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15 décembre 2007 6 15 /12 /décembre /2007 10:40
UN BAISER S'IL VOUS PLAIT d'EMMANUEL MOURET

    

Existe-t-il des baisers sans conséquences pourrait être le titre de ce film d' Emmanuel Mouret  révélé par la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, auteur de  Laissons Lucie faire,   Vénus et Fleur  et  Changement d'adresse  et qui, à travers cette oeuvre pleine de charme, nous propose une série d'interrogations avec une élégance et une fluidité qui ne sont pas sans évoquer le style d'un autre grand metteur en scène, dont il se recommande d'ailleurs :  Eric Rohmer. Cela commence à Nantes par une rencontre entre Emilie (Julie Gayet) et Gabriel (Michaël Cohen) qui passent une soirée ensemble, se plaisent et aimeraient tant se quitter sur un baiser, mais...  y renoncent pour des raisons qui leur sont personnelles, persuadés, qu'on le veuille ou non,  qu'un baiser vous engage. A partir de là, l'histoire peut commencer. Ce baiser, qu'ils se sont interdit, où les mènera-t-il, car il n'est pas sans conséquence non plus de l'avoir désiré ? Nous sommes à n'en pas douter dans une comédie qui n'est pas en adéquation totale avec notre société actuelle, comédie décalée, pleine d'un charme désuet, délicate et en demi-teinte qui évoque volontiers On ne badine pas avec l'amour, d'autant que cette variation bien tempérée sur les sentiments amoureux est servie par des dialogues élégants, concoctés par un cinéaste de la parole et du beau langage. Alors un film à contre-courant ? Sans doute, mais en nous proposant une réflexion sur le conflit passion et raison, parole et acte, vertu et plaisir, Emmanuel Mouret n'oublie pas de renouveler le thème et d'y apporter la contradiction en imbriquant un sujet dans un autre et en donnant vie et actualité à un second récit qui vient s'enchâsser subtilement dans le  premier et nous raconte les amours de Judith (l'excellente Virginie Ledoyen) et de Nicolas interprété par Emmanuel Mouret, lui-même, avec autant de cocasserie et de maladresse que de charme et d'artifice. Cette stratégie en miroir prolonge et amplifie le propos et les dilemmes et situations qui s'y rapportent, donnant lieu à un surprenant épilogue que je me garderai bien de vous révéler.
                    

Ainsi s'établit une métaphore très plaisante dans un style qui mêle habilement finesse et drôlerie, burlesque et romantisme, et où l'art prend toute sa place comme pour mieux nous convaincre que les exaltations de la chair peuvent aussi s'ériger en jeux de l'esprit. Admirablement servi par des acteurs qui se déclinent entre pragmatisme, ingénuité et machiavélisme, ce long métrage, parfaitement maîtrisé, nous offre un spectacle enchanteur, un met délicat mais pimenté, qui est l'une des plus grandes réussites de l'année. Marivaudage sensible et subtil, il se clôt par l'un des plus beaux baisers du cinéma. A ne pas manquer.

 

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13 décembre 2007 4 13 /12 /décembre /2007 10:12
LE RENARD ET L'ENFANT DE LUC JACQUET

            
Auteur d'un film admirable  La marche de l'empereur, Luc Jacquet revient au cinéma avec un long métrage dont l'inspiration est antérieure au précédent, car tiré d'un souvenir d'enfance, quand il demeurait avec sa famille sur le plateau du Jura et se plaisait à vagabonder dans la nature et à y faire d'extraordinaires découvertes. Ces souvenirs l'ont si fort imprégné qu'il décida de commencer des études de biologie avant de changer son fusil d'épaule et de se consacrer à une activité plus esthétisante : le documentaire. Pour autant, il ne se considère pas comme un écologue qui serait venu à la nature par une fibre sensorielle, atavique ou affective. Je ne pense pas avoir de message à transmettre - s'empresse-t-il de dire - mais il reconnaît éprouver une empathie spontanée pour tout ce qui concerne l'environnement. Avant d'expliquer une situation - poursuit-il - d'ériger des lois ou de se montrer pédagogue, il faut aimer, en vertu d'un principe élémentaire : on protège en priorité ce qui nous touche. Et c'est bien ce qui nous charme dans ce film :  le regard d'enfant émerveillé que le réalisateur pose en permanence sur cette nature : une forêt des Abruzes qui ressemble furieusement à celle dans laquelle il a grandi. Au final - avoue-t-il - je me suis retrouvé dans l'Ain que je connais par coeur.  Et puis, ne nous y trompons pas : si l'auteur a choisi pour héroïne une petite fille, elle n'est guère différente de l'enfant qu'il était lui-même à cet âge. Il n'a fait que transposer en prêtant à la fillette ses yeux, ses émerveillements, ses découvertes, ses émotions devant un monde que l'homme semble incapable d'apprivoiser.  Nous appartenons à une société supra-rationnelle qui veut tout comprendre, tout expliquer. Or si le savoir permet d'éliminer l'obscurantisme et les délires, il ne doit pas empêcher l'imagination et l'émerveillement - précise-t-il en des termes qui ne sont autres que ceux d'une profession de foi.            


