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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 11:13
La corde d'Alfred Hitchcock

Féroce et implacable, le premier film en couleurs d’Hitchcock est une véritable prouesse dans tout le sens du terme. Les sous-entendus et la perfection technique sont si évidents que cet opus compte parmi les chefs-d’œuvre incontournables du maître. L’histoire est celle de deux  étudiants qui en suppriment un troisième, pour la seule beauté du geste. Défi suprême, le meurtre précède de peu une soirée où ils reçoivent les parents de la victime et leur ancien professeur, ce qui est cynique à souhait.

 

 

«  La corde » (1948) est tout d’abord une œuvre spéciale, inattendue, corrosive, dont le réalisateur semblait peu satisfait. Il l’aurait souhaitée plus efficace, ce qui me semble difficile. Dans cet opus apparaît pour la première fois l’acteur James Stewart qui bénificiera, par la suite, d’une longue collaboration avec Hitchcock et, d’ores et déjà, fait preuve d’une présence remarquable de persuasion. Pour donner plus de mordant à la pièce d’origine, signée Patrick Hamilton, Hitchcock a mis l’accent sur l’homosexualité des deux meurtriers. Le code Hays, alors en vigueur, empêche les auteurs de le déclarer ouvertement, mais de nombreux indices nous mettent sur la piste de cette appartenance sexuelle. Avec un sens de l’humour noir décapant, Hitchcock, en subtil démiurge, manipule ses acteurs comme de véritables marionnettes, avec une audace diabolique, invitant les spectateurs à se faire ses complices. Pervertissant l’adage selon lequel les élèves cherchent toujours à surpasser le maître, il montre les dangers d’un enseignement philosophique mal interprété. Faisant de la violence et du meurtre un jeu, l’auteur pointe du doigt toute forme de dogmatisme, sans jamais s’appesantir sur un message qu’il estimerait trop  moralisateur.



Ironique et subversif, « La corde » est aussi d’une inventivité incroyable qui se joue de l’unité de temps et de lieu et ne perd aucun de ses atouts à être tourné en vase clos. Composé de  onze plans séquences enchaînés de façon à donner une impression de totale continuité, le film surprend  par son brio technique et ses joutes oratoires. Effectivement, le procédé contraint chaque acteur à être parfaitement synchronisé à ses collègues. Un exploit technique qui a inspiré bon nombre de cinéastes dont Brian De Palma ou Alex de la Iglesia. Si James Stewart impose sans problème son personnage de professeur aux théories douteuses, il ne faut pas oublier le couple Farley Granger - John Dall. Ce dernier est implacable dans sa démonstration cynique et ajoute encore à la montée en puissance du climat de suspense qui s’établit dès les premières scènes. Ludique et souvent jubilatoire, « La corde » peut être considéré comme un condensé de l’oeuvre hitchcockienne, mêlant avec une habilité exemplaire l’humour le plus sombre et l’habileté la plus caustique. Epoustoufflant.

 

 

 

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La corde d'Alfred Hitchcock
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15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 09:30

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L'Irlande pendant la seconde guerre mondiale voue une haine tenace aussi bien à l'ennemi qu'à l'occupant anglais. Dans un village, Rosy Ryan, fille du tavernier, est amoureuse de Charles Schnaughessy, un instituteur quadragénaire. Le mariage a lieu, mais Rosy est vite déçue par la monotonie de son existence, jusqu'au jour où elle rencontre le commandant anglais Randolph Doryan qui, ayant été gravement blessé sur le front français, est en convalescence au village. Leur passion va susciter, au moment même où les opposants débarquent des armes sur la côte en pleine tempête, des réactions d’une rare violence...car le pays est en pleine insurrection et le major anglais représente  ce que la population exècre le plus.  Aussi la jeune femme va-t-elle concentrer sur elle et, à son insu, sa fureur aveugle, ce  qui l’obligera à fuir le pays avec son époux, alors que le major se donnera la mort …

 

 

Ce très beau film de Lean, après les succès que furent « Le pont de la rivière Kwaï »,  « Lawrence d’Arabie » et « Le docteur Jivago », va être quasiment assassiné par une presse déchaînée, en tête de laquelle figure la journaliste Pauline Kael, au point de décourager le réalisateur qui, jusqu’alors, avait été encensé par elle, de poursuivre sa carrière. Il lui faudra attendre 14 ans, soit 1984 pour ré -apparaître derrière une caméra lors du tournage de « La route des Indes ». Que s’était-il passé pour que la critique vire de bord à ce point et agisse comme l’aurait fait un tribunal en formulant contre l’auteur de tant de succès, sous forme d’un réquisitoire, une condamnation imméritée dont le malheureux sortira anéanti ?

