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9 novembre 2007 5 09 /11 /novembre /2007 11:04
LA FORET DE MOGARI de NAOMI KAWASE

         

Pour son cinquième long métrage, Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, la japonaise Naomi Kawase nous livre un film contemplatif et sensible sur le thème du deuil, très actuel dans le cinéma international d'aujourd'hui. Shigeki est pensionnaire dans une maison de retraite située à l'écart de la ville. Personnage lunaire, presque absent, il partage avec Machiko, une jeune infirmière, la douleur d'avoir perdu un être cher. Suite à un accident de voiture, qui provoque un certain désordre, le vieil homme en profite pour s'enfuir dans la proche forêt de Mogari, bientôt rejoint par la jeune femme. La relation avec la nature est ici très présente, vécue dans une communion de tous les instants. Elle est une sorte de temple, sanctuaire magique qui permet aux deux personnages d'effectuer le mieux possible le difficile travail du deuil. Un peu à la manière de Terrence Malick, Naomi Kawase nous rappelle à quel point il s'agit là de notre véritable environnement, de notre milieu originel, loin des artifices conventionnels des grandes agglomérations, le seul en mesure de nous aider à surmonter nos épreuves et à accéder à la sérénité.

                     

Dans la première partie, la cinéaste exprime le mal de vivre des pensionnaires dans la maison de retraite, lieu clos et presque carcéral. C'est d'ailleurs l'angoisse générée par cet enfermement qui rapproche Shigeki et Machiko et les incite à fuir dans la forêt. Libération conditionnée par un retour à l'essentiel, un endroit qui leur permettra de mettre un terme à leur deuil et de renouer avec la vie. Car, à plusieurs reprises, Kawase, avec pudeur, laisse deviner la tension sexuelle qui s'installe entre ses deux personnages. La première est esquissée lors d'une scène avec une pastèque ; la seconde dans la forêt, la nuit, lorsque les corps s'étreignent pour affronter les rigueurs du froid. Film silencieux et intimiste, La forêt de Mogari nous invite à partager le cheminement de cet homme et de cette femme en quête d'une nouvelle naissance. Cela, sans emphase, parfois avec humour, toujours avec la distance nécessaire pour ne jamais céder à la sensiblerie. Une belle ode à l'authenticité de la personne et à la nature, filmée au plus près d'une caméra pinceau, qui sait mettre en valeur les lumières s'étoilant entre les feuilles, l'haubanage des arbres, le relief de l'écorce, la naissance d'une fleur. Avec autant d'intelligence que de délicatesse, ce beau film évoque l'absence, les fulgurances de la vie et nous propose un point de vue original, largement inspiré des rites funéraires particuliers à la région de Tawara, à l'Ouest du Japon. En confrontant les morts et les vivants, les ombres et la lumière, le corps et l'esprit, la naïveté et la démence, le cinéma de Kawase déploie ses ressources et fonctionne sur le vécu et le ressenti. Tout ensemble réflexion sur la vieillesse, sur la sourde appréhension de la mort, cette odyssée panthéiste d'une quête de soi nous prouve, si besoin était, combien le cinéma asiatique n'en finit pas de nous fasciner. Pour interpréter le rôle du vieillard, la réalisatrice a fait appel à un non -professionnel et le résultat est stupéfiant. Shigeki Uda réussit à faire poindre, sous les symptômes d'une légère démence, les sentiments complexes d'un amoureux inconsolable depuis 33 ans. Sa présence donne curieusement au film sa solidité, son assise. Alors que la gracile Machiko Ono, actrice professionnelle quant à elle, nous charme par sa subtile grâce qui emplit l'écran d'une poésie intemporelle. Ainsi, on retiendra la justesse de l'interprétation, en même temps que la beauté des images et l'intense émotion des scènes finales, où vivants et morts parviennent enfin à se quitter.

