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11 octobre 2015 7 11 /10 /octobre /2015 09:36
Un taxi pour Tobrouk de Denys de la Patellière

 

En 1942, à Tobrouk, un commando français fait sauter des dépôts d’essence allemands. Quatre soldats parviennent à s’enfuir et se retrouvent bientôt perdus en plein désert. Après une journée de marche harassante, ils repèrent une automitrailleuse allemande et ses cinq occupants. Un seul échappe à la mort et est fait prisonnier. C’est le début d’une aventure étonnante où, face au danger, chacun découvrira l’entraide pour sortit vivant d’un tel guêpier.

 


Denys de La Patellière, auteur d’un certain nombre de comédies légères, souhaitait en ce début des années 60 évoquer l’absurdité d’une guerre qui avait emporté plusieurs membres de sa famille. Il réunit alors le scénariste René Havard et le dialoguiste Michel Audiard pour construire une histoire se déroulant durant la campagne de 1942 en Libye et mettant en scène un groupe de soldats perdus dans le désert. Grâce à Michel Audiard, le scénario va se doter d’un ton ironique qui transforme progressivement le film en une comédie féroce sur l’imbécilité de tout conflit armé. Sublimé par ses dialogues savoureux, « Un taxi pour Tobrouk » évoque sur le ton de la plaisanterie des thèmes délicats comme l’obéissance aveugle à une autorité supérieure, la fraternité entre les peuples, tout en se moquant ouvertement des règles et usages imposés par l’armée, cela de façon absolument iconoclaste.

 



Opus au budget limité, il sera tourné à Almeria en Espagne (l’Afrique du Nord en pleine décolonisation était trop risquée pour les assureurs) afin de profiter d’espaces désertiques sans sortir de l’Europe. Malgré ces moyens réduits, l’équipe parvient à un résultat convaincant jusque dans les séquences de combat, cela grâce au jeu des acteurs, tous d’un naturel désarmant, c’est le cas de le dire, et d’une franche liberté de ton. Conscient des limites formelles imposées par la production, Denys de la Patellière s’est concentré sur ses personnages et les liens qui les unissent. Glissant au passage quelques vérités sur la France de la collaboration, sur l’attentisme d’une large partie de la population ou encore sur l’héroïsme de pacotille mis en avant au moment de la Libération. Aussi le film heurta-t-il quelques personnalités choquées par cet antimilitarisme, mais reçu un accueil bon enfant du public. La présence de Lino Ventura, à l’époque très populaire, y est aussi pour quelque chose. Et on y découvre un Charles Aznavour, qui lui fait face sans complexe, et confirme son réel talent d'acteur. Un film qui garde aujourd’hui encore son côté burlesque et cocasse et son cynisme de bon aloi.

 

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 08:30
Premiers crus de Jérôme Le Maire

Fils de viticulteur, Charlie Maréchal (Jalil Lespert) a quitté la Bourgogne pour devenir un œnologue parisien réputé, auteur d’un guide à succès dont les notes font chaque année trembler tous les vignobles. Mais en Côte-d’Or, son père François Maréchal (Gérard Lanvin) a perdu le goût du vin et ses errements précipitent l’exploitation viticole familiale vers la faillite. D’abord réticent, Charlie revient en Bourgogne. Il doit rechausser ses bottes et remonter ses manches, devenir viticulteur et se confronter à un métier qu’il ne connait pas, sous le regard dubitatif de son père. Entre une météo capricieuse et un cépage délicat, Charlie va devoir prouver à son père qu’il est digne de ce terroir transmis de génération en génération dans leur famille. Il est facile de noter un vin, mais comment fait-on un grand vin ?
 

Sur les bases d’un scénario simple, Jérôme Le Maire nous offre un film plaisant dont les deux atouts principaux sont le jeu d’acteurs convaincus et la beauté des paysages bourguignons et ce n’est pas si mal. Bien sûr les clichés abondent et font grincer les dents de quelques grincheux, bien sûr on envisage assez vite le final et les lieux communs abondent mais, qu’importe, si ce vin est un peu court en bouche et ne vous enivre pas, il vous fera passer deux heures pas si désagréables que cela, vous visiterez la Bourgogne et ses vignes, verrez rougir les cépages et tomber les pluies orageuses qui sont la hantise de ces gens du cru qui ont l’amour de leur terre et des cales aux mains. De plus, cela vous assure un  bol d’air revigorant, alors ne boudons pas ce gentil plaisir.

 

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17 septembre 2015 4 17 /09 /septembre /2015 09:45
Marguerite de Xavier Giannoli

Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée, passionnée de musique et d’opéra, qui a épousé un aristocrate ( excellent André Marcon ) sans le sous. Celui-ci  vit agréablement à ses dépens et la trompe sans vergogne. Depuis des années, Marguerite, malheureuse en amour, chante devant son cercle d’habitués, mais elle chante tragiquement faux et personne ne s'est aventurée à le lui dire. Son mari et ses proches l’ont toujours entretenue dans ses illusions par intérêt et amusement, sa générosité lui valant le triste privilège d’être encensée par ce petit monde de nantis et par ceux, moins nantis, que son argent incite à une complicité cynique. Les choses se compliquent le jour où elle se met en tête de se produire devant un vrai public à l’Opéra.

 

 

Tandis que dans le parc de la somptueuse propriété, le paon pousse son cri particulier, à l’intérieur de la demeure, la maîtresse des lieux pousse ses vocalises gutturales capables d’écorcher les oreilles les plus sensibles et de faire rire sous cape cette galerie de mondains qui ne craint nullement d’abuser de ses largesses. Cela parce qu’elle voudrait que son mari la regarde. Marguerite est simplement une femme amoureuse et délaissée qui s’est réfugiée dans la musique comme dans un songe. Heureusement son majordome noir Madelbos (parfait Denis Mpunga) la protège, l’accompagne au piano, la photographie  et entre d'autant plus volontiers dans son rêve que lui-même a quitté le sien par nécessité pécuniaire. Et sa maîtresse n'est-elle pas comme lui sensible à tout ce qui touche au merveilleux dans une société saisie par la débauche et les plaisirs faciles ? Cette femme à qui tout se refuse, l’amour et le talent, porte néanmoins une sorte de génie de l’authenticité jusque dans son ridicule. Au milieu de ce monde de tricheurs et d’arnaqueurs, elle est la vérité sans fard, le naturel sans subterfuge, la sincérité sans ruse qui étonnent et posent sur un monde futile son interrogation. Par son jeu tout en subtilité, Catherine Frot nous bouleverse, oscillant entre la mégalomanie et la fragilité. Elle est étonnante, inoubliable. "Un personnage qui me laisse songeuse" – avoue-t-elle, avant de poursuivre -  "il y a une notion mystique, à la fin, un sacrifice d’amour. Le film contient des paradoxes à l’infini et, en même temps, il est très simple."

 

 

Ce personnage est inspiré de la vie de Florence Foster Jenkins, une excentrique milliardaire américaine, née en Pennsylvanie en 1868. En 1909, s’étant autoproclamée chanteuse lyrique, elle mit à profit son riche héritage pour organiser des concerts suivis de dîners de gala au Ritz Carlton. Elle louera par la suite le Carnegie Hall pour donner un récital devant une salle comble et hilare. Impassible, elle subodore que ces rires sont ceux de ses rivales. Mais hélas, elle n’échappera pas aux critiques assassines que les journaux du lendemain se feront un plaisir de publier et  mourra cinq jours plus tard d’une crise cardiaque dans un magasin de musique où elle était venue acheter de nouvelles partitions. Destin pitoyable et tragique d’une femme qui se refuse au réel pour vivre dans un songe où elle se croit enfin admirée et aimée.

 

 

Xavier Giannoli a repris cette fable cruelle et nous l’offre dans une mise en scène qui n’est pas sans rappeler celle du Max Ophuls de « Lola Montès » ou de « Madame de ». Les années folles y sont admirablement rendues dans une débauche d’images superbement baroques, royaume où les apparences sont en efflorescence dans des décors couleur sépia saisis par des éclairs de magnésium. On y voit surgir un monde que les cruautés de la guerre ont rendu ivre de plaisirs, une petite société que sollicite toutes les folies. Nous sommes en plein essor du surréalisme, du marxisme, du jazz, en ces années où les femmes prennent enfin du galon ou aspirent à en prendre. C’est le cas de Marguerite qui se veut libre mais n’en est pas moins victime de ses sentiments, de ses aspirations, de ses déboires conjugaux et de sa fraîche naïveté. Elle ne mange que du blanc, dit-elle, tant son désir de pureté est grand, oui du poulet, du riz, des poireaux, ainsi son rêve est-il paré des ailes d’un cygne. Un cygne qui navigue sur les eaux saumâtres d’une époque sans complaisance et en mourra, victime de ses chimères et de ses délires.

 

 

L’originalité du thème, la magnifique interprétation des acteurs, la richesse de la mise en scène font de cet opus une rareté dans la production actuelle trop souvent banale et complaisante. Sans doute le plus beau film français de l’année, habité par une Catherine Frot prodigieuse et divinement bien accompagnée. Une très grande réussite.