 

 

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Difficile de le dire. Une certaine lenteur peut-être, un petit quelque chose avec le bovarysme qui ne correspondait plus à l’époque, une incontestable naïveté dans la narration, des personnages trop stéréotypés, difficile à dire car l’opus réserve de belles surprises et déroule devant nos yeux des scènes magnifiquement filmées, des paysages grandioses et une interprétation irréprochable. Seule la musique de Maurice Jarre peine un peu, elle n’a pas l’éclat, le romantisme des musiques qui restèrent si longtemps dans les mémoires, celles du docteur Jivago et de Lawrence d’Arabie. Là, à l’évidence, le musicien se montre moins inspiré. Mais les interprètes ne le sont pas. On découvre une Sarah Miles, femme du scénariste Robert Bolt, très juste dans son personnage de femme passionnée et insatisfaite, un Chistopher Jones – que l’on ne reverra plus jamais à l’écran après ce film –  tour à tour glacé et fou d’amour, hautain et vibrant et un John Mills saisissant dans le rôle difficile de l’idiot du village qui, en fin de compte, est le seul vrai témoin des événements et, enfin, un Trevor Howard plein d’humanité dans celui du curé de la paroisse qui tente désespérément de ramener les villageois à la raison.

 

 

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La variation bovarienne prend ici pour décor une falaise gigantesque dans la province irlandaise de Dingle, un bourg traditionnel entièrement construit pendant l'hiver 1968 pour être détruit à la fin du tournage, une plage immense où Lean et son équipe passeront des jours entiers à attendre que le soleil ou la pluie daignent se prêter aux besoins du tournage. Lequel durera 52 semaines, quand il était prévu de n'en prendre que dix. Il faut ajouter à cela une variété extraordinaire de péripéties humaines et techniques. Lean et Mitchum ne s'entendaient guère et ne se parlaient que par l'intermédiaire de Sarah Miles, qui s'efforçait d'en rire. Quant à la grande scène de tempête, que Lean ne trouvait jamais assez spectaculaire, elle fut d’abord filmée en Irlande avant de finir par être tournée en Afrique du Sud.

 

 

Achevé au début de l'année 1970, ce tournage éreintant, même pour l'habitué des projets aventureux qu'était  David Lean, donna un fruit amer comme rarement un réalisateur eut l'occasion d'y goûter. Son nom s'estompa derrière ceux de Lawrence et de Jivago, que presque tous les spectateurs du monde connaissent sans toujours  pouvoir dire à qui ils les doivent.  « La Fille de Ryan », engeance maudite à tous points de vue, disparut plus encore, et même ses deux Oscars (meilleure photographie et meilleur acteur dans un second rôle pour John Mills) ne purent le sauver de ce naufrage programmé.

 

 

De nos jours, nous re-visionnons ce film avec plaisir, même ses défauts s’estompent car il y a une vraie beauté dans les images, une vraie authenticité dans les personnages, ainsi ce père qui a trahi son village mais, par orgueil et frousse, n’avouera jamais et laissera sa fille en porter l’opprobre. Enfin, comment oublier le rôle à contre-emploi de Robert Mitchum en mari cocu mais si bon, si épris, et tellement moins vulgaire et ridicule que le Monsieur Bovary de Flaubert. Il donne au film sa dimension déchirante et humaine, digne et fière qui ne peut manquer de toucher le plus récalcitrant des cinéphiles. « La fille de Ryan » mérite de sortir enfin de son purgatoire et de prendre toute sa place dans la filmographie de ce grand imagier.

 

 

Pour consulter l'article consacré à David Lean, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

 

DAVID LEAN, L'IMAGIER PRESTIGIEUX

 

 

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 14:12

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Né dans une plantation de coton en Virginie, le jeune Cecil voit son père mourir sous ses yeux alors qu'il tente de s'interposer auprès du responsable de la plantation qui abuse de sa femme. L'orphelin, remarqué par la propriétaire, va bénéficier jusqu'à son adolescence d'une formation, celle de l'apprentissage du service domestique. Mais le jeune homme ne désire qu'une chose, fuir cette plantation où l'accablent trop de souvenirs douloureux, gagner une grande ville et changer d'existence. Embauché pour ses qualités de service dans un palace de Washington, il sera bientôt engagé comme majordome à la Maison Blanche où il servira avec une parfaite aisance et un grand souci du devoir accompli, tandis que sa femme, Gloria, élève leurs deux fils. Grâce au poste de Cecil, la famille jouit d'une existence confortable. Pourtant, sa profession suscite des tensions dans son couple : Gloria s'éloigne de lui et les disputes avec l'un de ses fils, particulièrement engagé pour la cause des noirs américains, sont incessantes.

A travers le regard de Cecil Gaines, librement inspiré de la vie de Eugene Allen, le film retrace l'évolution de la vie politique américaine et des relations entre communautés. De l'assassinat du président Kennedy et de Martin Luther King au mouvement des "Black Panthers", de la guerre du Vietnam au scandale du Watergate, Cecil vit ces événements de l'intérieur, mais aussi en père de famille et en citoyen américain de couleur…

 

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Lee Daniels a réalisé avec Le Majordome un très beau film, dessinant à larges traits ce que fut le combat des noirs durant une grande partie du XXe siècle, afin d' obtenir les mêmes droits civiques que les blancs dans un pays qu'ils ne cessèrent de servir au prix de leur sang et de leur sueur. Soucieux d'user des symboles les plus éloquents, le réalisateur s'est octroyé, il est vrai, quelques libertés au sujet de la vie réelle de son héros, un certain Eugene Allen, qui fut  majordome à la Maison Blanche sous sept présidents, de Eisenhower à Reagan. Si l'on en croit Will Haygood, le premier à avoir raconté l'histoire d'Eugene Allen dans un article du "Washington Post" en 2008, celui-ci  est bien né dans une plantation de coton où ses parents travaillaient mais il n'a jamais fait état des monstruosités relatées à l'écran : la mère violée et le père assassiné sous les yeux de son fils. De même que la femme de Allen, avec laquelle ce dernier  vécut 65 ans, ne fut jamais alcoolique mais est bien décédée en 2008 et ne put assister à l'élection de Barak Obama. Enfin, il n'eut qu'un seul fils et celui-ci n'appartint pas aux "Black Panthers" mais servit comme militaire lors de la guerre du Vietnam où, heureusement, il n'a pas trouvé la mort. Néanmoins, sans ces symboles forts, le film aurait perdu de son intérêt historique et se serait limité au destin d'un homme, au lieu d'exposer celui d'un peuple tout entier avec ses combats les plus rudes et ses heures les plus tragiques. Ce que Lee Daniels réussit en surfant habilement sur la gamme complète de nos émotions.


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L'intérêt est d'avoir en permanence alterné les temps forts de l'existence du serviteur des présidents et la réalité sur le terrain à laquelle les noirs étaient confrontés quotidiennement : attaques, humiliations, servitudes, on se demande comment au XXe siècle, dans une nation aussi moderne que l'Amérique et toujours bien disposée à donner des leçons de morale à la planète entière, une telle ségrégation ait pu perdurer... Admirablement interprété par Forest Whitaker dans le rôle de Cecil Gaines, l'acteur  vous émeut aux larmes  tant il y met de retenue, de pudeur, de résignation, de sincérité, de respect. Un des moments les plus touchants est celui où Cecil revient chez lui avec la cravate de Kennedy que Jackie lui a offerte après l'attentat qui a coûté la vie au président le plus populaire des Etats-Unis, cravate qu'il noue à son cou pour se rendre à l'invitation du Président Obama. Le film s'achève alors qu'il entre dans le bureau ovale, occupé désormais par un président de couleur, et où s'est écrite, sous ses yeux, une grande page d'histoire.

 

Pour prendre connaissance des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous 

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 10:42
BLUE JASMINE de WOODY ALLEN

 

Alors qu’elle voit son existence voler en éclat, de même que son mariage avec Hal, un homme d’affaire peu scrupuleux qui l'a ruinée, Jasmine quitte son New York raffiné et mondain pour San Francisco et s’installe dans le modeste appartement de sa soeur Ginger pour tenter de remettre un peu d'ordre dans sa vie …

 

Ne sollicitant ni le rire, ni les larmes, pas même la dérision, tant les personnages sont en fin de compte plus pitoyables que caricaturaux, le dernier opus de Woody Allen, qu'une presse complaisante a porté aux nues, m'a laissé de marbre malgré l'admiration que je porte au réalisateur. J'avoue ne pas être entrée dans l'histoire de cette Jasmine, petite bourgeoise promptement enrichie par un époux escroc qui sut tromper son monde et sa femme avec la même désinvolture, finissant en taule et s'y suicidant, abandonnant cette dernière à son triste sort.



