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14 juin 2008 6 14 /06 /juin /2008 14:05
MAURICE de JAMES IVORY

                                                                                                                                                   

Cambridge 1910. Maurice, un jeune bourgeois, ressent une profonde attirance pour Clive, un aristocrate qui étudie le droit. Plus tard, devenu agent de change, il continue à fréquenter le jeune homme mais tous deux décident d'en rester à une amitié tout platonique. Requis pour défendre Risley, un de leurs camarades de promotion accusé de corruption, Clive refuse, mais est bientôt taraudé par un double remords et tombe malade, au point de partir pour la Grèce se refaire une santé au soleil. A son retour, il se marie et repousse l'amitié de Maurice et la tentation de céder à un penchant qui ne l'a pas quitté. Ce dernier, désespéré, prend d'abord son état en horreur, puis choisit, avec le jeune garde-chasse, de l'assumer pleinement, se doutant bien qu'il en paiera lourdement les conséquences.

 

Je crois que ce film magnifique est l'oeuvre la plus belle que j'ai vue sur l'homosexualité, traitée par le cinéaste avec autant de tact, de délicatesse que d'intelligence. Inspiré comme Chambre avec vue (1986)  d'un roman de E.M. Forster, les héros de Maurice (1987) sont eux aussi la proie de conflits intérieurs. Doivent-ils se soumettre aux exigences de la morale commune en cette ère victorienne très répressive à l'égard des moeurs ou laisser libre cours à leurs penchants ? La réponse commune de Forster et Ivory est sans équivoque : on peut trouver l'équilibre comme Lucy ou Maurice en assumant sa sexualité ou se dessécher comme Cecil, Charlotte ou Clive en refusant  de passer outre aux diktats de l'ordre social. Mais une différence de taille sépare les deux films : alors que les héros de Chambre avec vue sont hétérosexuels, ceux de Maurice sont homosexuels et le combat qui s'annonce entre leur nature et la société n'en est que plus douloureux. James Ivory, très à l'aise dans ce genre d'atmosphère tout ensemble sophistiquée et subversive, excelle à créer un climat pesant et feutré, où les gestes, les regards, les silences sont plus éloquents que les mots. Son style est particulièrement bien adapté à une époque finissante, sertie dans son luxe raffiné et ses manières courtoises, dont la rétention des sentiments avait été érigée en un véritable art de vivre.
                      


Par ailleurs, il faut reconnaître au cinéaste une justesse de ton jamais prise à défaut. James Ivory sait déployer les fastes de l'époque avec un constant souci esthétique : demeures ancestrales, robes à corsets, objets précieux, lourdes tentures, intérieurs cossus, aidé en cela par des directeurs de la photo comme Tony Pierce Roberts pour Chambre avec vue et Pierre Lhomme pour Maurice. Ce monde est animé par des comédiens attentivement sélectionnés, de façon à ce qu'ils coïncident au plus près à leurs personnages. Il est vrai que Forster, lui-même professeur à Cambridge et homosexuel clandestin, connaissait mieux que quiconque ces êtres épris de liberté qui se heurtent à la norme et que Ivory, lui emboîtant le pas, a parfaitement transposé le climat du roman dans son film. Cet orfèvre en sentiments réprimés a trouvé, pour couronner le tout, déjà excellentissime, en James Wilby et Hugh Grant des interprètes idoines qui évoluent avec subtilité entre hardiesse, gêne et vulnérabilité. Un chef-d'oeuvre.

 

 Pour lire l'article consacré à James Ivory, cliquer sur son titre :

 

JAMES IVORY OU GRANDEUR ET DECADENCE DES CIVILISATIONS

 

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LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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MAURICE de JAMES IVORY
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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 08:49
LE DERNIER EMPEREUR de BERTOLUCCI

    

Le Dernier Empereur, réalisé en 1987 par Bernardo Bertolucci, est une grande fresque historique qui relate la vie de l'empereur de Chine Pu Yi. A l'âge de trois ans, celui-ci avait été enlevé à sa mère et conduit dans la Cité Interdite pour succéder à l'impératrice douarière Ts'eu Hi, qui avait d'abord exercé la régence au nom de son fils Tong Zhi, puis de son neveu Guang Xu. Sa politique conservatrice et nationaliste, dans un état miné par la corruption et les conflits internes, avait favorisé la révolte des Boxers, vite matée par un corps expéditionnaire occidental.
 


Quand le petit empereur monte sur le trône, il devient entre les mains des régents, qui se chargent de le tenir écarté des tumultes de l'histoire, une sorte de marionnette qui n'est là que pour être en représentation lors des nombreuses et pompeuses cérémonies officielles, dont le but est d'impressionner la population. Servi par des centaines de domestiques, vivant parmi les eunuques et les courtisans, l'enfant s'ennuie dans son rôle de figurant, d'autant qu'il est chaque jour privé davantage de sa mère que les officiels s'emploient à éloigner. Alors que le Kuomintang s'est déjà emparé du pouvoir, rien ne parait avoir changé à l'intérieur de la Cité Interdite qui vit en autarcie comme une île coupée du monde. Jusqu'au jour où la révolution, ayant fait son oeuvre, l'empereur se voit contraint de quitter le palais envahi et saccagé par les insurgés et obligé à chercher refuge au Japon. Bien entendu, les Japonais sauront l'utiliser comme un pion sur l'échiquier de la politique internationale. Mais rien ne se passe comme il était prévu. L'axe  Allemagne-Italie-Japon ayant perdu la guerre de 39-45, les Soviétiques viennent prêter main forte aux Chinois pour chasser l'envahisseur japonais et l'empereur est naturellement livré aux autorités de son pays. Condamné à la prison à vie, il est, grâce à sa bonne conduite et à son changement idéologique qui en a fait semble-t-il un communiste pur teint, délivré par un responsable compréhensif. Il finira sa vie comme jardinier du parc botanique de Pékin, visitera, avec le flot des touristes, la Cité dont il avait été le prince et écrira ses mémoires qui seront publiées en 1965. Il meurt en 1967 dans l'indifférence générale. Ainsi assiste-t-on, la gorge nouée, à la transformation d'un homme-dieu en un personnage que la dictature de Mao aura réduit à n'être plus qu'un sous-homme dans un pays vitrifié par une nouvelle idéologie.

