Quelle idée magnifique d’avoir choisi pour thème celui d’un homme seul confronté à un choix terrible qui met en perspective l’avenir de son pays et ne lui accorde que deux possibilités : céder aux sirènes de la soumission ou résister ! Ces heures sombres sont celles traversées par l’Angleterre du 9 mai 1940 au 4 juin de la même année lorsque Winston Churchill, nommé premier ministre, retourne le pays et la chambre, obtient le soutien du roi Georges VI et décide d’affronter l’ennemi plutôt que d’accepter, comme le désiraient Neville Chamberlain et lord Halifax, de négocier avec lui. Ce sont par conséquent ces heures lourdes de conséquences que relate Joe Wright, d’après le scénario d’Anthony McCarten, dans un opus qui a su unir avec finesse et subtilité la grande histoire et la sphère plus intime d’un homme confronté à un gigantesque défi.
A l’époque Churchill est très critiqué. Il est considéré comme un politicien brouillon qui « a cent idées par jour, dont 96 sont désastreuses », et « n’a qu’une seule conviction : lui-même ». Mais il a pour lui la vitalité, une énergie indomptable, l'intelligence et surtout l’art de convaincre par les mots. « Nous irons jusqu’au bout. Nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et sur les océans, nous nous battrons dans les airs avec une force et une confiance croissantes, nous défendrons notre île quel qu’en soit le prix, nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les terrains d’aviation, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines. Nous ne capitulerons jamais. » - dira-t-il lors de son discours du 4 juin à la chambre des Communes.
Gary Oldman est absolument stupéfiant de réalisme et surtout de sensibilité dans le rôle d’un homme en proie au doute, à la complexité d’une situation inextricable où se joue la survie d’une nation. Il confère à son personnage, fragilisé par son passé et les responsabilités écrasantes qui lui incombent, une humanité bouleversante. A ses côtés sa femme (interprétée par Kristin Scott Thomas) dont le soutien indéfectible lui est si précieux et bientôt celui du roi, remarquablement campé par Ben Mendelsohn, qui l’épaulera durant toute la guerre, demeurant sur place au palais de Buckingham avec son épouse. Mais Churchill le sait : rien ne peut se faire sans l'appui du peuple et c’est à lui qu’il va demander de l’aide, à lui qu’il ne cessera de rendre des comptes durant les pires moments des bombardements, auprès de lui qu’il se tiendra en permanence. Une magnifique scène, qui se déroule dans le métro londonien et qui est totalement imaginée par le scénariste, montre la solitude de l’homme de pouvoir qui vient chercher auprès des petites gens – dont il prend ainsi le pouls - le réconfort dont il a besoin à la veille de prendre une décision qui engage à jamais le pays. Ainsi grâce à des scènes intelligentes et une interprétation remarquable, le film sert avec souffle et ampleur la ténacité de cet homme seul face au destin tragique qui menace sa nation. A une époque où trop souvent les gouvernements cèdent aux sirènes de la facilité et de la démagogie, ce très beau film est une magnifique réponse aux valeurs de courage et de résistance confrontées aux accommodements avec la barbarie.
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