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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 10:04
Le retour du héros de Laurent Tirard

Sanglé dans son costume de hussard d’un rouge flamboyant, la moustache frétillante et le sourire narquois, on comprend vite que ce héros de pacotille va nous la jouer  sur le ton du vaudeville truculent et que tout, dans sa nature, est fait pour la flagornerie et la filouterie les plus excentriques et les plus excessives. Dans la peau de ce capitaine Neuville, soldat en partance pour une guerre napoléonienne et laissant derrière lui une fiancée inconsolable, Jean Dujardin endosse une nouvelle fois les habits d’un de ces personnages qu’il affectionne et dont le second degré et le ridicule sont assumés dans l’emballage d’une forfaiture troussée de la façon la plus perfide. Sauf qu’on se trouve cette fois sous l’Empire, dans une comédie en costumes, dont le ton, le rythme et les dialogues ne sont pas sans évoquer ceux de Jean-Paul Rappeneau ou de Philippe de Broca, d’autant que ce personnage sans scrupules va devoir affronter une jeune femme  (la délicieuse Mélanie Laurent) qui assume son indépendance d’esprit et son célibat avec une audace plus proche de notre XXIe siècle que de l'Empire, si bien que ce décalage entre le passé et le présent n’est pas sans donner un peu de sel à cette comédie qui, sans cela, aurait  vite sombré dans le conventionnel et le banal.

 

Derrière les apparences du militaire sûr de lui et portant beau, Neuville est un homme lâche et hâbleur qui s’empresse d’oublier la promesse faite à sa fiancée de lui écrire tous les jours. Face au désarroi de celle-ci, Élisabeth, sa sœur aînée, n’a d’autre choix que d’inventer une fausse correspondance et de parer le militaire de faits d’arme et d’exploits admirables puis, la campagne d’Autriche étant achevée, de lui inventer un avenir vers des terres lointaines où elle suppose son existence menacée par toutes sortes de dangers rocambolesques.   

 

De retour, le capitaine déserteur va jouer à qui perd gagne avec Elisabeth qui ne peut désormais plus détruire son savant montage épistolaire sans dénoncer sa propre imposture, aussi ce jeu de fléchette prête-t-il à cette comédie une joyeuse amoralité et assure-t-il ce divertissement d’un ton léger et plaisant. Certes on passe un moment agréable dans ce décor raffiné, au milieu d’une société aimable, mais il manque toutefois un grain de folie à ce marivaudage trop appliqué, trop peu subversif, où les situations s’enchevêtrent sans aller jusqu’au bout de leur ridicule malgré des acteurs excellents qui étaient disposés, sans nul doute, à oser davantage. En effet, Jean Dujardin a toujours assuré avec brio les rôles de fanfaron et Mélanie Laurent a toujours su s’imposer avec grâce et intelligence, de même que les seconds rôles sont eux aussi bien campés et donnent une impression très juste de la facilité avec laquelle une petite société conventionnelle peut facilement se laisser duper et arnaquer par un filou sans foi, ni loi. Se regarde sans déplaisir mais sans enthousiasme non plus. Est-ce un peu trop salé ou pas assez poivré ?

 

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9 novembre 2017 4 09 /11 /novembre /2017 11:04
Jalouse de David et Stéphane Foenkinos

Décidément le cinéma français nous surprend chaque jour agréablement avec des films très différents et une même réussite dans la façon de traiter leurs sujets dont certains pourraient être casse-gueule si les metteurs en scène ne savaient les aborder avec inventivité et le ton qu’il faut pour nous séduire et nous surprendre. Le dernier opus des frères Foenkinos dont j’avais apprécié «La délicatesse» ne déroge pas à ce souci de décrire un personnage complexe avec la finesse et la subtilité nécessaires pour éviter de tomber dans le piège de la caricature et de l’outrance. Avec celui-ci, les frères Foekinos s’attaquent  à un sujet difficile, la jalousie, celle d’une femme qui approche de la cinquantaine et dont la ravissante fille de 18 ans devient subitement une rivale.  Que faire, comment s’aimer encore lorsque l’on sent que les êtres et les choses vous quittent peu à peu, que l’on n’est plus le centre d’attraction dans sa profession et son milieu familial, quand le goût de soi se délite et vous fait perdre peu à peu le goût des autres ?

