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30 décembre 2006 6 30 /12 /décembre /2006 11:15
LA MESSE EST FINIE DE NANNI MORETTI

                

Avec La messe est finie, Nanni Moretti signait son cinquième film, une oeuvre tout à la fois comique et tragique. Fils d'enseignants, le cinéaste fut, dès son enfance, passionné par le 7è Art et décida de devenir réalisateur à la fin de son adolescence.  En possession d'une caméra super- 8, il commença de tourner des courts métrages et, ainsi que ce le sera pour la plupart de ses film ultérieurs, à les interpréter lui-même et à y mêler les questionnements intimes et les interrogations politiques. Il produit son premier long métrage en 1976 "Je suis un autarcique", regard amusé sur le gauchisme à travers le portrait d'une troupe de théâtre avant-gardiste. En 1978, Ecce Bombo évoque les difficiles rapports d'un étudiant avec son entourage familial. Le film est présenté en Sélection au Festival de Cannes, dont le cinéaste sera, par la suite, un habitué. Puis viennent Sogni d'oro et Bianca qui, l'un et l'autre, confirment une démarche éthique autour d'un personnage unique proposé ainsi de film en film : Michele Apicella.  Don Giulio de La messe est finie n'est que le nom de prêtre d'un individu toujours égal à lui-même. " Après avoir été étudiant, metteur en scène, professeur, il était temps que j'aborde ce personnage, celui du prêtre, qui doit institutionnellement s'occuper des problèmes d'autrui - disait-il lors d'un entretien avec Simon Mizrahi. Et il ajoutait : " La paroisse ressemble un peu au monde de mes films précédents ; mais alors qu'avant je pouvais me replier sur moi-même, ici j'ai le devoir - mais c'est aussi une exigence personnelle - de m'immiscer dans la vie des autres".

 

Ce Don Giulio est un jeune prêtre, qui vient de quitter l'île où il officiait, pour une paroisse de la banlieue de Rome, sa ville natale. Il y retrouve ses parents, sa soeur Valentina et ses amis de jeunesse, mais découvre  une église délabrée, abandonnée par ses fidèles. Cette désertion s'explique lorsque l'on apprend que le prêtre, en fonction précédemment, a quitté son sacerdoce pour se marier et s'installer avec femme et enfant juste en face de son ancienne église. On comprend que ses paroissiens aient pu s'en offusquer, mais, hélas ! il n'y a pas que le comportement de ce prêtre défroqué qui a tout pour surprendre Don Giulio : ses anciens amis se dévoilent jour après jour sous les traits de détraqués et de névrosés. Entre l'homosexuel  inhibé, celui qui est en prison pour actes terroristes, celui qui a tenté de mettre fin à ses jours, tous lui posent des problèmes insolubles et lorsqu'il se tourne vers sa famille, dans l'espoir d'y quérir un peu de réconfort, la situation n'est pas plus brillante : son père quitte son foyer pour vivre avec une autre femme, sa mère se suicide de désespoir et sa soeur lui annonce qu'elle entend avorter de l'enfant qu'elle porte. Devant cette accumulation de situations insupportables, Don Giulio n'arrive plus à se concentrer et à écouter ses contemporains. Leurs sempiternelles histoires de sexe et de violence lui donnent davantage l'envie de leur distribuer des coups que des absolutions. Pire, il réalise qu'il n'est plus d'aucun secours pour personne. C'est alors qu'un moine, revenu de Patagonie, lui parle de l'oeuvre des missions, si bien que Don Giulio, lors d'une célébration de mariage, annonce sa décision de consacrer désormais son existence aux populations indiennes. Il espère que dans ces contrées lointaines, il parviendra à apporter aide et secours aux souffrances et aux attentes de ses fidèles.

 

Moretti aborde le sujet brûlant de la communication devenue de plus en plus difficile entre l'église et les populations détournées de la vie spirituelle par l'emprise qu'exercent sur elles les médias en général et la télévision en particulier. "Moretti est de la lignée de Tati, écrit Serge Daney, dont il a d'ailleurs l'élégance froide et le burlesque ému". Si ses films ont un tel écho en Italie, c'est parce qu'il reformule, pour un public nouveau, les vieux paramètres de la comédie italienne. Ce n'est plus l'individu comme variante à l'intérieur du groupe qui est comique, c'est le groupe improbable que constitue le réseau des individus. C'est pourquoi il serait injuste de reprocher au cinéaste d'être l'interprète de la presque totalité de ses films. Le nombrilisme n'est pas, à proprement parler, un handicap quand il est intelligemment utilisé. Mieux que quiconque, Moretti sait quelles attitudes, quelles expressions sont celles de son héros, quel regard embué d'innocence, quelle voix grondante, pour la raison simple que ce héros n'est autre que lui-même. Il a un don qui ne s'invente pas, celui d'être toujours à côté. Non parce qu'il serait lunaire comme Tati, ou terrien comme Toto, mais parce qu'il voit le monde avec la netteté d'un plongeur sous-marin à qui l'on a expliqué que sous l'eau les perspectives sont truquées. Ce que confirme l'intéressé lorsqu'il confie au journaliste Jean A. Gili " qu'il était intéressé par la difficulté qu'il y a à faire quelque chose pour les autres. Il me semble qu'en fin de compte Don Giulio accepte le choix de sa soeur et de son père plus difficilement que ceux de ses amis qui ont opté pour des comportements extrêmes et radicaux. Donc il commence peut-être à comprendre que la réalité est par malheur et par chance plus compliquée que ce qu'il imaginait et que ce qu'il désirait".



Moretti a fort bien perçu les problèmes de son époque et il nous les renvoie grâce au miroir grossissant de l'image travaillée en ce sens, qui ne fait ni l'économie du comique ni celle du tragique. Le prêtre se trouve ainsi confronté à des individus psychiquement démolis, détruits, en morceaux et ce religieux, qui  ramasse les morceaux, sent bien qu'il est dans le même état, mais que personne ne viendra l'aider et le secourir. Si bien qu'il oscille entre un activisme sans effet et une routine sans conviction. Il se heurte, en permanence, à l'indifférence, plus encore à l'agressivité, la violence, non parce qu'il est inefficace ( il ne l'est pas ) mais parce qu'au sacré qu'il représente, les gens lui préfère le profane, et au prêtre, le psychiatre. Ont-ils peur d'être ? La question se pose, même si le film l'effleure sans le préciser, et préfère jouer d'une réalité désespérante avec humour que de se livrer à une réflexion philosophique. Quand l'homme ne parvient plus à communiquer, à transmettre un message, à comprendre l'autre et à être compris de lui, rien ne vaut plus rien. L'être s'absente fatalement. Il est possible que Moretti ait cette inquiétude, mais qu'il veuille la conserver à distance et qu'il rebondisse, face à l'inéluctable, par une infinité de gags burlesques, émouvants, souvent poétiques. Sa présence envahit l'écran car il semble aussi doué pour la mise en scène que pour l'interprétation. Aussi ce jeune cinéaste est-il de ceux - plutôt rares - qui ont redonné au cinéma italien, en perte de vitesse durant les années 85/90, le goût de lui-même. 

Ce film fut récompensé par l'Ours d'argent au Festival de Berlin.

 

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