 
                 
Il est probable que ce film agacera bon nombre de spectateurs qui le jugeront ennuyeux, lent, parfois abscons, ayant trop souvent recours à l'allusion et aux symboles. C'est, selon moi, ce qui en fait la richesse et l'intérêt. Il est vrai que la production occidentale nous a davantage sensibilisés à une forme cinématographique où l'action est le ressort principal, action qui peut aller jusqu'à l'agitation, la fièvre, l'effervescence. Rappelons -nous récemment des longs métrages comme La vengeance dans la peau ou Michael Clayton (voir mes deux critiques), qui nous plaisent d'ailleurs pour toutes sortes de raison, mais sont traversés par une implacable frénésie. Pas une minute à perdre, pas un instant de réflexion, l'être est en permanence dans le mouvement au dépens de sa propre introspection. Bernanos faisait acte de visionnaire lorsqu'il écrivait dans les années 40 : " Le monde moderne est une conspiration contre toute forme de vie intérieure." C'est  ce qui fait d'un film comme La forêt de Mogari  une oeuvre étrange, en décalage apparent avec nos préoccupations journalières, mais qui, à mieux y regarder, est une véritable leçon de sagesse. N'est-ce pas dans le silence, dans l'ascèse, la contemplation, le retour à la nature que les deux héros vont retrouver leur équilibre et atteindre la plénitude ? Ce film a l'immense mérite de nous rappeler que c'est à l'homme de se plier au rythme de la nature, non à la nature de subir le rythme de l'homme, et que ce n'est qu'en revenant à nos sources que nous retrouverons le goût de nous-même. Car l'excès est le trait distinctif de l'individu  hyper moderne  qui  pêche par abus d'inexistence. Si bien que l'on peut se demander si le deuil dont il est question n'est pas celui que nous devrions faire du superflu qui nous encombre.

 

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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 10:42
IN THE MOOD FOR LOVE de WONG KAR-WAI

                                                                          
Avec ce septième long métrage, le cinéaste Wong Kar-wai aborde, pour la première fois, le thème de l'adultère. Mais il ne présente pas son sujet de façon frontale : il va le dérouler sous forme d'un récit elliptique et nuancé, agençant parfaitement la simplicité du scénario à la complexité artistique de la mise en scène. Ainsi nous livre-t-il un chef-d'oeuvre incontestable d'un raffinement esthétique exceptionnel qui n'est pas sans rappeler, par les flamboyantes images de certaines scènes et les robes d'une Maggie Cheung évanescente, les toiles du Greco et, par d'autres, l'atmosphère propre à l'impressionnisme français. Un film qui évoque, par ailleurs, toute la problématique des relations amoureuses et sait dans un style personnel mêler les avancées contemporaines du 7e Art et les vestiges d'un passé empli de réminiscences. Ce huit-clos intemporel est empreint d'une nostalgie poignante mise en valeur par une musique langoureuse qui rythme les mouvements du désir et la lenteur contemplative d'un amour qui naît mais ne peut vivre. Wong Kar-wai convoque non seulement l'art de l'enluminure mais les éléments de la nature à travers un rideau de pluie, une fleur, une grappe, le tout baigné dans un climat onirique.
                       