 

La difficulté de cette étude psychologique, soit la perte progressive de contrôle d’une femme en proie à ses propres démons, était de maintenir le ton juste, de décrire cette personnalité complexe sans alourdir le trait, sans céder à des excès qui confineraient le personnage dans le ghetto des lieux communs et c’est là que les metteurs en scène conduisent leur démonstration avec subtilité grâce à des dialogues, certes cruels, mais justes. En effet Nathalie, professeur de lettres, ressent comme une agression le bonheur des autres, de son mari qui l’a quittée pour une autre, de sa fille qui est amoureuse et réussit dans l’art difficile de la danse, de son amie la plus proche qui file le parfait amour depuis vingt ans avec le même homme, de sa collègue de travail qui lui vole un moment la vedette ; oui, Nathalie perd pied, saisie par le démon d’une jalousie aveugle, d’un ressentiment permanent qui altère son comportement et son jugement. L’aigu et le grave sont les tons employés par les réalisateurs mais sans surcharge et, grâce à une interprétation parfaitement maîtrisée, nous suivons cette femme dont les turpitudes nous sont proposées sous une forme nuancée sans laquelle cette despote autodestructrice risquait de nous rester étrangère.

 

La qualité de l’interprétation est le second atout  de ce film bien conduit et raconté à hauteur humaine et, en premier lieu, celle de Karine Viard qui donne une densité touchante à ce personnage qu’elle nourrit grâce à une palette émotionnelle dense et variée, tantôt méchante et agressive, tantôt hagarde et perdue, toujours juste face à une Anne Dorval qui forme avec elle un duo d’amies au bord de la crise de nerf mais d’une belle intensité et à la ravissante Dara Tombroff, ancienne danseuse de l’Opéra de Bordeaux, qui imprime au film sa touche d’élégance et de grâce.

 

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Jalouse de David et Stéphane Foenkinos
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30 octobre 2017 1 30 /10 /octobre /2017 09:07
Au revoir là-haut d'Albert Dupontel

Voilà une très bonne nouvelle, le cinéma français reprend des couleurs. Après le comique de bon aloi du « Le sens de la fête », la promenade rafraîchissante de « L’école buissonnière », le 7e Art français passe à la vitesse supérieure avec le dernier opus  d’Albert Dupontel, baroque, magique, poétique qui est, selon moi, le grand film de l’année.  Tiré du roman éponyme, prix Goncourt 2013 de  Pierre Lemaître, le cinéaste a su le réinventer à sa façon, lui imprimer sa marque et donner aux personnages une densité, une humanité absolument bouleversante. Le cinéma, lorsqu’il est porté à ce niveau d’excellence, peut être supérieur à la littérature car il ajoute à l’histoire, l’image, l’interprétation et la musique. Tous les arts sont ainsi conviés à participer à une oeuvre universelle.
 


Bien que pour la première fois Albert Dupontel ait emprunté le narratif à un écrivain, ce film est totalement empreint de son style, charge romanesque où l’on reconnait aussitôt sa facture, celle d’un lyrisme maîtrisé, d’une inventivité époustouflante et d’une interprétation hors pair. Tout est réuni pour faire de  ce  long métrage une fable étonnante, un opéra burlesque de la plus belle veine où l’humour côtoie le drame, où l’image ne cesse d’être créative et le récit, celui  d’une amoralité de débrouillardise qui n’est que la face loufoque et touchante de celle autrement lourde de conséquences de l’Etat, reflet policé d’une société où la loi du plus fort est toujours la meilleure.