Le film de Woody Allen nous brosse dans les moindres détails le tableau d'une société américaine en pleine déroute après la crise et l'affaire Madoff - comme l'européenne d'ailleurs - dont les seules références sont celles du sexe et de l'argent et dont l'égocentrisme, et surtout la vacuité, nous apparaissent tristement abyssales. Comment se prendre au jeu de personnages qui évoluent entre dépression, vanité, mal être, mensonge, hypocrisie, illusion, bêtise et déclassement social, alors que l'auteur ne nous gratifie même pas de son habituel humour dans la description de ces grands invalides du coeur et de l'esprit ? A mon avis, cette satire sociale n'est pas assez affûtée.


On aurait pu s'attendre, au vu du sujet, à des phrases assassines, à des situations farfelues ou ubuesques mais rien de cela, un récit d'un réalisme clinique qui n'a même pas l'outrecuidance de vous hérisser le poil. Vous me rétorquerez qu'il y a Cate Blanchett qui donne à cette pauvre Jasmine un panache indiscutable malgré le marasme où elle se trouve, que sa silhouette est bien agréable à regarder avec sa petite veste Chanel, dernier vestige de l'époque où elle recevait le tout New-York dans sa villa cossue, que Sally Hawkins joue sa soeur prolo avec un naturel touchant, enfin qu'Alec Baldwin est un nouveau riche arrogant qui sent son faussaire à plein nez et ne craint nullement de chahuter le rêve américain avec cynisme. Ici, les illusions et les désillusions restent au ras des pâquerettes. Ce sont celles des deux soeurs Yasmine et Ginger qui ne jouent certes pas dans la même cour, mais parviennent l'une et l'autre au même résultat : l'échec fracassant de leurs misérables ambitions.


Contrairement à la plupart des critiques, j'avais de beaucoup préféré "Minuit à Paris" pour sa nostalgie poétique, son charme discret, et "To Rome with love" où l'on revisitait la ville éternelle et où quelques scènes étaient inénarrables ; là, comment rire devant la chute inéluctable d'une femme belle, frivole et mondaine, subitement désargentée qui ne fonctionne que grâce au xanax (anxiolitique) et à la vodka-martini ? Oui, triste époque ! Le film ne vaut, en définitive, que pour l'élégance de Cate Blanchett et cette mort d'un cygne dans un monde déchu. Un Woody Allen dépressif.

 

Pour consulter les articles que j'ai consacrés à Woody Allen et à Cate Blanchett, cliquer sur leurs titres :

 

WOODY ALLEN OU UN GENIE TOUCHE-A-TOUT          CATE BLANCHETT - PORTRAIT

 

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BLUE JASMINE de WOODY ALLEN
BLUE JASMINE de WOODY ALLEN
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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 09:38

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Mrs. Edythe Van Hopper, respectable veuve déjà âgée, accompagnée de sa jeune fille de compagnie, est en villégiature à Monte-Carlo à l'hôtel « Côte-d'Azur », lorsque leur chemin croise celui de Maximilien de Winter, riche veuf, qui n'a aucun mal à séduire la jeune fille et, dans la foulée, à l'épouser et l'emmener dans sa demeure ancestrale de Manderley, quelque part sur la côte sud-est de l'Angleterre. Voici comment commence "Rebecca", le film qu’Alfred Hitchcock allait tourner à Hollywood en 1940.

 

Les premiers contacts avec le personnel du château, régenté par la peu amène gouvernante Mrs. Danvers, seront glacials. Cette dernière, en effet, attachée depuis toujours au service de la précédente Madame de Winter, Rebecca, et lui vouant une passion sans limite, même à titre posthume, n'accepte pas l'intrusion de l' usurpatrice. Aussi le souvenir de l'épouse disparue et vénérée continue-t-il de hanter le sombre château gothique ...au point que la nouvelle épouse croit qu’il lui faut peu à peu, selon les conseils de l’autoritaire duègne, tout faire pour lui ressembler.

 

Le film est de façon originale basé sur un personnage qui n’apparaîtra jamais, mais qui ne cesse de se faire obsédant, au point que le personnage central du film, la seconde épouse, délicatement interprétée par Joan Fontaine, semble comme écrasé par le poids de cette présence invisible. Cette dernière est l’incarnation contraire de la précédente, et pour la rendre encore plus évanescente, Daphné du Maurier, l’auteur du roman éponyme dont le film est tiré, ne lui a pas donné de prénom, en a fait une orpheline, un être sans passé, sorte de Cendrillon fragile et inexpérimentée d’une histoire conjugale qui ne parait jamais être la sienne, mais toujours celle de l’autre, cette précédente disparue dans des conditions restées mystérieuses.