 

La critique fut excellente et le film salué à sa sortie comme un chef d'oeuvre. Hiromura ira jusqu'à écrire : " Tout simplement l'une des plus grandes fresques réalisée au cinéma. Un monument, un colosse, une merveille". Le film tourné dans la Cité Interdite - ce qui a causé d'innombrables difficultés à son metteur en scène - est dédié à l'empereur défunt qui fut la dernière figure impériale du XXe siècle. Il se base sur l'incroyable et tragique histoire de ce petit garçon arraché à sa mère, privé d'enfance, écrasé sous le poids des traditions, qui ne découvrira que tardivement, et au prix de quelles blessures et souffrances, les réalités du monde.

 

Les acteurs, tous parfaits dans leur interprétation, rendent crédibles leurs personnages et la mise en scène, précise et efficace, nous restitue l'époque et la vie dans la Cité interdite en ses moindres détails. Le film ne nécessita pas moins de 270 techniciens, 19.000 figurants, 9000 costumes et 2 ans de négociations avec les autorités chinoises pour obtenir le droit de tourner sur les lieux. Aussi est-il une prouesse dans tous les sens du terme. On sort de sa projection ébloui par l'ampleur des prises de vue, la qualité des restitutions historiques, la beauté des images, les scènes tout à la fois rigoureuses et fastueuses, le bouleversant destin de cet empereur que l'existence se plut à placer dans les situations les plus extrêmes et qui, ayant passé son existence à ne pas vivre, entre, grâce à ce film, dans la légende.
 

 

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18 mai 2008 7 18 /05 /mai /2008 09:07
QUAND PASSENT LES CIGOGNES de MIKHAIL KALATOZOV

                                                                                      
Veronoka et son amoureux Boris tardent à se séparer. Au-dessus d'eux, dans la ville de Moscou, passe un vol de cigognes. La guerre est déclarée. Contre l'avis des siens, et malgré  la peine qu'il inflige à celle qu'il aime, Boris a décidé d'être volontaire et de rejoindre le front. Il mourra sans que ses proches en soient informés. Ayant perdu ses parents, au cours d'un bombardement, Veronika s'est installée dans la famille de Boris où elle finit par céder aux avances pressantes de Mark, le frère de ce dernier. Elle l'épouse, mais en conçoit immédiatement le plus vif remords. Arrive la victoire. Veronika est sur la quai avec un bouquet, mais Boris ne descendra pas du train, et la jeune femme, le coeur brisé, distribuera les fleurs destinées à son bien-aimé aux soldats de retour. 
Echevelé, pathétique, douloureux, Quand passent les cigognes (1957) est peut-être le film le plus romantique jamais tourné. Chose d'autant plus étonnante que cette merveille de sensibilité nous vient d'URSS, dont le cinéma d'alors était au service du pouvoir, niant l'individu, en tant que tel, au profit du groupe. Un film, comme celui-ci, rompait par conséquent avec l'art de la propagande qui avait été imposé par le régime et, bien entendu, le point de vue officiel était loin de concorder avec le vécu du peuple russe. Les metteurs en scène se voyaient dans l'obligation d'insister sur le rôle positif de la révolution d'octobre, de la collectivisation des terres et de la planification économique. Si bien que les scénarios avaient tous pour point commun de chanter les louanges du camarade Staline.

                   
Le tour de force de Mikhail Kalatozov sera de ne pas céder à ce chantage et de décrire le destin d'une femme complexe, renouant avec le concept de la personne humaine. Un souffle épique traverse son long métrage qui est d'autant plus exceptionnel que réalisé dans une période troublée et un contexte difficile pour les artistes. Mais le petit père Khrouchtchev était passé par là et ce film est le symbole du dégel qui régna un moment de l'autre côté du rideau de fer. L'auteur nous conte ainsi, et avec quel talent ! l'histoire d'une tragédie individuelle vécue sur  fond de convulsions historiques, histoire banale à prime abord, puisque celle d'un jeune soldat qui ne reviendra jamais au bercail, mais comme transfigurée par un mouvement de caméra irrésistible et une mise en scène efficace et dépouillée. On n'en finirait pas de citer les scènes marquantes qui rythment ce film et ne nous laissent pas un instant inattentifs ou distraits : les adieux manqués, les bombardements, la mort de Boris qui, dans une dernière vision, aperçoit Veronika en robe de mariée et, surtout, la poignante scène finale d'un lyrisme rarement égalé. 
Pour parvenir à cette perfection, Kalatozov a pris soin de réunir autour de lui une équipe performante : tout d'abord, un directeur de la photographie virtuose S. Ouroussevsky et une actrice idéale dans le rôle de Veronika, l'adorable et délicate Tatiana Samoïlova, d'un naturel plein de grâce et de sensibilité. Pour l'époque, les prouesses techniques laissent pantois. La caméra virevolte en des travellings inattendus, des cadrages savants, des profondeurs de champ subtils et ce déluge de technique, loin de nuire à l'émotion, ne fait que la renforcer. Un film qui fut salué à Cannes par la Palme d'Or en 1958 et que l'on ne peut oublier, parce qu'il a réussi ce petit miracle de savoir toucher et surprendre. On le revoit avec le même plaisir et le même pincement au coeur, tellement tout y vrai, universel, finement exprimé, et l'on se dit que, décidément, les chefs-d'oeuvre ont cela de particulier, d'inspirer, en permanence,  la surprise et l'étonnement.

