de son amour. Ainsi la narration se construit-elle sur des strates  temporelles qui soudent au tissage du temps, cette recherche désespérée et profondément bouleversante d'une unité à jamais perdue. Servi par des acteurs émouvants et, en particulier, par une jeune chanteuse d'une grâce merveilleuse dans ses habits traditionnels, la ravissante et délicate Jung-hae Oh, de même que par des paysages d'une splendeur stupéfiante, ce film lent (certains le lui reprocheront sans doute) est une méditation profonde sur la quête d'un absolu qui reste à jamais une aspiration et une inspiration. Nous plongeons, avec ce centième opus de l'auteur, au coeur d'une oeuvre brodée à petits points par un cinéaste que n'ont pas épargné les épreuves de la guerre et qui sera, dès lors, en continuelle recherche d'un idéal à proposer, celui d'un présent qui accepterait d'être revisité par le passé, pour la simple raison que ce dernier porte en lui une leçon d'exigence et de sagesse ; oui, quelqu'un de profondément attaché à sa nation et dont la passion pour la civilisation de sa Corée natale sert de toile de fond à la plupart de ses oeuvres. Avec ce film admirable, Im Kwon-taek a peut-être écrit son ultime chef-d'oeuvre.  

 

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22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 08:16

 affiche-pouses-et-concubines                      

 

Nous sommes en Chine du Nord dans les années 20 : Songlian (Gong Li), âgée de 19 ans, devient la quatrième épouse du riche maître Chen Zaoquian (Ma Jingwu) à la suite de la mort de son père. Elle va dorénavant vivre cloîtrée auprès des trois autres épouses qu'elle ne verra que lors des repas pris en commun. La première épouse Yuru (Jin Shuyuan), qui a dépassé l'âge de plaire, ne lui cause aucun souci. Mais il n'en est pas de même des deux autres avec lesquelles elle se heurte, parce que celles-ci, dévorées de jalousie, s'emploient, autant que faire se peut, à comploter les intrigues les plus fallacieuses ; la seconde épouse Zhuoyun (Caoo Quifen) se révélant véritablement machiavélique sous des dehors aimables. C'est elle qui provoquera indirectement la mort de Yan'er, la servante-concubine, puis de Meishan, la troisième épouse, ex-chanteuse d'opéra, qu'elle accuse d'adultère avec le docteur Gao. L'époux bafoué la fera exécuter par ses serviteurs dans la chambre des tortures et la vie reprendra son cours comme si de rien  n'était. Sauf pour Songlian qui, horrifiée par cet abominable assassinat, sombre dans la folie. C'est alors qu'une cinquième épouse vient enrichir la maison de ce maître qui jouit du droit de vie et de mort sur ses femmes.
 

 
Après "Le Sorgho rouge" et "Ju Du", "Epouses et concubines" est le troisième volet que Zhang Yimou a consacré à la condition féminine dans la Chine d'avant-guerre, époque où l'épouse était totalement soumise à l'autorité maritale et ne pouvait s'affranchir que par la mort ou la folie. Bien qu'il soit constamment question des hommes, ceux-ci n'apparaissent que furtivement dans le film,  mais l'autorité dont ils bénéficient et qu'ils exercent sur leurs épouses captives, se révèle obsédante. Dans cet univers quasi carcéral, ce huis-clos oppressant, gouverné par des rites millénaires, le seul élément de vie est constitué par l'éclairage des lanternes rouges qui signale la visite du seigneur dans l'appartement de l'épouse qu'il est venu honorer pour quelques heures et qui doit se plier à ses exigences. Comme dans ses films précédents, Yimou fait appel à la même interprète féminine, Gong Li, avec laquelle il vivait alors. Remarquable Songlian, elle ne peut se résigner à n'être qu'un objet sexuel. "Epouses et concubines" se distingue comme un film d'une rare beauté esthétique avec des plans et des lumières raffinés à l'extrême, des images flamboyantes où l'unité de lieu est respectée et qui constitue par sa qualité, la rigueur de sa narration, un véritable joyau du 7e Art. N'oublions pas que ce long métrage contribua grandement à l'essor du cinéma asiatique, peu connu alors en France et même en Europe, et qu'il est une réflexion sur l'insoutenable condition féminine dans bien des pays encore. Yimou est de ceux qui ont donné à l'art cinématographique de leur pays ses lettres de noblesse. Un film que l'on revoit avec la même émotion parce qu'il semble défier le temps.