 

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 09:29
Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin

Voici le dénommé Paul Dédalus (patronyme que l’on ne croise pas pour la première fois dans la filmographie de Desplechin), anthropologue, interprété, dans sa maturité, par un Mathieu Amalric au regard toujours aussi fixe. Ayant vécu loin de France pendant près de vingt ans, il s’apprête à quitter le Tadjikistan pour retrouver sa terre natale et y prendre un poste dans un ministère. À sa descente d’avion, des policiers l’attendent et lui demandent de les suivre. Le voilà bientôt devant un enquêteur des services secrets (André Dussolier), qui doute de sa véritable identité et lui révèle qu’un autre Paul Dédalus, né au même endroit et le même jour que lui, demeure en Australie. Qui est le vrai? Le spectateur est ainsi embarqué sur une piste qui, finalement, va le conduire à une actualité tout autre et, la parenthèse fermée, lui conter une histoire d’amour bancale mais très attachante.

 

À la suite de cette brève entrée en matière, Arnaud Desplechin nous entraîne dans une quête vertigineuse de l’identité, ce qu’avait probablement pour objectif le préambule rocambolesque et qui, désormais, constitue le tissus sensible de cet opus. Car la singularité d’une existence est-elle affaire de date, de nom, de lieu ou d’expériences? Procède-t-elle  d’une somme de moments successifs et souvent disparates ou, plus précisément, de la mémoire que l’on en conserve? Devant lenquêteur dubitatif, Paul Dédalus évoque un voyage effectué en Ukraine avec sa classe de lycée, où, pour aider un camarade engagé dans le soutien aux Juifs dEurope de l’Est, il avait pris de gros coups de poing dans la figure, au propre et au figuré. Puis d’autres souvenirs s’égrènent: familiaux la plupart, entre crises de folie de la mère, (que l’on s’explique mal, c’est le seul point obscur de ce film délicat), violence incompréhensible du fils aîné, solitude du père devenu veuf, mysticisme du fils cadet mal dans sa  peau et l'idylle en dents de scie de Paul avec Esther, grande passion jamais oubliée. Une jeunesse à Roubaix – où le cinéaste est  né en 1960 –, puis à Paris, avec les études d’anthropologie auprès d’un professeur qu’il admire, l’ouverture au monde et la distance qui sépare Esther de Paul, et  Paul d’Esther. Une liaison constamment entrecoupée de séparations qui est, parmi cette succession d’évocations, la plus prégnante. Narrés avec une certaine distance, un ton décalé, un ton souvent désabusé, mais aussi un sens certain du lyrique et du tragique, ces Souvenirs… sont portés avec  naturel  par deux jeunes acteurs : Quentin Dolmaire (Paul Dédalus jeune), repéré au Cours  Simon, et Lou Roy-Lecollinet (Esther), tout droit venue de sa classe de terminale, option théâtre. Ces deux novices, très prometteurs, s’épanouissent sous l’œil de la caméra d’Arnaud Desplechin, qui n’a pas son pareil pour puiser chez ses acteurs la matière la plus sensible, la plus frémissante de son film. Il signe avec eux un voyage romanesque vers la jeunesse telle qu’on la vit aujourd’hui avec ses excès et ses dépendances. Et, toujours, sans retour possible.
 

 

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Trois souvenirs de ma jeunesse d'Arnaud Desplechin
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28 avril 2015 2 28 /04 /avril /2015 09:19
LE JOUR SE LEVE de MARCEL CARNE

Difficile d’écrire la critique d’un film lorsque celui-ci n’en mérite aucune et vous subjugue tout au long de sa projection par la perfection des images d’Alexandre Trauner, la qualité de l’interprétation et la richesse des dialogues. L’opus est porté ici à un paroxysme de perfection, même la musique s’accorde pleinement au narratif et le noir et blanc ne fait que souligner l’ambiance dramatique des décors et des scènes dans un quartier populaire de Paris ou le huis-clos d’une chambre-refuge.

 

François, ouvrier métallurgique, tombe amoureux de Françoise qui est comme lui de l’assistance publique et le touche par sa fraîcheur et son innocence. Il semble qu’ils soient faits l’un pour l’autre et François ne rêve plus que de mariage. Mais le sort va en décider autrement et déjouer les espérances et les projets du jeune homme en faisant entrer dans cette romance toute simple un sombre personnage, un être manipulateur et cynique, dresseur de chiens, qui emploie des jeunes et belles jeunes femmes pour compléter son spectacle. Clara (Arletty) vient de donner sa démission de façon fracassante à la fin de l’un d’eux et c’est alors que François comprend que Françoise est la nouvelle victime et que sa faiblesse va en faire la proie des sombres projets de cet amateur de chair fraîche. Le malheur est entré dans sa vie et ne va plus en sortir. Après une scène où Valentin (admirable Jules Berry) joue avec le cœur de François, le provoque et l’exaspère, avouant même qu’il est venu pour le tuer, l’irréparable va se produire. Se saisissant du revolver de Valentin, François lui tire une balle fatale et ce dernier meurt dans l’escalier de l’immeuble, alertant le voisinage. Dès lors, François est un homme traqué. Refusant de se livrer à la police, il va vivre un dernier combat enfermé dans sa chambre, hurlant son désarroi à la population qui s’est assemblée sous ses fenêtres. Nous sommes tous des assassins soit au propre, soit au figuré, leur dit-il, nous tuons tous à notre façon par des mots, par des actes et pas forcément par des armes, beau passage où Gabin s’impose déjà comme une grande présence à l’écran face à une Arletty irrésistible et tendrement gouailleuse, un Jules Berry éblouissant de sarcasme, ange noir ricanant et machiavélique et une douce et ravissante Jacqueline Laurent dans le rôle évanescent de Françoise.