 

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QUAND PASSENT LES CIGOGNES de MIKHAIL KALATOZOV
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3 mai 2008 6 03 /05 /mai /2008 09:45
LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN

                   
Pourvoyeur d'images de génie, Ingmar Bergman tient aujourd'hui, dans l'univers cinématographique, une des tout première place. La force de son oeuvre, ses réflexions graves mais d'une portée universelle, son originalité, son style, qui est celui d'un créateur à part entière, son écriture si personnelle ont fait de chacun de ses films un événement justifié. Aussi comment entrer dans cette vaste filmographie sans être désorienté ? Il me semble que "Les fraises sauvages" peuvent être une introduction valable à un cinéma dense et difficile qui se nourrit d'humanité, mais qui a souvent intimidé le néophyte. Bergman est le chantre de la solitude et ce long métrage aborde le sujet à travers le personnage d'un vieil homme qui vient de recevoir une distinction honorifique, couronnant sa carrière de médecin. A la suite d'un rêve, il bouscule ses plans et décide de se rendre en voiture à Lund avec sa belle-fille, ce qui lui permettra de revoir des lieux chargés d'évocations et de souvenirs. Ce sera également l'occasion de revivre certains d'entre eux et de faire le bilan de sa longue existence. Mais, heureusement, des personnes rencontrées vont l'aider à se réconcilier avec un passé chargé d'échecs sentimentaux et d'éclairer ses vieux jours d'une lueur de tendresse. En effet, une fois arrivé à Lund pour y recevoir sa récompense, le professeur Isaak Borg, ébranlé dans ses convictions, prend la résolution de tenter d'agir de façon à entretenir désormais des rapports moins formels avec son entourage. Un arrêt à la maison de son enfance le replonge au coeur de son passé, à la différence qu'il devient le témoin de scènes auxquelles il n'avait pas assisté à l'époque. C'est ainsi qu'il revoit sa fiancée d'alors, Sara, en train de se laisser séduire par son propre frère et qu'il la surprend plus tard se lamentant de ce que sa cour, érudite et compassée, l'avait contrainte à aller chercher ailleurs un peu plus de volupté. Se révèlent à lui l'étendue de son incompréhension à son égard et sa coupable négligence. Sa remise en cause, si elle est tardive, n'en est pas moins sincère. Si bien qu'au lieu d'une lente marche funèbre, "Les fraises sauvages" s'ouvre sur une allégorie qui n'est pas seulement pour le héros une sorte de politesse du désespoir, mais tend à conclure que l'existence se poursuit sous un éclairage autre, que le rêve est aussi une forme de vie, une vie transposée en une perspective conciliante, où la fiancée de jadis se remet en route avec vous vers un horizon apaisé. L'auteur parvient avec virtuosité à doser rêve et réalité sans jamais leur attribuer de frontières trop précises, cela en une orchestration d'une poignante beauté. On sait également que Bergman était très musicien et qu'il se dégage de ses films une musicalité étrange qui m'a toujours frappée. Dans "Les fraises sauvages", on voit Sara jeune suspendre le temps à l'aide d'un prélude, lent et nostalgique, du clavier bien tempéré. Bergman a toujours privilégié deux types dans le répertoire musical : celui des spiritualistes comme Bach et Mozart et celui des romantiques avec Chopin, Schumann, Schubert et Bruckner. Il a consacré un film à l'opéra de Mozart : "La flûte enchantée" qui est une réussite.
 


Par ailleurs, "Les fraises sauvages", comme l'ensemble de l'oeuvre bergmanienne, bénéficie d'une grande rigueur esthétique, rendue peut-être plus captivante que le film a été tourné en noir et blanc, de même qu'il jouit d'une interprétation hors pair - il n'est pas besoin de souligner que le réalisateur était un formidable et très exigeant directeur d'acteurs - avec une Ingrid Thulin et une Bibi Andersen merveilleuses et un Victor Sjöström d'un puritanisme et d'une misanthropie douloureuses qui n'étaient pas éloignés de ceux de son metteur en scène. Restent les souvenirs et la nostalgie d'un passé heureux que celui-ci sait si bien traiter avec l'austérité grandiose qui le caractérise. Si bien que ce film majeur porte à son sommet une inspiration jamais démentie par la poésie : la nature ne fait qu'un avec le vertige des sens et des souvenirs qui s'empare de cet homme sans repères temporels. Chacun, au final, trouvera ce qu'il cherche, car ici rien n'est imposé. Il y est moins question de la mort, des échecs ou des désillusions que de la continuation possible de la vie alors même qu'elle arrive à son terme. Ne nous y trompons pas, Bergman s'est profondément mis en scène dans cet opus pour la raison suivante : à l'âge de 15 ans, il avait assisté à la projection de "La charrette fantôme", le grand film réalisé par Victor Sjöström, dont il reconnut, par la suite, l'immense influence. Trente ans plus tard, en réalisant "Les fraises sauvages", Bergman, voulant interroger la figure de son père, fit appel, tout naturellement, au grand cinéaste pour l'interpréter. Mais il finit par se rendre compte que ce qu'il cherchait derrière la figure paternelle était son propre passé, sa propre enfance. De cette quête, de cet examen sans complaisance de lui-même, est né ce film lumineux, où la convocation des souvenirs et des rêves mêlés à la réalité produit une atmosphère inoubliable. " La vérité, c'est que je vis sans cesse dans mon enfance. Dans "Les fraises sauvages",  je me meus sans effort et assez naturellement entre des plans différents temps-espace, rêve-réalité - a  confié à un journaliste le cinéaste suédois. C'est probablement cette recherche du temps perdu qui a marqué d'un sceau inaltérable cette oeuvre prodigieuse.