 


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ZHANG YIMOU - PORTRAIT           GONG LI - PORTRAIT


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EPOUSES ET CONCUBINES de ZHANG YIMOU
EPOUSES ET CONCUBINES de ZHANG YIMOU
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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 20:31

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Li Ahh et Li Ohm grandissent sans mère auprès de leur père Sui, qui répare les mannequins des magasins et est à tel point dévoré par son travail qu'il en délaisse ses fils. Ceux-ci sont livrés à eux-mêmes ; l'aîné de 9 ans prenant soin du plus jeune. Ils vont à l'école mais, ensuite, errent dans les rues et les terrains vagues où, un jour, ils recueillent un chiot abandonné. Le plus jeune, ne voulant pas s'en séparer, le cache dans son cartable et l'emmène avec lui à l'école. Mais la maîtresse s'en aperçoit et en parle au directeur, qui convoque le père. Ce dernier prend alors le chiot et va le déposer dans une décharge publique mais, devant le chagrin que cela provoque chez ses enfants, et surtout chez le plus petit, il est saisi de compassion et réalise à quel point il les aime. Ce film un peu trop lent à mon goût - mais cela est le fait de beaucoup de films asiatiques, qui n'ont certes pas le débit des films américains - ne manque pas de charme, à cause de la tendresse qu'il dégage, de sa fraîcheur, de sa drôlerie et du jeu merveilleux des deux enfants confondants de naturel et de spontanéité. Cet opus est le premier long métrage de Liew Seng Tat, né en 1979 à Jinjang, qui vient d'être couronné, il a tout juste une semaine, par le Festival du film de Fribourg et  sera présent, le mois prochain, à Vancouver pour représenter ce jeune cinéma malaisien.


Selon ses propres dires, l'auteur a lui-même grandi dans un milieu familial harmonieux, plein d'amour et de rires, d'où cette vision assez idyllique de l'enfance et ce portrait de deux gamins surpris dans leurs jeux insouciants. Fait avec peu de moyens, un scénario réduit à sa plus simple expression, ce long métrage a été tourné la caméra sur l'épaule et nous rappelle ce que fut dans les années 60 la Nouvelle Vague française, suscitant un sentiment identique, celui d'assister à une tranche de vie saisie sur le vif et qui séduit d'autant mieux que l'oeil, qui se trouve derrière la caméra, est empli d'indulgence et que ce monde de l'enfance reste à jamais un univers privilégié. Une jolie réalisation qui est comme une bouffée d'air frais.

 

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LIEW_Seng-Tat_2007_Flower-in-the-Pocket.jpg

 


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16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 11:18
WONDERFUL TOWN de ADITYA ASSARAT

                                                                                                                               
Dans la petite ville de Takua Pa, au sud de la Thaïlande, Ton, un jeune architecte, a été chargé de surveiller les travaux de reconstruction d'une chaîne hôtelière, au bord de la plage récemment ravagée par le tsunami. Dès son arrivée de Bangkok, il choisit, dans l'arrière-pays, un hôtel modeste, tenu par une jeune femme discrète, au charme délicat. Peu à peu, elle et lui vont tisser  des liens de tendresse et vivre un amour empreint de pudeur et de retenue. Mais cela ne va pas être du goût de tout le monde, et du frère de Na en particulier, un voyou paresseux, père d'un jeune enfant dont la jeune femme s'occupe avec dévouement. Pour faire cesser cette liaison, on comprend vite qu'il est prêt à tout et, en effet, les provocations se succèdent. D'ailleurs celui-ci met en garde sa soeur, alors que, dans le même temps, il encourage  Ton à la protéger car, contrairement à lui, elle est un coeur pur. Cela jusqu'au dénouement, où l'on verra que pour la garder auprès de lui, il n'hésitera nullement à employer les moyens les plus radicaux. Avec sobriété, le réalisateur
Aditya Assarat, dont c'est le premier long métrage, a choisi de traiter le tsunami, qui a frappé les côtes thaïlandaises et provoqué un profond traumatisme parmi la population, à travers le destin de deux êtres attachants, âmes blessées dont l'histoire d'amour ne peut manquer de nous émouvoir, d'autant que le film nous peint cette liaison avec sensibilité et procède par petites touches, en une suite de plans au ralenti, à l'égal du sentiment qui éclot entre  Na et Ton. Le cinéaste  a très bien rendu l'ambiance, s'attardant sur les maisons désertées, les objets de la vie quotidienne abandonnés là comme les épaves d'un autre temps, d'un autre monde, références à la solitude qui étreint les survivants. Ode touchante, avec quelques images superbes de cette région prise entre mer et montagne, tant appréciée des touristes autrefois, et soudain délaissée, mise à l'écart de la marche offensive du monde. Si bien qu'on se sent, tout au long du film, un peu hors du temps, au coeur d'une rêverie mélancolique exprimée sans faute de goût, sans excès, avec élégance et fluidité, par un jeune cinéaste qui réussit là un ouvrage grave, empli d'une poésie simple et quotidienne et mérite que l'on suive avec attention la suite de ses réalisations.

