Je ne crains pas de le dire, de l'avouer et de le reconnaître que j'ai savouré avec un plaisir tout particulier cet opus charmant et poétique de Woody Allen, oui un cru excellentissime, où la star suprême, l'icône bellissime n'est autre que notre capitale filmée avec amour par une caméra impressionniste qui sait la décliner sous tous les éclairages, ensoleillé, lunaire, fastueux, romantique, usant juste ce qu'il faut, et à touches légères, des clairs-obscurs et de l'éclat pailleté des noirs et blancs. Un film qui renoue avec ce qui a fait de Woody un cinéaste singulier, ironique, déroutant, irrévérencieux, tendre et toujours pétillant, car ce quarante et unième long métrage a un ton, une atmosphère, un je ne sais quoi de vif et de léger qui n'appartiennent qu'à lui. On reconnaît d'emblée un Woody Allen à ce savoir-faire qu'il a su imposer au long d'une oeuvre qui, sans atteindre à chaque fois les sommets, les côtoie avec une incontestable aisance.
Ce millésime est un enchantement, un moment rare où tout vous requiert de l'image, du son, des dialogues, où nulle fausse note ne vient gâter votre plaisir car tout y est en place afin de vous embarquer dans l'illusion où passé et présent fusionnent sans que vous y preniez garde. Tel est le sujet de l'opus : un jeune homme, scénariste américain de passage à Paris avec sa fiancée et ses futurs beaux-parents, rêve de devenir écrivain, considérant qu'il a jusqu'alors galvaudé ses dons et découvre, dans la capitale française, à ses yeux le plus merveilleux concentré d'inspiration qui soit, ce qu'il cherche depuis toujours : l'accession à la mémoire émotive capable de vous faire remonter le temps, de vous remettre en phase avec les plus belles heures de la vie culturelle d'antan. Dans Paris, notre héros hume ce qui lui manque en Amérique : l'ailleurs et l'autrefois. Et il s'en grise.
Comme Cendrillon, quittant sa fiancée qui préfère le Paris contemporain des soirées bien arrosées, des boutiques de luxe et des grands restaurants, Gil, notre héros, s'en va marcher dans la ville déjà gagnée par les ombres de la nuit, faisant de sa balade une ballade nostalgique et envoûtante, un bal des illusions qui s'arrête à minuit sonnant. Tandis que la capitale crêpite de mille feux, que le carillon d'une église égrène les heures, le jeune homme est invité à monter dans la diligence qui, traversant le miroir du réel, le reconduit à l'âge d'or des années 20, celui de Modigliani, Picasso, Hemingway, Dali, Bunüel, Zelda et Scott Fitzgerald, de Cole Porter, de Man Ray et Gertrude Stein, qui n'a cessé d'exalter son imaginaire, tant il est vrai que l'on est rarement satisfait de son époque.
Il fallait oser brouiller les cartes, tailler dans la réalité afin d'habiller la fiction et cela sans rien perdre de sa légèreté et de son humour, dosant d'un doigté habile la facétie. C'est là que Woody Allen est grand. Ne cédant jamais à la confusion des genres et à la facilité, tout s'emboîte à merveille comme des poupées russes et les âges d'or se superposent, s'agencent et nous emportent dans leur carrousel. Ne manquez pas ce film, il est formidable. De la beauté des images à la concision et à la pertinence du texte, à la qualité de l'interprétation, où domine l'alter ego de Woody, l'acteur Owen Wilson qui sans singer l'original fait mieux, il le réinvente selon sa sensibilité, avec un charme plus enfantin, un émerveillement plus naïf, tout est un régal pour les spectateurs que nous sommes. Et c'est ainsi qu'à 75 ans, le vieil adolescent qu'a toujours été Woody Allen, nous démontre, une fois de plus, que le monde des rêves peut produire une superbe réalité cinématographique, de celle dont on ne se lasse pas. Salut l'artiste !
Pour prendre connaissance de l'article consacré à Woody Allen, cliquer sur son titre :
WOODY ALLEN OU UN GENIE TOUCHE-A-TOUT
Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN, cliquer sur le lien ci-dessous :
LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN