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29 mars 2007 4 29 /03 /mars /2007 13:21
SYNDROMES AND A CENTURY de APICHATPONG WEERASETHAKUL

                           

Ce film, d'un jeune cinéaste thaïlandais né en 1970 à Bangkok, présenté en avant-première lors du dernier Festival du Cinéma Asiatique de Deauville, fin mars, avait retenu l'attention admirative des jurés, non sans raison. Car l'écriture de Weerasethakul ne manque ni d'originalité, ni surtout de sensibilité. Ce metteur en scène pratique l'art subtil de procéder par touches légères pour peindre les sentiments, exprimer les élans amoureux ou traduire la mélancolie et la fatale nostalgie qui semblent saisir les personnages à l'évocation du passé. Le film se décline en deux temps : le premier nous décrit l'existence d'une femme médecin et se situe dans un environnement rappelant celui dans lequel l'auteur est né et a grandi, tandis que le second se déroule dans un environnement plus proche du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, ce qui contribue à créer une atmosphère étrange et décalée, comme si nous goûtions à un fruit partagé en son milieu. Si on peut déplorer que le titre du film soit peu attrayant, on ne peut que se laisser prendre au charme un peu lent de cette symphonie naïve et délicate de la vie hospitalière et de ce milieu fermé, sorte d'enclave protégée, où l'homme est plus que nulle part ailleurs mis à nu en ses doutes, ses peurs, ses espérances. Nous sautons les générations  dans un climat où l'affrontement avec la modernité se heurte aux croyances millénaires en des forces célestes qui agissent secrètement et nous dépassent. On sent que le cinéaste peine à faire la part équitable entre l'ancien et le moderne,  l'expérimental et l'ancestral. Et c'est justement ce qui donne au film sa note singulière, sa petite musique personnelle et intime, traversée par le souci d'un rêve irréalisable et permanent qui procure à ce long métrage son unité. Que ce soit médecins ou boudhistes en robe safran, tous n'ont qu'un désir : apporter un peu de réconfort à leurs semblables.  

                        

L'une des causes principales de l'intérêt indiscutable qu'exerce sur nous ce cinéma, venu d'ailleurs, est l'interrogation lancinante à propos de notre devenir, l'inquiétude justifiée à l'égard d'une évolution de plus en plus rapide qui ne tient pas assez compte des aspirations humaines et ne prête aux choses et aux actes qu'une valeur marchande. Cela m'avait frappée lors du Festival de Deauville. Le mérite des cinéastes asiatiques est de savoir nous inquiéter astucieusement sur nos références essentielles, de nous replacer dans le contexte d'un choix décisif, nous prenant à témoin de cette évidence que le monde ne peut avancer dans la bonne direction s'il ne respecte pas les valeurs du passé. Il semble que l'interrogation, particulièrement chère à un auteur comme Weerasethakul, soit la suivante : n'avons-nous pas galvaudé l'héritage de nos ancêtres ? Ne serait-ce que pour cette constante remise en cause, le cinéma extrême oriental, avec des films comme celui-ci, justifie notre admiration et notre sympathie. D'autant qu'ils sont bien réalisés sur le plan technique et remarquablement interprétés par des acteurs qui s'investissent avec ferveur dans leurs rôles.

 

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26 mars 2007 1 26 /03 /mars /2007 09:44
ENSEMBLE, C'EST TOUT de CLAUDE BERRI

                                                                                           

Claude Berri pouvait être heureux de sa dernière réalisation qui était une réussite. "Ensemble, c'est tout"  est une histoire simple, inspirée d'un roman à succès d'Anna Gavalda, véritable hymne à la vie, où se croisent quatre destins ou plutôt quatre solitudes, celle de Camille, jeune fille qui grelotte dans sa mansarde, celle de l'aristocrate Philibert, bègue et timide, de Franck, brave coeur et grande gueule, et de sa grand-mère Paulette, délicieuse octogénaire, qu'il s'apprête à faire entrer dans une maison de retraite. L'amitié, l'amour et la tendresse vont souder ces trois jeunes paumés et cette vieille dame, petite troupe perdue qui se réunit dans un vaste appartement et s'engage dans un nouveau départ avec une perspective enrichie par l'optimisme et la générosité.


Au commencement, il y avait donc ce roman d'Anna Gavalda que Claude Berri avait lu d'une traite et dont il avait acheté les droits : A l'époque, je n'étais pas sûr d'en faire un film, dit-il. Puis je suis parti en vacances en Corse. Je n'aime pas les vacances... Je me suis mis à écrire le scénario. Et plus j'avançais, plus je riais et j'entrevoyais des scènes magnifiques. Après, j'ai proposé à Anna Gavalda de travailler avec moi. Elle a lu le début de l'adaptation. Tout lui plaisait et elle m'a dit : faites-le vous-même !                       

 

Finalement, après avoir pensé à plusieurs metteurs en scène, Berri se décide à suive le conseil de la romancière et à passer lui-même derrière la caméra. "Le roman était très dense, mais je n'ai rien édulcoré. J'en ai plutôt rajouté (...) Tout le monde m'a aidé et tout fait pour me faciliter le travail". Pour le choix des interprètes, le hasard a bien fait les choses. Pour jouer la grand-mère, Berri avait pensé à Tsilla Chelton, la mémorable Tatie Danièle, mais les assurances refusèrent de la couvrir pour un rôle très lourd, si bien que le metteur en scène choisit Françoise Bertin : " Avec elle, j'ai eu un choc. Et dans la scène où elle se déshabille, elle l'a fait sans problème. Elle était heureuse de jouer le rôle".
 


Quant à Audrey Tautou, elle fut une rencontre plus tardive car Berri avait d'abord choisi Charlotte Gainsbourg. Mais cette dernière s'étant blessée dans un accident de snowboard, le rôle revint tout naturellement à Audrey qui l'accepta avec bonheur. Même enthousiasme pour Guillaume Canet, qui correspond si bien au personnage, et pour Laurent Stocker, sociétaire de la Comédie-Française, qui a peu joué jusqu'à présent au cinéma et se révèle être un acteur au charme captivant dans ce jeune homme très vieille France, à la fois raffiné et discret, inhibé et ouvert, que son naturel pousse à s'intéresser à son entourage et à lui venir en aide. La troupe est alors au complet et le film peut débuter dans une ambiance où s'épanouit la générosité des coeurs et où les classes sociales se mêlent dans une heureuse harmonie. Ce film est merveilleusement tonique et revigorant et nous donne une vision optimiste des êtres. C'est beau comme du cinéma et rassurant comme on aimerait que la vie le soit plus souvent. Comme je vous le disais en commençant cet article : une réussite.

 

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23 mars 2007 5 23 /03 /mars /2007 10:44
JACQUES TATI OU LE BURLESQUE REVISITE

                       

Voilà qu'apparaît dans ce cinéma des années 50/60 qui tend à se scléroser un franc-tireur, un inventeur, un acteur comique formé à l'école du mime et du music-hall, admiré de Colette dès 1931, dont le nom est Jacques Tatischeff dit Tati, réalisateur de plusieurs courts métrages et que "Jour de fête" , en 1947, va révéler au public de façon éclatante. "Jour de fête" est son premier long métrage, tourné en extérieur à Sainte-Sévère dans l'Indre. Bien entendu, les producteurs avaient refusé le projet et le film dut être monté en coopérative, grâce à l'appui financier de Fred Orain. L'histoire est toute simple : un village se prépare à sa fête annuelle et les forains commencent à installer leurs stands et leurs manèges. François, le facteur, moustachu et dégingandé, fait sa tournée habituelle sur son vieux vélo - modèle peugeot 1911. Mais celui-ci, après avoir assisté à la projection d'un documentaire sur le service postal aux Etats-Unis, s'est laissé convaincre par quelques farceurs de mettre à profit, pour lui-même, l'efficacité de ces méthodes modernes. Le facteur, qui ne doute de rien, va donc s'y employer dans la mesure de ses moyens et exécuter une tournée-distribution de courrier ultra rapide à l'américaine, bourrée de gags inattendus et d'une efficacité remarquable - créant des situations comiques du meilleur effet, cela dans une atmosphère sonore qui souligne l'image sans la perturber, l'auteur sachant utiliser au mieux un cinéma visuel et non bavard, comme le faisait si bien Charlie Chaplin au temps du muet. Le film terminé, Jacques Tati ne trouve pas  de distributeur et lorsque celui-ci sort enfin en 1949, l'accueil enthousiaste qu'il recueille fait prendre conscience aux producteurs français que le public a mis moins de temps qu'eux à reconnaître le talent du cinéaste et de l'acteur. "Jour de fête" sera d'ailleurs couronné par le Prix du meilleur scénario à la Mostra de Venise et l'année suivante du Grand Prix du Cinéma français. Ce n'est pas le moindre paradoxe. Fort de ce succès, Tati va créer le personnage de Monsieur Hulot, autre silhouette dégingandée mais, cette fois, sans moustache, personnage qui pourrait être le cousin citadin du facteur François, silhouette qui deviendra familière avec son pantalon de toile blanche, son chapeau cabossé, ses chaussettes rayées et ses chaussures de tennis, auxquels s'ajoutera assez fréquemment une pipe. Monsieur Hulot est entré dans notre paysage de cinéphile à bord de sa voiture pétaradante et n'en sortira plus. Dans ce second film "Les Vacances de monsieur Hulot" (1953), on partage avec cet ami extravagant deux semaines de vacances sur une plage bretonne proche de Saint-Nazaire, où nous le voyons semer le trouble par ses maladresses, ses fantaisies, ses manières d'hurluberlu parmi la clientèle de l'hôtel où il séjourne, avec un irrésistible plaisir. Tati a su saisir le rituel des vacanciers et les attitudes estivales de la classe moyenne, à l'heure où notre société entre dans l'ère de la consommation de masse. De cette observation aiguë va naître une poésie du quotidien profondément intelligente, servie par une grande liberté d'écriture qui préfigure déjà ce que sera, quelques années plus tard, la Nouvelle Vague, soucieuse de filmer en temps réel et sur le vif le monde contemporain. Hulot, l'innocent, l'optimiste, le fantaisiste, l'incorrigible gaffeur affirme son individualité à l'égard d'une société dont le conformisme est décapé sans méchanceté par des gags inénarrables.

 

                                                                                   
Aux vacances de Mr Hulot succède "Mon Oncle" (1958), tourné en couleurs. Hulot habite alors une maison tarabiscotée dans la banlieue parisienne en pleine rénovation, envahie de grues et de pelleteuses dans un bruit assourdissant. Célibataire, il est très attaché à son neveu qui habite avec ses parents une villa coquette d'un quartier résidentiel pourvue des derniers équipements et gadgets à la mode. Hulot vient souvent lui  rendre visite et se plait à emmener l'enfant se promener et se distraire. Il en profite pour lui faire découvrir un monde inhabituel, celui des terrains vagues, des jeux où entre une grande part d'imagination. Pour l'enfant, c'est tout bonnement l'apparition d'un univers inconnu où l'on s'accorde quelques permissions et quelques débordements et dont on revient avec les mains sales et les genoux écorchés, au grand dam des parents. En 1958, la France est à l'orée de ce que l'on appellera la société de consommation. Aussi,  pour créer un habitat plus conforme aux normes exigées par la vie moderne, commence-t-on à raser les immeubles insalubres. "Mon Oncle" a été tourné à Saint-Maur et son comique naît principalement du contraste entre le quartier huppé des nouveaux riches (auxquels appartiennent la soeur et le beau-frère de Mr Hulot) et les quartiers anciens, faits de bric et de broc, mais qui ont conservé leur chaleur villageoise. Au conformisme de la modernité s'oppose la poésie des terrains vagues, des chiens errants et du petit peuple de la France profonde. L'utilisation remarquable des sons, du langage, des gags empruntés à la réalité la plus immédiate font de "Mon Oncle", comme des "Vacances de monsieur Hulot", des chefs-d'oeuvre où se tissent étroitement satire du présent et nostalgie du passé. Du progrès, Tati prévoyait en visionnaire les effets déshumanisants et affirmait pour lui-même son inadaptation à une modernité sans âme, dont la jeunesse est la première à souffrir aujourd'hui. Le cinéaste défendait ainsi une certaine idée d'un bonheur paisible, fondé sur des relations humaines harmonieuses et faisait, pour nous en convaincre, exister un  univers conforme au rythme de l'homme.  
Après "Mon Oncle", il va travailler pendant des années à "Playtime", qui coûtera 15 millions de francs et construira, en studio, pour les besoins du film, le décor d'une ville ultra-moderne avec gratte-ciel et buildings industriels en verre et acier. Présenté pour les fêtes de fin d'année 1967, ce long métrage, sorte d'oeuvre testament, après un certain succès de curiosité, va être une catastrophe commerciale dont Tati ne se remettra jamais. Le public ne le suit guère dans les dédales de cette ville où les touristes cherchent vainement le Paris folklorique d'antan. Ce monde kafkaïen les égare, seul Hulot reste Hulot avec son imperméable, son parapluie et son chapeau, mais les disproportions entre ce nouveau monde et l'ancien désorientent complètement les spectateurs pas encore prêts à une anticipation qui les prend de cours. Décidément cette satire mécanique, uniforme et glaciale, déplait aux Français qui entendent, d'une part, goûter aux bienfaits de l'industrialisation et, d'autre part, ne comprennent pas que le cinéaste se soit à ce point endetté pour un film qui n'avait d'autre objectif que celui de les distraire. Tati s'en expliquera par la suite et procédera à des coupures, mais cela ne suffira pas à sauver ce monument incompris qui le ruinera. Truffaut lui écrira à ce propos : "C'est un film qui vient d'une autre planète où l'on tourne les films différemment. Playtime, c'est peut-être l'Europe de 1968 filmée par le premier cinéaste martien, "leur" Louis Lumière ! Alors il voit ce que l'on ne voit plus et il entend ce que l'on n'entend plus et filme autrement que nous". Les soucis pécuniaires et les désagréments qu'engendrera cette oeuvre titanesque, si mal perçue, assombriront les dernières années de vie de celui qui avait cru possible de faire entrer la parodie sur le grand écran pour contrefaire la réalité tragique de la vie, de façon à ce que le rire l'emporte sur l'inquiétude. Tati tournera encore "Trafic" en 1970 et "Parade" en 1974, mais le coeur n'y sera plus. Souvenons-nous que les génies ont toujours tort avant les autres et toujours raison après eux...Il meurt à Paris le 5 novembre 1982.