L'histoire nous plonge au coeur du Hong-Kong des années 60 où deux voisins d'immeuble Madame Chan et Monsieur Chow vont bientôt entretenir une relation inhabituelle lorsqu'ils découvrent l'un et l'autre que leurs époux respectifs les trompent. Ils cherchent alors à savoir comment tout cela a bien pu arriver et comment ils doivent réagir face à une telle situation...Un cérémonial du désir qui va se vivre dans le même quartier, la même ruelle, une valse hésitation enveloppée de soyeux moments de silence, d'appels sans réponse, de troubles, de regrets. Car cet amour entre Mme Chan et Mr Chow ( Tony Leung admirable ) restera cristallisé en son immatérialité pour n'avoir jamais été qu'un fantasme. Attirés l'un par l'autre dès les premiers instants, tous deux ne parviendront jamais à s'abandonner à cette attirance réciproque comme si la réalisation de leur désir risquait de détruire ce qui, pour eux, était probablement essentiel : son inaccessibilité. Protection contre le réel qui est susceptible de briser la chose fantasmée, peut-être !  Toujours est-il que le récit s'étire, s'enlace à la façon d'un poème avec des fractions de temps subtilisées à l'ordinaire de la vie, comme des heures privilégiées, où séduction et dérobade mènent un jeu plein d'oscillations et de tremblements. On se croirait dans un roman de chevalerie médiéval, où la dame a le devoir de rester en marge de la réalité, afin d'inciter le chevalier à la bravoure, à la conquête perpétuelle. Ici l'approche se fait sans doute plus freudienne mais tout aussi complexe et vécue dans une nuit diamantée où l'élégante et magnifique égérie devient le symbole parfait de l'amour exclusif et irréel. La nostalgie est le grand ressort affectif et esthétique du cinéma de Wong Kar-wai. Sublime.

 

Pour lire les articles consacrés à Wong Kar-wai et Tony Leung, cliquer sur leurs titres :

 

WONG KAR-WAI OU UN CINEMA DE LA NOSTALGIE        TONY LEUNG CHIU WAI

 

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31 mars 2007 6 31 /03 /mars /2007 17:54
GETTING HOME de ZHANG YANG

                                 

Zhang Yang, né en Chine en 1965, prend une place de plus en plus importante parmi les metteurs en scène chinois et a déjà obtenu un nombre important de prix dans les festivals internationaux. Entre autres : le Prix de la Critique à Toronto, celui du Meilleur Réalisateur à San Sebastian, le Prix du Public à Thessalonique en 1999 et, ce, pour Shower, un film qui rendait avec humour et tendresse un hommage aux coutumes ancestrales de la Chine, particulièrement à celles qui entourent le rituel du bain. Enfin le cinéaste fut récompensé du Prix du Meilleur Réalisateur à Seattle et du Prix du Public à Rotterdam en 2000. Zhang Yang débuta avec Aiqing mala tang (Spicy Love Soup) qui sera un immense succès et lui permettra de produire ensuite un second film Shower, qui en sera un plus grand encore, puis en 2004 Xiangrikui  (Sunflower). Avec Shower, il nous narrait l'histoire d'un des derniers établissements de bains de Pékin avec la nostalgie que l'on devine et que l'on retrouve dans sa dernière production présentée à Deauville cet après-midi en sa présence : Getting home. Ce film retrace l'histoire de deux copains de chantier qui travaillent l'un près de l'autre depuis des années et aiment prendre une bonne cuite en fin de journée. Mais Liu va mourir soudainement usé par l'alcool et  Zhao, qui pensait mourir avant lui, fera ce qu'il avait demandé à son ami de faire pour lui, au cas où il décéderait sur les lieux de leur travail : le ramener dans sa terre natale pour y être inhumé et ne pas devenir, pour l'éternité, un fantôme errant. Ce retour va l'obliger à parcourir, le plus souvent à pied, des milliers de kilomètres à travers la Chine et revêtir le caractère d'une épopée pleine d'émotion, de drôlerie et de rebondissements, qui nous brosse, par la même occasion, un portrait subtil et savoureux de la Chine d'aujourd'hui. Il faut souligner que ce film plein de qualité, sait admirablement doser le pittoresque et le sensible, le tendre et l'ironique et bénéficie du jeu touchant d'un merveilleux acteur Zhao Benshan dans le rôle de Zhao. Il n'a pas cessé de me faire penser à Marcello Mastroianni par son naturel, son épaisseur humaine, la finesse de son jeu tout en demi-teinte. Cet acteur est infiniment bouleversant, sincère, chaleureux dans ce rôle d'un homme bon plongé dans un monde qui ne l'est pas, car qu'est-ce que ce film, sinon un regard nostalgique adressé à une humanité en train de s'anéantir dans le bruit, la confusion d'une société moderne prise dans une accélération un peu folle et qui ne sait plus guère respecter ses traditions, ses usages, ses valeurs et ses devoirs à l'égard des autres ? On pourrait rapprocher Getting home du  Mariage de Tuya, tant la vision de ces deux auteurs est proche et respectueuse de la sagesse, de la droiture de nos anciens, ce quelque chose qui n'est déjà plus que de l'ordre de la mémoire. A entendre les applaudissements et les bravos du public lorsque la lumière est revenue dans la salle, je crois ne pas avoir été la seule à être touchée par ce beau film.