 

Pour lire l'article consacré à Bergman, cliquer sur son titre :   

 
INGMAR BERGMAN OU UN CINEMA METAPHYSIQUE



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LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN
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24 avril 2008 4 24 /04 /avril /2008 08:56

28506-affiche-de-rec-film-d-horreur-auteur-637x0-1.jpg                                                                                                                                                    

                     
 

Aussi terrifiant que réussi dans son genre, (Rec.) à sa sortie en 2008 sut enflammer les festivals internationaux et le box-office espagnol. Un film d'horreur produit pour à peine 800.000 euros qui propose de suivre subjectivement un caméraman et une présentatrice de télé tournant un reportage sur des pompiers appelés à la rescousse d'une vieille dame dans un immeuble de Barcelone. Si ce film sort du lot des films d'horreur, c'est par l'intelligence de sa mise en scène et le fait que ses réalisateurs Jaume Balaguero et Paco Plaza ont tout fait pour préserver l'indispensable immersion du spectateur dans un tel projet. Balaguero s'en explique : " On voulait raconter une histoire typique d'horreur, mais d'une manière particulière, en direct, comme un reportage télé ". Et Plaza d'ajouter : " C'est la réalisation qui fait sa spécificité. Notre parti pris formel, qui impliquait de ne pas utiliser la musique ou le découpage, nous a poussés à être inventifs afin de suggérer le suspense, la tension et la peur, qui sont des émotions habituellement véhiculées par ces artifices-là. C'est pourquoi nous avons particulièrement travaillé les cadrages et le son, par exemple". Au-delà de sa singularité, (Rec.) est représentatif de la vitalité du cinéma  fantastique espagnol qui s'est vu consacré en février dernier à Gérardmer du Grand prix pour L'orphelinat de Juan Antonio Bayona, prix du jury et prix du public pour (Rec.). Quelques semaines plus tôt, ces deux films avaient attiré respectivement 4,5 et 1,5 millions de spectateurs dans les salles hispaniques. Beaux succès quand on compare aux films français du même genre qui plafonnent habituellement autour de 100.000 entrées. Les fantômes ne sont guère prisés au pays de Descartes.                   
 

L'origine de cette nouvelle vague typiquement espagnole remonte à plusieurs années. Juan Antonio Bayona précise à ce propos que le déclic a eu lieu au milieu des années 90, avec les premiers films d'Alejandro Amenabar et  Alex de la Iglesia.  Ouvre les yeux et Le jour de la bête furent effectivement de gros succès. De même, lorsque l'académie des goyas récompensa Tesis, quelque chose avait bougé et le cinéma de genre s'était vu légitimer, en quelque sorte. Pour eux, tout s'est joué à Sitgès, une station balnéaire catalane qui accueille chaque année un Festival du cinéma fantastique, l'un des plus courus au monde. Et Bayona d'ajouter : " Il y a ce que l'on peut appeler la génération Sitgès. Jaume Balaguero, Paco Plaza, Nacho Cerda, moi-même et bien d'autres nous sommes connus lors des différentes éditions de ce festival. Nous sommes d'abord venus en tant que spectateurs, puis comme journalistes, et désormais avec nos casquettes de réalisateurs ! Quant à l'auteur du  Labyrinthe de Pan,  il confirme l'importance de ce festival  : - " Je crois vraiment que Sitgès a été un lieu important pour le renouveau du cinéma de genre espagnol. Je me souviens que l'année où j'y ai présenté mon premier film Cronos, j'ai été interviewé par deux journalistes : Juan antonio Bayona et Jaume Balaguero ! La plupart des cinéastes viennent de la presse spécialisée dans le cinéma de genre, ils étaient journalistes avant de passer derrière la caméra, un peu comme la Nouvelle Vague française dans les années 60".



Mais il est probable, comme le suggère  Guillermo del Toro  que le succès de cette génération Sitgès ait des racines beaucoup plus anciennes, car les Espagnols ont toujours apprécié les choses de l'imaginaire et les ont prises au sérieux. " Pour eux, ce n'est pas un truc réservé aux ados - poursuit -il - mais quelque chose qui reflète ce que nous sommes au plus profond de nous". Ainsi le cinéma fantastique espagnol a-t-il de beaux lendemains en perspective, tant la critique comme le public l'ont plébiscité avec enthousiasme. En sera-t-il un jour de même en France.