 

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JACQUES TATI OU LE BURLESQUE REVISITE
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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 09:36
LA CITE INTERDITE DE ZHANG YIMOU

                         
Chef de file d'une nouvelle génération de cinéaste, Zhang Yimou, né en 1950, voit ses études stoppées par la révolution culturelle et se trouve dans l'obligation de travailler deux années dans une ferme et six dans une usine de textile. A 28 ans, bien que trop âgé pour se présenter au concours de l'Institut du cinéma, il arrache une dérogation et obtient son diplôme en 1982.  Il commence alors une carrière de photographe avant de signer, en 1984, les prises de vue de Terre jaune , un film réalisé par Chen Kaige. Après le succès remporté par ce long métrage, Yimou décide de tenter l'aventure et de tourner son premier film. Ce sera Le Sorgho rouge avec Gong Li, une jeune étudiante qu'il déniche à l'institut d'art dramatique de Pékin. Avec ce film, il reçoit l'Ours d'or au Festival de Berlin et fait ainsi entrer le cinéma chinois sur la scène internationale. Ayant épousé Gong Li, le cinéaste et l'actrice, qui ne se quittent plus, vont associer leurs talents dans six autres films dont Epouses et concubines (1991), Qiu Ju, une femme chinoise (1992), Vivre ! (1994) et Shanghai Triad (1995). Zhang y décrit des héroïnes écrasées par un pouvoir, une administration ou simplement le poids de la Chine. La critique, pour souligner le courage du créateur, ne se prive pas de mentionner que ses  films sont interdits dans son propre pays. En 1994, pour avoir présenté Vivre ! à Cannes sans autorisation, Yimou sera obligé de rédiger une autocritique digne des années noires du maoïsme. Depuis lors, le metteur en scène s'est spécialisé dans un cinéma à grand spectacle, d'un esthétisme raffiné à l'extrême et nous offre aujourd'hui, avec La cité interdite, un long métrage ambitieux, le plus cher du cinéma chinois, qui marque ses retrouvailles avec sa muse, la belle Gong Li , dont il s'était séparé il y a une dizaine d'années. Cette tragédie shakespearienne se déroule par séquences de plus en plus belliqueuses, parcourue de rumeurs de couloirs, de désirs coupables et de frustrations, opposant l'un à l'autre, une reine emprisonnée dans le statut étouffant de sa condition et un roi, décidé à se débarrasser d'elle, tant il la sait menaçante et infidèle. Certes, cette histoire d'une dynastie (en l'occurrence celle des Tang), aux prises avec les complots qu'inspire la succession au trône de trois héritiers,  permet au réalisateur d'avoir recours à des compositions esthétiques étourdissantes, afin de nous décrire le faste délirant dans lequel ces dynasties vivaient, à l'intérieur de la cité interdite, où les alliances et les intrigues de palais se faisaient et se défaisaient chaque jour. Si le film impressionne, il lui arrive aussi de céder à l'emphase de par un esthétisme qui frise l'obsession et par des scènes de combat souvent brouillonnes, mais il faut reconnaître au cinéaste le souci de nous décrire, en ses moindres détails, chaque coutume, chaque geste impérial, reflétant, peut-être, l'étrange nostalgie que la Chine contemporaine nourrit à l'égard de son puissant passé féodal.

                      

Au Xe siècle, et jusqu'à la chute de la monarchie chinoise en 1912, les empereurs demeuraient dans la Cité Interdite, véritable ville dans la ville, domaine de 72 ha, qui était considérée comme le centre de la Terre. C'est la raison pour laquelle on la nommait Cité Interdite, associant la cité impériale et le coeur de l'Univers. En définitive, cette fresque historique admirablement reconstituée par une mise en scène grandiose où alternent la grâce des scènes intimes et l'âpre virilité des scènes de combat, les images sublimes, les décors et costumes somptueux, souffre à certains moments de cette surabondance, ce qui la prive d'émotion, mais n'en reste pas moins une oeuvre époustouflante que dirige un metteur en scène virtuose. Elle est aussi une allusion subtile, comme celle que fit autrefois Eisenstein avec Ivan le Terrible, à ceux qui veulent s'emparer du pouvoir par la force et rompent ainsi l'ordonnance du monde et les règles immuables de la loi, plongeant les peuples et les civilisations dans le désordre et le chaos. Car les peuples passent comme les floraisons de chrysanthèmes, mais la loi demeure qui assigne à chacun sa place. Les trois héritiers périront parce qu'ils l'auront enfreinte d'une façon ou d'une autre, de même que la reine qu'un breuvage savant empoisonne à petit feu. Ce sujet difficile prouve avec éclat la liberté d'esprit de ce cinéaste génial qui, par delà  une mise en scène flamboyante, nous adresse un  message exhumé des profondeurs du temps. Gong Li, à nouveau dirigée par un metteur en scène qui la connait mieux que personne, trouve un rôle taillé à sa mesure et resplendit littéralement dans ce personnage de femme partagée entre ses angoisses d'épouse menacée  et d'amante coupable, tandis que Chow Yun-Fat est extraordinaire dans celui de l'empereur, majestueux et inquiétant.  Le metteur en scène sait, par ailleurs, conduire d'une main ferme ses impressionnantes armées de figurants volants qui dans le feu et l'or embrasent l'écran de leurs combats terrifiants et illusoires. Un film qui frise le chef-d'oeuvre s'il n'était pas trop encombré d'effets spéciaux,  mais prouve la vitalité du cinéma chinois. Saisissant.

 

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ZHANG YIMOU - PORTRAIT         GONG LI - PORTRAIT

 

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14 mars 2007 3 14 /03 /mars /2007 21:12
ANGEL DE FRANCOIS OZON


Film très attendu, Angel raconte l'histoire d'une jeune romancière anglaise au début du XXe siècle qui, après avoir connu une gloire passagère et vécu la plus grande partie de sa vie dans l'illusion permanente, retourne à l'anonymat et sombre progressivement dans la déchéance. Avec ce film,  François Ozon signe pour la seconde fois une adaptation littéraire. Celle-ci est tirée d'un ouvrage de l'écrivain britannique Elisabeth Taylor (1912 - 1975), publié en Grande-Bretagne en 1957 et en France en 1991. Elisabeth Taylor s'était elle-même inspirée de la vie de Marie Corelli, un auteur de romans à l'eau de rose, très populaire à son époque ( la reine Victoria était l'une de ses ferventes lectrices ), et, ce, malgré que les critiques les plus acerbes ne se soient pas privées de la moquer à longueur de colonnes. Ses livres avaient du moins eu le mérite de plaire un certain temps, jusqu'à ce que l'indifférence s'installe et que cette oeuvre médiocre tombe définitivement dans l'oubli.