 

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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 22:31
LE MARIAGE DE TUYA de WANG QUAN'AN

Avec ce troisième film, Wang Quan'an s'attache à dépeindre la réalité sociale dans la Chine contemporaine, particulièrement en Mongolie, d'où sa mère est originaire. On sait que cette région est menacée par l'expansion industrielle et que, pour s'approprier les terres, l'administration locale oblige les bergers à les quitter en les persécutant de toutes les façons possibles. Aussi, avant qu'il ne soit trop tard, le réalisateur a-t-il souhaité leur consacrer ce long poème silencieux dans lequel il rend hommage à un style de vie en voie de disparition. L'opus se déroule ainsi au coeur de la Mongolie dans un paysage aride, un plateau entouré d'âpres montagnes. Là, vit, du produit de son troupeau de moutons, une famille dont le mari est devenu impotent à la suite d'un grave accident. Alors qu'il tentait de creuser un puits, il a perdu l'usage d'une de ses jambes, ce qui le prive de participer aux innombrables taches que sa jeune femme Tuya se doit d'accomplir seule : garder les moutons, subvenir aux besoins d'eau qu'elle va chercher trois fois par jour à des kilomètres de son domicile, se consacrer à l'éducation de ses deux enfants, au bon état de la maison etc. Aussi son mari, affecté par l'état de fatigue de sa femme, lui propose-t-il de divorcer, de façon à ce qu'elle puisse refaire sa vie avec un homme jeune, capable de faire face à ses besoins. Celle-ci finit par accepter, à la condition que son vieux mari Bater reste vivre auprès d'eux. Ce qui va compliquer la situation et décourager quelques-uns des prétendants. La vie de cette famille pauvre, isolée, au bord de la misère, nous est contée avec beaucoup de poésie, sans céder au mélodrame, car l'humour, la tendresse sont toujours présents. On partage, dans les moindres détails, cette existence fruste, ces rapports humains dignes et empreints d'une sagesse millénaire. Ainsi, lorsque Bater se retrouve seul dans un foyer et s'ouvre les veines, sa femme, revenue d'urgence auprès de lui, le chapitre à ce propos en lui disant que la vie est un bien trop précieux pour que l'on puisse en user selon son humeur, en cédant à la tentation d'en faire une sorte de chantage. Le dépaysement est également total pour les spectateurs que nous sommes : ces vies sont si loin des nôtres, si lentes et austères que nous sommes subjugués par un récit sans complaisance, éclairé par la sobriété du jeu des interprètes, dont l'émouvante Yu Nan dans le rôle de Tuya. Elle est belle, d'une beauté sans artifice qui lui sied, touchante par sa force, sa fierté, son désir de rester elle-même envers et contre tout, sa noblesse naturelle. Les sentiments qui animent ce film sont profondément authentiques et sincères : ils nous réconcilient avec la nature humaine qui trouve ici, dans cette solitude, une grandeur poignante. Un très beau film qui démontre la diversité du cinéma chinois et nous prend à témoin de l'inexorable évolution de notre société qui semble trop vite oublier d'où elle vient, à défaut de savoir où elle va.