 

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14 avril 2008 1 14 /04 /avril /2008 17:28

mongol-(2)
                                                       

                                                

Parce qu'il en avait assez des clichés autour du personnage légendaire de Genghis Khan, Sergei Bodrov a choisi de raconter, dans un premier temps, car une suite est prévue - l'enfance et l'adolescence tumultueuse de celui qui n'était encore que Temoudjin. Une incroyable destinée à laquelle le cinéaste du Prisonnier du Caucase s'est consacrée avec détermination, car il fallait oser porter à l'écran cette figure de l'Histoire qui hante encore les consciences asiatiques et européennes. Il fut sans nul doute l'un des plus grands conquérants que l'humanité ait connu, puisqu'il parvint à créer un empire colossal, comparable en taille à celui d'Alexandre.



Cette fresque épique, parfois un peu redondante, co-produite par l'Allemagne, la Russie et le Kazakhstan bénéficie de nombreux atouts : des décors naturels grandioses ( les steppes mongoles et chinoises ), le souffle puissant de ce personnage mythique qui saura unir pour conquérir, enfin le traitement musclé des combats à la manière de Zhang Yimou ou du Riddley Scott de Gladiator. Mais il est vrai que dès que le cinéaste passe à l'image numérique, les choses se gâtent et que les combats prennent une coloration artificielle et virtuelle regrettable. Heureusement, Bodrov n'en abuse pas et la plupart de ceux-ci sont des cavalcades superbes et impressionnantes de virtuosité. L'auteur sait rendre compte de ce qui est la marque indiscutable du génie mongol : la maîtrise de l'espace et l'art de guerroyer, cela grâce à l'alliance charnelle entre le nomade et sa monture. N'est-ce pas les Mongols qui ont inventé  la guerre éclair ? Leur avancée, au cours de leurs conquêtes, se firent plus promptement que celle des Panzer d'Hitler, lesquels eurent bien de la peine à venir à bout des grandes plaines russes et finirent, comme les armées napoléoniennes, par s'y enliser. Alors que le Mongol galope, détruit, se retire, revient, dévaste et disparaît. Pour bien rendre cet effet-là, Bodrov a particulièrement veillé aux assauts équestres par la restitution sonore du fracas des sabots et le piétinement sur le sol steppique d'une horde d'étalons. On s'y croit, même si cela est parfois un peu pénible pour notre ouie de spectateur...Il n'empêche qu'on se laisse prendre par ces reconstitutions tournées le mors aux dents à la gloire de la cavalerie légère et des charges héroïques.



D'autre part, en bon Russe, le cinéaste nous rend sensible la dimension spirituelle de son héros. Alors que l'Occident le considère comme l'un des plus sanguinaires guerriers de tous les temps, Bodrov réussit l'exploit d'en faire, certes un loup, mais un loup obsédé par la loi, un individu indiscutablement complexe mais dépourvu de haine comme le notait déjà René Grousset. Un solitaire entouré d'amis, un prince de sang qui reconnaissait ses bâtards, un prédateur qui n'aima jamais qu'une seule femme, un homme devenu fabuleusement riche mais qui ne quitta jamais sa yourte traditionnelle.               


D'autre part, l'effort historique est louable et nous plonge dans le genèse d'une nation qui naît du chaos, nous décrivant les loi des clans, les divers rites, tout cela que le conquérant aura à charge d'unifier pour parvenir à rassembler les tribus égarées dans cet immense territoire. Aussi la destinée de ce grand guerrier est-elle fascinante, même si le film souffre de quelques répétitions dans son cheminement narratif. Cette réserve faite, Sergei Bodrov a su tirer le meilleur parti de cette dimension fantastique et nous décrire un destin qui tient de la légende à l'égal de ceux de Charlemagne et d'Alexandre le Grand. Il n'est pas de scène qui ne baigne dans l'atmosphère d'un temps où toute chose de ce monde possédait sa raison céleste. Jusqu'à la dernière, où le Khan triomphe de son dernier rival grâce à la survenue d'un orage, la nature s'étant faite la complice des desseins des dieux.



Que le cinéaste ait choisi Tadanobu Asano, un Japonais, pour incarner à l'écran Genghis Khan peut surprendre, mais l'acteur éclabousse le film d'une telle présence, d'une telle force et d'un tel mystère que l'on ne peut qu'entériner ce choix et s'en féliciter. Le casting est impeccable. Une mention spéciale à l'actrice Khulan Chuluun qui est  touchante de dignité et de beauté dans le rôle de Börte. En nous décrivant la marche irrésistible de ce souverain de l'univers, le film allie force et sensualité dans des décors à couper le souffle.

 

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13 avril 2008 7 13 /04 /avril /2008 10:39
BELLE DE JOUR de LUIS BUNUEL

                                                                                   
Séverine, jeune épouse d'un chirurgien fortuné (Jean Sorel), semble vivre avec difficulté sa vie sexuelle et est assaillie par des phantasme confinant au sado-masochisme. Conseillée par un ami, elle se rend dans une maison close  et propose timidement ses services.. C'est là qu'elle trouvera, dans l'avilissement et la servitude, son épanouissement intime, tout en poursuivant, auprès de son mari, sa vie respectable et bourgeoise. Tiré d'un médiocre roman de Joseph Kessel, Belle de jour  (1966) ne parvient pas à convaincre le spectateur pour la bonne raison que l'héroïne est aussi peu crédible que possible. Film érotique mais d'un érotisme suggéré, fantasmé, quasi irréel, il est troublant a plus d'un titre : principalement la coexistence, chez une même personne, de deux mondes, le réel et l'onirique, et la démonstration tentée, me semble-t-il en vain, par le cinéaste que le chimérique est, chez certains, mieux éprouvé que le vécu. Le film apparaît ainsi comme un songe éveillé où l'illusion semble plus vraie que la réalité et où les tabous sont franchis plus aisément par l'esprit que par le corps. L'héroïne transgresse mieux en pensée ses perversions qu'elle ne s'en affranchit, car elle reste, dans l'existence, prisonnière de ses sentiments, de son milieu, de son couple. Ainsi Bunuel essaie-t-il de composer un puzzle, afin de rendre compréhensible un langage totalement irrationnel et à nous brosser le portrait malhabile d'un personnage en proie à ses propres contradictions et à un vertige intérieur qui donne un goût désespéré à cette liberté supposée, acquise dans les dédales de la corruption.