                      

Pour cette réalisation, Ozon a porté son dévolu sur Romola Garai, après avoir pressenti Nicole Kidman. On avait déjà vu cette jeune actrice dans Dirty dancing 2 et dans Scoop de Woody Allen. Ce qui a finalement déterminé le choix du cinéaste est que l'actrice a tout de suite été emballée par le personnage, malgré ses excès et ses ridicules. Ozon le précise en affirmant qu'elle n'a pas eu peur de la dimension parfois grotesque d'Angel Deverell et qu'elle a su lui prêter une séduction, une candeur avec ses grands yeux d'enfant rêveuse. De plus, ajoutait-il, elle se sentait attirée par ce personnage de poupée capricieuse et puérile, dont le drame se vit dans l'illusion et le factice et qui finit par transformer son paradis en enfer.

                     

Ozon s'est toujours plu dans le pastiche ironique, se refusant toutefois à de coupables facilités. Depuis le début de sa carrière, l'amour et la mort ont été ses thèmes de prédilection, au point que ceux-ci reviennent de manière récurrente dans son univers singulier, déjà riche de 8 longs métrages et de 16 courts métrages. Dans Regarde la mer, Sitcom, Les amants criminels, Gouttes d'eau sur pierres brûlantes, Sous le sable, Huit femmes, Le temps qui reste, la mort est déjà présente, ainsi que l'amour fatalement contrarié et impossible. Influencé par un cinéaste comme Rainer W. Fassbinder, avec lequel il partage le même désir de subversion parodique, il entend conserver au coeur du mélodrame une rigueur formelle. L'excentricité n'est là que pour mieux faire ressortir ce qu'il y a de distancé dans cet apparent mélange des genres et dissimuler, autant que faire se peut, l'intime inquiétude du réalisateur. Ne vivons-nous pas constamment dans l'illusoire et le virtuel, les faux-semblants et le mensonge ? Avec Angel la question se pose avec plus d'acuité encore.
 

                        

" J'ai tout de suite senti que l'adaptation de ce livre était l'occasion de me confronter à un univers romanesque et que cela pouvait donner lieu à une grande épopée dans la tradition des mélodrames des années 30/40, racontant la destinée d'un personnage flamboyant sous forme de grandeur et décadence. Et puis je suis tombé amoureux du personnage d'Angel qui m'amusait, me fascinait et finalement me touchait profondément" - a déclaré François Ozon, lors du dernier Festival de Berlin. Pour adapter cette oeuvre romanesque, il s'est assuré la collaboration du dramaturge britannique Martin Crimp. La précision historique est donc respectée, mais parfois reléguée au second plan par une surcharge un peu vaine et le faste des somptueux décors et costumes. On retrouve, chez le Ozon de la première partie du film, baroque et foisonnante, la magnificence du Ophuls de Lola Montès. Passé le temps de gloire, où la jeune femme dépense sans compter, voulant tout acheter et tout posséder, Ozon dépouille sa mise en scène et ralentit le tempo pour aborder le temps de la déchéance, si bien que l'espace se rétrécit et que l'on voit l'héroïne se replier sur les blessures que la vie ne va plus cesser de lui infliger. Tout est donc voué à se perdre ? La caméra du cinéaste change de registre, fouaille les abîmes intérieurs d'une femme confrontée soudain aux doutes et à la souffrance. Le manège s'est arrêté de tourner dans l'euphorie et les rires, tout se délabre et  nous voyons cet Icare féminin se briser les ailes sous le regard impitoyable et scrutateur de la caméra. Il y a beaucoup de cruauté dans cette vision ambiguë d'une Angel tantôt princesse en représentation constante, monstre d'égocentrisme et de vacuité mondaine, artificielle et exaspérante et, soudain, cette femme prenant chair sous l'effet de la douleur. C'est là tout l'art d'Ozon qui, subjugué par le pire, ne peut se satisfaire d'un conventionnel trop redoutable à ses yeux, et entend  nous entraîner au coeur d'un cyclone psychologique qui se révèle être une tragédie personnelle. On comprend mieux, à la démesure de cette oeuvre, les capacités de renouvellement et d'invention qui sont les siennes. Charlotte Rampling, déjà présente dans deux de ses films, est magnifique de froideur acidulée face à Romola Garai, véritable tornade de charme et d'odieuse vanité qui rappelle parfois la Vivien Leigh d'Autant en emporte le vent.  Les deux histoires ne sont pas sans certaines similitudes : les amours contrariés, la guerre qui se déclare, l'amant qui s'éloigne, les lumières qui s'éteignent... Mais la comparaison s'arrête là. Scarlett avait ceci de plus qu'Angel : elle aimait sa plantation, elle avait un but, sauver son domaine, sa terre, alors qu'Angel n'en a jamais eu d'autre qu'elle-même. C'est là son drame. Curieux, par ailleurs, que la sortie de ce film coïncide avec l'arrivée de la jeune navigatrice Maud Fontenoy à la Réunion, dont le magnifique exemple nous invite à croire qu'il y a en tout homme quelques chose de plus que lui-même. 


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12 mars 2007 1 12 /03 /mars /2007 14:11
ANDRE CAYATTE,UN CINEMA PLAIDOYER

                                                                                                                                                              
En cette époque de l'après-guerre, où des ministres communistes étaient entrés au gouvernement, les cinéastes de gauche s'attachèrent à un cinéma presque exclusivement consacré aux problèmes sociaux, comme ce fut le cas pour Le Chanois, Louis Daquin et Robert Menegoz, veillant à ce que la forme cinématographique soit au service du message, c'est-à-dire du sujet. Cette préoccupation se retrouve chez André Cayatte, qui ne se réclamera pas d'une idéologie de la vérité prolétarienne, ni du néo-réalisme, mais portera son combat sur des faits de société, les problèmes de la culpabilité et les rapports de l'individu avec le système judiciaire. Né en 1909, André Cayatte, licencié ès lettres et docteur en droit, fut d'abord avocat, journaliste, romancier, puis scénariste- dialoguiste sous l'Occupation. Il fait ses débuts de réalisateur avec "La fausse maîtresse" (1942), adaptation  libre d'une nouvelle de Balzac, qui sera suivie l'année suivante de "Au bonheur des dames" (1943), d'après Zola et de "Pierre et Jean" (1943) d'après Maupassant. En peu de temps, Cayatte devient un cinéaste populaire, dont les films, sans ambition, plaisent au public qui a besoin de se distraire en ces années difficiles. En 1947 avec "Le dessous des cartes", il produit une affabulation autour de la sombre affaire Stavisky, l'un des scandales politico-policiers de la IIIe République et prend un tournant en 1949 avec "Les Amants de Vérone", version modernisée du Roméo et Juliette de Shakespeare dans l'Italie de l'après-guerre, qui retrace l'histoire d'un amour contrarié par une famille bourgeoise décadente, épave du régime fasciste. Jacques Prévert avait participé à l'adaptation du scénario et écrit les dialogues. Tourné en Italie, on peut y voir une résurgence du réalisme poétique, où la pureté et l'idéalisme des deux héros, interprétés par Anouk Aimée et Serge Reggiani, seront sacrifiés par les forces sociales malfaisantes.