 

Voilà un film d’une beauté accomplie, drame romanesque d’une parfaite intensité, servi par des dialogues ciselés grâce à la plume poétique de Jacques Prévert. Les allégories ne cessent de raviver l’émotion du spectateur et de donner à cette œuvre exceptionnelle une ampleur remarquable. Sorti en salles en 1939, il fut d’emblée interdit au moins de 16 ans pour son caractère démoralisant, puis, en 1940, amputé de certaines scènes pour ses allusions au caractère fasciste des policiers. "Le jour se lève" a été restauré en 2014 par Diapason et Eclair en 4K et dans sa version intégrale pour notre plus grand plaisir et existe désormais en DVD pour figurer en bonne place dans nos vidéothèques : chef-d’oeuvre absolu qui honore le 7e Art français.

 

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LE JOUR SE LEVE de MARCEL CARNE
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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 14:14
UN HOMME IDEAL de YANN GOZLAN

 

Mathieu, 25 ans, aspire depuis toujours à devenir un auteur reconnu. Un rêve qui lui semble inaccessible car, malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à être édité. En attendant, il gagne sa vie en travaillant chez son oncle qui dirige une société de déménagement. Son destin bascule le jour où il tombe, par hasard, sur le manuscrit d’un vieil homme solitaire qui vient de décéder. Mathieu hésite avant de s’en emparer et de signer le texte de son nom...un texte fort, à l'évidence, qui relate la vie d'un militaire dans les années 56/60 lors de la guerre d'Algérie. Devenu d'un coup de baguette magique le centre d'intérêt de la littérature française, couronné, dès ce premier ouvrage, du prix Renaudot, mais incapable de se construire et pas davantage de construire son prochain livre, Mathieu ne se sent jamais à la bonne place. D'ailleurs une place, en a-t-il seulement une et laquelle ? En cela le film est d'une structure narrative d'une étonnante efficacité, nous révélant, au fil des scènes, comment l'anti-héros est peu à peu rattrapé par la fatalité qu'il a contribué à mettre en place. Alors que l’attente autour de son second roman devient chaque jour plus pressante, l'auteur plonge dans une spirale mensongère et criminelle irréversible afin de préserver à tout prix son secret.

 

Grâce à cet opus, qui fonctionne  comme de l’horlogerie suisse, Yann Gozlan fait une entrée éclatante dans le 7e art et le thriller en particulier, hissant celui-ci au niveau d’un Hitchcock, Chabrol ou Polanski. A la suite d'un premier essai dans le film d’épouvante « Captifs » en 2010, Gozlan décide de passer à nouveau derrière la caméra avec un projet plus ambitieux, cette sombre histoire d’usurpation littéraire qui tient le spectateur en haleine de bout en bout et, d'autant plus, lorsqu'un maître-chanteur va se complaire à jouer sur la vanité et la fragilité d'un homme sans structure, sans projet et sans inspiration. « C’est difficile de faire un bon film – confie Gozlan – mais le processus est aussi fatigant que passionnant. Fantasmer quelque chose dans sa tête et le voir se concrétiser, pouvoir contempler un objet fini que vous avez imaginé, il y a là quelque chose de très gratifiant. Cela donne l’impression d’avoir fait quelque chose, comme un artisan peut le ressentir une fois qu’il a terminé une table ou un objet très travaillé. »

 

