Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 octobre 2008 4 09 /10 /octobre /2008 07:52
DAVID LYNCH

                                                       

Difficile de brosser en quelques lignes le portrait d'un homme qui est encore en pleine activité créatrice, sinon de l'écouter parler de lui-même, de ses projets, de ses aspirations, de ses doutes, de ses enthousiasmes, de ses craintes aussi. Comment se voit-il, comment évolue-t-il ? Ce qui est intéressant d'ailleurs avec les films de David Lynch, c'est que contrairement aux Ch'tis, ils ne font pas l'unanimité. Alors comment vit-il ces contestations permanentes ? Certains, après avoir vu "Inland Empire" (2006) se sont inquiétés du taux de drogue que ce dernier avait dû absorber pour avoir une semblable écriture cinématographique ; des cyniques ont proposé que ses oeuvres soient sponsorisées par l'Institut national du sommeil et de la vigilance, alors que les inconditionnels - et ils sont tout de même nombreux - ne manquent pas de tomber en pâmoison à la simple évocation du maître. C'est dire à quel point ce cinéaste est contesté. Du surréaliste "Eraserhead" (1978), son premier long métrage en noir et blanc oppressant, à l'envoûtant "Lost Highway" (1997) ou à l'incantatoire "Mulholland Drive" (2001), en passant par ses productions musicales "Blue Bob" (2002) et "Elephant Man" (1980) où il se confirme comme le peintre des marginaux et des "monstres", David Lynch ne cesse de surprendre,  de dérouter, fasciner et troubler par son oeuvre fantasmée, volontiers construite sur des énigme et qui donnent au moins une idée de la subtilité et de la sensibilité de leur auteur. Et il déroute d'autant plus qu'il privilégie la force de mystère et l'abstraction et montre peu d'empressement dès qu'il s'agit de répondre aux interviews et d'apporter quelques éclaircissements sur son travail.  

 

Aussi est-il impératif de l'écouter lorsqu'exceptionnellement il lève un coin du voile à travers un livre qui oscille entre autobiographie et recueil de pensées : Mon histoire vraie aux éditions Sonatine. De cet ouvrage, il ressort que l'auteur de Twin Peaks est un homme (presque) normal, certainement peu banal qui a étudié aux Beaux-Arts et est resté marqué par cette formation. La preuve en est que, malgré ses oeuvres hantées de meurtres et peuplées de schizophrènes délirants, Lynch ne se considère ni comme un psychopathe, ni comme un maniaco-dépressif. Il est équilibré, écrit-il, ne se drogue que de café et reste émerveillé par les innombrables surprises que la vie ne cesse de nous réserver. S'il nous conte, à travers ses longs métrages, des histoires sombres, c'est simplement parce qu'elles reflètent notre monde qui, contrairement à l'enfer, n'est pas toujours pavé de bonnes intentions...D'ailleurs lui-même pratique assidûment la méditation transcendantale, afin de conserver sa sérénité et sa créativité. En définitive, il n'est jamais qu'un observateur sans concession d'un monde passionnant mais un peu fou. On apprend aussi, en poursuivant la lecture de ce livre, que ses idées poétiques et dérangeantes ne lui sont pas inspirées par ses cauchemars  mais, et je le cite : "qu'elles sont comme des poissons. Les petits sont proches de la surface de l'eau, et les gros...plus beaux, plus purs - nagent en profondeur. Plus votre conscience s'élargit, plus vous plongez loin et trouvez de gros poissons". Vous l'aurez compris, la méditation transcendantale a encore frappé. "Moi" - poursuit-il - "j'utilise cette technique pour attraper des poissons-idées de cinéma, mais il existe toutes sortes de poissons-idées : pour le design, l'informatique, le commerce. Je n'ai pratiquement jamais tiré d'idées de mes rêves. Les poissons, pensez aux poissons". Nous voilà avertis et désillusionnés, tant nous aspirions à un créateur un peu plus déjanté. Il n'en est rien. Remisons notre mythe au grenier. Par contre Lynch admet être un rock'n'roller amoureux de la musique, mais pas un vrai musicien :  "Je tiens avant tout à être libre de faire un film comme je l'entends, de A à Z. Si d'autres personnes s'en mêlent, le projet n'est pas cohérent et devient un échec, comme de fut le cas pour Dune." Lui-même est attristé par les formules qui régissent le cinéma aujourd'hui : "Si vous voulez faire quelque chose, faites-le ! Conservez votre propre voix, et cassez les codes ! Il n'y a pas de règles en art."