 

Avec "Justice est faite" (1950) s'ouvre la série de ses films à thèse qui va mériter à leur auteur la notoriété et est destinée à permettre au public de prendre conscience des imperfections de l'appareil judiciaire. L'histoire est celle d'une femme qui accepte de mettre fin aux jours de son amant atteint d'une maladie incurable, afin de lui éviter des souffrances inutiles et pose ainsi le problème de l'euthanasie dans les cas totalement désespérés. Le scénario écrit par Charles Spaak (comme le seront les suivants) se concentrait sur les événements déterminant la positions et le comportement des jurés, le film étant bel et bien construit et mené comme un mélodrame à rebondissements, chargé d'expliquer la difficulté de juger en son âme et conscience un acte criminel où entrent en jeu les sentiments et la morale. Le film fut certes critiqué, les uns considérant que Cayatte se comportait comme un redresseur de torts, mais personne ne put nier l'impact que le film ne manqua pas d'avoir sur les spectateurs, le cinéaste ayant le don des artifices dramatiques et des agencements romanesques. "Justice est faite" reçut d'ailleurs le grand Prix à la Mostra de Venise.  En 1952, Cayatte se remet à l'ouvrage et tourne "Nous sommes tous des assassins", vibrant plaidoyer contre la peine de mort. Le Guen, interprété par Mouloudji, après avoir participé à la Résistance, est devenu homme de main et continue, bien que la guerre soit terminée, à user de ses armes pour mener à bien ses crapuleuses actions. Il est jugé et condamné à mort et retrouve en prison trois autres détenus : le docteur Dutoit (Antoine Balpétré) qui a empoisonné sa femme mais le nie, Gino, le Corse, (Raymond Pellegrin) qui a abattu des opposants lors d'une vendetta et Bauchet (Julien Verdier), brute inculte, meurtrier de son propre enfant. Avant de monter à l'échafaud, chacun exposera son cas personnel et, derrière les crimes horribles, se feront jour le manque de racines familiales, la misère, l'ignorance, la promiscuité, car rien n'a changé sous le soleil. Sauf que la peine de mort a été abolie et, qu'en la matière, le film de Cayatte en fut le précurseur à grand renfort de scènes chocs qui produisirent l'effet recherché. Prix spécial du jury au Festival de Cannes, ce long métrage eut une influence considérable sur l'opinion publique. Même ceux qui lui reprochèrent son absence de style - c'est du cinéma oratoire illustré - écrivirent des critiques, hésitèrent à l'attaquer sur le plan des idées. En 1953, "Avant le déluge" sera encore plus contesté. Ce film décrivait avec exactitude la panique qui régnait dans certaines couches de la société à la perspective d'une troisième guerre mondiale et prenait pour intrigue un fait divers authentique : celui d'une bande d'adolescents qui, désirant fuir en Polynésie, n'hésitait pas à commettre des vols afin de se procurer l'argent nécessaire au voyage. Mais voilà qu'un soir, l'affaire avait mal tourné et que les jeunes, dans leur panique, avaient été jusqu'à abattre un gardien de nuit. Le thème, plus compliqué que le précédent, à cause de l'imbrication de plusieurs histoires dans l'histoire, mettait néanmoins en lumière, de façon intéressante, la grande peur suscitée par la guerre de Corée. L'objectif du film était d'étudier les problèmes d'une délinquance juvénile consécutifs au climat que faisaient régner la menace atomique et  la guerre froide. Or, dans le souci d'exonérer cette jeunesse d'une part de ses torts, le cinéaste en attribuait la responsabilité aux adultes, à l'égoïsme social et au manque d'éducation, cela jusqu'à la caricature. André Bazin publia dans Les Cahiers du Cinéma, un article qui fit autorité et dans lequel il déplorait un manichéisme outrancier. Les critiques, dans leur ensemble, estimaient que la représentation de la jeunesse et des adultes n'était pas conforme à la réalité et que le cinéaste avait chargé d'une noirceur excessive les personnages, par ailleurs admirablement interprétés par Bernard Blier, Isa Miranda, Paul Frankeur et Antoine Balpétré. Le film n'en remporta pas moins un succès de curiosité et, dans la foulée, Cayatte, en 1955, tourna Le dossier noir qui, une fois encore, mêlait dans un mélodrame habile les rapports de classe, l'étude des moeurs et le suspense psychologique, de manière à convaincre le public de la faiblesse et des tares de la Justice. Le réalisme théâtral, la réalisation emphatique eurent le don d'exacerber l'ironie de François Truffaut qui écrivit : " C'est une chance que Cayatte ne s'attaque pas à la littérature ; il serait capable à l'écran d'acquitter Julien Sorel ; Emma Bovary en serait quitte pour la préventive et le petit Twist irait se faire rééduquer à Savigny".

 

 
Est-ce cette presse offensive qui décida momentanément Cayatte à changer son fusil d'épaule ? Toujours est-il qu'en 1958, il offre au public un film émouvant, drame psychologique sur la transformation d'une femme laide par la chirurgie esthétique Le miroir à deux faces, où Bourvil, comme je l'ai écrit déjà, se révélait bouleversant au côté d'une Michèle Morgan belle et diaphane. Nous tenions là, selon moi, le meilleur Cayatte, sobre, efficace. On ne peut nier, par ailleurs, les bonnes intentions de ses autres films qui tous furent à l'origine de débats de société passionnants et rendirent sensibles des dossiers urgents qui, sans eux, auraient peut-être mis plus de temps à se solutionner. Mais le traitement cinématographique de Cayatte, violemment didactique, puis de  Yves Ciampi et de Ralph Habib qui lui emboîtèrent le pas,  reste malheureusement conforme aux critères commerciaux les plus avérés. Ce qu'il nous faut retenir de ce metteur en scène - il est vrai plus avocat que cinéaste - ce, malgré ses excès, c'est qu'il suivit toujours une pensée directrice et que, pour cette seule raison, il est un auteur du 7e Art. Il mourut à Paris le 6 février 1989, après avoir rédigé 6 romans et réalisé 35 films, dont le très touchant "Mourir d'aimer" (1970), inspiré lui aussi d'un fait divers, qui narrait l'histoire dramatique d'une jeune enseignante amoureuse de l'un de ses élèves et offrait à Annie Girardot, admirable dans ce personnage, l'un de ses rôles les plus poignants.