Il est certain que préférant le travail et l’apprentissage que l’inspiration volatile, ce trentenaire nous propose un film cousu main, d’une parfaite tenue, nourri d’influences diverses mais homogène, qui dresse le portrait d’un ambitieux pétri de duplicité aux prises avec la morale dont il s’efforce de repousser toujours plus loin les limites. Mais celle-ci sera sauve, en quelque sorte, car échappant de peu à la mort, Mathieu perdra son honneur et, par voie de conséquence, le bonheur, condamné à vivre dans la clandestinité un talent venu trop tard. « Il y a bien sûr des films brillants qui regardent froidement leurs personnages se vautrer dans l’immoralité, mais ce n’est pas ce que je voulais faire. Je voulais que le spectateur comprenne mon personnage et accepte de le suivre. Il fallait que cela reste à la fois immersif et ludique, qu’on se demande comment le héros allait s’en sortir » - nous avoue le metteur en scène. Et le résultat est ce film convaincant, ce thriller de haute tenue, mis en scène avec un art consommé de la précision, sans fioritures inutiles, servi par des dialogues sobres mais tout aussi justes et une interprétation de qualité. Pierre Niney la domine dans le rôle-titre qu’il habille d’élégance, de subtilité et des faux-semblants qui inspireront le titre de son second ouvrage, enfin né de sa vie devenue son roman, un roman qui  le condamne à jamais à l’anonymat. Une grande réussite.

 

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UN HOMME IDEAL de YANN GOZLANUN HOMME IDEAL de YANN GOZLAN
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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 09:49
LE DERNIER LOUP de JEAN-JACQUES ANNAUD
LE DERNIER LOUP de JEAN-JACQUES ANNAUD

1967, durant la révolution culturelle chinoise, Chen Zhen, un étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie intérieure afin d'apprendre le chinois à une tribu de bergers nomades. Dans la steppe, Chen tombe nez à nez avec une bande de loups. Fasciné par l'animal, il voudrait adopter un petit et tenter de l'apprivoiser. Jean-Jacques Annaud filme une Mongolie à perte de vue, avec ces ciels souvent bas qui semblent vous emporter dans leurs mouvements, une terre âpre, solitaire comme une mer minérale arrêtée dans le temps, où une population vit en étroite intimité avec la nature la plus sauvage qui soit. Voici un décor d’une beauté saisissante qui nous sort de nos vies citadines pour nous livrer un magnifique message : l’équilibre si fragile entre la nature et les hommes doit être maintenu si nous ne voulons pas disparaître, car le progrès tel que nous le concevons, n’est sans doute pas celui qui sauvera notre planète. Inspiré du roman de l’écrivain Jiang Rong, cet opus nous explique comment la Chine de Mao Tsé-toung, au moment de la Révolution culturelle des années 60, tenta le remplacement d’une civilisation par une expérience politique. Le héros du roman et du film, l’étudiant Chen Zhen et quelques autres sont chargés de soumettre les Mongols au socialisme, ce qui revient à dire qu’ils doivent cesser d’être eux-mêmes. Mais la civilisation mongole existe depuis la nuit des temps dans ces espaces invincibles où elle cohabite avec les loups qui la précédèrent dans la steppe.

 

Le loup a toujours hanté l’imaginaire humain. C’est un animal mythique que l’on retrouve dans l’inconscient collectif à tous les niveaux. Figure emblématique, il terrorise et fascine, et les artistes l'ont évoqué à maintes reprises dans leurs œuvres, que ce soit roman, conte, poème (La mort du loup de Vigny) film (Danse avec les loups), tant il exprime la force, le courage, la cruauté, la malignité. On ne compte plus les expressions qui ont recours à lui : « l’homme est un loup pour l’homme », « avoir vu le loup », « un froid de loup », « à pas de loup », sans oublier les légendes comme celle de la louve de Rome qui aurait nourri Remus et Romulus. Les Mongols ont su partager les grands espaces de leur pays avec le loup. C’est de lui qu’ils ont appris à combattre, car ce dernier est un guerrier quasi invincible qui préfère se suicider que de se soumettre, sait patienter des heures durant avant de livrer combat pour se nourrir et survivre. Il sait adapter ses méthodes aux circonstances et chasse, soit en solitaire, soit en meute, avec une intelligence de stratège. Les Mongols le respectent et le considèrent non comme un ennemi mais comme un adversaire tant il concoure à l’équilibre de la nature. D’ailleurs, lorsqu’ils meurent, leurs cadavres sont enveloppés dans des linceuls et déposés à même la terre afin que leurs corps servent à nourrir les animaux sauvages. Juste retour des choses, pensent-ils, puisqu’eux-mêmes se sont nourris de la chair animale.

 

Dans le film de Jean-Jacques Annaud, nous voyons le gouvernement de la Chine régionale piller les réserves des fauves, affamer les loups qui vont alors s’en prendre aux chevaux, rompant ainsi un équilibre millénaire. Alors que pour les Hans, il s’agissait de « recréer les monts et les mers, et les plaines d’après une autre volonté » - comme l’écrivait Emile Verhaeren. Le film souligne le danger et dépeint l’agonie des Mongols livrés à une idéologie en total décalage avec la nature et aux diktats d’un gouvernement totalitaire. Dès lors, il ne s’agit plus de chasse mais de l’éradication du loup, cet animal gênant pour l’homme d’aujourd’hui. En effet, il est nécessaire de gommer un passé encombrant pour faire surgir un présent en adéquation avec la modernité ambiante. Il faut effacer à tout jamais ce passé légendaire afin de faire des Mongols des citoyens comme les autres, engager la disparition progressive de leur civilisation avec ses chevauchées fantastiques, son génie du mouvement et son adaptabilité aux conditions d’existence extrêmes. Cela au nom d’une illusion perverse qui entend soumettre la nature aux délires productivistes et consuméristes des lobbies en place