 

Celle qui, en définitive, mène le jeu n’est autre que la gouvernante, la sévère et rigide Mme Danvers, admirablement campée par l’actrice Judith Anderson, qui, grâce à son machiavélisme redoutable, finit par pénétrer la tout jeune femme que son mari est inconsolable de la disparition de sa première épouse. Une série d’indices, de symboles, d’icônes défilent à l’écran pour rappeler cette omniprésence au point de conduire la jeune épousée au bord de la folie et de lui inspirer un comportement dont son mari sera le premier à s’affliger.

 

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Dirigé de main de maître par un Alfred Hitchcock dont c’était la première réalisation américaine depuis qu’il avait traversé l’Atlantique et avait signé un contrat de 10 films avec le producteur David 0’Selznick, ce film est davantage un drame psychologique qu’un thriller et sort un peu de ce que Hitchcock se plaisait à réaliser, mais, malgré les  directives sourcilleuses imposées par le producteur, le grand Alfred saura sauvegarder son inspiration et surtout créer une atmosphère étouffante  et conforme à son génie propre, dans un opus qui tient le spectateur en haleine de bout en bout.  J’avais vu ce film, il y a de cela bien des années, récompense que mon père m’avait accordée après mon premier bac, et avais été littéralement enthousiasmée par la finesse de la composition psychologique, l’atmosphère hallucinée, l’interprétation des trois principaux personnages : Joan Fontaine,  en proie gracile qui nous fait penser à une biche aux abois, Laurence Olivier en lord anglais de grand classe, assez impénétrable d’ailleurs, et Judith Anderson souvent filmée de dos ou de côté, ce qui n’est pas innocent car si elle occupe, de par sa condition, une situation secondaire, au final elle n’en est pas moins à l'origine du drame, persuasive, inquiétante, comme si elle exhalait en continu son venin mortifère. Revu  à la télévision, l’opus ne m'a pas déçue, bien au contraire, j’y ai trouvé de nouveaux motifs d’en apprécier la lente et inexorable progression dramatique. Fidèle au roman à succès de Daphné du Maurier, l’œuvre de Hitchcock ajoute à l’écrit un visuel revisité et tellement attractif que l’on peut presque dire que le film apporte un supplément d’intérêt à cet excellent roman.  Comme « Autant en emporte le vent », produit au cinéma par le même Selznick, le livre n’a rien perdu à être transposé à l’écran, ainsi arrive-t-il à la littérature de servir le 7e Art, sans qu’aucune de ces deux formes d’art ne soit desservie.

 

 

 

Pour consulter l'article que j'ai consacré à Alfred Hitchcock,cliquer sur le lien ci-desssous :

 

 

 

ALFRED HITCHCOCK - UNE FILMOGRAPHIE DE L'ANXIETE
 

 

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REBECCA d'ALFRED HITCHCOCK
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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 10:05
LE PONT de la RIVIERE KWAI de DAVID LEAN

                

"Le pont de la rivière Kwaï", le film aux 7 Oscars de David Lean relatant un épisode de la Deuxième Guerre mondiale, est également remarquable par le pont, le plus grand ouvrage réalisé à Ceylan, lieu du tournage, d'une longueur de 130 mètres sur près de 28 de hauteur. Il a nécessité 8 mois de travail, 1500 arbres abattus dans la jungle et transportés par 40 éléphants sur le site de construction. Selon Sam Spiegel, le producteur du film, ce pont était le plus grand décor jamais construit, dépassant même celui des portes de Tanis pour "Les dix commandements". On pouvait bien sûr utiliser des maquettes, ce qui aurait été moins coûteux, mais Spiegel, célèbre pour son perfectionnisme sans concession, entendait que soit pleinement respectée l'authenticité, quitte à risquer de rater l'unique prise de l'explosion et gâcher huit mois de travail. On devine la tension qui devait régner lors de cette scène...

 

A l'origine de ce film grandiose, un événement véridique : la construction d'un pont sur la rivière Kwaï en Thaïlande par les Japonais et surtout par leurs prisonniers. Un pont de chemin de fer stratégique entre la Birmanie et la péninsule du Siam qui sera bombardé et détruit par les alliés en 1943. Le fait militaire, qui servira de base au romancier français Pierre Boule en 1952, sera adapté à l'écran en 1957 par David Lean, séduit par le sujet, et premier succès commercial du réalisateur qui produira les années suivantes "Lawrence d'Arabie" et "Docteur Jivago", autres succès planétaires.

 

Classique parmi les classiques, cet opus s'avère être plus complexe et plus fin que la plupart des films évoquant cette triste période, car Lean s'est tout particulièrement attaché à rendre l'aspect psychologique et moral qui oppose les prisonniers et leurs geôliers, et la confrontation entre les deux colonels, l'anglais et le japonais, le premier se refusant de céder aux exigences du second et le second soucieux de réussir sa mission et prêt,  pour cela, à contrevenir aux codes et usages internationaux sur le droit des prisonniers.