 

Prix du Jury du 10e Festival du Film Asiatique de Deauville

 

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23 janvier 2008 3 23 /01 /janvier /2008 10:04
KING AND THE CLOWN de LEE JUN -IK

                                                                                               

Au début du XVIe siècle, alors que la dynastie Chosun est en place et règne avec autorité, une troupe de comédiens, pour s'attirer les faveurs du public, se prête à des bouffonneries cocasses qui mettent en scène les relations du roi et de sa favorite, ainsi que les ministres de la cour. Arrêtée sur ordre d'un conseiller royal, celle-ci est amenée au palais et obligation lui est faite de provoquer l'hilarité de sa majesté, si elle veut assurer sa survie. Grâce à l'habileté de Jang Seng et au charme ambigu de l'eunuque Gong Gil, qui a toutes les grâces d'une jeune fille, le roi rit et la troupe est épargnée et invitée à résider  sur place, afin que, dorénavant, elle s'emploie à tromper l'ennui du souverain. King and the Clown, du cinéaste Sud- Coréen  Lee Jun-Ik, est l'adaptation cinématographique d'une comédie musicale et le film ne fait que reprendre, mais de quelle façon ample et fastueuse, le genre de la comédie musicale (le fond sonore est d'ailleurs très agréable), tout en adoptant un style plus grave, voire dramatique, de façon à proposer un message circonstancié sur le pouvoir institutionnel (nous ne sommes pas loin de la Corée du Nord et de son effrayante dictature)  et le contre-pouvoir de l'imaginaire, sur la violence du vécu et la puissance fictive de l'espéré. Dès l'épilogue, le réalisateur se réfère aux chroniques royales de la dynastie Chosun qui relataient fidèlement les faits et gestes de chacun des rois qui se succédèrent pendant plusieurs siècles (on  parle de 24 suzerains de la même lignée). Le roi ,qui est dépeint dans le film, a la triste réputation d'être cruel, violent et immoral. En définitive, il m'est apparu davantage comme un immature, un grand enfant capricieux, égocentrique et tyrannique, un personnage trouble et troublant, marqué, dès l'enfance, par la mort de sa mère empoisonnée par un haut dignitaire sur ordre de son époux, que comme un tout-puissant suzerain. A la suite de ces drames familiaux, il est resté un être éternellement  insatisfait, jouisseur, inconscient, donc incapable de se gouverner lui-même et, à plus forte raison, de gouverner son pays de manière responsable. Il est le jouet de son entourage et donc un homme sous influence, qui sera détrôné en 1502, à la suite d'une subversion aristocratique, pour ses brutalités et ses erreurs. Cet événement est d'ailleurs suggéré dans le final, où une image met en scène les comédiens s'élevant dans le ciel grâce à des pirouettes acrobatiques, tandis que le palais est envahi par une foule déchaînée.

 

