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10 décembre 2007 1 10 /12 /décembre /2007 11:00
LA PRISONNIERE DU DESERT de JOHN FORD

                                      

Martin Scorsese l'affirmait "The Searchers" (le titre original) est le plus grand film de l'histoire américaine. Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon ont fait mieux : ils l'ont choisi pour illustrer la couverture de leurs " 50 ans de cinéma ". Et cette image est celle si belle où l'on voit John Wayne de dos s'éloigner dans le désert, homme seul face à son destin. Tout est dit ou posé dans ce plan typiquement fordien : l'émotion, la grandeur, l'interrogation. En effet, cette oeuvre occupe une place à part dans la filmographie de ce grand maître du western. Pour une fois le héros incarné par John Wayne - l'acteur d'élection du metteur en scène avec lequel il a tourné à 24 reprises - n'est plus le représentant des vertus de la nation américaine, mais un homme qui doute, un être ordinaire, courageux certes, mais partagé et complexe qui pose la question de l'exclusion et des différentes formes de haine ; c'est dire que cette réalisation va beaucoup plus loin que le western traditionnel. Les plans de ce film, comme celui qui le clôt, sont particulièrement fouillés pour donner sens sans avoir recours à trop de bavardage et de dialogues : l'image est maîtresse comme il se doit dans le 7e Art, toujours éloquente, souvent lyrique, jamais gratuite. "La prisonnière du désert" se situe dans la lignée des films expressionnistes, tant par le jeu des acteurs que par l'emploi des contrastes, que ce soit ceux des situations ou des personnages, de l'ombre et de la lumière, que le metteur en scène utilise avec virtuosité, tantôt ombre protectrice de la grotte, tantôt lumière intense du désert.

                        


Ce film décrit de façon poignante le trajet d'un héros de tragédie quasi shakespearien aigri par la guerre de Sécession et dont les valeurs personnelles se trouvent soudain en désaccord avec celles de la société en train de se construire. Ethan est encore pénétré de la division entre Nord et Sud qui le pousse à se mettre en dehors des lois et de la société, à exclure et à s'exclure. S'ajoute à cela la division entre blancs et indiens et leur haine partagée. Ce n'est ni plus, ni moins, que le heurt de deux mondes, l'ancien et le nouveau, conflit toujours d'actualité. Si bien que pour s'intégrer, le héros, revenu de ses assurances en l'ordre immuable des choses, n'a plus à offrir que les signes dérisoires de sa gloire passée : son sabre pour son  neveu, une médaille pour sa nièce Debbie et des pièces yankee pour payer sa pension.



On peut dire, par ailleurs, que "La prisonnière du désert" débute là où la plupart des films de Ford s'achèvent. Comment ?  Par une constatation d'échec, obligeant le personnage principal à tout remettre en question, et sa vie et lui-même. Pour cette raison, il est peut-être le plus beau, le plus grand film de son auteur car, sorti en 1956, il annonce déjà les remises en cause politiques des années 60 et 70 et, pour cette raison, n'a rien perdu de sa modernité. Film visionnaire dont l'impact tient à cette force concentrée des images-chocs chargées de nostalgie et de la mélancolie d'un monde dépassé qui n'a pas encore réussi à établir sa relation avec celui qui s'ébauche. C'est l'entre deux-mondes et son poids d'anxiété.



L'histoire est la suivante : Ethan (John Wayne) s'en revient au pays après avoir participé à la guerre de Sécession dans le camp sudiste et à celle du Mexique probablement dans le camp de Maximilien, pour découvrir avec horreur que sa famille a été assassinée, le ranch réduit en cendres et ses nièces enlevées. En compagnie de son neveu Martin (Jeffrey Hunter) et de Brad Jorgensen (Harry Carey Jr), le fiancé de sa nièce Lucie, il s'élance sur les traces des ravisseurs, une tribu Comanche, qui a pour chef le cruel et fier Scar (Henry Brandon). Bientôt ils retrouvent le corps de Lucie qui a été violée puis tuée. Bouleversé, Brad attaque des Indiens et se fait tuer à son tour, tandis que Ethan et Martin poursuivent leurs recherches, parcourant des centaines de kilomètres. Les années passent sans succès jusqu'au jour où les deux compagnons réussissent à atteindre le camp du chef Scar et y découvrent Debbie (Natalie Wood) devenue une vraie indienne. La première réaction d'Ethan est de la tuer, car elle a déshonorée sa famille en devenant la compagne du chef Comanche, mais le camp  est attaqué par un régiment de cavalerie et Ethan en profite pour tuer Scar, le scalpant, alors même qu'il reproche cette tradition sauvage aux Indiens. A la suite de cet événement, revenu à de meilleurs sentiments, il prend tendrement Debbie dans ses bras et la raccompagne auprès des Jorgensen, avant de repartir seul.

