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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 09:29
MORTELLE RANDONNEE de CLAUDE MILLER

                        

L'oeil a plus de ressource qu'on ne le croit. Non seulement il épie, il surprend, il caresse, il photographie, mais il accommode sa vision selon ce qui l'arrange et ce qu'il désire. Dans Mortelle Randonnée de Claude Miller (1982), l'Oeil (interprété par Michel Serrault), sobriquet donné à un détective privé, se lance à la poursuite d'une meurtrière (Isabelle Adjani) qu'il croit être sa fille, perdue de vue depuis vingt ans, à la suite de son divorce, et dont il n'a conservé qu'une petite photo d'écolière. Après l'avoir harcelée, il va tenter de la protéger, éliminant ceux qui l'approchent, principalement l'aveugle (Sami Frey) qui souhaite l'épouser. Catherine, tel est le nom de la jeune meurtrière qui assassine ses amants en leur chantant " La Paloma", va tenter de tuer l'Oeil afin de s'en délivrer, mais celui-ci a recours à un leurre et Catherine va réaliser trop tard qu'elle est découverte et, prise de panique, se jeter avec sa voiture du haut d'un parking. Ce n'est que plus tard que l'Oeil apprendra que sa fille - qui s'appelait Marie - est morte depuis longtemps. Le thème de l'oeil abusé, aveuglé, structure l'oeuvre de Miller. Il aime comme dans L'Effrontée (1985), La Petite Voleuse (1988), L'Accompagnatrice (1992) broder des variations sur la fascination : généralement celle d'une adolescente subjuguée par son alter ego qui est, selon les circonstances, une pianiste, une chanteuse, une star, et qu'un regard a suffi à parer de toutes les qualités dont la jeune personne se croit dépourvue. Sur une intrigue, tirée d'un roman de Marc Behm, Jacques et Michel Audiard ont bâti un scénario solide et élaboré un thriller envoûtant qui, mal reçu à sa sortie, fut vite réhabilité et est considéré aujourd'hui comme l'une des meilleures réalisations de Miller, ne serait-ce que pour l'interprétation des acteurs tous excellents et le message proposé par ce polar intelligent d'envisager les choses autrement qu'elles ne sont.

 

Dans le film, l'unique personnage qui soit épris de celle que l'Oeil s'obstine à prendre pour sa fille Marie, est aveugle. Son amour ne doit donc rien à la vision de son objet et tout à l'intuition de ses qualités secrètes qu'il est le seul à percevoir. Jaloux et possessif, l'Oeil éliminera ce rival, mû par la logique de son propre aveuglement et poussera Catherine, qui comprend qu'elle est irrémédiablement traquée, à se réfugier dans le suicide. Ainsi la passion est-elle aussi meurtrière qu'aveugle ! Déjà dans Dites-lui que je l'aime (1977), un amoureux transi tuait celle qu'il aimait après l'avoir revêtue de la robe de mariée qu'il espérait lui voir porter. De film en film, Miller invite le spectateur à ne pas suivre, ni subir, le regard de ses héros, à ne pas être manipulé à son insu et à refuser le regard hâtif des premières impressions, lui suggérant d'avoir recours à son discernement pour se forger une opinion personnelle. Il cherche, en quelque sorte, à réhabiliter le regard intérieur. C'est sans doute dans le rôle de ce détective minable, malheureux et tourmenté, en quête de son enfant perdu, que Michel Serrault a trouvé son plus bel emploi, alors qu'Isabelle Adjani, en icône vénéneuse et en tueuse psychotique, nous surprend par son jeu aux multiples facettes et son personnages aux multiples travestissements. Elle est étonnante au côté d'un Sami Frey égal à lui-même et d'une distribution à tous égards remarquable qui réunit Geneviève Page, Stéphane Audran, Macha Méryl et Guy Marchand.

 

Pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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MORTELLE RANDONNEE de CLAUDE MILLER
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commentaires

V
J'ai toujours aimé ce film, les métamorphoses d'Adjani sont assez géniales, c'est un de ses meilleurs rôles et un des meilleurs Miller avec "La Meilleure façon de marcher" (et ses films de cette époque)... pour les derniers Miller, ça devient de plus en plus dur à voir... Ca commence avec "Le Sourire", très étrange pour le moins... et "la Classe de neige", je n'ai même pas pu voir la fin tellement c'est lourd... "Betty Fischer..." je possède le DVD mais le thème me glace, pas encore regardé!, etc... "La Petite Lily", le dernier, très fade (à mon avis). Pour revenir à "Mortelle randonnée", je n'avais pas noté que le seul homme qu'aime Catherine, c'est celui qui ne la voit pas, c'est ts bien vu, si j'ose dire... L'Oeil lui est insupportable, qui d'ailleurs, ne croit pas une minute qu'il s'agit de sa fille, il fait semblant, lui aussi... Belle idée d'hommage à Serrault en tout cas.
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M
En plus de toutes les qualités citées precedement, il faut signaler que la musique est composeé et dirigee par Carla Bley, grande pianiste de jazz.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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