 

Contrairement à ce qui avait été dit ici et là, David Lynch ne travaille pas à une suite de "Twin Peaks", ni à une adaptation de "La métamorphose" de Kafka ou du "Lolita" de Nabokov, même si ces derniers projets lui trottent dans la tête. Pour le moment, il se concentre sur la peinture, de nouvelles photos et sa musique. Ainsi que sur un documentaire de la tournée mondiale qu'il a effectuée pour promouvoir la méditation transcendantale. Quant à sa prochaine réalisation, soyons patients, Lynch n'est pas homme à se séparer longtemps de sa caméra. Grand créateur de sortilèges visuels et sonores, il réussit toujours à fasciner son public grâce à une oeuvre fluide et souvent émouvante, avec une imagerie à double face qui ne dédaigne pas de débusquer les nuances de l'ombre et renvoie en permanence à une réflexion sur le cinéma et ses possibles et l'exhibition des apparences. Lynch a toujours enchanté par son sens du mystère.

 

Pour lire les articles consacrés aux Réalisateurs, cliquer sur le titre :

 


LISTE DES ARTICLES - REALISATEURS du 7e ART

 

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 

David Lynch et Isabella Rossellini

David Lynch et Isabella Rossellini

Partager cet article
Repost0

commentaires

B
Artcle bien construit mettant en avant un metteur en scène dont le parcours et l'oeuvre sont hors du commun.
Répondre
A
Cet article se veut simplement une présentation du livre de Lynch chez Sonatine. Ne connaissant que partiellement son oeuvre cinématographique, je ne me sens pas les compétences nécessaires pour lui consacrer un article de fond. Mais merci de ton commentaire.
Répondre
S
Article humble et constructif, qui a le mérite de présenter le cinéaste comme un homme simple ( marre de ce public qui prend le génie pour de l'addiction néfaste, qui pouffe de rire sans chercher à aller plus loin qu'avec des phrases du genre " il a bien fumé " ou " il est complètement taré " ). Cela dit dommage que ton texte ne s'attarde pas vraiment sur les films en eux-mêmes. Petite réserve, donc. Mais ta plume est excellente.
Répondre
K
Intéressant projet qui va a l'essentiel pour présenter celui qui représente pour moi au mieux le fait que le cinéma soit un art avant d'être une industrie. <br /> <br /> J'ai personellement découvert "Eraserhead" tout récemment et ce film a considérablement boulversé tous les codes que j'avais dans ma conception du septième art. <br /> Lynch, c'est un cinéaste qui joue avec nos sens, nos intuitions, nos instincts, nos inconscients, ...<br /> Lynch c'est un cinéma qui crée une ambiance, la fameuse "inquiétante étrangeté" <br /> <br /> J'ai bien envie de découvrir cette autobiographie, pour tenter (même si cela est impossible) de comprendre cet artiste intemporel. <br /> <br /> Bonne continuation
Répondre
B
Un très bon portrait de ce grand metteur en scène qu'est David Lynch et qui nous a souvent offert de grand moment de cinéma.
Répondre

Présentation

  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
  • Contact

Profil

  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

ET SI VOUS PREFEREZ L'EVASION PAR LES MOTS, LA LITTERATURE ET LES VOYAGES, RENDEZ-VOUS SUR MON AUTRE BLOG :  INTERLIGNE

 

poesie-est-lendroit-silence-michel-camus-L-1 

 

Les derniers films vus et critiqués : 
 
  yves-saint-laurent-le-film-de-jalil-lespert (1) PHILOMENA UK POSTER STEVE COOGAN JUDI DENCH (1) un-max-boublil-pret-a-tout-dans-la-comedie-romantique-de-ni

Mes coups de coeur    

 

4-e-toiles


affiche-I-Wish-225x300

   

 

The-Artist-MIchel-Hazanavicius

 

Million Dollar Baby French front 

 

5-etoiles

 

critique-la-grande-illusion-renoir4

 

claudiaotguepard 

 

affiche-pouses-et-concubines 

 

 

MES FESTIVALS

 


12e-festival-film-asiatique-deauville-L-1

 

 13e-FFA-20111

 

deauville-copie-1 


15-festival-du-film-asiatique-de-deauville

 

 

Recherche