Ce film, d'un esthétisme raffiné, qui se présente comme une réflexion sur le pouvoir politique et le pouvoir de l'art, l'un et l'autre mis en concurrence de façon habile et pertinente, joue magnifiquement de la couleur, des paysages, des ciels, des visages, mêle la farce et le drame, la comédie et la tragédie, sans aucune fausse note, tandis que se jouent mutuellement et, comme sous l'effet d'un double miroir réfléchissant, les tenants du pouvoir et les acteurs de cette commedia dell'arte. Il est, par ailleurs, intéressant à plus d'un titre : tout d'abord parce qu'il nous permet de découvrir le théâtre burlesque coréen dans lequel s'associent harmonieusement le mime, le chant, les marionnettes, les numéros d'équilibriste, les acrobaties diverses et qu'il nous fait entrer dans le vif de l'existence d'une petite troupe de saltimbanques trop souvent victime des exigences d'un directeur autoritaire qui n'hésite pas à prostituer certains de ses acteurs et à oser des insolences audacieuses pour de l'argent. Ensuite, parce qu'il nous peint de façon minutieuse, et idéalement chamarrée, la vie de la cour dans la Corée du début du XVIe, où le faste est grand, la vie réglée au détail près et où le souverain n'est, en fin de compte, qu'un être soumis, non seulement aux lois édictées par ses ancêtres, mais aux intrigues et malveillances manigancées par ses ministres corrompus. Enfin, parce qu'il aborde avec pudeur le thème de l'homosexualité masculine (ce qui n'est pas courant en Corée du Sud) à travers le personnage émouvant, tendre et faible de Gong Gil, être asservi doublement par sa nature physique et sa position sociale. Il semble d'ailleurs que sa destinée ne cesse de lui échapper et qu'il est le jouet, tout ensemble, du roi qu'il charme et envoûte et de Jang Seng qui l'aime et entend le protéger des fantasmes royaux. Alors que cette troupe parcourait tranquillement les villes du pays en interprétant des pièces et en se livrant à des pitreries et acrobaties,  leur sort bascule dangereusement lorsqu' ils sont repérés par un dignitaire et où, pour sauver leur peau, ils se voient dans l'obligation de devenir les amuseurs du palais et sont exposés aux foucades et aux imprévisibles caprices du souverain. King and the clown s'affiche aujourd'hui comme un succès sans précédent au box-office coréen. On ne s'en étonnera pas si l'on sait l'engouement, respectable ô combien ! de la Corée du Sud pour son passé et sa culture, d'autant  que ce film procède à une reconstitution magnifique de la Corée moyenâgeuse avec ses costumes, ses décors, ses fastes et aussi ses bouges, ses moeurs ; monde tantôt bigarré et grouillant, tantôt somptueux et figé et, ce, grâce à une photographie maîtrisée et une direction d'acteurs (ils sont tous éblouissants) magistrale. King and the clown est une fresque grandiose qui ajoute à sa réussite esthétique un message sur les ambiguïtés du pouvoir et  le sens de nos vies : est-il possible d'échapper aux règles qui régissent les sociétés ? Il semblerait que Lee Jun-ik n'en soit pas convaincu,  mais qu'il reconnaisse à l'homme en mesure d'assumer sa différence comme le cap'taine, tour à tour grossier, jovial mais loyal et responsable de ses choix et de ses engagements, une supériorité indiscutable en comparaison d'un serviteur de l'Etat contraint et soumis aux impératifs de sa charge. A la fin le cap'taine, devenu aveugle, dira qu'il voit désormais mieux qu'avant, parce qu'il n'est plus ébloui par l'or et les apparences.
 

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15 décembre 2007 6 15 /12 /décembre /2007 18:44
JE SUIS UN CYBORG de PARK CHAN-WOOK

                    

C'est lors du Festival du film asiatique de Deauville en mars dernier que j'ai fait la connaissance du cinéaste Sud-Coréen Park Chan-wook, déjà bien connu des festivaliers pour avoir participé à l'édition 2001 et y avoir remporté le grand Prix avec Joint Security Area. L'année suivante, il entamait avec Sympathy for Mr Vengeance, une trilogie consacrée à la violence. Old Boy, le deuxième volet obtint le Grand Prix du Festival de Cannes 2004 et le troisième,  Lady Vengeance,  le Lion d'Avenir et le Prix de l'Innovation au Festival de Venise 2005. C'est dire que Park Chan-wook est d'ores et déjà un maître dans l'univers si vivant et prolifique du cinéma asiatique et que l'hommage, qui lui était rendu le 30 mars à Deauville, lors de la présentation, après Berlin, de son film I'm a cyborg, But That's ok , était amplement mérité, bien que le cinéaste le trouve prématuré. Regardé aujourd'hui comme une des figures marquantes du cinéma asiatique, ce Coréen ne craint pas d'être considéré à la fois comme un homme engagé et un provocateur, car cet enfant du Pays du Matin Calme ne cesse, à travers ses films, d'éveiller des sentiments vifs et autant d'éloges enflammées que de critiques acerbes. Son premier coup de foudre cinématographique lui fut inspiré par Vertigo d'Alfred Hitchcock. L'oeuvre tragique du maître du suspense lui procura des frissons en faisant écho à son besoin de réponses fraîches aux questions existentielles - dira-t-il. A l'époque, cet étudiant sérieux se destinait à une carrière de critique d'art, mais c'est finalement la littérature et la philosophie qui lui ouvriront la voie de la réflexion sur le sens de la vie et de la condition humaine. Ses initiateurs auront noms : Sophocle, Shakespeare, Kafka, Balzac, Zola, Stendhal et Vonnegut et, dans le 7e Art, après Hitchcock, Roman Polanski. Elève d'une université catholique, il reçoit un enseignement qui l'incline tout naturellement à s'interroger sur l'existence divine. En outre, il est très tôt marqué par la division de la Corée et des drames qui s'ensuivent. Sa fougue, ce feu intérieur, qui fait de lui un réalisateur impétueux et révolté contre la perte grandissante des valeurs essentielles, lui vaut des échecs cuisants et des débuts pour le moins difficiles et chaotiques. Certains auraient pu se décourager, pas lui. Ce mur d'incompréhension est une émulation supplémentaire qui l'incite à poursuivre une oeuvre personnelle, surprenante et d'une incontestable exigence. Alors que beaucoup ne lui prêtent qu'un univers ténébreux et brutal, d'autres commencent à percevoir, au fur et à mesure de ses réalisations, un message porteur d'un humanisme authentique, nourri par un amour désespéré de l'être. Park Chan-wook va tout au long de sa filmographie dénoncer le caractère pernicieux de l'argent qui pourrit l'homme jusqu'aux tréfonds de l'âme et suscite violences, affrontements, jalousies, malaises sociaux, déséquilibres psychiques. Avec le vertigineux Old Boy, il hausse encore le ton et se focalise sur la quête vengeresse d'un héros, vengeance qui finit par se retourner contre lui. Le triptyque, qui se poursuit sur une vision plutôt pessimiste de la rédemption, s'achèvera sur une leçon d'existence d'une sincérité consolante.

                       
Avec son dernier film Je suis un cyborg, Park Chan-wook s'écarte de la réalité et change de registre pour explorer le surréel, projet qui lui tenait à coeur depuis longtemps. "C'est un monde qui m'intéressait, j'ai donc essayé de mettre en place un environnement qui soit plus proche du conte, du mythe - nous dit-il. Internée dans un hôpital psychiatrique, Young -goon est persuadée d'être un cyborg et refuse de s'alimenter. Mais une garçon va s'éprendre d'elle et tout tenter pour la ramener à la réalité. "Même si le film souligne à quel point la technologie prime dans notre société, il ne s'agit pas d'une critique de ma part" - poursuit le cinéaste. Le personnage de Young-goon est à la recherche d'une raison d'être. Car il y a cette question récurrente qui se pose sans cesse et hante le cinéaste : Pourquoi sommes-nous sur la terre ? C'est une question qui est à l'origine de beaucoup d'oeuvres d'art, celle qui a mis l'homme sur le chemin de la pensée." Je voulais soumettre cette question au public de la manière la plus directe possible" - ajoute Park Chan-wook. "Elle ne se pose pas dans les films commerciaux, on l'évite même, mais, cette fois, je voulais inciter le public à y réfléchir. Je me suis souvent demandé pourquoi la violence m'intéressait, alors que je ne suis pas violent moi-même. Mais cette violence coïncide avec une ambiance politique violente et angoissante. Pour l'avoir subie, elle s'est gravée en moi et c'est la seule piste que je vois pour expliquer la place qu'elle tient dans mes films. Je ne voulais pas non plus montrer les médecins qui soignent Young-goon comme des bourreaux, ni reprendre la tradition cinématographique de l'asile comme une institution fermée dans laquelle les patients sont torturés. Simplement ils se heurtent à des limites".
 