 

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LE MARIAGE DE TUYA de WANG QUAN'AN
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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 11:11

  Before-We-Fall-in-Love-Again-_-affiche.jpg


Hier, 29 mars 2007, à 19 heures, le Festival du Film Asiatique de Deauville posait un regard admiratif sur un jeune metteur en scène malais, déjà connu des spectateurs deauvillais, pour avoir présenté en 2003 son second film Room to let. Né en 1973, James Lee a d'abord étudié les arts graphiques avant de devenir comédien et se consacrer ensuite à la mise en scène de théâtre. Cinéaste autodidacte, James Lee a réalisé en 2001 son premier long métrage Snipers, un thriller. Il tourne l'année suivante Room to let et en 2004 The Beautiful Washing Machine en Mini DV qui remportera de nombreuses récompenses dont le Prix du Meilleur film et le Prix de la Critique du Festival de Bangkok 2005. Avec Before We Fall in Love Again, il affirme avec éclat son talent et permet au cinéma malais de prendre une place désormais indiscutable au sein du cinéma asiatique, qui était jusqu'alors quasi réservé à la Chine et à la Corée du Sud. Mais voilà qu'apparaissent maintenant le Japon, la Thaïlande et la Malaisie, véritable enrichissement pour le cinéma international.

 

Avec Before We Fall in Love Again, James Lee se propose d'évoquer la disparition comme thème de réflexion. Ce sera, en l'occurrence, celle d'une femme qui quitte son mari non pour rejoindre un amant mais provoque, de ce fait, une rencontre étrange entre deux hommes. Exploration minimaliste d'un amour par son double. James Lee se livre ici à une relecture frondeuse de Wong Kar-Wai (ne faut-il pas tuer le père pour s'affranchir et exister ?), en plaçant la notion du double au coeur de son film, en un puzzle étonnant qui fait un curieux usage du temps, grâce à un montage savant et judicieux. Chacun , à leur manière, Chang et Tong explorent l'absence de la femme qu'ils aiment l'un et l'autre et qu'ils ont déçue. Curieux clin d'oeil aux problèmes que pourraient poser le clonage. Usant de l'épure, James Lee surprend par un final plein d'un humour grinçant. S'il filme la transparence de l'adultère face aux conventions du mariage avec une grâce certaine, il n'en fait pas moins l'allégorie de la désillusion. Satire virulente à l'adresse d'une société vouée toute entière à la contrition et à l'obligeance, hommage en forme de pied de nez à Wong Kar-Wai - le grand cinéaste chinois, auteur entre autres chefs-d'oeuvre de Les Cendres du Temps, Chungking Express et  In The Mood for Love, ce qui lui valut d'être surnommé le Tarantino chinois - et critique tout aussi virulente à l'égard des hommes qui ne savent plus assumer leur rôle d'homme, inversion d'un monde en plein désarroi. Un film subtil et surprenant, d'une tonalité très personnelle, qui laisse présager un bel avenir à cet auteur.

                 


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29 mars 2007 4 29 /03 /mars /2007 13:21
SYNDROMES AND A CENTURY de APICHATPONG WEERASETHAKUL

                           

Ce film, d'un jeune cinéaste thaïlandais né en 1970 à Bangkok, présenté en avant-première lors du dernier Festival du Cinéma Asiatique de Deauville, fin mars, avait retenu l'attention admirative des jurés, non sans raison. Car l'écriture de Weerasethakul ne manque ni d'originalité, ni surtout de sensibilité. Ce metteur en scène pratique l'art subtil de procéder par touches légères pour peindre les sentiments, exprimer les élans amoureux ou traduire la mélancolie et la fatale nostalgie qui semblent saisir les personnages à l'évocation du passé. Le film se décline en deux temps : le premier nous décrit l'existence d'une femme médecin et se situe dans un environnement rappelant celui dans lequel l'auteur est né et a grandi, tandis que le second se déroule dans un environnement plus proche du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, ce qui contribue à créer une atmosphère étrange et décalée, comme si nous goûtions à un fruit partagé en son milieu. Si on peut déplorer que le titre du film soit peu attrayant, on ne peut que se laisser prendre au charme un peu lent de cette symphonie naïve et délicate de la vie hospitalière et de ce milieu fermé, sorte d'enclave protégée, où l'homme est plus que nulle part ailleurs mis à nu en ses doutes, ses peurs, ses espérances. Nous sautons les générations  dans un climat où l'affrontement avec la modernité se heurte aux croyances millénaires en des forces célestes qui agissent secrètement et nous dépassent. On sent que le cinéaste peine à faire la part équitable entre l'ancien et le moderne,  l'expérimental et l'ancestral. Et c'est justement ce qui donne au film sa note singulière, sa petite musique personnelle et intime, traversée par le souci d'un rêve irréalisable et permanent qui procure à ce long métrage son unité. Que ce soit médecins ou boudhistes en robe safran, tous n'ont qu'un désir : apporter un peu de réconfort à leurs semblables.  