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10 mars 2007 6 10 /03 /mars /2007 09:32
BERNARD BLIER - PORTRAIT

                      

Bernard Blier naquit le 11 janvier 1916 à Buenos Aires où son père, biologiste à l'Institut Pasteur, était en mission. Revenu en France, il est élève au lycée Condorcet jusqu'au baccalauréat. Ne souhaitant pas poursuivre d'études supérieures, il s'inscrit à des cours d'art dramatique où il aura pour professeurs Julien Bertheau et Raymond Rouleau. Recalé à trois reprises à l'entrée au conservatoire, il persévère, finit par intégrer la vénérable institution et entre dans la classe de Louis Jouvet , dont il saura retenir les leçons. En 1938, Carné lui confie un rôle de cocu, qui convient à son physique ingrat, dans Hôtel du Nord, mais la guerre éclate et il est fait prisonnier. Il s'évade, regagne la capitale où il retrouve des amis du métier et ne tarde pas à reprendre le chemin des studios. Clouzot en 1947 lui offre une seconde chance avec un rôle dans Quai des Orfèvres, ensuite ce sera le tour d'Yves Allégret dans Dédée d'Anvers au côté de Simone Signoret. Il est lancé ; dès lors  il ne cessera plus de tourner et va apparaître sur les écrans, de façon magistrale, durant un demi siècle.  Il participera à toutes les mouvances du cinéma, depuis le cinéma poétique du tandem Carné/Prévert d'avant-guerre, le réalisme noir d'Allégret et de Clouzot, le réalisme social de Le Chanois, Autant-Lara et Cayatte, jusqu'aux comédies policières des années 60 et aux films des réalisateurs contemporains comme Alain Corneau ( Série noire ), Alain Poirié et son fils Bertrand Blier avec lequel il tournera trois films : Si j'étais un espion (1967), Calmos (1976) et Buffet froid (1979).


 

Il faut admettre qu'il avait été bien formé et, qu'acteur complet, il jouait avec le même bonheur sur scène, dans des pièces comme : L'Amant de paille, Monsieur chasse et Douze hommes en colère, que devant une caméra. Mais c'est tout de même au 7eArt qu'il devra sa renommée, puisqu'il apparaît dans plus de 170 films, marquant de son épaisseur, de son regard qu'il pouvait rendre étrangement fixe et de sa voix particulière, qui savait à l'occasion se faire gouailleuse, mais dont la diction était irréprochable ( le conservatoire était passé par là ), les innombrables personnages qu'il a interprétés. Seule la Nouvelle Vague l'ignorera superbement, on ne sait pourquoi  ? Peut-être cet acteur, doté d'une telle intensité de jeu, leur rappelait-il trop le cinéma dit de qualité de leurs pères, auquel ces jeunes loups entendaient tordre le cou ? Il y eut bien quelques projets avec Truffaut, Chabrol et Godard, mais aucun d'eux n'aboutit.


                    
Dès Manèges et L'école buissonnière, il avait confirmé un talent original, parfaitement maîtrisé. Mais son physique le cantonnera longtemps dans des rôles de mari trompé ou d'amant bafoué qu'il endossait avec sérénité, jusqu'à l'âge de 50 ans où, libre de lui-même, il s'aventurera avec succès dans des rôles très divers, voire des contre-emplois.  Il disait qu'il aimait à observer et qu'ainsi il fit son miel. Et il est vrai que l'éventail de ses possibilités ne cessa de s'élargir : il fut successivement un lâche, un dur, un tendre, un désemparé, un déserteur, un pauvre type et, cela, en respectant le ton, en maintenant la note, en usant de subtilité et, étonnamment, de force et de puissance, tant il apportait à ses personnages une incontestable crédibilité, au point que les cinéastes français, et bientôt italiens, se l'arrachèrent. On aimait la rondeur bon enfant et les ambiguïtés de cet acteur capable de se montrer aussi convaincant dans le registre comique que tragique.  Il fut désopilant dans Les tontons flingueurs et Les barbouzes de Lautner auprès de Lino Ventura, imprévisible et drôle dans les dialogues que lui concoctait Michel Audiard, dont il était l'acteur fétiche, autant que magnifique de sobriété dans les films de Visconti ( L'étranger ), Corbucci ( Boccacio ), Monicelli ( Les camarades et Casanova ), Paolo Nuzzi ou encore Ettore Scola. Face à un monstre sacré comme Gabin, il faisait le poids et on ne peut oublier le duo qu'ils formèrent dans Les Grandes Familles de Denys de la Patellière ou Le Président d'Henri Verneuil. Sa filmographie est impressionnante et on comprend pourquoi il fut l'un des acteurs les plus populaires, malgré une vie discrète entièrement vouée au théâtre et au 7e Art.



Sa dernière apparition date du 4 mars 1989, quelques jours avant sa mort, sur la scène du théâtre de l'Empire où Michel Serrault, très ému, lui remettait un César d'honneur, couronnant une carrière rare de par la modestie de l'homme et l'immense talent de l'acteur, devant une salle comble qui se leva pour l'ovationner pendant de longues minutes. Il mourut trois semaines plus tard, le 29 mars à Saint-Cloud, nous laissant tant de films qu'on ne se lasse pas de voir et revoir.

 

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8 mars 2007 4 08 /03 /mars /2007 18:07
JEAN-PAUL LE CHANOIS ET LE REALISME SOCIAL

                 

Jean-Paul Le Chanois (1909 - 1985), né Dreyfus, prit le nom de jeune fille de sa mère, originaire de Bretagne, comme nom d'artiste. Licencié en droit et en philosophie, il commence des études de médecine, les abandonne, exerce divers métiers avant de devenir journaliste et de collaborer à La Revue du Cinéma, fondée par J.G Auriol. Animateur avec Jacques Prévert du Groupe Octobre (théâtre ouvrier), il dirige en 1933 la fédération du théâtre ouvrier de France. Assistant de Duvivier, Korda, Maurice Tourneur et Renoir, il réalise ensuite des documentaires pour le parti communiste, dont il est membre. Après quelques films commerciaux, il tourne en 1949 "L'école buissonnière" et en 1949 "La belle que voilà", deux succès commerciaux qui lui permettent d'entrer par la grande porte dans une profession qu'il exercera tour à tour comme scénariste, adaptateur, dialoguiste et réalisateur de plus d'une vingtaine de longs métrages. En 1951, "Sans laisser d'adresse", sur un scénario original d'Alex Joffé, témoigne d'une observation aiguë de la vie quotidienne et de l'ambiance qui régnait à Paris aux lendemains de la guerre. L'histoire est la suivante : chauffeur de taxi pendant un service de nuit, Emile Gauthier (Bernard Blier) charge à la gare de Lyon une jeune fille Thérèse Ravenaz  (Danièle Delorme). Elle recherche un journaliste qu'elle a aimé et dont elle a eu un bébé. Mais d'adresse en adresse, l'homme a brouillé les pistes. Le chauffeur de taxi se pique au jeu et accepte de transporter gracieusement cette jeune savoyarde visiblement pauvre et désemparée, qui a confié son enfant aux bons soins d'une assistante sociale à la gare de Lyon. Une journée dans le Paris de l'époque très joliment filmé, des détails vrais, pittoresques et intimes, des décors réels, une histoire simple mais vécue, Le Chanois annonçait déjà le ton qu'empruntera plus tard le Godard d'"A bout de souffle". Ce film, par son style et son esprit, est sans doute l'une de ses créations les plus réussies. La description d'un Paris populaire, avec la gentillesse et l'entraide des petites gens, exprime parfaitement les convictions de l'auteur, qui ne faisait nullement mystère de ses engagements politiques. Cette réalisation remporta un très grand succès. S'il faut en croire L'écran français de l'époque (devenu un hebdomadaire d'obédience communiste), il fut tiré à plus de mille exemplaires (copies) en URSS et reçut là-bas un accueil délirant. Une version américaine, situant l'histoire à New-York, fut réalisée en 1953 par Grégory Ratoff. Elle était intitulée "Taxi" et, à quelques détails près, respectait le scénario original. La veine dite néo-réaliste de Le Chanois se poursuivit l'année suivante (1952) avec "Agence matrimoniale", chronique sociale, où un employé de banque (Bernard Blier) recevait en héritage une agence, située place des Vosges à Paris. Quittant sa province pour régler cette affaire, il découvrait que ses futurs clients étaient tout aussi accablés que lui par la solitude et décidait de leur venir en aide.