 

Néanmoins, quand le colonel anglais (Alec Guinness)  s'aperçoit des effets de la détention sur ses hommes, il convainc les malades et les blessés de participer à la construction du pont, considérant que c'est  là le meilleur moyen de remettre de l'ordre chez ses subordonnés et de leur rendre leur dignité et leur fierté, d'autant qu'un détenu américain (William Holden), parvenu à s'évader,  préviendra les alliés qui enverront un commando pour détruire le pont. Ainsi  l'honneur des détenus sera-t-il sauf...


 

Le film existe aujourd'hui en DVD, dans sa version restaurée sortie en avril 2013, et mérite de figurer dans la vidéothèque des cinéphiles les plus exigeants car cette oeuvre est une grande réussite. Ne serait-ce que par le scénario admirablement structuré avec, peut-être, quelques longueurs au début mais c'est là une restriction bien mince, par la beauté des images qui nous promènent dans des paysages d'une beauté toute exotique, la jungle siamoise, enfin par l'interprétation exemplaire des acteurs avec en tête un trio fameux  : Alec Guinness, William Holden et Sessue Hayakama terrifiant mais tellement juste dans le personnage du colonel japonais. Sans oublier la musique de Malcolm Arnold qui souligne les temps forts et a trotté longtemps dans la tête de la plupart des  spectateurs. Et puis ce film dénonce les absurdités de la guerre et démontre qu'il vaut encore mieux être un bon humain qu'un parfait soldat et  que ce qui compte le plus dans une existence, ce n'est pas de perdre mais de conserver, en toutes occasions, sa dignité et son humanité. Le personnage interprété par Alec Guinness l'illustre parfaitement. Un film exceptionnel que je considère comme le chef-d'oeuvre de David Lean.

 

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LE PONT de la RIVIERE KWAI de DAVID LEAN
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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 13:20
ARIANE de BILLY WILDER

Ariane (Audrey Hepburn) vit à Paris dans l'appartement de son père, Claude Chavasse (Maurice Chevalier). Ce dernier est détective privé et consacre la quasi totalité de son temps à des affaires d'adultère. Jusqu'au jour où l'un de ses clients trompés profère des menaces de mort à l'encontre de l'amant de sa femme, le richissime Flanagan (Gary Cooper). Témoin de la scène, Ariane décide de le prévenir afin d'éviter le drame. L'hôtel Ritz est le théâtre de leur rencontre et deviendra celui de la relation passionnelle qu'ils ne tarderont pas à partager.

 

Le 30 juin 1957, Ariane (Love in the Afternoon) sort sur les écrans américains. Construite comme un hommage à Ernst Lubitsch, cette comédie marque une étape importante dans la carrière de Billy Wilder. Une étape au cours de laquelle le cinéaste se sépare de son compère Charles Brackett pour entamer une relation de près de trente ans avec I.A.L. Diamond. Mais avant d’évoquer cette collaboration fructueuse, voici un court aperçu du parcours de Billy Wilder. Natif d’une petite ville de Pologne, Wilder suit d’abord une formation de juriste qu'il abandonne rapidement pour devenir journaliste. Il se consacre ensuite à l'écriture de scénarios et travaille pour le célèbre studio allemand U.F.A. jusqu'à la prise de pouvoir du régime nazi. Wilder fuit alors son pays et, après un court séjour en France (où il réalise Mauvaise Graine en 1933 avec Danièle Darrieux), s'installe à Hollywood et vend son premier script. Son talent est rapidement reconnu, ce qui lui vaut d’être associé à Charles Brackett pour l’écriture de La huitième femme de Barbe-Bleue  (Ernst Lubitsch, 1938). Les deux hommes s'entendent à merveille, poursuivent leur collaboration et deviennent bientôt les scénaristes les mieux payés d'Hollywood. Adorés des studios et de la profession en général, ils sont nominés à trois reprises aux Oscars pour les scénarios de Ninotchka (1939), La Porte d'or (1941) et Boule de feu (1941). Toutefois, Billy Wilder fait preuve de mécontentement à l’égard du traitement accordé à ses scripts et développe rapidement des velléités de cinéaste. Toujours associé à Brackett dans les phases d’écriture, il démarre sa carrière de metteur en scène en 1942 avec Uniformes et jupons courts. Les deux artistes donnent ensuite naissance à douze films tant sur le registre de la comédie que sur celui du film noir (Assurance sur la mort, La Garçonnière). Puis vient le projet  Ariane et la rencontre avec I.A.L. Diamond : de 14 ans son cadet, Diamond est un jeune écrivain dont Wilder a apprécié le travail dans des magazines. Il est également auteur de sketchs dans lesquels sa plume acerbe fait régulièrement mouche. Définitivement séduit par ce talent, Wilder lui propose de devenir son nouveau collaborateur. Les deux hommes s’entendent immédiatement, et tandis que le cinéaste se concentre sur la dramaturgie de son récit, Diamond prend en charge les dialogues. A ses côtés, Wilder orientera son style vers la comédie douce amère et, sans jamais perdre sa causticité, peu à peu se laissera aller vers une certaine forme de romantisme. Le duo signera quelques œuvres souvent jugées irrévérencieuses mais devenues au fil des ans de véritables mètres étalon de la comédie moderne. Parmi ces œuvres, on pense notamment à Certains l’aiment chaud, La GarçonnièreEmbrasse-moi, idiot et donc... Ariane.