 

Catherine Deneuve n'a pas caché les difficultés qui furent les siennes lors du tournage : " Connaissez-vous un acteur ou une actrice qui n'aurait pas envie de travailler avec Bunuel ? (... ) Or, curieusement, notre relation dans " Belle de jour " a été très difficile. Sur le plateau, Bunuel ne voulait pas de quelqu'un aussi farouchement réservé que moi. Il m'a utilisé, j'ai suivi, c'est tout. Séverine ressemble aux obsessions de Bunuel, pas à moi. De plus, je n'ai pu mettre que peu de moi-même dans ce personnage masochiste. Bunuel ne veut que l'obéissance des acteurs. De moi, il n'a exigé qu'une extrême lenteur ; le mouvement du corps féminin l'intéresse beaucoup plus que l'expression du visage ou que les paroles ". Ciné- revue 1967

" Je ne suis pas sûre que Bunuel ait fait le film qu'il voulait. Il pensait à quelque chose de plus audacieux, et que ma réserve, ma froideur... il aurait voulu faire un film un peu plus cru ".  Actuel 1987

 

 
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En professionnel, le cinéaste s'applique à tirer de ses acteurs le meilleur d'eux-mêmes. C'est le cas ici avec Geneviève Page, l'inoubliable Chimène de Gérard Philipe au TNP, de Michel Piccoli, cynique à souhait, mais Catherine Deneuve me parait trop lisse pour le rôle et ne correspond en rien au personnage torturé, obsédé qu'elle est sensée incarner. Avec les ans, l'esthétisme du film a pris des rides, l'oeuvre manque d'audace et reste circonscrite dans un registre petit bourgeois, annonciateur néanmoins de la décadence de notre civilisation, prise entre rêve et cauchemar, illusion et révélation, exhibitionnisme et indifférence.

 

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LUIS BUNUEL OU LE DETACHEMENT VOLONTAIRE        

 

CATHERINE DENEUVE - PORTRAIT

 

 

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BELLE DE JOUR de LUIS BUNUEL
BELLE DE JOUR de LUIS BUNUEL
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15 mars 2008 6 15 /03 /mars /2008 10:13
Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone

 

Alors que la guerre de Sécession fait rage aux Etats-Unis, trois hommes, absolument indifférents aux hostilités, consacrent leur énergie et leurs balles de revolver à rechercher un trésor caché  par l’armée nordiste, opus qui clôt le cycle de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la "trilogie des dollars". Il est vrai qu’en un  court laps de temps, Leone a pulvérisé les codes du genre avec son style innovant dont la grammaire baroque se décline à partir d’un attirail de règles immuables : plans séquences étirés en longueur, immenses silences, utilisation du grand angle, zooms arrière et travellings à profusion, le tout soutenu par une musique lancinante, celle d’Ennio Morricone. C’est la révolution. D’autant que les histoires de Leone (et, ne l’oublions pas, de son coscénariste Sergio Donati) ne ressemblent à rien de ce qu’on a vu jusque-là. Cette révolution du western à la Leone marque l’arrivée tonitruante d’un nouveau genre avec le même personnage populaire du pistolero auquel le réalisateur donne le visage impassible de  Clint Eastwood. De même que ses deux comparses, Eli Wallach et Lee Van Cleef, qui contribuent grandement à la démythification volontaire de l’histoire traditionnelle de l’Ouest. Les moyens qu'utilisent le cinéaste lui permettent une ampleur spatiale et une dimension narrative peu communes, même lorsque les duels et les affrontements se développent comme de purs jeux formels.

 

 


Personnages atypiques,  le bon, la brute et le truand, improbable trio d’affreux dans un monde impitoyable, immoral, cruel et rempli d’un humour sardonique, sortent leur pétoire pour un oui ou un non, faisant fi de tous les sentiments, même de l’amitié. Jusqu’au dénouement final, fantastique duel à trois dans un cimetière, scène d’anthologie qui marquera la fin de la collaboration entre Clint Eastwood et Sergio Leone. Le comédien craignait de se laisser enfermer dans un archétype mais, plus tard, devenu réalisateur à son tour, il rendra hommage au western spaghetti et de manière appuyée, puisqu’il incarnera à nouveau dans "L’homme des hautes plaines" cet individu sans nom qu’il fut à trois reprises pour Leone. Il n'en reste pas moins que cet opus est un pur chef-d'oeuvre, interprété par des acteurs fabuleux, opéra baroque s'il en est qui défie les lois habituelles du western made in Hollywood. Inoubliable.