 
 

En effet, le 9 novembre 1918, lors d’un ultime assaut, le jeune Edouard Péricourt (Nahuel Pérez Biscayart) a le bas du visage emporté par un obus alors qu’il vient de sauver de la mort son camarade Albert Maillard (Albert Dupontel). La démobilisation étant venue, le jeune homme ne veut plus revoir sa famille dans l’état pitoyable où il se trouve et cela, d’autant plus, que son père (Niels Arestrup, une fois de plus formidable) l’a toujours considéré comme un bon à rien. Or, ce garçon est un artiste surdoué qui dessine et va désormais se cacher derrière une infinie diversité de masques et s’inventer un monde  plein de poésie, un monde d’enfance où tricher est une façon de prendre sa revanche sur le monde des puissants. Je ne vous en dirai pas plus, mais le récit est fort bien articulé dans sa caricature d’un monde gouverné par le profit et, entre autre, celui florissant des cimetières militaires.  

 

Dupontel a su faire de sa révolte contre un monde régi par les lois les plus basses de l’immoralité et du profit une fable savoureuse, où la souffrance est constamment sublimée par une extravagance d’une émouvante tendresse. Si le film n’échappe pas à quelques «  potacheries », il décolle constamment par son souffle romanesque, sa profonde humanité, son inspiration permanente et un final supérieur à celui du livre. Un film à voir de toute urgence.

 

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Au revoir là-haut d'Albert Dupontel
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12 octobre 2017 4 12 /10 /octobre /2017 09:07
L'école buissonnière de Nicolas Vanier
L'école buissonnière de Nicolas Vanier

 

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Le jeune Paul (Jean Scandel) n’a  connu jusqu'à présent qu’un seul horizon : les hauts murs de son orphelinat parisien, mais le directeur veut lui trouver une famille d'accueil qui lui offrira des lendemains moins austères et moins douloureux. Confié à Célestine (Valérie Karsenti) pour le temps des vacances d’été, une femme qui demeure dans le même village que sa supposée mère, le petit citadin arrive en Sologne, région âpre et sauvage. L’immense forêt, les étangs embrumés et les landes, sont la propriété du comte de la Fresnaye (François Berléand), un veuf taciturne qui vit solitaire dans son château. S’il tolère les braconniers sur son domaine et parfois même les manouches, Borel, quant à lui, les traque sans relâche et s’acharne sur le plus rusé d’entre eux, Totoche (François Cluzet). Aux côtés de ce braconnier, grand amoureux de la nature, Paul va faire l’apprentissage de la vie mais aussi de la forêt et de ses secrets. A commencer par le sien trop teinté de mystère. Cela au cœur de la France rurale de l’entre-deux- guerres où l’homme vit encore, dans l’intimité des bêtes, au rythme des saisons.

 

L’enfant, habitué à la vie austère de l’orphelinat, a quelque difficulté à s’habituer à son nouvel environnement et à sa nouvelle famille. S’il se méfie de Borel (Eric Elmosnino), le garde-chasse peu amène et mari de Célestine, il se lie vite d’amitié avec Totoche, le braconnier bougon et rusé qui a tôt fait de l’initier aux choses de la nature, de lui faire goûter aux joies de la pêche, de la chasse et des promenades dans cette nature sauvage épargnée par le temps. A l’étonnement de tous, il parvient également à éveiller l’intérêt du taciturne comte de la Fresnaye qui ne quitte jamais son immense château où il vit retiré depuis la mort de sa fille dont il n’avait pas accepté le mariage avec un cheminot. Par ailleurs son fils, peu sensible à la vie des champs et des bois, gaspille son existence en mondanités à la grande déception de ce père mieux en phase avec la vie rurale. François Berléand campe ce personnage déçu et amer de façon très juste. La qualité de l’interprétation, dans son ensemble, mérite d’être soulignée, que ce soit François Cluzet méconnaissable dans ce personnage pittoresque et marginal d’homme des bois, Valérie Karsenti en femme sensible mais visiblement tenue par un secret, Eric Elmosnino plus royaliste que le roi dans son souci de protéger du braconnage la forêt de son maître, enfin le jeune et ravissant Jean Scandel qui rend son personnage de jeune orphelin sensible  dans sa naïveté et son souci de mieux comprendre les êtres et les animaux.