Comme dans ses films précédents, et bien qu'il considère celui-ci comme une comédie, Park Chan-wook nous fait assister à la lente reconquête de soi de son personnage principal Young-goon, interprétée par Soo-jung Lim, aux prises avec une société où chacun est inévitablement surveillé, brimé. L'héroïne rêve d'être une machine pour échapper à sa condition humaine vouée à subir le rouleau compresseur de l'uniformité. Mais l'amour guette, car seul l'amour peut nous sauver du doute et du désespoir. Acceptant de débrancher les curieuses antennes qui lui assurent une vie artificielle, la jeune femme va reprendre goût à la vie et s'alimenter à nouveau. Film étrange, d'une originalité plus que déroutante, il ne peut laisser personne indifférent, même s'il en exaspère beaucoup. Il y a là des fulgurances, une approche très personnelle d'une vie qui peut si vite basculer dans le virtuel et une incontestable quête d'espérance. Park Chan-wook nous montre à quel point le cinéma asiatique a des messages à nous proposer, cela par la voie d'une écriture revisitée, renouvelée, inhabituelle, mais pas toujours lisible. Loin des polars angoissants de ses films précédents, Je suis un cyborg se construits sur la métaphore de la différence et, vers la fin, adopte un rythme plus humain et apaisé avec ce qu'il faut de douceur et de mélancolie, tant cet opus plonge dans les arcanes de la compassion et de l'amour. Film troublant, inclassable, il n'en est pas moins bourré de trouvailles et d'innovations et assure un dépaysement qui, certes, déplaira à de nombreux spectateurs. Mais on ne peut refuser à ce cinéaste une marginalité géniale.



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6 décembre 2007 4 06 /12 /décembre /2007 11:12
MY BLUEBERRY NIGHTS de WONG KAR WAI

             
Le Festival de Cannes 2007 s'était ouvert avec ce film de Wong Kar-Wai qui avait mis la critique officielle en ébullition. Ce long métrage décevait la plupart, séduisait les autres, sans convaincre tout à fait et pourtant. Voilà un film qui vient normalement prendre rang parmi ceux qui forgent l'oeuvre d'un réalisateur hors du commun, non un artisan de la pellicule aussi doué soit-il, mais l'un de ces rares artistes que compte le 7e Art, de ces metteurs en scène qui ont su trouver un ton, créer un univers à nul autre pareil. C'était le cas de Fellini, Visconti, Bresson, Bergman, Welles, Lubitsch, c'est aujourd'hui le cas de Wong Kar-Wai. Dans "My Blueberry Nights", sa première réalisation en anglais, le hongkongais lâche la chanteuse Norah Jones entre New-York et Las Vegas dans une errance urbaine introspective qui lui révélera in fine la nature de sa quête. Après une séparation douloureuse, Elisabeth - tel est son prénom - pour échapper au langoureux souvenir de celui qui vient de la quitter, s'aventure dans un voyage qui n'est autre qu'une fuite en avant, s'arrêtant ici et là, afin de financer son road movie en exerçant des petits boulots comme celui de serveuse. C'est ainsi qu'elle réalise à quel point les êtres qu'elle côtoie ne sont pas en meilleur état qu'elle et qu'elle est entourée de toutes parts par un véritable abîme de solitude et devient, par la force des choses, la confidente d'autres détresses et d'autres strophes pathétique. En définitive, cette échappée, ce sauve-qui-peut est une odyssée sentimentale et mélancolique, un film sur la fuite et l'abandon, où l'héroïne essaie de se délester et de dire adieu à son ancienne vie, de manière à se reconstruire. C'est donc en premier lieu une expérience intime, une balade initiatique, une quête pour donner sens à une existence qui se dévide apparemment sans cause, ni raison, et pour laquelle le réalisateur privilégie les chemins intérieurs, tout en jouant habilement de la métaphore. C'est par ailleurs un poème nostalgique qui pose la question suivante : comment faire pour récupérer un être aimé ou plutôt comment faire pour l'oublier et prendre un nouveau départ ? Cela filmé par une caméra ultra-sensible dans les couleurs bleutées des nuits fauves, composant un univers crépusculaire qui n'appartient qu'à son auteur et que l'on reconnaît dès les premières images, ce qui prouve à quel point WKW a su se créer un style personnel unique que traduit avec virtuosité l'objectif de Darius Khondji, son nouveau chef-opérateur. 