 

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SERGIO LEONE ou le cinéma comme opéra baroque

 

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Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone
Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone
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27 février 2008 3 27 /02 /février /2008 10:27
IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de SERGIO LEONE

                                                               

Un inconnu, joueur d'harmonica à ses moments perdus, est attaqué dans une gare perdue de l'Ouest et parvient à tuer ses agresseurs. Mais d'autres tueurs, sous les ordres d'un certain Franck, l'homme de mains de Morton, assassinent le fermier McBain et ses trois enfants. Franck laisse les soupçons se porter sur un aventurier déjà bien connu de la police nommé Cheyenne. En réalité, Morton a fait tuer McBain par intérêt, afin de s'attribuer ses terres, que  le tracé de la voie ferrée doit emprunter prochainement, ce qui va leur assurer une valeur marchande. Jill, une pensionnaire de maison close, que McBain a épousée en cachette, arrive au ranch après le meurtre. Cheyenne est arrêté mais s'évade et rejoint l'homme à l'harmonica. Grâce à lui, Cheyenne sera innocenté. Plus tard, Harmonica tuera Franck qui lui avouera, avant de mourir, que c'était lui qui avait fait pendre le frère de McBain. Cheyenne et Harmonica partiront ensemble.

 

Avec un film comme Il était une fois dans l'Ouest (1968)  Sergio Leone a marqué de façon indélébile le 7e Art, grâce  à un don inouï de la mise en scène, l'utilisation des gros plans, la symbiose entre image et musique et une rigueur pointilleuse dans le découpage et le montage. Leone est de ceux qui interviennent à tous les stades du film. Rien n'est laissé au hasard, l'oeuvre est portée, assumée de bout en bout. En inventant le western spaghetti, il a parodié un style - celui du western traditionnel qui était en train de mourir, tout en le renouvelant et en plaçant le sien dans une perspective inédite. Par ailleurs, la musique d'Ennio Morricone est superbe ; quelques notes d'harmonica qui instaurent le fond sonore et contribuent à accroître la tension qui va crescendo. Avec cet opus qui vient deux années après Le bon, la brute et le truand, Leone atteint le sommet du genre. Il a réuni, pour ce faire, ce qu'il y avait de mieux : des acteurs de premier plan dont la belle Claudia Cardinale, des paysages magnifiques, parvenant ainsi, en joignant son talent à celui des autres, à réaliser un chef-d'oeuvre incontestable et incontesté. Tourné en Italie, en Espagne et aux Etats-Unis, Il était une fois dans l'Ouest est le reflet de la complexité profonde des individus et des événements. Complexité d'autant mieux exploitée par le metteur en scène que, ce dernier, a eu l'idée de faire entrer ses acteurs dans la peau de personnages à l'opposé de leur emploi habituel. C'est ainsi qu'Henry Fonda tient l'un des rôles les plus antipathiques de sa carrière, que Charles Bronson devient un vengeur taciturne après avoir été souvent le méchant de service, que Jason Robards,  familier des personnages intellectuels, est un simple d'esprit. 

                                   

On notera également la théâtralisation, la lenteur poussée à l'extrême, quasi exacerbée, que l'auteur a imprimé à la pellicule, un peu à la façon de certains réalisateurs japonais. Un pessimisme amer à la John Ford parcourt l'oeuvre le long des paysages grandioses et désolés, écrasés sous un soleil de plomb. Il faut savoir aussi que Sergio Leone a conçu ce film en pensant " au dernier souffle " de vie que laisse un homme avant de mourir, ultime instant suspendu avant que la vie ne s'arrête. Ce dernier souffle se doit d'être long, éprouvant, frustrant. Deux personnages incarnent cette vision : Franck et le Cheyenne. L'un meurt victime de ses actes passés, l'autre par erreur. Mais le fil conducteur reste le même : la mort est inévitable et présente à tous moments, embusquée dans les ruelles et les paysages, prête à s'avancer au-devant de chacun des héros avec une lenteur calculée et implacable. Au final, un film mythique, qui restera à tout jamais dans les annales du Septième Art, par la force qu'il dégage, son casting exceptionnel, sa mise en scène somptueuse, sa musique lancinante qui vous prend à la gorge et ne vous quitte plus. Le succès fut planétaire et permit à Sergio Leone d'obtenir la place qui lui revenait et qu'il avait été long à conquérir : celle d'un créateur à part entière, d'un esprit indépendant en mesure d'imprimer sa marque personnelle au cinéma. Un Sergio Leone au sommet de son art.

 

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SERGIO LEONE OU LE CINEMA COMME OPERA BAROQUE

 

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IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de SERGIO LEONE
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6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 10:27

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Né à Rimini le 20 janvier 1920 dans une famille de la petite bourgeoisie italienne, Fellini entre dans la vie active grâce au journalisme, puis aborde l'écriture de scénarios, avant de faire la connaissance de Giulietta Masina, qu'il épousera en 1943. Sa rencontre avec le grand metteur en scène Rossellini va être l'événement qui  le détermine à se consacrer désormais et exclusivement au cinéma. Il participera à la co-écriture du scénario de Rome, ville ouverte et d'Amore, deux films parmi les plus célèbres de Rossellini, avant de se lancer dans le long métrage. Son premier film à connaître une carrière internationale sera La Strada qu'il tourne en 1954 et où il affirme déjà son originalité en s'éloignant du cinéma néo-réaliste de son maître. Cette oeuvre est un véritable hymne d'amour à sa femme Giulietta, comme le seront peu de temps après Les nuits de Cabiria et Juliette des esprits.