 

A cela s’ajoute le charme des paysages solognots de landes et de marais peuplés de cerfs, de sangliers, de renards, d’oiseaux surpris dans leur cadre, grâce aux talents conjugués de Nicolas Vanier, le metteur en scène, et de Laurent Charbonnier, le documentaliste, qui, tous deux, nous immiscent au cœur même de cette vie sauvage grâce à des images d’une incontestable beauté. Ce dépaysement et cette fresque animalière en séduiront beaucoup mais l’histoire trop lente, les descriptions de cette existence rurale trop appuyées peuvent en lasser certains, ce qui n’est pas mon cas. J’ai aimé au contraire cette lenteur si bien accordée à celle immuable de la nature, loin des bruits discordants du monde, de même  que ce retour plein d’émotion aux choses essentielles et aux valeurs perdues.

 

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L'école buissonnière de Nicolas Vanier
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9 octobre 2017 1 09 /10 /octobre /2017 09:26
Le sens de la fête de Toledano et Nakache

Max (Jean-Pierre Bacri) est traiteur depuis trente ans. Des fêtes, il en a organisé des centaines, il est même tenté de céder la place. Aujourd’hui, un mariage dans un château du XVIIe siècle, commandé clé en main par le futur époux Pierre, est au programme avec, pour exigence suprême au cahier des charges, qu’il soit sobre, chic et élégant.  Comme d’habitude, Max a tout coordonné, il a recruté sa brigade de serveurs, cuisiniers, plongeurs, conseillé un photographe, réservé l’orchestre, arrangé la décoration florale, fait en sorte que tous les ingrédients soient réunis pour que cette fête comble les jeunes mariés ... Mais la loi des séries va s’inviter et chambouler cette organisation mise en orbite avec une précision d’horloger. Des préparatifs aux derniers vibratos de l’orchestre, nous vivons les coulisses de la soirée à travers le regard de ceux qui travaillent et devront compter sur leur unique qualité commune : le sens de la fête.

 

C’est en 2011 que le film « Intouchables », proposé par le duo de réalisateurs français formé par Olivier Nakache et Éric Toledano, était venu balayer la morosité ambiante et apporter des couleurs au paysage cinématographique d’alors, et il y a quelque chance que leur nouvel opus soit assez bien accueilli par un public qui se désole que le cinéma français ne nous propose pas davantage de comédies réjouissantes en mesure d’égayer un peu cette morosité persistante. Il semble que « Le sens de la fête » soit bien parti pour satisfaire ce souhait car, hier après-midi, la salle, où je me trouvais, était comble et les applaudissements fournis alors que s’effaçait la dernière image.  

 

Le bien-fondé de ce long-métrage consiste à s’intéresser à l’envers du décor d’une fête mondaine et familiale en suivant les personnes pour qui une journée si spéciale pour les uns est un jour de travail ordinaire pour les autres. Cela, en déployant une justesse d’observation et un sens du burlesque  qui font mouche à chaque image et à chaque réplique d’un dialogue particulièrement affûté. Si bien que ce scénario, bien ficelé, accouche d’une comédie d’une justesse d’observation assez remarquable. Et le film séduit d’autant plus que Nakache et Toledano résistent à la tentation de la surenchère, qu’il n’y a pas dans les portraits qu’ils nous offrent de la société, de méchanceté gratuite, mais une accumulation mécanique de catastrophes vraiment désopilantes qui mettent en valeur des personnages judicieusement croqués. Au cœur d’une distribution brillante, Jean-Pierre Bacri, dans son habituel registre sarcastique, distille avec une parfaite neutralité d’apparence des répliques plus savoureuses les unes que les autres, portant cet opus à une hauteur comique plutôt réussie, composant un cocktail hautement épicé. A ses côtés, les acteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes avec naturel, ainsi Gilles Lellouche épatant en animateur, Eye Haïdara en assistante irascible, Alban Ivanov en extra incompétent ou Jean-Paul Rouve en photographe tire-au-flanc. La musique composée par Avishai Cohen est la touche supplémentaire qui donne le rythme à cette brigade de serveurs évoluant en costumes d’époque entre les cuisines et les salons. Il faut également souligner combien est habile le mixage des milieux entre les employés et les invités, évocation de ces mondes parallèles sans lourdeur et sans acrimonie. Une fête qui se joue sur plusieurs claviers avec humour et doigté. Laissez vous tenter.