                        

L'une des causes principales de l'intérêt indiscutable qu'exerce sur nous ce cinéma, venu d'ailleurs, est l'interrogation lancinante à propos de notre devenir, l'inquiétude justifiée à l'égard d'une évolution de plus en plus rapide qui ne tient pas assez compte des aspirations humaines et ne prête aux choses et aux actes qu'une valeur marchande. Cela m'avait frappée lors du Festival de Deauville. Le mérite des cinéastes asiatiques est de savoir nous inquiéter astucieusement sur nos références essentielles, de nous replacer dans le contexte d'un choix décisif, nous prenant à témoin de cette évidence que le monde ne peut avancer dans la bonne direction s'il ne respecte pas les valeurs du passé. Il semble que l'interrogation, particulièrement chère à un auteur comme Weerasethakul, soit la suivante : n'avons-nous pas galvaudé l'héritage de nos ancêtres ? Ne serait-ce que pour cette constante remise en cause, le cinéma extrême oriental, avec des films comme celui-ci, justifie notre admiration et notre sympathie. D'autant qu'ils sont bien réalisés sur le plan technique et remarquablement interprétés par des acteurs qui s'investissent avec ferveur dans leurs rôles.

 

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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 09:36
LA CITE INTERDITE DE ZHANG YIMOU

                         
Chef de file d'une nouvelle génération de cinéaste, Zhang Yimou, né en 1950, voit ses études stoppées par la révolution culturelle et se trouve dans l'obligation de travailler deux années dans une ferme et six dans une usine de textile. A 28 ans, bien que trop âgé pour se présenter au concours de l'Institut du cinéma, il arrache une dérogation et obtient son diplôme en 1982.  Il commence alors une carrière de photographe avant de signer, en 1984, les prises de vue de Terre jaune , un film réalisé par Chen Kaige. Après le succès remporté par ce long métrage, Yimou décide de tenter l'aventure et de tourner son premier film. Ce sera Le Sorgho rouge avec Gong Li, une jeune étudiante qu'il déniche à l'institut d'art dramatique de Pékin. Avec ce film, il reçoit l'Ours d'or au Festival de Berlin et fait ainsi entrer le cinéma chinois sur la scène internationale. Ayant épousé Gong Li, le cinéaste et l'actrice, qui ne se quittent plus, vont associer leurs talents dans six autres films dont Epouses et concubines (1991), Qiu Ju, une femme chinoise (1992), Vivre ! (1994) et Shanghai Triad (1995). Zhang y décrit des héroïnes écrasées par un pouvoir, une administration ou simplement le poids de la Chine. La critique, pour souligner le courage du créateur, ne se prive pas de mentionner que ses  films sont interdits dans son propre pays. En 1994, pour avoir présenté Vivre ! à Cannes sans autorisation, Yimou sera obligé de rédiger une autocritique digne des années noires du maoïsme. Depuis lors, le metteur en scène s'est spécialisé dans un cinéma à grand spectacle, d'un esthétisme raffiné à l'extrême et nous offre aujourd'hui, avec La cité interdite, un long métrage ambitieux, le plus cher du cinéma chinois, qui marque ses retrouvailles avec sa muse, la belle Gong Li , dont il s'était séparé il y a une dizaine d'années. Cette tragédie shakespearienne se déroule par séquences de plus en plus belliqueuses, parcourue de rumeurs de couloirs, de désirs coupables et de frustrations, opposant l'un à l'autre, une reine emprisonnée dans le statut étouffant de sa condition et un roi, décidé à se débarrasser d'elle, tant il la sait menaçante et infidèle. Certes, cette histoire d'une dynastie (en l'occurrence celle des Tang), aux prises avec les complots qu'inspire la succession au trône de trois héritiers,  permet au réalisateur d'avoir recours à des compositions esthétiques étourdissantes, afin de nous décrire le faste délirant dans lequel ces dynasties vivaient, à l'intérieur de la cité interdite, où les alliances et les intrigues de palais se faisaient et se défaisaient chaque jour. Si le film impressionne, il lui arrive aussi de céder à l'emphase de par un esthétisme qui frise l'obsession et par des scènes de combat souvent brouillonnes, mais il faut reconnaître au cinéaste le souci de nous décrire, en ses moindres détails, chaque coutume, chaque geste impérial, reflétant, peut-être, l'étrange nostalgie que la Chine contemporaine nourrit à l'égard de son puissant passé féodal.