 

Le film raconte l'histoire touchante de Gelsomina, gamine naïve et généreuse que sa mère, dans l'incapacité matérielle de l'élever, vend à un hercule de foire, brutal et obtu, nommé Zampano, qui se plait à éblouir les badauds en jouant sur les places publiques les avaleurs de feu et les briseurs de chaînes. Malgré la dureté avec laquelle il traite Gelsomina, celle-ci ne sait que faire pour amadouer le coeur aride de son compagnon. Arrive alors un autre saltimbanque Il Matto (le fou), à la fois funambule, musicien et poète, qui va séduire la jeune femme grâce aux merveilleuses histoires qu'il lui raconte sous forme de paraboles. Exaspéré par la relation qu'ils entretiennent et gagné, sans doute, par la jalousie, Zampano tue le musicien, plongeant Gelsomina dans un désespoir silencieux. Prostrée dans son chagrin, elle semble se détacher de ce qui l'entoure, être de plus en plus étrangère à ce monde sans amour. Voyant qu'elle ne lui est plus utile à rien, Zampano l'abandonne au bord de la route, comme une pauvre bête malade. Passent les années et revenant un jour sur les lieux, il s'inquiète d'elle, apprend qu'elle est morte et, pour la première fois de sa vie, pleure.

 

Ce long métrage ne reçut pas, lors de sa sortie, le succès qu'il méritait, bien que l'interprétation de Giulietta Masina fut saluée comme une prouesse et qu'elle eût accès d'emblée à l'Olympe des dieux et déesses de la pellicule. Il est vrai qu'elle est admirable dans ce rôle, où son jeu se concentre dans ses regards, ses expressions, ses mimiques. Créé pour elle par son mari,  le personnage de Gelsomina est celui d'une femme-clown qui vit dans un monde dur et brutal. Allégorie des victimes de la violence, elle aime et veut être aimée avec candeur. Ne dit-elle pas à propos de l'hercule de foire qui est devenu son maître : Si moi, je ne reste pas avec lui, qui donc restera ? Répétant cela comme pour s'en convaincre. Il est évident que c'est là une sorte de plaidoirie qui a pour objectif de montrer du doigt certaines anomalies de la condition féminine de l'époque, en Italie du Sud plus spécialement. D'autre part, cette oeuvre, qui ne fut pas toujours bien comprises de la critique, est une conte métaphysique qui, par le biais du personnage d' Il Matto (le fou), sorte d'archange qui défie les lois de la pesanteur en dansant sur une corde au-dessus d'une humanité pervertie et cruelle, développe une parabole chrétienne sur le sort dévolu à la pureté et à l'innocence. On pense à  L'Idiot  de Dostoïevski , à La Pesanteur et la Grâce de Simone Weil.

 

On est frappé également par la divergence qui existe entre Zampano et Gelsomina : l'un s'opposant à l'irrationalité de sa compagne par sa force animale, son insensibilité et son incapacité à comprendre son âme poétique ; l'autre, que tout émeut et ravit, confiante, naïve, résignée, sait, par contre, observer et surtout penser. Elle pense à l'avenir. Son optimisme vient de l'art du masque, fiction honnête opposée à celle de Zampano qui joue comme il vit, totalement dépourvu de regard intérieur. Il réagit instinctivement avec ce que lui a donné la nature : des muscles d'acier et une avidité gloutonne. Aussi une division nette entre deux réalités s'affirme-t-elle dès les premières images. Au cours du voyage de ces deux créatures qui sont ensemble sans trop bien savoir pourquoi, Gelsomina apparaît par contraste avec l'ombre massive et ténèbreuse de Zampano, singulièrement douée pour exprimer spontanément l'étonnement, les peurs, les joies frénétiques et les abattements. Incorrigiblement dissonant, Zampano, quant à lui, craint l'harmonie spontanée et se montre lâche à l'égard des sentiments, si bien que la jeune apprenti-clown fait en sorte, pour ne pas le froisser, d'étouffer le don reçu et d'apprendre par mimétisme. On la voit d'ailleurs s'insérer facilement dans le théâtre de rue et remporter un vif succès personnel dans " la farce pour rire " auprès des adultes et, plus particulièrement, des enfants qui se reconnaissent en elle.   

 

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Dans ce rôle, Giulietta Masina est poignante de réalisme et de poésie mêlés, personnage touchant s'il en est et sans malice, comme épargné par le mal, et qui fait tellement penser à son pendant masculin : Charlot. Quant à Anthony Quinn, il s'est totalement investi, immergé dans la peau de ce lutteur de foire, buté, vaniteux et violent, qui donne à ce film une force prodigieuse. Pour l'irascible bateleur qu'il est, seul le vent d'été sur la mer accompagnera - à la fin du film - les souvenirs que lui évoquent les notes de la triste chanson de la femme-clown qu'a entonnée une voix féminine, des notes qui lui ouvrent enfin les pleurs du repentir sur la plage solitaire de la condition humaine. L'incomparable effet de ce chef-d'oeuvre réside là, dans la cohabitation conflictuelle de la dure réalité et de la fable féroce, entre la magie cruelle de l'existence privée de pensée de Zampano et la pensée artistique privée d'existence de Gelsomina. Quand on parlait à Fellini du cinéma-vérité qui fut celui de l'après-guerre en Italie, il rétorquait qu'il était plutôt pour le cinéma-mensonge. " Le mensonge est toujours plus intéressant - affirmait-il - que la vérité. Le mensonge est l'âme du spectacle et moi, j'aime le spectacle". 

 

Pour lire les articles consacrés à Fellini et Giulietta Masina, cliquer sur leurs titres : 

 

FEDERICO FELLINI                  GIULIETTA MASINA
 


Et pour consulter les critiques que j'ai faites d'autres films de Fellini, cliquer sur leurs titres :

 

AMARCORD de FELLINI           LA DOLCE VITA de FEDERICO FELLINI

 

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LA STRADA de FEDERICO FELLINI
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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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