 

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Le sens de la fête de Toledano et Nakache
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13 septembre 2017 3 13 /09 /septembre /2017 08:48
Otez-moi d'un doute de Carine Tardieu

Erwan, démineur de profession, perd soudain pied lorsqu’il apprend que son père n’est pas son père. Malgré la tendresse qu’il éprouve pour l’homme qui l’a élevé, Erwan enquête discrètement et retrouve son géniteur : Joseph, un vieil homme au passé coloré, pour qui il se prend d’affection. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Erwan  (François Damiens) croise en chemin l’insaisissable Anna (Cécile de France), une jeune médecin qu’il entreprend de séduire. Mais un jour qu’il rend visite à Joseph, Erwan réalise qu’Anna n’est rien de moins que sa demi-sœur. Une bombe d’autant plus difficile à désamorcer que son père d’adoption soupçonne désormais Erwan de lui cacher quelque chose…

 

Carine Tardieu était déjà l’auteur de deux comédies décalées « La tête de ma mère » et « Du vent dans mes mollets »  qui n’ont pas laissé un souvenir impérissable. Le mérite de « Ôtez-moi d’un doute » est de peindre une galerie de personnages plutôt crédibles, sans lourdeur excessive dans leur ancrage sociologique, et qui sont interprétés avec tant de naturel et de conviction que l’on ne résiste pas à les croire. Ce film repose en définitive sur les épaules des acteurs, tous épatants et admirablement bien dirigés, ce qui est une caution pour l’avenir cinématographique de Carine Tardieu qui, je lui souhaite, sera riche et brillant.

 

Démineur réputé et respecté, Erwan n'entend pas en rester là dans la quête de ses origines et de son ascendance. De même qu'il tient à garantir un semblant de normalité sociale à sa fille (Alice de Lencquesaing) qui attend un heureux événement d’un père inconnu. Ainsi partagée entre deux hypothèses, la cinéaste tente de trouver un équilibre acceptable entre vie familiale conforme aux valeurs morales et rurales et un communautarisme d’actualité. Il y a, par ailleurs, dans cette recherche de paternité, une bonne humeur évidente, un côté bon enfant qui tranche avec la plupart des films actuels, des mots d’auteur attrapés au vol, des bandes sonores qui ne sont pas désagréables à se remettre en mémoire et le jeu attendrissant de deux acteurs que l’on ne voit plus guère à l’écran et auxquels le charme du film doit beaucoup : Guy Marchand et André Wilms, les deux pères qui confèrent à leurs rôles une tendre humanité. Dans la lignée des comédies de Philippe de Broca, celle-ci se laisse regarder sans déplaisir mais la jeune cinéaste gagnera, par la suite, à fouiller davantage les préoccupations intimes de ses personnages. Une mention spéciale pour les belles images de la rivière d’Etel en Bretagne, une région particulièrement photogénique, même sous la pluie. Et Dieu sait qu’il pleut dans ce film …

 

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Otez-moi d'un doute de Carine Tardieu
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5 juillet 2017 3 05 /07 /juillet /2017 11:13
Mouchette de Robert  Bresson