                      

Au Xe siècle, et jusqu'à la chute de la monarchie chinoise en 1912, les empereurs demeuraient dans la Cité Interdite, véritable ville dans la ville, domaine de 72 ha, qui était considérée comme le centre de la Terre. C'est la raison pour laquelle on la nommait Cité Interdite, associant la cité impériale et le coeur de l'Univers. En définitive, cette fresque historique admirablement reconstituée par une mise en scène grandiose où alternent la grâce des scènes intimes et l'âpre virilité des scènes de combat, les images sublimes, les décors et costumes somptueux, souffre à certains moments de cette surabondance, ce qui la prive d'émotion, mais n'en reste pas moins une oeuvre époustouflante que dirige un metteur en scène virtuose. Elle est aussi une allusion subtile, comme celle que fit autrefois Eisenstein avec Ivan le Terrible, à ceux qui veulent s'emparer du pouvoir par la force et rompent ainsi l'ordonnance du monde et les règles immuables de la loi, plongeant les peuples et les civilisations dans le désordre et le chaos. Car les peuples passent comme les floraisons de chrysanthèmes, mais la loi demeure qui assigne à chacun sa place. Les trois héritiers périront parce qu'ils l'auront enfreinte d'une façon ou d'une autre, de même que la reine qu'un breuvage savant empoisonne à petit feu. Ce sujet difficile prouve avec éclat la liberté d'esprit de ce cinéaste génial qui, par delà  une mise en scène flamboyante, nous adresse un  message exhumé des profondeurs du temps. Gong Li, à nouveau dirigée par un metteur en scène qui la connait mieux que personne, trouve un rôle taillé à sa mesure et resplendit littéralement dans ce personnage de femme partagée entre ses angoisses d'épouse menacée  et d'amante coupable, tandis que Chow Yun-Fat est extraordinaire dans celui de l'empereur, majestueux et inquiétant.  Le metteur en scène sait, par ailleurs, conduire d'une main ferme ses impressionnantes armées de figurants volants qui dans le feu et l'or embrasent l'écran de leurs combats terrifiants et illusoires. Un film qui frise le chef-d'oeuvre s'il n'était pas trop encombré d'effets spéciaux,  mais prouve la vitalité du cinéma chinois. Saisissant.

 

Pour lire les articles consacrés à Zhang Yimou et Gong Li, cliquer sur leurs titres :

 

ZHANG YIMOU - PORTRAIT         GONG LI - PORTRAIT

 

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Présentation

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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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