 

Pour élaborer son scénario et cette histoire de renard, Luc Jacquet n'a eu qu'à se remémorer, d'autant que le renard a une portée symbolique et que le metteur en scène a été un fervent lecteur d'Antoine de Saint-Exupéry et de son Petit Prince ; ainsi s'est précisé ce rapport si idéalement poétique entre l'animal et l'enfant. Esope le mettait déjà en scène dans ses fables et, en 1150, il était pour Pierre Nivard, la projection du vulgum pecus dont on ne voulait pas dire le nom. N'oublions pas que le renard ne se contente pas d'être rusé, mais qu'il a du tempérament, de la suite dans les idées et un fichu sale caractère. C'est donc une star en puissance. Le tournage n'a pas demandé moins de 122 jours sur trois périodes avec pour objectif de mêler l'exigence qualitative de la fiction à la souplesse et au pragmatisme du documentaire. La direction d'acteurs était également nouvelle pour Jacquet et il reconnait volontiers que les débuts ne furent pas faciles. L'adorable petite Bertille Noël-Bruneau, qui fait beaucoup penser, par sa rousseur, à la fillette qui donnait la réplique à Michel Serrault dans  Le Papillon, étant une enfant réservée, il a fallu la conquérir et la rassurer. Par la suite, tout s'est passé au mieux, car elle s'est laissée emporter par l'histoire. Mais cette histoire, quelle est-elle ?


 

Celle d'une enfant qui préfère les randonnées aux consoles de jeux et surprend un jour une renarde qu'elle va apprivoiser et qui deviendra, au fil du temps, son amie secrète. Il lui faudra bien sûr déployer beaucoup de patience et endurer pas mal de déboires avant d'arriver à transformer cette petite bête sauvage en un animal de compagnie. De superbes prises de vue nous font assister à cette lente et irrésistible conquête et  nous prennent à témoin des espoirs, des victoires, mais aussi des peurs de la petite fille, tout en nous plongeant dans un univers animalier qui ressemble à un conte de Noël. Mais c'est justement là que le bât blesse et que réside la faiblesse du film. Ni tout à fait un documentaire puisqu'on sait que la renarde est apprivoisée ( je crois que six renardes ont été utilisées à tour de rôle ), ni tout à fait un conte, l'angle choisi par l'auteur étant trop anthropomorphique pour convaincre, il se trouve ainsi condamné à n'être ni l'un, ni l'autre et en pâtit malgré tout. Il y a bien entendu des scènes délicieuses comme la poursuite de la renarde par un lynx, des instants de découvertes authentiques dans la forêt crépusculaire où le monde animal prend pour l'homme, si éloigné de lui, un caractère effrayant, mais l'ensemble du film comprend quelques lenteurs qui affaiblissent un peu le récit. D'où une émotion parfois évacuée, alors qu'elle était  présente en permanence dans La marche de l'empereur. Néanmoins, tel qu'il est, avec ses temps forts et ses faiblesses, ce film plaira aux enfants petits et grands et les sensibilisera à la nature, ce qui est positif. S'il n'emporte pas ma totale adhésion, reconnaissons à l'objet d'être bien empaqueté et d'offrir de la nature une vision ravissante. Et ce duo enfant et renard a tout de même une saveur exquise.

 

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LE RENARD ET L'ENFANT DE LUC JACQUET
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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 10:21
LES AMOURS d'ASTREE ET DE CELADON d'ERIC ROHMER

           
Qui peut se vanter aujourd'hui d'avoir lu les cinq mille pages du grand roman d'Honoré d'Urfé (1567-1625) : L'Astrée ? Personne ou à peu près, sinon Eric Rohmer, cinéaste cultivé qui en a tiré un pur chef-d'oeuvre : Les Amours d'Astrée et de Céladon ( 2006 ), un film où il a pris soin d'éliminer les mille complications d'intrigues qui chez Urfé venaient sans cesse interrompre le fil conducteur. Redécouvrant l'Antiquité, le XVIe siècle, par la même occasion, redécouvrait la pastorale et ses bergers qui étaient le plus souvent des princes et princesses déguisés et ne pouvaient manquer de passionner les nombreux amateurs de dissertations galantes et d'analyses raffinées. Bref, sans L'Astrée, nous n'aurions eu ni les bergeries de Trianon, ni les Scudéry, ni La Fontaine qui raffolait du roman, ni Rousseau, ni Marie-Antoinette. Seul Diderot s'insurgea contre cette mode désuète des bergers doucereux, mais ce poète manquait de tendresse. Dans Les Amours d'Astrée et de Céladon, Rohmer a pleinement joué le jeu et accepté les conventions des bergers galants et des aimables pastourelles qui, il faut le souligner, devaient plus à la poésie et à la littérature qu'à l'élevage et à l'agriculture. On sent qu'il a pris plaisir à ressusciter ces fictions d'un autre âge et les conventions qui leur étaient affiliées. Comme Théocrite, il nous fait voir une nymphe aux cheveux d'or couvrant son visage et dans un entretien, il a tenu à préciser ceci :  Quand d'Urfé écrit que l'une de ses héroïnes dévoile un sein, je le suis à la lettre, sans en rajouter. Mais la nudité n'est pas proscrite chez d'Urfé, pas plus que dans la peinture du temps.