 

Ariane est l’adaptation d’un roman de Claude Anet (Ariane, jeune fille russe) dans lequel la jeune héroïne entretient une relation passionnelle avec un homme d’âge mûr. Ce pitch est l’occasion pour Wilder et Diamond de dresser un portrait au vitriol du mâle américain et de dénoncer l’aliénation de l’individu dans la société moderne. Ici, l’individu en question n’est autre qu’Ariane, à la fois soumise à l’autorité paternelle et à celle de son amant. Afin de se défaire de cette double emprise, elle utilisera le mensonge, jouera sur les apparences et devra faire preuve de beaucoup de malice. La voir ainsi manipuler Flanagan, ce riche industriel blasé des histoires d’amour, est un véritable plaisir pour le spectateur. Peu à peu, le récit montre comment les rôles s’inversent (la jeune innocente devient manipulatrice, tandis que le vieux séducteur retrouve des émotions d’adolescent) jusqu’à trouver un équilibre qui les verra finalement se dévoiler avec franchise. Doté d’un charme de tous les instants, ce scénario diffuse un discours délicieusement acerbe et ponctué de dialogues absolument exquis. Citons par exemple Monsieur Chavasse, révélant une nouvelle affaire à sa fille : « A client from Brussels. His wife ran away to Paris with the chauffeur. I have to find them ; the husband wants his car back. » Ou encore la fameuse introduction du film pendant laquelle le narrateur explique : « In Paris people eat better, and in Paris people make love, well, perhaps not better, but certainly more often. » Enfin, terminons par cette petite pique de Wilder à l’encontre des Américains lorsqu’Ariane les décrit à son ami : « They're very odd people, you know. When they're young, they have their teeth straightened, their tonsils taken out and gallons of vitamins pumped into them. Something happens to their insides ! They become immunized, mechanized, air-conditioned and hydromatic. I'm not even sure whether he has a heart. »

 

Mais dramaturgie et dialogues ne suffisent évidemment pas à expliquer le charme envoûtant d’Ariane. Un film qui, tel d’un bon vin, se bonifie au fur à mesure des dégustations. Car pour l’apprécier pleinement, il faut procéder à l'instar de son héroïne avec son amant : après une première rencontre pleine de charme, il est conseillé de répéter l'expérience. Une première fois, une deuxième, une troisième puis encore et encore jusqu'à tomber éperdument amoureux de cette œuvre intelligente et aux multiples facettes. Nul doute que certains critiques de l’époque n’ont pas pris ce temps et ont rédigé leurs papiers assassins à l’emporte-pièce.

 

Avec Ariane, Billy Wilder fait pourtant preuve d'ambition et de maîtrise en adoptant un style marqué par les années 30/40, un style proche de celui d'Ernst Lubitsch. Il choisit notamment de tourner en noir et blanc et s'attache les services de William C. Mellor, directeur photo couronné d'un Oscar en 1952 pour Une place au soleil (George Stevens). Le regard empreint de douceur qu’il pose sur les décors imaginés par Alexandre Trauner, combiné à la simplicité des mouvements d’appareil de Wilder, concourent à donner au spectateur l’impression d’un film tourné en plein âge d’or.

