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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 09:36
LA CITE INTERDITE DE ZHANG YIMOU

                         
Chef de file d'une nouvelle génération de cinéaste, Zhang Yimou, né en 1950, voit ses études stoppées par la révolution culturelle et se trouve dans l'obligation de travailler deux années dans une ferme et six dans une usine de textile. A 28 ans, bien que trop âgé pour se présenter au concours de l'Institut du cinéma, il arrache une dérogation et obtient son diplôme en 1982.  Il commence alors une carrière de photographe avant de signer, en 1984, les prises de vue de Terre jaune , un film réalisé par Chen Kaige. Après le succès remporté par ce long métrage, Yimou décide de tenter l'aventure et de tourner son premier film. Ce sera Le Sorgho rouge avec Gong Li, une jeune étudiante qu'il déniche à l'institut d'art dramatique de Pékin. Avec ce film, il reçoit l'Ours d'or au Festival de Berlin et fait ainsi entrer le cinéma chinois sur la scène internationale. Ayant épousé Gong Li, le cinéaste et l'actrice, qui ne se quittent plus, vont associer leurs talents dans six autres films dont Epouses et concubines (1991), Qiu Ju, une femme chinoise (1992), Vivre ! (1994) et Shanghai Triad (1995). Zhang y décrit des héroïnes écrasées par un pouvoir, une administration ou simplement le poids de la Chine. La critique, pour souligner le courage du créateur, ne se prive pas de mentionner que ses  films sont interdits dans son propre pays. En 1994, pour avoir présenté Vivre ! à Cannes sans autorisation, Yimou sera obligé de rédiger une autocritique digne des années noires du maoïsme. Depuis lors, le metteur en scène s'est spécialisé dans un cinéma à grand spectacle, d'un esthétisme raffiné à l'extrême et nous offre aujourd'hui, avec La cité interdite, un long métrage ambitieux, le plus cher du cinéma chinois, qui marque ses retrouvailles avec sa muse, la belle Gong Li , dont il s'était séparé il y a une dizaine d'années. Cette tragédie shakespearienne se déroule par séquences de plus en plus belliqueuses, parcourue de rumeurs de couloirs, de désirs coupables et de frustrations, opposant l'un à l'autre, une reine emprisonnée dans le statut étouffant de sa condition et un roi, décidé à se débarrasser d'elle, tant il la sait menaçante et infidèle. Certes, cette histoire d'une dynastie (en l'occurrence celle des Tang), aux prises avec les complots qu'inspire la succession au trône de trois héritiers,  permet au réalisateur d'avoir recours à des compositions esthétiques étourdissantes, afin de nous décrire le faste délirant dans lequel ces dynasties vivaient, à l'intérieur de la cité interdite, où les alliances et les intrigues de palais se faisaient et se défaisaient chaque jour. Si le film impressionne, il lui arrive aussi de céder à l'emphase de par un esthétisme qui frise l'obsession et par des scènes de combat souvent brouillonnes, mais il faut reconnaître au cinéaste le souci de nous décrire, en ses moindres détails, chaque coutume, chaque geste impérial, reflétant, peut-être, l'étrange nostalgie que la Chine contemporaine nourrit à l'égard de son puissant passé féodal.

                      

Au Xe siècle, et jusqu'à la chute de la monarchie chinoise en 1912, les empereurs demeuraient dans la Cité Interdite, véritable ville dans la ville, domaine de 72 ha, qui était considérée comme le centre de la Terre. C'est la raison pour laquelle on la nommait Cité Interdite, associant la cité impériale et le coeur de l'Univers. En définitive, cette fresque historique admirablement reconstituée par une mise en scène grandiose où alternent la grâce des scènes intimes et l'âpre virilité des scènes de combat, les images sublimes, les décors et costumes somptueux, souffre à certains moments de cette surabondance, ce qui la prive d'émotion, mais n'en reste pas moins une oeuvre époustouflante que dirige un metteur en scène virtuose. Elle est aussi une allusion subtile, comme celle que fit autrefois Eisenstein avec Ivan le Terrible, à ceux qui veulent s'emparer du pouvoir par la force et rompent ainsi l'ordonnance du monde et les règles immuables de la loi, plongeant les peuples et les civilisations dans le désordre et le chaos. Car les peuples passent comme les floraisons de chrysanthèmes, mais la loi demeure qui assigne à chacun sa place. Les trois héritiers périront parce qu'ils l'auront enfreinte d'une façon ou d'une autre, de même que la reine qu'un breuvage savant empoisonne à petit feu. Ce sujet difficile prouve avec éclat la liberté d'esprit de ce cinéaste génial qui, par delà  une mise en scène flamboyante, nous adresse un  message exhumé des profondeurs du temps. Gong Li, à nouveau dirigée par un metteur en scène qui la connait mieux que personne, trouve un rôle taillé à sa mesure et resplendit littéralement dans ce personnage de femme partagée entre ses angoisses d'épouse menacée  et d'amante coupable, tandis que Chow Yun-Fat est extraordinaire dans celui de l'empereur, majestueux et inquiétant.  Le metteur en scène sait, par ailleurs, conduire d'une main ferme ses impressionnantes armées de figurants volants qui dans le feu et l'or embrasent l'écran de leurs combats terrifiants et illusoires. Un film qui frise le chef-d'oeuvre s'il n'était pas trop encombré d'effets spéciaux,  mais prouve la vitalité du cinéma chinois. Saisissant.

 

Pour lire les articles consacrés à Zhang Yimou et Gong Li, cliquer sur leurs titres :

 

ZHANG YIMOU - PORTRAIT         GONG LI - PORTRAIT

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA ASIATIQUE

 

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commentaires

E
On arrive parfois à voir ces films sur Youtube, notamment Red Sorgho et Red Lanterns, je vais donc guetter celui-ci, Gong Li me plaît toujours beaucoup...
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A
Une belle actrice, un peu froide. Elle est parfaite dans ce rôle.
F
Très bel article, tout est dit, bravo !
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  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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