Autre parti pris de Rohmer : le respect des anachronismes d'Urfé. L'Astrée se passe au Ve siècle dans une Gaule païenne, à peine romanisée, mais les châteaux évoqués n'en sont pas moins ceux d'Henri IV. Le cinéaste se plie à cette convention et le premier instant de surprise passé, le spectateur admet cet anachronisme bien volontiers. Mais, plus que le décor, Rohmer s'est plu à filmer la nature, ses verts bocages, ses forêts profondes et ses bergers d'opéra et à promouvoir la langue française, cette langue d'alors, encore à son orée, avec ses archaïsmes et ses incertitudes. Grâce à quoi, on ne perd pas un mot du texte, ce qui est rare de nos jours.

                    


Au temps des druides, un berger du nom de Céladon et une bergère, la belle Astrée, s'aimaient d'amour tendre, mais ce sentiment partagé aiguisa la jalousie d'un prétendant qui mit à profit la naïveté de la jeune fille pour l'induire en erreur au sujet de son amoureux, si bien que celle-ci, horrifiée par ce qui venait de lui être révélé, congédia son galant qui, de désespoir, s'alla jeter dans une rivière. Mais la Providence veillait et il fut recueilli par des nymphes qui lui permettront de réapparaître aux yeux de sa belle à la condition de traverser une série d'épreuves qui auront pour objectif de briser le mauvais sort dont il était victime. Rohmer renoue ici avec les thèmes qui lui sont chers : ces jeux d'amours déclinés au travers d'une célébration panthéiste et bucolique à souhait.

                       


Le film baigne ainsi dans un climat féerique qui utilise au mieux les ressources de l'imagerie la plus lyrique, de même que la langue la plus poétique, ce qui est le grand mérite de ce cinéaste du verbe qui n'a pas son pareil pour le bien servir. Une fois encore, Rohmer a fait appel à des inconnus pour interpréter les personnages principaux ( Stéphanie de Crayencour et Andy Gillet ) et on ne peut que l'en féliciter, car ils sont excellents et d'une grâce si naturelle qu'il semble avoir été filmés par une caméra invisible. Aucun cabotinage de leur part, mais une élégance délicate, une fraîcheur dans l'attitude qui prolongent l'enchantement. On en conclura qu'un cinéaste gagne à être cultivé et qu'à une époque où la vulgarité s'étale sans pudeur, nous avons beaucoup à apprendre du passé. A cet égard  Les Amours d'Astrée et de Céladon se présentent comme une oeuvre à part, dont on ne peut que louer les beautés et qui a, entre autre mérite, celui d'être une source de réflexion sur la poésie et l'histoire, la littérature et le cinéma. 

 

Pour lire l'article consacré à Eric Rohmer, cliquer sur son titre :

 

ERIC ROHMER OU UN CINEMA DE LA PAROLE 

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, dont Les nuits de la pleine lune et Ma nuit chez Maud, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

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LES AMOURS d'ASTREE ET DE CELADON d'ERIC ROHMER
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1 novembre 2007 4 01 /11 /novembre /2007 11:52
L'HEURE ZERO de PASCAL THOMAS

        

Décidément Pascal Thomas semble apprécier l'intrigue policière à la Agatha Christie. Après Mon petit doigt m'a dit,  il porte à l'écran en 2007  L'heure zéro, que je revisionnais hier soir sur France 2 avec une certaine déception. Un été, Guillaume Neuville (Melvil Poupaud), rentier cynique et extravagant, convie dans sa demeure familiale, un manoir hitchcockien sis à Dinard, littoral breton empreint d'une atmosphère très british, son ex-femme Aude (Chiara Mastroianni) et sa nouvelle compagne Caroline (Laura Smet). Deux donzelles aussi opposées que le feu et l'eau, l'une excessive et jalouse jusqu'à l'hystérie, l'autre passablement mélancolique. La situation amuse un temps la charmante tante qui les reçoit, Camilla Tressillian (Danielle Darrieux), que l'on retrouvera, un matin, dans son lit, le crâne fracassé.
                      

 

Crime parfait ? Qui sait ? Le commissaire Martin Bataille (François Morel), aussi perspicace qu'un rien déjanté et farfelu, au point de friser la caricature, mène l'enquête, écartant au fur et à mesure les pistes les plus évidentes, car l'amusant, dans une narration aussi haute en couleur, est que chacun des personnages aurait pu avoir un motif (non avouable bien sûr) de supprimer l'autoritaire et richissime vieille dame ... Pascal Thomas sait fort bien relever de façon piquante et savoureuse l'intrigue de la romancière anglaise et lui conférer son style personnel, mais il exagère dans le ridicule et, en poussant certains de ses personnage  à l'excès, il finit par les rendre peu crédibles. A mon humble avis, il se joue des codes du genre avec trop de désinvolture, si bien que le film baigne dans une ambiance, certes intemporelle, mais perd de sa force et de sa vraisemblance. Le génie de Hitchcock était de pimenter astucieusement un mets, toujours composé avec une rigueur scrupuleuse. En nous conviant à un jeu de piste haut de gamme, Pascal Thomas se plaît à rendre l'atmosphère désuète, qui n'a d'hitchcockienne que l'ambition, des dîners mondains, des domestiques qui écoutent aux portes, des ascenseurs en panne, et nous dépeint avec des traits de cruauté très justes et une certaine drôlerie une petite société oscillant entre pulsions inavouables et frustrations déprimantes.