Mouchette évolue dans un cadre miséreux, avec ses « galoches », ses vêtements troués, sa maison dans laquelle tout le monde cohabite et dort sur des matelas à même le sol. Vie compliquée encore par une mère malade, un père brutal, les soins au bébé. La jeune fille ne peut rien partager et s’enclôt derrière  un masque buté et de naïves rébellions. Sans misérabilisme, Robert Bresson décrit un monde de taiseux dans lequel la communication se résume à des gestes, des ordres ou des échanges d’argent, un monde déshumanisé constamment limité par des portes, des fenêtres ou des barrières et, pour celle qui prend les chemins de traverses, sœur en cela du braconnier, il n’y a pas d’issue. Rudoyée par sa maîtresse d’école, molestée par son père quand elle suit un jeune homme, violée, laissée seule par la mort de sa mère, elle vit un itinéraire sans issue et sans espérance. Mouchette, c’est celle qui va à rebours, cherche désespérément un abri (sous la table, sous un arbre, dans un talus) mais en vain ; celle aussi qui chante faux, la fausse note dans le concert des hommes.

 

Avec cet opus qui date de 1963, Robert Bresson, immense cinéaste, touche au spirituel ( avec lui Dieu n'est jamais loin ) comme dans la plupart de ses autres films, à travers une approche sociale. Il adapte de façon personnelle, dépouillée mais percutante, le roman de Bernanos ( ainsi qu’il le fît pour "Le Journal d'un curé de campagne" ), en donnant à l'oeuvre une dimension plus ample encore qui ne dessert nullement l'auteur catholique, et fait retentir de façon déchirante, le cri d'une adolescente à la dérive, qui voit son innocence s'enliser dans le mal. Son suicide est l'appel à l'aide, l'aspiration à un au-delà lavé des souillures du péché et de la mort, appel d'une jeune fille confrontée à la bêtise des adultes, à la souffrance de sa mère tuberculeuse, au désir bestial qui tue l'innocence, à la férocité d'un monde qui humilie l'enfance.

 

Film bouleversant qui plonge dans les méandres de l'âme humaine, Mouchette est l'incarnation de la douleur muette et de la solitude. Bresson fait admirablement parler l'image et les silences, de même qu'il s'attarde sur les visages, celui de la jeune actrice Nadine Nortier qui ferait pleurer les pierres. A la fin, après avoir été violée et avoir assisté à la mort de sa mère, Mouchette se revêt d'une robe blanche et s'en va vers l'étang célébrer ses noces avec la mort. Poignant.

 

Pour prendre connaissance de l'article que j'ai consacré à Robert Bresson, cliquer sur son titre :

 

ROBERT BRESSON OU UN CINEMA DE LA PERSONNE

 

 

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Mouchette de Robert  Bresson
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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 10:22
Playtime de Jacques TATI

                
Après Mon Oncle, Jacques Tati  va travailler pendant des années à Playtime, qui coûtera 15 millions de francs et construira, en studio, pour les besoins du film, le décor d'une ville ultra-moderne avec gratte-ciel et buildings industriels en verre et acier. Présenté pour les fêtes de fin d'année 1967, ce long métrage, sorte d'oeuvre testament, après un certain succès de curiosité, va être une catastrophe commerciale dont Tati ne se remettra jamais. Le public ne le suit guère dans les dédales de cette ville où les touristes cherchent vainement le Paris folklorique d'antan. Ce monde kafkaïen les égare, seul Hulot reste Hulot avec son imperméable, son parapluie et son chapeau, mais les disproportions entre ce nouveau monde et l'ancien désorientent complètement les spectateurs pas encore prêts à une anticipation qui les prend de cours. Décidément cette satire mécanique, uniforme et glaciale déplaît aux Français qui entendent goûter aux bienfaits de l'industrialisation et  ne comprennent pas que le cinéaste se soit à ce point endetté pour un film qui n'avait d'autre objectif que celui de les distraire. Tati s'en expliquera par la suite et procédera à des coupures, mais cela ne suffira pas à sauver ce monument incompris qui le ruinera. Truffaut lui écrira à ce propos : " C'est un film qui vient d'une autre planète où l'on tourne les films différemment. Playtime, c'est peut-être l'Europe de 1968 filmée par le premier cinéaste martien, "leur" Louis Lumière ! Alors il voit ce que l'on ne voit plus et il entend ce que l'on n'entend plus et filme autrement que nous".