 

 

la-prisonniere-du-desert-1956-2684-1950230259.jpg   Natalie Wood

 

Dès la première image - comme je le notais au début de l'article - celle d'une porte qui s'ouvre sur le désert - le film est en place. Le cadre est et sera exclusivement celui de Monument Valley si cher à Ford et, l'époque, les années qui suivirent la guerre de Sécession. Plus que jamais, John Wayne y personnifie un héros ambivalent au visage buriné, qui porte sur ses traits les stigmates de multiples aventures. Saison après saison, refusant d'écouter les conseils qu'on lui prodigue, Ethan poursuit inlassablement la recherche de Debbie, mission sacrée pour laquelle il est prêt à tout sacrifier, car il lui semble qu'il tient là l'ultime cause qui mérite un engagement. Ceux qui ont reproché aux westerns ses héros manichéens découvrent avec "La prisonnière du désert" des personnages passionnés mais également faillibles, épris d'idéal mais déçus, avant que l'écran ne se referme sur le dernier paysage de Monument Valley vers lequel le héros fatigué s'avance au-devant de sa solitude. Fasciné par le personnage qu'il avait eu à interpréter, John Wayne appellera l'un de ses fils Ethan, soulignant l'importance qu'avait eu pour lui ce film inoubliable de John Ford.

 

Pour prendre connaissance du portrait de John Wayne, cliquer    ICI


Pour celui de Natalie Wood, cliquer  LA

 

Et pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :


LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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commentaires

E
Inspiré de l'histoire de Cynthia Ann Parker, qui fut enlevée par les Comanches et qui, lorsque retrouvée, a dépéri, pleurant "sa famille" comanche, dont le grand chef Quanah Parker qui a voulu être enterré près d'elle. Cynthia Ann a vu partie de sa famille massacrée sous ses yeux ce jour-là, et a été plusieurs fois vue par des traders mexicains qui lui proposaient de l'aider à s'enfuir, et elle refusait. Une partie de l'Amérique raciste était horrifiée à cette idée, qu'une blanche (blonde aux yeux gris dont Quanah avait hérité) se sente "une sauvage". D'où ce film aussi...
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A
John Wayne, la sublime Nathalie Wood, Jeffredy Hunter et Vera Miles. Mais également Harry Carey que j'ai beaucoup apprécié aussi beaucoup plus tard dans "Les baleines du mois d'août" réalisé par L.<br /> Anderson. Tant de temps a passé depuis cette découverte de la La Prisonnière du désert. J'ai également ce film quelque part dans les films "à réactualiser" depuis notre passage sur over blog.<br /> J'essaie de remettre des articles à jour après avoir revu les films. Avec "mes collègues" de gym, amateurs de cinéma et de vieux films en particulier, nous avons trouvé une solution. Un pot commun<br /> qui nous permet d'acheter des dvd. Nous les regardons à tour de rôle, et les revendons plus tard via le même circuit. Excellente cure pour une mise modique et du bonheur à la clé ! Bonne soirée<br /> chère Armelle. Je reste un peu déçu que vous ne participiez pas au Festival de Deauville. J'aurais bien aimé avoir vos impressions.
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S
Simple LE chef d'oeuvre de John Ford (parmi tant d'autres), un des 3 meilleurs westerns de tous les temps, et un des trois meilleurs rôles de John Wayne... Majestueux !... 4/4
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M
Un film qui m'a beaucoup marqué dès sa première projection. Je l'ai revu bien des fois sans éprouver la moindre déception tant ce film est bien construit, admirablement efficace et bien interprété.<br /> Les images sont belles comme toutes celles des films de Ford, mais celles-là sont plus fortes et frappent davantage l'imagination car plus chargées de symboles.
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F
La beauté des décors naturels compensent à peine la pauvreté du scénario, pas le meilleur John Ford, loin de là.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
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