                     

En 1954, s'éloignant un peu de ce cinéma très social, Le Chanois aborde la comédie de moeurs avec Papa, maman, la bonne et moi, où il réunit  une exceptionnelle brochette d'acteurs talentueux, dont Gaby Morlay, Fernand Ledoux, Nicole Courcel et un Robert Lamoureux plein de verve et d'entrain, sur des dialogues de Marcel Aymé et une musique rafraîchissante de Georges Van Parys. L'histoire est celle d'un fils qui, pour faire accepter sa fiancée à ses parents, la fait engager comme bonne. On imagine facilement ce que sera la suite. La petite bonne séduira toute la famille, bien entendu... Bien qu'un peu démodé aujourd'hui, le film a néanmoins gardé une part de son charme, tant il est un témoignage extraordinairement juste de la vie d'une famille petite bourgeoise dans le Paris des années 50, en même temps qu'un compte-rendu précis et réjouissant de l'existence quotidienne des français d'alors. Les prises de vue de Montmartre, les gags aux rebondissements cocasses, les travers des uns et des autres si bien rendus par des acteurs d'un grand professionnalisme, la bonne humeur contagieuse, l'intelligence des dialogues font de ce film, sans prétention, un morceau d'anthologie sur une époque bien ciblée de notre histoire. Une suite sera donnée à ce long métrage qui connaîtra un succès équivalent, tant le public prit plaisir à se reconnaître dans ces personnages bien de chez nous... Ce sera "Papa, maman, ma femme et moi" en 1955 avec les mêmes acteurs, le même scénariste et dialoguiste et toujours la charmante musique de Van Parys. Avec "Le Cas du docteur Laurent" en 1958, Le Chanois va servir une cause qui n'allait pas manquer de créer des remous dans l'opinion avant d'être pleinement acceptée : celle de l'accouchement sans douleur. Malgré la bonne réputation dont le cinéaste bénéficiait, les producteurs renâclèrent à soutenir le projet d'un tel film au sujet difficile, susceptible de créer des polémiques et d'être boudé par la critique. Mais l'acceptation de Gabin dans le rôle titre du docteur Laurent leva les dernières réticences. Ainsi Le Chanois obtint-il carte blanche pour tourner ce long métrage qui contribuera grandement à sensibiliser le public sur une méthode très vite adoptée par les hôpitaux et les cliniques. Le succès fut donc au rendez-vous comme pour les films précédents, Le Chanois ayant été un cinéaste populaire et apprécié.
 

La critique lui fut moins favorable. Nombreux seront ceux qui considéreront son oeuvre cinématographique comme médiocre, voire nulle, pour les raisons qu'elle jouait trop sur la corde sensible du public et se satisfaisait d'une mise en scène convenue. Il est vrai que Le Chanois n'a pas tenté d'innover ni sur le plan du style, ni sur celui de la mise en scène et du découpage. Il n'était ni Bresson dans l'épure, ni Ophuls dans la magnificence. C'était un bon artisan qui racontait agréablement des histoires. Son ambition n'allait guère au-delà. La Nouvelle Vague ne sera pas la dernière à le traiter de populiste. Cela est sans doute injuste de la part de certains d'entre eux qui s'inspirèrent de sa façon très libre de filmer sur le vif, à la façon d'un documentaire. Reconnaissons à Le Chanois le mérite d'avoir su décrire son époque dans sa réalité quotidienne, d'en avoir exprimé les peines et les difficultés avec une indéniable humanité. Il a servi cette réalité avec les moyens qui étaient les siens : un cinéma plus proche du témoignage que de l'oeuvre d'art.

 

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4 mars 2007 7 04 /03 /mars /2007 10:37
BOURVIL

                  
André Raimbourg, dit  Bourvil, est né le 27 juillet 1917 à Pétrot-Vicquemare en Seine-Maritime. Il ne connaîtra jamais son père, mort au front. Sa mère, devenue veuve, revient habiter dans son village natal en Normandie et se remarie peu de temps après, si bien que le petit André passe son enfance à Bourville, d'où son pseudonyme. Aimant la musique, il s'initie à l'accordéon et au cornet à piston mais, pour satisfaire le souhait maternel, se destine au métier de boulanger et entre très tôt en apprentissage. La musique le rattrape au service militaire, qu'il accomplit dans la fanfare du 24e régiment d'infanterie de Paris. Démobilisé en 1940, il s'essaie au cabaret en se composant le personnage d'un paysan benêt, bégayant des monologues et des chansons d'une voix de fausset. De crochets radiophoniques en salles de patronage, Bourvil fait des débuts si peu glorieux au music-hall qu'ils ne peuvent, en aucun cas, laisser présager qu'il sera un jour l'un des acteurs comiques les plus célèbres de France, avec Fernandel et Louis de Funès. Pour l'instant, il ne tourne encore que d'aimables divertissements, ce sont : Pas si bêtes  (1946), Le Coeur sur la main  (1949) et Le Trou normand  (1952), mais parvient ainsi à se faire connaître et apprécier, car il est drôle, toujours un peu décalé et ahuri. Par la suite, viendront les rôles de valet débrouillard dans Les Trois Mousquetaires (1953), Le Bossu  (1959) et  Le Capitan  (1960) tous trois d'André Hunebelle. Il enchaînera avec celui de chanteur dans Le Chanteur de Mexico  (1956) de Richard Pottier et de trouillard opportuniste dans La Traversée de Paris  de Autant-Lara, pour lequel il se voit attribuer le prix d'interprétation à la Mostra de Venise. Désormais Bourvil s'écrit avec un B majuscule et l'acteur est considéré comme l'une des têtes d'affiche que l'on s'arrache.


Le public n'a-t-il pas reconnu en lui un homme authentique, un acteur sensible qui peut, avec la même aisance, le faire rire et le faire pleurer, et  plus particulièrement l'attendrir ?Chacun se retrouve dans les maladresses, les doutes, les faiblesses, les modesties, les désillusions, les audaces et les indignations de cet homme gauche et vrai. Il est le français moyen par excellence, malin, débrouillard, matois, mais toujours disposé à défendre les bonnes causes. La fin de sa carrière, brisée trop tôt par le cancer - il meurt en 1970, à l'âge de 53 ans - sera éblouissante.