 


Les soucis pécuniaires et les désagréments qu'engendre cette oeuvre titanesque, si mal perçue, assombriront les dernières années de vie de celui qui avait cru possible de faire entrer la parodie sur le grand écran pour contrefaire la réalité tragique de la vie, de façon à ce que le rire l'emporte sur l'inquiétude. Paris comme immense terrain de récréation. Là, Tati, jeune chien fou de 58 ans, magnifie une ville des Lumières grisâtre qui, sous son regard, redevient poétique et festive. Dans ce quatrième long métrage, Jacques Tati, embrasse une myriade d’idées joyeuses déjà développées dans ses œuvres précédentes, les portant à un point d’incandescence. Film-somme, Playtime n’en est pas moins une oeuvre maudite, au destin singulier. Entamé en 1964, soit six ans après le triomphe international de Mon Oncle, le tournage du film traverse des tempêtes que n’auraient pas renié les historiens de cinéma friands de naufrages à la Cléopâtre. D’une ambition démesurée, ce cinquième film est né après une longue gestation d’un scénario semi-autobiographique, co-écrit avec Jean-Claude Carrière.

 

 

Dans l’incapacité de tourner cette histoire d’Une grande ville (titre provisoire parfois évoqué dans les documents du CNC) en décors réels, Tati et son équipe de production se décident à construire un studio d’une superficie hallucinante pour l’époque. Dans la banlieue de Joinville, jouxtant les laboratoires GTC qui viennent de s’équiper en matériel 70mm (format choisi pour le film), l’immense plateau explose littéralement le budget et retarde le tournage de plusieurs mois : entamée en juillet 64, la construction du décor s’achèvera non sans peine en mars 65. Déçu par la colorimétrie des premiers rushes, peu convaincu par les perspectives de certains de ses décors, embarrassé par des conditions météorologiques déplorables, Tati se débat tant bien que mal avec un budget pharaonique et un tournage qu’il continue toutefois, imperturbable, à diriger d’une main de maître. Epique, celui-ci se heurte à de nombreuses contraintes, d’autant que, Tati, homme de scène, nourrit quelque méfiance à l’égard des techniciens de cinéma qui peinent parfois à retranscrire la palette imaginative de leur réalisateur. Ainsi, les scènes d’aéroport, nées des différentes tournées promotionnelles de Mon Oncle, ne correspondent pas à ses considérations plastiques (le plexiglas utilisé pour les décors reflète les éclairages et sera finalement remplacé par du verre). Pétri d’humour mais terriblement exigeant, le créateur de Monsieur Hulot dirige son plateau d’une main de fer, ce qui ne suffit pas à boucler le film dans les temps prévus.

 

 

http://www.dvdclassik.com/upload/images/critique-playtime-tati6.jpg http://www.dvdclassik.com/upload/images/critique-playtime-tati7.jpg
 

 

Endetté jusqu’au cou, Tati se résout alors, la mort dans l’âme, à annuler purement et simplement le tournage de certaines séquences. Le montage est entamé alors que le tournage est loin d’être terminé, afin de convaincre des investisseurs étrangers de renflouer ce bateau ivre, frôlant le naufrage. En bon capitaine, Tati tient la barre, se souciant comme d’une guigne des soucis financiers de la production pour ne jamais perdre de vue la maîtrise artistique. Le 15 septembre 1967, soit trois ans et demi après le premier coup de truelle à Joinville, le tournage s’achève avec la destruction du décor - que Tati espérait pourtant conserver pour y fonder une Université du Cinéma, projet qui lui sera refusé par André Malraux, alors ministre de la Culture de De Gaulle. Le montage - entamé entre autres par Sophie Tatischeff, fille de Jacques - livre finalement une première copie du film le 16 décembre 1967.



Véritables crève-cœurs, les mois qui suivent voient la durée du film fondre comme neige au soleil sous la pression de la production. Des 2h33 initiales lors de la première du film (présenté avec entracte, au grand dam de son créateur), le film passe par diverses durées - atteignant un pic de 2h50, se réduisant ensuite à 2h15 (deux copies conservées par les Cinémathèques de Lausanne et Toulouse, en très mauvais état) pour finalement atteindre les 1h59 pour la version restaurée que nous connaissons aujourd’hui. Film testament, Playtime ne connaîtra que beaucoup plus tard, et après la mort de son créateur, l'adhésion et la notoriété. 

 

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Playtime de Jacques TATI
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19 juin 2017 1 19 /06 /juin /2017 09:37
Ce qui nous lie de Cédric Klapisch

Jean a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa sœur, Juliette, et son frère, Jérémie. Leur père meurt juste avant le début des vendanges. En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces trois jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent.

Ce qui nous lie de Cédric Klapisch

Sur ce thème sympathique de la transmission et de l'enracinement, Cédric Klapisch  nous offre un opus très différent de sa production  précédente  "L'auberge espagnole", soit une saga familiale qui épouse le rythme des saisons, de même qu'un éloge touchant du terroir. En effet, les liens, qui unissent indéfectiblement les hommes à leur famille et à la terre qui les façonne tout autant qu'ils la façonnent, est le point culminant du film. Juliette, Jean et Jérémie, ces enfants du vignoble, très bien interprétés par de jeunes comédiens Ana Girardot, François Civil et Pio Marmaï, sont tout autant unis par des liens ancestraux que par celui de la terre, cette vigne à laquelle ils vont consacrer leurs efforts et leur savoir-faire dans un souci constant d'excellence. Un joli film qui pointe le doigt sur l'alliance qui s'établit entre un lieu et une jeunesse prête à beaucoup sacrifier pour assurer et perpétrer son ancrage avec le monde viticole. On n'attendait pas Cédric Klaspich dans ce registre qui met en valeur le sentiment d'appartenance à la terre et le retour aux sources d'une génération déjà en phase avec le cosmopolitisme. Une agréable bonne surprise.

 

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Ce qui nous lie de Cédric Klapisch
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15 juin 2017 4 15 /06 /juin /2017 09:22
Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet

En 1914, Mathilde, âgée de 19 ans, est fiancée à Manech. Mais celui-ci part au front et comme des millions d'autres meurt au champ d'honneur. C'est écrit noir sur blanc sur l'avis officiel. Cependant Mathilde se refuse à l'admettre. Si Manech était mort, elle l'aurait senti, elle l'aurait su. Ainsi se raccroche-t-elle à son intuition et, de faux espoirs en incertitudes, parvient à démêler l'écheveau et à retrouver la trace de l'homme qu'elle aime.

 

Inspiré du roman de Sébastien Japrisot, prix Interallié, ce film de Jean-Pierre Jeunet (2004) sait rendre l'enfer des tranchées sans tomber dans l'effusion de sang et de cadavres. La mise en scène brillante, parfois lyrique, ne cède pas non plus à l'ostentatoire et cela mérite d'être souligné. Travaillé dans des couleurs aux tons nuancés, les images esquissent une palette d'impressions agréablement contrastée et restituent une époque soigneusement stylisée par l'auteur. Mais ce ne serait là qu'une oeuvre d'illustrateur, s'il n'y avait le regard singulier posé par lui sur un univers qui épouse pleinement la vision du personnage principal, celui de Mathilde, admirablement interprété par Audrey Tautou, qui se livre, ou plutôt s'abandonne tout entier, aux puissances de l'imaginaire. Par ailleurs le film confirme l'immense talent de deux autres comédiennes : Jodie Foster et Marion Cotillard. Un film réussi qui ne manque pas de beauté et séduit, sans parvenir à émouvoir totalement.

 

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  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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