 

Néanmoins, Jean-Jacques Annaud n’a pas voulu conclure sur une note trop pessimiste ce film d’une beauté âpre comme les paysages solitaires et sublimes de la steppe mongole. Il laisse filtrer une raie de lumière, fragile certes, mais qui touche : le jeune lettré urbain Chen Zhen, conquis par cette vie en Mongolie- intérieure, adoptera en cachette un jeune loup pour le rendre quelques mois plus tard à la nature, hissant ainsi le film au rang de parabole. Une fable poignante et magnifique.

 

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LE DERNIER LOUP de JEAN-JACQUES ANNAUDLE DERNIER LOUP de JEAN-JACQUES ANNAUD
LE DERNIER LOUP de JEAN-JACQUES ANNAUD
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3 mars 2015 2 03 /03 /mars /2015 10:57
LA BETE HUMAINE de JEAN RENOIR

Jacques Lantier est victime de pulsions meurtrières et en souffre secrètement. Il ne se trouve bien qu’en compagnie de son chauffeur Pecqueux (Carette) sur La Lison, la locomotive à vapeur avec laquelle ils font la ligne Paris-Le Havre. Pour son malheur, Lantier (Jean Gabin) rencontre Séverine  (Simone Simon)  alors que son mari Roubaud (Fernand Ledoux), sous-chef de la gare du Havre, pauvre type jaloux et veule, vient d’assassiner Grandmorin, le parrain de son épouse dont il apprend qu’il l’avait forcée à céder à ses avances au temps où elle était domestique dans son château. Lantier  tombe amoureux de cette jeune femme ravissante et paumée qui a assisté au meurtre avec complaisance dans le train qui la ramenait avec son mari de Paris au Havre et en reste marquée au point de se refuser à toute forme d’amour désormais. Lantier finit par la convaincre de partir avec lui et de quitter un mari qui s’est mis à jouer, à voler, mais, au moment de tuer Roubaud, la jeune femme se dérobe … La fin est aussi tragique que le climat qui règne dans ce clair-obscur admirablement rendu par une caméra feutrée qui évolue en des images d’une puissante beauté et une atmosphère pluvieuse et fondamentalement désespérée.

 

« La bête humaine » est la seconde adaptation de Zola par Jean Renoir. On a dit que le cinéaste appréciait modérément le roman de celui qui avait été l’ami de son père. Même s’il rend explicitement hommage à l’auteur de la saga des Rougon-Macquart, Renoir prend très vite ses distances avec l’œuvre initiale. C’est ainsi que l’époque a été modifiée, le Second-Empire  étant remplacé par le Front Populaire et l’esprit des années d’avant-guerre. Sorti quelques mois après La Marseillaise, La bête humaine est bercé par un certain idéal. Le travail y apparaît salvateur, un travail mené collectivement, l’esprit de camaraderie se prolongeant dans le quotidien. Le mécanicien Pecqueux est davantage qu’un pote et un confident pour Lantier. C’est le régulateur de ses émotions et le symbole de la fraternité ouvrière. À la coopérative ouvrière succède ici la vénérable « Société nationale des chemins de fer français », qui se veut un symbole de progrès et d’unité. Ainsi le film rend-t-il compte du climat qui règne dans cet univers du rail parfaitement évoqué et où évoluent des hommes qui l’ont placé comme un idéal à atteindre en permanence.  

 

Le film souffre cependant d’une certaine théâtralité, même Gabin n’habite pas vraiment son rôle, pas davantage la ravissante Simone Simon qui surjoue le sien et ne parvient pas à nous émouvoir. Seuls Carette, formidable de naturel et de gouaillerie, et Fernand Ledoux sont crédibles et donnent une épaisseur à leurs personnages. Et puis il y a les images sublimes, l’atmosphère morbide, la pluie et les lumières vacillantes de la nuit, les locomotives qui traversent le temps et l’amitié virile de ces hommes en manque de repères affectifs.

