Créateur d'images neuves et, en véritable écrivain, soucieux d'une écriture qui traduise le renouvellement des perspectives et les dimensions insoupçonnées apportées jusque dans l'imaginaire par la vision aérienne du pilote, Saint-Exupéry fut forcément tenté par l'écriture cinématographique - nous dit Paule Bounin dans son étude sur "Saint - Exupéry et le cinéma" dans l'un des deux volumes de la Pléiade consacré à l'auteur. Il se trouvait au confluent de ces deux lignes de force de la modernité : les immenses possibilités de l'aviation et celles, tout aussi immenses, de la photographie. C'est pourquoi l'étude des scénarii qui ne sont encore que l'ébauche imaginaire du film, lui paraissait plus intéressante que la lecture des scripts des films projetés ensuite sur l'écran. "Je ne considère point une pellicule comme mon oeuvre. Elle est, en effet, toujours une oeuvre collective issue tant bien que mal de compromis qui ne contentent jamais un auteur et j'évite au contraire avec le plus grand soin d'y attacher mon nom" - écrivait-il, tant il fut, par la suite, déçu des réalisations faites à partir de ses projets et de l'écriture de ses scénariis. " Je ne pus empêcher les producteurs de jouer sur une signature qu'ils ont payée mais je ne joins pas mes efforts aux leurs " - ajoutait-il. Ses nombreux projets cinématographiques, allant du script, prêt à être tourné, à l'ébauche du scénario ou au synopsis hâtivement rédigé, nous conduisent à nous poser la question : Saint-Exupéry aimait-il écrire pour le cinéma ? La réponse doit être nuancée. D'autant que dans sa correspondance, il se livre à des confidences souvent contradictoires sur le sujet : Le cinéma et le journalisme sont des vampires qui m'empêchent d'écrire ce que j'aimerais - avouait-il dans une lettre à une amie datée de 1936. La déception n'empêchait nullement l'espoir de rejaillir à chaque fois, tant il aspirait à trouver le langage approprié, capable d'exprimer ce qui lui tenait le plus à coeur : une action noble conduite par une pensée élevée. Plusieurs films furent néanmoins portés sur écran à partir de ses scénarios : Anne-Marie - Courrier Sud - The conquest of the Air, si bien que les images nous interrogent à la place des mots.
VOL DE NUIT
Ce fut la première oeuvre réalisée aux Etats-Unis en 1933 par Clarence Brown. John Barrimore y tient le rôle de Rivière ; Clark Gable, Myrna Loy et Robert Montgomery font partis de la distribution. Le film sortit à Paris en 1934 et valut à Saint-Exupéry d'être connu d'un plus large public, célébrité que vint confirmer la création par les frères Guerlain du parfum Vol de nuit. Mais le succès du film eut vite fait d'outrepasser les frontières.
ANNE-MARIE
Pour ce film, Saint-Exupéry se chargea lui-même de l'adaptation et des dialogues d'un scénario qu'il avait vendu, au moment d'un voyage qu'il fît en Russie, au réalisateur Raymond Bernard, fils de Tristan Bernard, dont les films font date dans l'histoire du cinéma français. Le film sortit en 1935 avec Annabella dans le rôle d'Anne-Marie, Pierre Richard-Willm, Jean Murat dans ceux de l'inventeur et du penseur. Le succès fut au rendez-vous, au point que le scénario devint un roman bon marché illustré par les photos du film qui parut sous la signature de Jean d'Arganse, avec la mention : " d'après le scénario d'Antoine de Saint-Exupéry.
COURRIER SUD
Dès 1931, Saint-Exupéry avait envisagé une adaptation de Courrier Sud. Françoise Giroud travailla avec l'équipe et dactylographia plusieurs versions du scénario à l'hôtel Lutétia, où Pierre Billon, André Aron, puis Robert Bresson se réunissaient pour faire en sorte de mener à bien le projet. La sortie de Courrier Sud sur les écrans parisiens eut lieu en mars 1937. Ce long métrage fut distribué par Pan Ciné avec pour réalisateur Pierre Billon et directeur de production Georges Lampin. Pierre Richard-Wilm y tenait de nouveau l'un des rôles principaux. Durant l'occupation, le film ne fut exploité qu'en zone libre et son succès nécessairement entravé par la guerre.
THE CONQUEST OF THE AIR
En même temps qu'avait lieu le tournage de Courrier Sud, Saint-Exupéry était entraîné par son ami Jeanson sur un projet qui traiterait de l'histoire de l'aviation depuis ses débuts. L'idée plut à l'écrivain, mais son enthousiasme retomba bientôt car les résultats du tournage, déjà commencé, ne lui parurent pas conformes à ses espérances. Saint-Exupéry aurait souhaité faire participer les survivants de l'épopée aéronautique, alors que réalisateur et metteur en scène préféraient avoir affaire à des acteurs. Le film, ajourné à plusieurs reprises, ne sera réalisé qu'en 1940 par Alexander Korda, d'après le scénario de Hugh Grayaud et Peter Besancent. Le générique mentionna le nom de Saint-Exupéry. Sans plus.
D'autres scénarios furent également abandonnés, dont ceux de "Igor" et de "Un avion s'est égaré", tandis que Jean Renoir, avec lequel Saint-Exupéry aurait aimé adapter "Terre des hommes", ne put, hélas ! faire aboutir le projet, parce que Darryl Zanuck, avec lequel il était sous contrat pour la Fox, fut découragé à la suite des problèmes liés à la construction des décors chargés de représenter le désert de Lybie. Orson Welles, quant à lui, envisageait de réaliser un film d'après "Le petit prince ", mais cela resta à l'état de voeu pieux. Le texte du scénario est conservé à la Lilly Librairy à Idiana University. Cependant en 2004, Stanley Donen a réalisé un film sur Le petit prince, avec pour interprètes Richard Kiley, Bob Fosse, Gene Wilder et Joss Akland, accompagné par les chansons de Alan Jay Lerner et Frederick Loewe. Le DVD est en vente sur internet.
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