                     

Surtout, il a su choisir ses interprètes : bien que Laura Smet en fasse trop (et je pense que le personnage d'Agatha Christie avait peu de points communs avec elle), elle nous dévoile un tempérament comique en endossant le rôle d'une jeune intrigante forte en gueule, mal élevée et sans gêne, face à Chiara Mastroianni, diaphane et silencieuse, tout de noir vêtue, portant le deuil de son amour défunt. Quant à Alessandra Martines, elle est le genre de vieille fille que de nombreux célibataires se plairaient à distraire, sans oublier Danielle Darrieux, en adorable octogénaire opiomane, dont le charme semble inoxydable et plus moderne que celui de bien des comédiennes d'aujourd'hui. Un opus qui, sous les dehors d'une balade estivale, nous plonge dans les tréfonds de la nature humaine au point d'ébranler les certitudes du burlesque  policier. Au final, ce long métrage est un mélange assez peu convaincant d'humour noir et de psychologie, et se contente d'être un divertissement plaisant.
 

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L'HEURE ZERO de PASCAL THOMAS
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11 octobre 2007 4 11 /10 /octobre /2007 09:09
SANS MOI d'OLIVIER PANCHOT

                                                                                              
Libre adaptation d'un roman de Marie Desplechin, Sans moi d'Olivier Panchot est un film maitrisé et sensible dans le meilleurs sens du terme. Sans jamais verser dans le mélodrame et sans maladresse, le cinéaste nous dresse le portrait de deux femmes à l'opposé l'une de l'autre que la vie va réunir dans une étonnante intimité psychologique. Alors qu'Anna est prête à aider Lise à stabiliser sa vie, les circonstances vont soudain la confronter à ses propres failles. Le choix des actrices a été particulièrement judicieux, tant elles parviennent à exprimer, avec justesse et finesse, ce qui les sépare. L'une est assurément une paumée, mais une paumée qui a de l'entregent et du panache et que la jeune Clémence Poésy interprète avec une vitalité débordante et une force de conviction qui l'imposent dès les premières scènes. Face à elle, Yaël Abecassis  joue le rôle d'Anna avec grâce et élégance. Cette jeune mère, qui semble parfaitement s'assumer, contrôler chaque aspect de son existence au point de se sentir en mesure d'aider sa jeune baby-sitter à consolider la sienne, va brusquement découvrir, comme si la jeune femme lui servait de miroir, ses  fragilités, ses zones d'ombre, ses faiblesses. Divorcée, Anna a engagé Lise pour s'occuper de ses deux enfants. Or, celle-ci, a un passé chargé et fait entrer, en même temps qu'elle, dans le monde bien organisé d'Anna, une part de violence et de corruption. Elle va, en quelque sorte, brouiller les repères de celle qui l'héberge. Ainsi le film, comme l'avait fait le livre, décrit-il la confrontation de deux modes de vie, de deux morales, entremêlant respect, apprentissage, entraide, dans un climat délicat de pudeur et de tendresse. Mais, contrairement au roman, le cinéaste s'est attaché davantage au personnage d'Anna, pour la raison qu'il souhaitait se décharger du poids de l'ouvrage littéraire et proposer une perspective radicalement différente. " J'ai décidé très vite - a-t-il dit - d'inverser la proposition du roman : il fallait réinventer la fiction secrète de cette femme. Libre à moi de m'approprier l'intimité du personnage et de la mettre en scène".

                       


Même si les personnages principaux sont des femmes, Olivier Panchot se défend d'avoir réalisé un film féministe ; ce qui comptait, selon lui, était l'authenticité des personnages, l'acuité du regard que l'on posait sur eux.  Je pense - a-t-il dit - aux films de Truffaut, en particulier  "L'histoire d'Adèle H " ou encore " Persona " de Bergman. Je pense aussi à " La leçon de piano " de Jane Campion. Voilà trois trajets de femme d'une force et d'une justesse incroyable. Parmi ces trois films, y aurait-il un film plus féminin ou plus masculin que les autres ?
 


L'action se situe au coeur d'un Paris que le réalisateur, là encore, a souhaité en symbiose avec ses personnages : " J'ai voulu recomposer un Paris singulier autour de l'appartement d'Anna. Il fallait que la perception des lieux soit en phase avec son état psychique. Nous avons fait en sorte de pouvoir tourner dans des rues étrangement désertées, comme en retrait du monde, tout en étant situées à proximité du parc. Il s'impose alors comme un élément perturbateur, un peu sauvage. Le parc des Buttes Chaumont échappe à la rigueur géométrique des jardins à la française, il est plus accidenté, la végétation semble ici plus libre, moins domestiquée".
Quant à la mise en scène, elle mérite tous nos éloges pour sa fluidité, sa luminosité, ses cadrages subtils, sa chorégraphie, nous offrant des images soignées sans jamais sombrer dans un esthétisme trop conventionnel. Le visage, les attitudes des actrices, quelles que soient les scènes douces ou violentes, sont sublimés et Olivier Panchot sait, à chaque instant, tirer le meilleur parti de leurs mouvements et de leurs expressions. Si bien que l'ensemble de ces qualités fait de ce long métrage une oeuvre attachante, un film ouvragé comme une dentelle, sans être précieux pour autant. 