 

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LA BETE HUMAINE de JEAN RENOIR
LA BETE HUMAINE de JEAN RENOIRLA BETE HUMAINE de JEAN RENOIR
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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 10:14
LE QUAI DES BRUMES de MARCEL CARNE

Jean (Jean Gabin) déserteur de la Coloniale arrive en camion dans la ville portuaire du Havre. Désabusé et hanté par ses souvenirs de guerre, il cherche à fuir la France. En quête d’un bateau, il fait la rencontre de personnages attachants, de petites frappes et surtout de la belle Nelly (Michèle Morgan) dont il tombe amoureux. Dans ses mémoires, Marcel Carné déclare : « A l'époque les écrans regorgeaient de comédies, musicales ou non, brillantes, ensoleillées et grouillantes de figuration. Et voilà que j’arrivais avec ma boîte de nuit vide, ma brume, ma grisaille, mon pavé mouillé et mon réverbère. »
 

Aujourd’hui on a du mal à imaginer comment ce jeune réalisateur de 32 ans, qui n’a alors que deux films à son actif, a pu trouver le financement pour produire un projet si sombre… La genèse du "Quai des brumes" a été maintes fois racontée, mais il est bon d’en rappeler quelques détails : 1937, Jean Gabin, en balade dans Paris, s’engouffre dans un cinéma pour voir un film dont sa femme ne cesse de lui parler : « Drôle de drame ». Il assiste alors à une représentation sifflée et conspuée par le public. Mais le comédien n’en a cure ; ébloui par le style de Carné et les textes de Prévert, il contacte son agent afin de rencontrer le réalisateur. L’entretien a lieu quelques jours plus tard et Gabin lui demande s’il a un sujet à lui proposer. A l’époque, il est une immense star et le jeune Carné un illustre inconnu. Cependant, Jean Gabin ne se démonte pas et propose l’adaptation du roman de Mac Orlan : "Le Quai des brumes". Alors sous contrat avec l’UFA (compagnie de production allemande), l'acteur pousse les studios germaniques à accepter le scénario. Les producteurs ne prennent pas la peine de lire l’adaptation rédigée par Prévert. Trop contents de faire tourner la star, ils acceptent le projet et les premiers essais ont lieu à Neubabelsberg. Mais l’ambiance des studios d’Outre-Rhin est pesante et Marcel Carné  renâcle à entreprendre ses premières scènes. Quelques jours plus tard, il reçoit une communication de l’UFA lui indiquant que le tournage est annulé. La censure a lu le synopsis et l’a jugé amoral : parmi ce comité, un certain docteur Goebbels qui entend imposer des idées, prémisses de ce qui suivra. Finalement le projet se retrouve entre les mains françaises du producteur Gregor Rabinovitch, enchanté de réaliser le prochain Gabin ! Carné peut enfin tourner l’adaptation du roman de Mac Orlan dont l’action, initialement prévue à Montmartre, est transposée au Havre. Rabinovitch et son complice Shiffrin constatent alors, et avec retard, la puissance et la noirceur du drame conçu par Prévert. Ils essaient par tous les moyens de freiner Carné dans sa création mais rien n’y fera. Gabin soutient Carné et porte le film jusqu’à cette avant-première organisée sur les Grands Boulevards où le film connaîtra ses premières salves d’applaudissements.
 

Pendant les années soixante, les critiques de la Nouvelle Vague ont lapidé Carné qu’ils considéraient comme l’antonyme de la modernité. Son cinéma en noir et blanc aux dialogues ciselés, ses plans d’une grande rigidité et son approche poétique étaient qualifiés de désuets. Mais il suffit de quelques images pour ouvrir les yeux des cinéphiles contemporains. A travers "Le Quai des brumes", puis "Le jour se lève" ou  "Les enfants du Paradis", le réalisateur français impose un style dont les héritiers sont aujourd’hui Tim Burton ou dans une autre mesure Lars Von Trier. En utilisant à merveille les décors d’Alexandre Trauner, Marcel Carné  inscrit son drame dans des lieux ordinaires et comme dénués de vie : la boîte de nuit, inondée de lumière, est peuplée d’hommes et de femmes sombrant dans l’ennui, la cabane au bord de l’eau est le refuge d’un artiste suicidaire et d’un guitariste sans illusions et, enfin, le magasin de bibelots, où aucun client ne s’aventure, est tenu par un homme qui ne comprend pas pourquoi les gens s’aiment… D'autre part, les décors et les personnages désabusés créent une ambiance étonnement poétique. Le style Carné commence à s'imposer.