 

Il apparaîtra successivement dans Le miroir à deux faces  (1958) de Cayatte, très émouvant auprès de Michèle Morgan transformée par une opération de chirurgie esthétique, au point de devenir subitement une autre, trop belle pour lui,  Fortunat (1960) d'Alex Joffé, Un drôle de paroissien  (1963) de Jean-Pierre Mocky, La cuisine au beurre  (1963) de Gilles Grangier au côté de l'idole de sa jeunesse Fernandel,  puis Le Corniaud  (1964) et La grande vadrouille  (1966) de Gérard Oury, où il formera, à deux reprises, avec son complice Louis de Funès le plus fameux duo du cinéma français. Il y aura également  La grande frousse  (1964), La grande lessive  (1968) et L'Etalon  (1969) de Jean-Pierre Mocky, Les grandes gueules  (1965) de Robert Enrico et enfin, le dernier, qu'il tourna malgré sa fatigue et ses souffrances l'année de sa mort  : Le Cercle rouge  de Jean-Pierre Melville, où il interprétait, à contre-emploi, le rôle d'un inspecteur implacable, ce qui nous permet de mesurer le chemin parcouru.

            

Populaire et généreux, modeste et bonhomme, il a été, à sa façon, un artiste unique et irremplaçable, campant, avec un talent qui ne cessait de s'approfondir, le personnage d'un naïf, d'une finesse tout paysanne. Juste de ton, toujours en intelligence avec ses rôles, il est l'un des rares comédiens à avoir su mêler aussi harmonieusement la tendresse et l'humour.

 

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2 mars 2007 5 02 /03 /mars /2007 09:37
SIMONE SIGNORET ENTRE OMBRE ET LUMIERE

       

Simone Signoret, pseudonyme de Simone Kaminker, choisi en l'honneur de Gabriel Signoret interprète fin et distingué du cinéma muet, naquit à Wiesbaden en Allemagne le 25 mars 1921 et vécut ensuite à Neuilly-sur-Seine. Pour ne pas mourir de faim, dans la France occupée de sa jeunesse, elle alterne les petits boulots une fois son baccalauréat en poche : sténo-dactylo, professeur d'anglais et figurante. C'est ainsi qu'elle débute sous la direction de  Jean Boyer dans  "Le Boléro" (1941) et "Le Prince charmant"  (1942). La rencontre décisive, qui orientera le reste de sa vie, se produisit en 1943, lorsque sa route croise celle d'Yves Allégret. Il lui offre son premier grand rôle dans  Les Démons de l'aube  (1945). Elle l'épouse l'année suivante et lui donne une fille : Catherine. Sous la direction de son mari, Simone enchaîne les rôles, "Dédée d'Anvers" (1947), "Manèges" (1949), mais elle devra attendre 1951 pour entrer définitivement dans l'histoire du 7e Art, grâce à son  interprétation lumineuse, au côté de Serge Reggiani, dans "Casque d'or", le film-culte de Jacques Becker, histoire d'une prostituée foudroyée par un amour impossible. Le film, jugé à sa sortie comme un mélo passionnel et boudé par les critiques, sera réhabilité et assurera par la suite sa renommée. 

 

Signoret n'a tourné qu'une cinquantaine de films, ce qui n'est pas énorme pour une personnalité tellement médiatisée et considérée comme la plus grande actrice de sa génération, mais elle eut l'intelligence de ne choisir que les meilleurs cinéastes et de n'accepter que les personnages qui correspondaient à sa nature, si bien qu'elle bénéficie, de par cette exigence, d'une filmographie d'une rare qualité. On pourrait presque dire qu'elle n'a tourné que des chefs-d'oeuvre. Parmi ses succès :  "Thérèse Raquin"  de Carné,  "La Mort en ce jardin"  de Bunuel,  "Les Diaboliques" de Clouzot. Elle qui écrivait: "Un acteur a besoin d'être inventé par les autres" - connut  une courte période d'instabilité autour des années 55,  la profession lui reprochant son soutien trop affiché au Parti communiste. Mais sa carrière reprend avec  "Les chemins de la Haute Ville" (1959), où elle est si étonnante qu'elle est couronnée par un Oscar à Hollywood, en même temps qu'un César à Cannes. Elle tournera également deux films avec René Clément "Le Jour et l'heure" (1962) et "Paris brûle-t-il ?"(1965), puis deux avec le controversé Costa-Gavras : "Compartiment tueurs" et "L'aveu" auprès d'Yves Montand, qu'elle avait épousé en 1951. Ils formèrent un couple profondément uni, non seulement par l'amour qu'ils se portaient mais par l'admiration réciproque qu'ils se vouaient l'un à l'autre et qui fut un véritable ciment. A ce propos, Simone écrivit :  "Le secret du bonheur en amour, ce n'est pas d'être aveugle, mais de savoir fermer les yeux quand il faut". Elle sera très émouvante aussi dans "L'Armée des Ombres" de Melville (1969) en résistante prête à tous les sacrifices. Dans les années 70, ses apparitions se feront plus rares.

 

Curieusement, ce qu'elle avait perdu en beauté, elle sut le reconvertir en force. On la verra auprès de Jean Gabin dans "Le Chat" (1971), inébranlable dans cet  incroyable huis-clos de deux monstres sacrés, ensuite dans "La Veuve Couderc" au côté d'Alain Delon qu'elle parvint à impressionner, deux films à succès de Pierre Granier-Deferre,  enfin dans "La Vie devant soi" de Moshe Mizrahi (1977) qui lui vaudra un second César à Cannes. Minée par un cancer du pancréas, elle s'éteint le 30 novembre 1985. Elle avait 64 ans. A l'annonce de sa disparition, le public unanime saluera l'une de ses très grandes comédiennes, une femme inclassable qui avait osé faire de son vieillissement un atout, ce qui ne pouvait étonner de la part d'une battante, d'une conquérante. Contrairement à Marilyn Monroe, à Greta Garbo,  elle assuma ses rides avec témérité. Plutôt que de casser le miroir, elle le défia, et prouva ainsi que l'âge enseigne non seulement la sagesse mais procure, à ceux qui l'assument sans faiblir, un supplément de talent et de crédibilité. A sa carrière artistique s'ajoute une carrière littéraire. Simone Signoret écrivit deux ouvrages de mémoire : "La nostalgie n'est plus ce qu'elle était" et "Le lendemain, elle était souriante". Par la suite, elle publia un roman : "Adieu Volodia". On sait également l'importance qu'eurent toujours pour elle ses engagements politiques qu'elle partageait avec Montand. Elle affronta l'opinion avec courage et fut vaillante devant l'adversité, cabocharde quand il lui arriva de se tromper. Aucune actrice, peut-être, ne m'a autant émue, à l'exception de  Giulietta Masina. Son regard était étonnant ; on y lisait, à la fois, de la modestie et de la fierté, de la féminité et de la force, de la tendresse et de la provocation. Ce regard-là était unique. De même que sa voix sourde, un peu voilée, comme si, en elle, s'était produit une brisure. Pour moi, comme pour vous sans doute - et malgré les rôles magnifiques qu'elle interpréta par la suite - elle reste, par delà le temps, l'inoubliable casque d'or et une femme qui incarna les combats, les erreurs et les risques de son époque.


Vous pouvez prendre connaissance des articles des films où figure l'actrice en cliquant sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA FRANCAIS

 

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SIMONE SIGNORET ENTRE OMBRE ET LUMIERE
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
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