 

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16 septembre 2007 7 16 /09 /septembre /2007 09:04
LE CRABE-TAMBOUR de PIERRE SCHOENDOERFFER

   

Depuis "La grande illusion" de Jean Renoir en 1937, Pierre Schoendoerffer est pratiquement le seul cinéaste français à avoir traité, sous un jour véridique, la guerre et l'armée, trop souvent caricaturées. Or les films de Schoendoerffer ont le mérite d'avoir été nourris par une expérience personnelle irréfutable. Après une jeunesse vagabonde, le cinéaste, né en 1928, s'engage comme volontaire pour l'Indochine et devient photographe, puis cameraman du service cinéma-presse du corps expéditionnaire français. Nous sommes en 1952, il a 24 ans. Pendant trois années, il va filmer à bout portant les opérations et les combats jusqu'à la chute de Diên Biên Phu, où il est fait prisonnier par le Viêt-minh. Démobilisé, il restera en Indochine - devenue le Viêt-nam - comme correspondant de guerre du journal Life. A Hong-Kong, il rencontre Joseph Kessel et avec lui élabore le scénario de "La Passe du diable". Ce film sera tourné en Afghanistan, au milieu de grandes difficultés, et recevra le prix de la ville de Berlin et un succès suffisamment estimable pour que le cinéaste puisse poursuivre sa carrière. Ce seront deux films d'après des romans de Pierre Loti : "Ramuntcho" (1958) et "Pêcheur d'Islande"  (1959). Ces réalisations d'un autre âge furent un fiasco retentissant à une époque où sortaient des longs métrages comme "Les 400 coups" et "A bout de souffle", que les fringants mousquetaires de la Nouvelle Vague réussissaient à imposer à un public déjà gagné à leur cause. Cet échec allait avoir pour conséquence d'éloigner pendant quelques années Schoendoerffer du cinéma, l'incitant à renouer avec son métier de reporter-photographe de grands magazines, travaillant entre autre pour la télévision (Cinq colonnes à la Une).

 

Egalement tenté par l'écriture, il publie "La 317e Section", récit inspiré de ses souvenirs d'Indochine et transforme l'année suivante le roman en un film magnifique, peut-être l'un des plus représentatifs sur la guerre, qui obtient le prix du meilleur scénario au Festival de Cannes en 1965. A partir de là, Schoendoerffer est considéré comme un cinéaste de grand talent et cette réputation ne se démentira pas. Il est vrai que ces histoires de baroudeurs lui conviennent mieux que les romans désuets de Pierre Loti. En 1967 avec "La Section Anderson", filmée sur le vif, le cinéaste décroche une moisson de récompenses, dont un Oscar à Hollywood et le prix Italia. Malgré cela, il attendra dix ans pour produire son neuvième film, se consacrant à l'écriture, où il rencontre le même succès. Influencé par des écrivains comme Conrad et Kipling, il publie un très beau livre "L'adieu au roi", couronné en 1969 par le prix Interallié. Il réitère en 1976 avec un roman puissant et original  "Le Crabe-Tambour" qui obtint, quant à lui, le grand prix du roman de l'Académie française. Ce sera l'adaptation cinématographique de ce livre à succès qui occasionnera le retour de Schoendoerffer derrière la caméra.

 

"Le Crabe-Tambour" est avec "La 317e Section" son film le plus abouti. Le sujet nous ramène aux guerres coloniales, à l'Indochine et à l'Algérie, aux officiers perdus, aux serments non tenus et aux vies brisées par respect de la parole donnée, le goût de l'honneur et du devoir, toutes valeurs tombées en désuétude en ce XXe siècle finissant. Cette fois, Schoendoerffer ne se contente pas de relater les actions de guerre, les actes de courage et la fureur des combats, il a désormais l'ambition de fouiller plus profond, de faire référence à la mémoire, au sens de la vie, au tête à tête avec soi-même et avec la mort.



A bord d'un bateau de la Marine Nationale, chargé d'escorter une septième flottille de chalutiers sur les bancs de Terre-Neuve, le commandant et le médecin évoquent leur passé et le souvenir qu'ils gardent d'un compagnon d'armes, l'enseigne de vaisseau Wilsdorff dit le Crabe-tambour, héros devenu légendaire qui les a marqués irrémédiablement et qu'ils ont connu lors de circonstances différentes : l'un en Indochine, l'autre en Algérie. Tous deux semblent taraudés par un remords : le médecin parce qu'il a laissé son ami repartir seul  sur une vieille jonque avec les dangers que cela comporte ; le commandant parce qu'il a renié l'ami et le compagnon d'armes pour des divergences d'opinions. Pour ce dernier, atteint d'un cancer, le moment revêt un caractère plus tragique et émouvant. Les deux officiers ont choisi la pleine mer afin d'adresser, au-delà du temps et des lieux, cet adieu au héros lointain qui hante leur mémoire. "Le Crabe-Tambour" renoue ainsi avec le sentiment de la grandeur que Schoendoerffer est l'un des seuls à savoir évoquer avec cette force et ce dépouillement. Proche d'un John Ford ou d'un Raoul Walsh, il utilise une mise en scène d'un rigoureux classicisme, toute au service de son objet, avec des plans à couper le souffle de par la simplicité et la sobre beauté qui les a motivés. Le cinéaste fait preuve d'une maturité souveraine qui lui méritera le grand prix du Cinéma français. Admirablement interprété par Jean Rochefort, César du meilleur acteur, Jacques Dufilho, César du meilleur second rôle, Jacques Perrin et Claude Rich, ces quatre acteurs donnent à leurs personnages respectifs et au film une intériorité intense. Ils savent exprimer les interrogations secrètes, les dilemmes, la nostalgie, le sentiment d'abandon, d'inutilité qui ont atteint ces officiers en pleine force de l'âge, figures emblématiques d'un héroïsme militaire voué à l'oubli  auquel Schoendoerffer rend ici un bouleversant hommage crépusculaire. 

 

 

Pour lire l'article consacré à Jacques Perrin, acteur, réalisateur et producteur, cliquer sur son titre :

 

JACQUES PERRIN OU UN PARCOURS D'EXCELLENCE

 

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LE CRABE-TAMBOUR de PIERRE SCHOENDOERFFER
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29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 18:06
CEUX QUI RESTENT d'ANNE LE NY

                 

Une bonne surprise que le premier long métrage d'une jeune cinéaste qui vient enrichir l'affiche très encourageante d'un cinéma féminin de qualité, prêt à assurer la relève des aînés, et que l'on décline de façon jubilatoire avec les noms de Pascale Ferran, Marjane Satrapi, Nadina Labaki et aujourd'hui  Anne Le Ny. Un cinéma qui a cette fraîcheur, mais également cette audace des premières oeuvres, quand elles savent mêler force et tendresse, originalité et innovation et trouver un style, un ton, un souffle.


C'est le cas de Ceux qui restent, histoire d'un homme et d'une femme qui vont se rencontrer, se croiser, se parler, s'apprécier, alors qu'ils se rendent l'un et l'autre au chevet de leur conjoint atteint d'un cancer et en phase terminale ( on ne les verra d'ailleurs jamais ) dans les couloirs tellement neutres d'un hôpital, dans une cafétéria, un kiosque à journaux ou la voiture qu'ils partageront ensuite pour rentrer chez eux. Un film qui aborde  un sujet difficile et le traite entre espérance et douleur, avec autant de pudeur que de justesse. Une page se tourne pour chacun d'eux, creusant un abîme au fond du coeur, tandis qu'un espoir se dessine non sans tâtonnements et atermoiements, grâce à des bribes de phrases échangées, à des regards qui s'évitent et se cherchent, à une pudique relation tissée dans le malheur. Oui, oseront-ils franchir le pas et s'avouer qu'ils se désirent et s'aiment, quand bien même leur conjoint meurt dans la chambre voisine ?

 

Cette valse hésitation fait le charme du film qui dose admirablement  paroles et silences, scrupules et résolution, retenue et hardiesse dans un patchwork étonnant de sentiments. Et puis le metteur en scène a su utiliser au mieux les ressources de deux comédiens formidables : Emmanuelle Devos et Vincent Lindon qui sont Lorraine et Bertrand avec une finesse, une subtilité dont on ne peut que les remercier, tout en félicitant la réalisatrice d'avoir su si bien les diriger et tirer la quintessence de leurs personnages respectifs : lui qui n'est guère heureux à la maison auprès d'une belle-fille et d'une soeur qui ne lui passent rien ; elle, qui se débat au milieu de mille difficultés quotidiennes qu'elle ne sait pas gérer. Avec ce joli rôle de mari triste et dévoué, Vincent Lindon est bouleversant de naturel, alors qu'Emmanuelle Devos montre, à l'inverse, un aspect de sa personnalité plus vif et effronté que dans ses films précédents. Ensemble, ils trouvent leur place dans un drame discret, où la culpabilité apporte sa touche sombre et grave. Un film à voir d'urgence. Emotion garantie.

 

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26 juillet 2007 4 26 /07 /juillet /2007 17:17
SMOKING/NO SMOKING d'ALAIN RESNAIS

                         

SMOKING  : un village du Yorkshire, Celia Teasdale, l'épouse du directeur de l'école, fait son ménage. Elle prend une cigarette... Arrive le jardinier auquel elle se confie : Toby, son mari, boit et la délaisse. Cinq jours plus tard, elle a bien envie de le quitter. Cinq semaines après, un ami l'en dissuade. Cinq années plus tard, le jardinier a épousé la soubrette des Teasdale et Celia s'est fait une raison, alors qu'elle aurait pu refaire sa vie, Toby l'abandonner, ou bien encore la soubrette rendre son tablier et ne pas épouser Lionel, ou bien ou bien...

 

NO SMOKING - Celia Teasdale fait son ménage dans sa maison du Yorkshire. Elle aimerait bien prendre une cigarette mais s'abstient. Arrive Miles, un ami de son mari, et, ensemble, ils se mettent à parler des vices de ce dernier qui boit trop et néglige son travail d'instituteur.. Cinq jours plus tard, lors d'un dîner en tête à tête avec Celia, c'est au tour de cet ami de se plaindre de sa femme Rowena qui le trompe. Cinq semaines après, les deux couples se retrouvent au golf et chacun campe sur ses positions. Cinq ans plus tard, Toby est mort et Miles, l'ami, est parti refaire sa vie en Australie. Mais cela aurait pu se passer autrement : Toby aurait pu rompre avec sa femme, ou bien Miles se tuer lors d'une excursion, ou bien, ou bien...

 

Smoking/No smoking ( 1993 ),  films jumeaux, films gigognes en forme de puzzle dont les pièces s'emboîtent à volonté, part d'une idée simple : tout dans notre vie aurait pu se passer différemment, car elle n'est autre que le produit d'une myriade de possibles, auquel  le jeu du hasard s'emploie à participer allégrement. "Elle ressemble toujours - nous dit Alain Resnais - à une esquisse, à un tableau qui ne sera jamais achevé". Pour développer ce schéma assez banal, le cinéaste décortique huit pièces d'un dramaturge anglais, Alan Ayckbourn, bien connu pour ses expériences de manipulation de la durée. Huit pièces, dont chacune comporte deux fins probables, soit seize combinaisons au total, donnant lieu à de diaboliques échafaudages. Alors même que Resnais ne parvient à l'écran  qu'à nous donner à voir un aimable divertissement avec deux acteurs en face à face - Sabine Azéma et Pierre Arditi - qui endossent à eux seuls tous les personnages. Pour l'une, ce sera tour à tour l'épouse coquette, la mère vénérable, la soubrette astucieuse, l'institutrice à cheval sur les principes. Pour l'autre, le mari intempérant, l'ami empressé, le jardinier énamouré, le père cacochyme. Cela produit une succession de scènes aux bifurcations multiples, dont l'humour n'est pas absent, mais qui reste dans le cadre de la démonstration un peu vaine. Dommage, car Resnais est un cinéaste de grand talent, un amoureux de la belle ouvrage, auquel le jeu des miroirs, avec ses infinités de combinaisons, plait beaucoup. Lecteur assidu de Proust, de Wells et de Borges, il conçoit le travail filmique comme une variation sur le phénomène du temps et les méandres insoupçonnés de la mémoire. Ce qui l'incite à user des théories de Bergson, selon lesquelles l'espace ne serait qu'une projection de notre cerveau qui mémoriserait nos perceptions afin de les adapter aux besoins de l'action. Si bien que le diptyque Smoking/No smoking n'est, en quelque sorte, que l'illustration exemplaire de cette double démarche : théâtralisation des situations et démantèlement de la chronologie.



L'adaptation de cette pièce n'en reste pas moins un défi dans la filmographie de Resnais qui, il est vrai, n'a jamais opté pour la facilité et toujours aimé les sujets difficiles, la réflexion sur des thèmes comme le hasard, le déterminisme, le libre arbitre, qu'il semble traiter ici avec un particulier souci d'équité. En une phrase, nous pouvons la résumer ainsi : un geste banal, ne serait-ce que celui de prendre ou ne pas prendre une cigarette, peut, en cinq secondes, faire basculer une vie dans un sens ou dans un autre. La vie, nos vies sont en permanence ouvertes à tous les possibles et nous jouons continûment aux dés avec notre destin. Ces ramifications entre ce qui pourrait être et ne pas être, aussi complexes et fragmentées soient-elles, donnent lieu à une comédie de moeurs où le marivaudage ne se conçoit qu'à deux personnages, dans un huit-clos finalement trop théâtral. Je regrette que le cinéma, en l'occurrence, n'apporte pas l'ouverture et le renouvellement espéré. Ou bien, c'est du théâtre à part entière, ou bien du cinéma muet, ou bien un livre que l'on ouvre et referme à volonté sur ces deux volets offerts dans l'ordre ou le désordre, ou bien je n'ai pas tout saisi et assimilé, ou bien la composition discontinue a un peu lassé ma bonne volonté, mais, certes, cette réalisation d'un metteur en scène que j'admire n'a pas su pleinement me séduire.



Pour lire l'article consacré à Alain Resnais, cliquer sur son titre :

 

ALAIN RESNAIS OU UN CINEMA DE LA MEMOIRE

 

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L'année dernière à Marienbad

 

Les herbes folles

 

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17 juillet 2007 2 17 /07 /juillet /2007 09:34
MA SAISON PREFEREE d'ANDRE TECHINE

              

Antoine aime sa soeur Emilie qui l'aime en retour. Exclusif, cet amour ne suscite, en apparence, aucune équivoque : leurs rapports demeurent fraternels. Cependant Emilie craint que la chasteté ne soit qu'une étape de leur amour, la dernière avant l'inceste. Pour conjurer cette fatalité, elle se donne à un inconnu, croyant ainsi creuser un abîme infranchissable entre elle et son frère. Celui-ci tente de se suicider mais échoue. Alors, au terme d'un repas familial, comme pour mettre un point d'orgue apaisé et replacer chacun dans la direction qui est sensée être la sienne,  Emilie offre à Antoine cet émouvant poème : " Mais où est donc l'ami que partout je cherche. Dès le jour naissant mon désir ne fait que croître et quand la nuit s'efface, c'est en vain que j'appelle. Je vois ses traces, je sens qu'il est présent partout où la sève monte de la terre, où embaume une fleur et où s'incline le blé doré. Je le sens dans l'air léger dont le souffle me caresse et que je respire avec délice. Et j'entends sa voix qui se mêle au chant d'été ".

 

Car la mort et l'amour cheminent aux côtés des vivants et s'emparent de leur existence sans crier gare. Rien n'est assuré, tout est précaire dans les sentiments qui se saisissent des coeurs et les malmènent. Le cinéma d'André Téchiné sait admirablement témoigner de cette précarité, de cette tension entre le possible et l'impossible, entre l'amour et la haine. " J'aime filmer les sentiments en action " dit-il volontiers. Et il est vrai qu'il confère une intensité maximum à ces instants où tout peut basculer ; où un regard, un mot sont en mesure de changer le cours d'une vie. Réunis autour de leur mère mourante, Emilie et Antoine n'ont pas seulement à faire front à cette disparition prochaine, qui les met en présence de tant de souvenirs partagés, mais également à la nature de leur amour réciproque que leurs retrouvailles se plaisent à aggraver. L'oeuvre du cinéaste, angoissée jusqu'alors, semble néanmoins aboutir avec Ma saison préférée  ( 1993 ) a une conclusion plus sereine, et s'ouvrir sur un été où les personnages finissent par puiser en eux les raisons de leur survie et de leur épanouissement.



Belle méditation sur la vieillesse et la mort ( celle de Berthe la mère ), le film développe une tension psychologique de chaque instant et ajoute, à une écriture fluide, une réalisation discrète et d'une extrême pudeur. Les dialogues sont mis en valeur par une interprétation sans faille : celles de Catherine Deneuve et Daniel Auteuil qui donnent à leurs personnages la gravité et la profondeur requises. Quant à Marthe Villalonga, elle dévoile ici une facette trop méconnue de son immense talent. D'une chaude densité dramatique, le film s'impose comme l'un des meilleurs de Téchiné, à l'instar des Roseaux sauvages  ( 1994 ), chronique d'une adolescence bouleversée par la guerre d'Algérie, traumatisme récurrent dans ses films. Voici résumé  l'oeuvre lyrique et fragile d'un sédentaire inquiet.

 

Pour lire l'article consacré à Catherine Deneuve, cliquer sur son titre :  

 

CATHERINE DENEUVE - PORTRAIT



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MA SAISON PREFEREE d'ANDRE TECHINE
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12 juillet 2007 4 12 /07 /juillet /2007 08:16
INDOCHINE de REGIS WARGNIER

               

Une plantation de caoutchouc en Indochine dans les années trente. Sa direction est entre les mains d'Eliane Devries (Catherine Deneuve), une femme mûre aux idées libérales, menant de main de maître sa plantation d'hévéas, autoritaire et forte, cassante mais blessée et qui, pour toutes sortes de raisons, a choisi de rester célibataire. Son existence, déjà très perturbée par la montée du nationalisme, va être bouleversée par l'arrivée d'un officier Jean-Baptiste Le Guen (Vincent Perez), dont elle tombe amoureuse, ainsi que Camille sa fille adoptive, une petite princesse annamite. Camille (Linh Dan Phan)  va s'enfuir avec lui, traverser le pays en proie à la guerre civile et accoucher d'un bébé dans des conditions difficiles. L'enfant sera récupéré par l'armée française et confié à Eliane, tandis que sa mère opte pour la lutte clandestine. Dix-huit ans plus tard, à Genève, siège de la conférence de la paix, Eliane raconte cette histoire à l'enfant eurasien qui a grandi. Sa mère fait partie de la délégation vietnamienne mais il ne la rencontrera pas.
 


Cette vaste fresque, couvrant plus de vingt ans de l'histoire coloniale de 1930 aux accords de Genève, à travers les destinées d'une poignée de personnages pris dans la tourmente d'un pays déchiré, est certainement le film le plus accompli qui ait été tourné sur le sujet dans les limites de l'imagerie, car il y eut, entre autres, celui très documenté sur le corps expéditionnaire français au Viêt-nam La 317e Section de Pierre Schoendoerffer. La cheville ouvrière de l'entreprise a été le coscénariste Erik Orsenna, prix Goncourt 1988 pour son roman L'exposition coloniale, auquel le producteur Eric Heumann souhaitait tout d'abord confier les rênes de la réalisation du film, mais qui échurent au metteur en scène Régis Wargnier, déjà connu pour deux bons mélodrames, La femme de ma vie et Je suis le seigneur du château.

 

 Avec Indochine , qui date de 1992, le réalisateur va accompagner le narratif de l'écrivain - fasciné par le côté impérial de la civilisation indochinoise - de l'omniprésence des admirables paysages de l'Extrême-Orient, depuis l'île du Dragon à la baie d'Along, qui servent de toile de fond grandiose à cette histoire de violence et de passion, comme le cinéma français en compte finalement assez peu - l'équivalent pour la guerre d'Indochine à ce que fut, pour la guerre de Sécession,  Autant en emporte le vent , toutes proportions gardées.



Orsenna, sympathisant modéré de la cause révolutionnaire qui a écrit le scénario en participation avec Louis Gardel et Catherine Cohen, a voulu rendre hommage au courage d'un peuple humilié en cadrant ce récit autour d'un personnage phare, celui interprété par Catherine Deneuve dans le rôle en or de la femme colon attachée à sa terre. Autour d'elle, figure de proue tutélaire, tourne la ronde des amours contrariés, des conflits raciaux, des trafics d'influence, des guet-apens successifs, des trahisons et des fidélités, monde grouillant que domine également le personnage truculent d'Asselin pour qui seul le profit compte et que campe admirablement le regretté Jean Yanne. Un roman-fleuve exotique, aux partis pris affichés, soit !  mais qui charrie quelques belles pépites. D'ailleurs le public lui fit un accueil triomphal, concrétisé par l'Oscar du meilleur film étranger en 1993 et par cinq Césars la même année. Catherine Deneuve dans le rôle d'Eliane Devries, auquel elle sut prêter une grande autorité, fut nominée pour celui de la meilleure actrice à Hollywood. N'oublions pas Dominique Blanc, merveilleuse actrice qui n'a ici qu'un second rôle, celui d'Yvette, et la touchante Linh Dan Phan en princesse annamite.

 

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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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