 

Et puis il y a cet amour impossible entre Jean et Nelly : inscrite dans un monde trop sombre, leur histoire est sans issue. Pour exprimer ce décalage entre leur passion et la réalité, Carné oblige ses héros à se cacher : c’est derrière les planches d’une bicoque que Gabin déclame devant Michèle Morgan cette tirade inoubliable : « T'as d'beaux yeux, tu sais. » Et c’est encore dans l'ombre qu’ils prononceront le mot Amour. A l’opposé des comédies musicales hollywoodiennes, alors très en vogue, au cours desquelles les héros livrent leurs sentiments à la ville entière, la passion de Jean et Nelly ne doit pas s'aventurer dans la rue sous peine d’être à jamais détruite. En mettant en scène ces héros reclus, on ne peut s’empêcher de voir dans l'univers de Marcel Carné l’augure d’une période sombre où les hommes vivront terrés pour affronter le monstre nazi. L’ironie veut que "Le Quai des brumes" fût interdit pendant la guerre : les autorités d'alors accusèrent Carné d’être à l’origine de la défaite de 1940. Ce à quoi le cinéaste riposta  en déclarant : "On ne rend pas le baromètre responsable de l’orage et la fonction de l’artiste est de se faire le baromètre du temps qu’il fait." N'oublions pas qu'en 1938, cette oeuvre est fondatrice de ce style "réaliste-poétique" qui est la marque du réalisateur et influence encore aujourd'hui un cinéaste comme Lars Von Trier. La rencontre du déserteur et de la jeune fille orpheline permet au style de se mettre en place. On le retrouvera plus tard dans "Le jour se lève" avec un semblable éclat.
 

Pour conclure sur cette oeuvre mythique, soulignons chez Carné son goût des archétypes, son intérêt pour les marginaux et son souci de créer une ambiance qui donne à ses films un charme incomparable. Aussi serait-il injuste de l'enfermer dans le musée poussiéreux du cinéma français. Cet opus, aux multiples facettes, connut un succès incroyable dans les salles françaises. Le public, désabusé comme le Jean de Marcel Carné, était en quête de poésie et d’amour. Aujourd’hui "Quai des brumes" doit être vu comme la pierre angulaire d’un cinéma réaliste et poétique qui valut à son auteur d'être classé comme "l'alchimiste du réalisme poétique". Et c'est bien vrai. "Quai des brumes" reste de nos jours l'une des  oeuvres marquante et incontournable du cinéma français.

 

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Jean GABIN - Portrait            Michèle MORGAN

 

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LE QUAI DES BRUMES de MARCEL CARNE
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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 11:28
LES SOUVENIRS de JEAN-PAUL ROUVE

 

Le film commence alors que l'on enterre le mari de Madeleine, la grand-mère du jeune Romain (Mathieu Spinosi) et la mère de Michel (Michel Blanc). La famille est en pleine crise générationnelle  : le petit-fils cherche un premier emploi, le fils va vivre la crise de la retraite et la grand-mère Madeleine (Annie Cordy) va devoir affronter la solitude. Un jour, celle-ci fait une chute et ses trois fils jugent plus prudent de la faire entrer dans une maison de retraite, mais cela n'est pas du tout du goût de la vieille dame. Aussi va-t-elle prendre la poudre d'escampette et partir à la recherche de ce qui, désormais, compte le plus pour elle : son passé. Celui de sa petite enfance s'est déroulé à Etretat où, élève à l'école primaire, la guerre l'a obligée à s'engager sur les routes de l'exode avec ses parents. A l'annonce de sa disparition, la famille est aux cent coups et se culpabilise à fond, mais la malicieuse vieille dame a pris soin d'envoyer une carte postale à son petit-fils qui s'empresse de la rejoindre et de partager avec elle les derniers bons moments d'une vie à bout de souffle. Voilà un film qui a le mérite de tabler sur les bons sentiments et les liens familiaux, sur la relation tendre d'un petit-fils et de son aïeule et qui, à défaut d'une vraie profondeur, nous dispense une fraîcheur appréciable. Certes le scénario, inspiré d'un roman de David Foenkinos, est mince, certes les dialogues restent d'une regrettable banalité, mais le ton est juste, le film sait pointer du doigt nos faiblesses, nos égoïsmes, nos maladresses, nos culpabilités et également nos élans et nos repentirs. Michel Blanc domine avec aisance la distribution dans son rôle de retraité morose et atrabilaire qui traverse une crise identitaire et enquiquine son entourage avec ses états d'âme auprès de sa femme, l'exquise Chantal Lauby, et de son fils, le jeune Mathieu Spinosi. Si le jeune acteur ne crève pas l'écran et ne jouit pas d'un charisme d'enfer, il a su trouver la note exacte auprès d'une Annie Cordy en grand-mère fugueuse dont le jeu m'est apparu trop crispé. Nous sommes loin de l'adorable vieille dame de "La tête en friche"  interprétée par l'irrésistible Gisèle Casadesus.

 

En faisant appel à des sentiments qui nous réconcilient avec nous-même et ne cèdent en rien au pathos, le film, malgré ses faiblesse et ses longueurs, nous fait passer un moment agréable et ce n'est déjà pas si mal en un temps où la violence est partout présente.  Aussi saluons avec sympathie ce troisième opus de Jean-Paul Rouve.

 

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LES SOUVENIRS de JEAN-PAUL ROUVE
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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