 

Certes, ce dernier film n'introduit rien de très nouveau, mais est-il si nécessaire qu'un film ou un livre soit à chaque fois innovant ? N'est-il pas préférable qu'un auteur compose une oeuvre qui se définisse justement par un ton, un style, une cohésion ? Et n'est-ce pas le cas ici où  "My Blueberry Nights" rejoint naturellement l'oeuvre de longue haleine commencée avec "Les cendres du temps", "Les anges déchus", "Happy together" et qui se poursuivit avec "In the mood for love" et "2046" ? Comme dans les ouvrages précédents, le temps est soumis à des ralentis dont l'auteur se plait à user pour préserver la beauté et la rendre moins éphémère - travail elliptique et allusif à la façon d'un Antonioni dont il se réclame - afin de ponctuer une narration en contre-champ et créer un monde comme suspendu entre rêve et réalité, illusion et certitude, mais qui ne renonce pas pour autant aux satisfactions gourmandes d'images savoureuses où desserts nappés, glaces colorées, tartes aux myrtilles, ces plaisirs de bouche s'allient à une sensualité de climat très familière à WKW. Quant au baiser entre Norah Jones et Jude Law, il sera à inscrire au panthéon des baisers mythiques de l'histoire du cinéma. Un film qui ne déçoit pas tant il s'inscrit dans la durée d'une voie librement ouverte sur l'incertitude de soi.

 

Pour lire l'article consacré au réalisateur, cliquer sur son titre :  

 

 WONG KAR-WAI OU UN CINEMA DE LA NOSTALGIE

 

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20 novembre 2007 2 20 /11 /novembre /2007 11:05
ADIEU MA CONCUBINE de CHEN KAIGE

                   
Adieu ma concubine, le chef-d'oeuvre de Chen Kaige, date de 1992 et apparait comme un vibrant hommage à l'Opéra de Pékin. Grâce à ce film, Kaige présente au monde cet art typique de son pays, un art codifié où rien n'est laissé au hasard. Douzi et Shitou, qui se sont rencontrés enfants lors de leur rude apprentissage à l'école de l'Opéra, en sont les personnages principaux. Soutenue par des images majestueuses, leur histoire est fascinante et nous conte, à travers leurs deux destins, les bouleversements que la Chine subira au long d'un demi-siècle. Alors que, durant leur jeunesse, les amis vivaient au coeur d'une société qui prônait la discipline comme le seul moyen de surmonter les drames de l'existence et de s'en rendre maître, l'effort étant habituel, ils vont, par la suite, partager le sort de la population lors de la révolution culturelle et de l'émergence du communisme, qui se révèleront être la cause de leur propre déchéance et de celle de leur art. Cette évolution du système politique chinois est admirablement rendue, mieux que la relation ambiguë entre les personnages qui, parfois, est assez peu lisible et finit par le mariage de l'un et le suicide de l'autre qui ne peut surmonter sa douleur d'avoir été délaissé pour une femme.
                

Par ailleurs, l'apparition du nouvel ordre politique va entraîner l'inexorable disparition des vestiges de l'ancienne société et être la cause de débordements et de trahisons, ce que le cinéaste nous dépeint avec talent. Ce film fut évidemment censuré et interdit dans la Chine d'alors, avant que le succès international ne le rejoigne à Cannes, où il reçut la Palme d'or en 1993, ex-aequo avec une autre grand film dont je parlerai bientôt  La leçon de piano de Jane Campion. Au final, une oeuvre magnifique où se mêlent, dans une mise en scène grandiose, réalité et fiction, peinture de la Chine à travers cinquante ans de son histoire et amours conflictuels entre deux hommes et une femme. Ce long métrage a également pour mérite d'allier le souffle de l'épopée à l'intimité d'un drame humain et sentimental.
 

Leslie Cheung, acteur emblématique du cinéma asiatique, mort en 2003 à l'âge de 46 ans, domine l'opus et se montre absolument remarquable. On ne peut oublier son visage grimé où se lisent successivement douceur, tendresse, confiance, détresse,  résignation et désespoir. Bien que le rôle d'un travesti soit délicat à interpréter, l'acteur, chanteur et danseur, ne tombe jamais dans le piège d'en faire trop. Il joue sur la corde sensible de sa difficile identité avec finesse et intelligence, tandis que Gong Li maîtrise avec une merveilleuse féminité l'alternance de la séduction et de la révolte. Cette somptueuse réalisation  doit autant à la qualité de la mise en scène qu'à celle de l' interprétation.

 

Pour lire l'article consacré à Gong Li, cliquer sur son titre :     GONG LI - PORTRAIT  

 

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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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