Mais l’hommage à Lubitsch ne se limite pas à une mise en image nostalgique de cette période faste. Il instille dans son écriture et sa mise en scène un comique de répétition parfaitement orchestré : dans l'hôtel, Flanagan reçoit régulièrement ses conquêtes selon un protocole réglé au millimètre. Et si les situations se répètent, elles ne provoquent jamais le moindre ennui car toujours rythmées par des gags récurrents et souvent hilarants. Citons, par exemple, ceux provoqués par ce petit chien sans cesse puni pour des bêtises qu’il n’a pas commises ou encore les allers et venues d'un orchestre de Gitans muets. Cet orchestre dont tous les amoureux d’Ariane se souviennent avec nostalgie, donne au film un ton résolument musical et marqué par quelques belles compositions. Comment ne pas évoquer l’excellente utilisation de Fascination, thème amoureux devenu depuis un véritable standard. Une mélodie simple et entraînante dont le spectateur a bien du mal à se détacher après la projection...

 

Continuons, car la filiation entre Ariane et les films de Lubitsch ne s'arrête pas là ! En choisissant Gary Cooper pour interpréter Flanagan, Billy Wilder fait un pas de plus vers le cinéma de son mentor. Néanmoins, rappelons que Cooper n'était pas le premier choix de Wilder. Le cinéaste rêvait depuis longtemps de diriger Cary Grant. Il lui avait notamment proposé le premier rôle de Sabrina que Grant avait refusé au profit de Bogart. Tenace, Wilder revient donc à la charge pour Ariane et lui offre d’interpréter Flanagan. Dans un premier temps, Grant accepte mais lorsqu'il apprend qu'il devra donner la réplique à Audrey Hepburn, il abandonne le projet. La différence d'âge lui paraît trop exagérée, il ne croit pas à cette histoire d'amour. Wilder accuse le coup et se tourne vers Yul Brynner. C'est à nouveau un refus et vient alors l'idée de Cooper : âgé de 56 ans, Cooper est l'incarnation même du mâle américain des années 30/40. Et de surcroit, il est l'acteur "lubitschien" par excellence ! Dans Ariane, il incarne un riche industriel. Séducteur de tous les instants, son personnage évoque celui de Linus Larrabee (Humphrey Bogart) dans Sabrina. Mais il fait également référence au héros de La huitaine femme de Barbe-Bleue. Sous l'œil de Wilder, Cooper endosse le rôle d'un séducteur pris à son propre piège. On le voit aux bras de nombreuses jeunes femmes, les journaux ne cessent de relater ses aventures amoureuses jusqu’à sa rencontre avec Ariane. Pour donner corps à ce rôle, Gary Cooper use de son charme légendaire et impose une sorte de force tranquille. Certains critiques reprocheront sa présence en tête d’affiche, le jugeant trop âgé et non crédible dans son rôle de tombeur. Mais il paraît bien mesquin de réduire la critique d’un film à un tel argument. Comme le montre le récit, l'histoire d'Ariane et sa passion pour les potins mondains ont forgé en elle une fascination pour des personnalités comme celle de Flanagan. Dès lors, il n'est guère surprenant de la voir tomber dans les bras de cet Américain au regard ravageur et bâti comme un cow-boy !

 

Aux côtés de Gary Cooper, Billy Wilder offre le rôle de Monsieur Chavasse à Maurice Chevalier. Ici encore, il est évident qu'un tel choix n'est pas uniquement le fruit d'une réflexion sur les qualités d'acteur de Chevalier ! Digne représentant de Lubitsch, qui l'a dirigé dans Parade d'amour (1929) ou La Veuve joyeuse (1934), le comédien était l'archétype même du "French Lover". Devant la caméra de Wilder, il incarne le père d'Ariane : un homme affable, doux et malin, qui donne son tempo au film. Narrateur, il est celui dont la voix introduit le récit. Sur ce point, il est d'ailleurs amusant de comparer Ariane avec Gigi. Tourné un an plus tard, le film de Minnelli démarre exactement comme Ariane. Au cours d'un long monologue, Maurice Chevalier évoque Paris et ceux qui s'aiment avec le charme désuet de son accent français. Difficile de dire si Vincente Minnelli s'est inspiré de la mise en scène de Wilder mais l'analogie est  frappante...

 

Enfin le triangle des personnages ne saurait être complet sans la présence d'Audrey Hepburn. Habillée par Givenchy, elle promène sa silhouette légendaire sous le regard amusé de Billy Wilder. Totalement sous son charme, le cinéaste semble avoir façonné son film comme un écrin pour l'y accueillir. Peu de temps après le tournage, Wilder jouera au prophète en affirmant : «Le culte du néné a envahi le pays. Audrey Hepburn peut d'un revers de main envoyer les grosses poitrines au grenier. Plus jamais un réalisateur ne devra inventer des plans où la fille se penche en avant pour prendre un scotch ou un soda. » Si la déclaration est jolie, rappelons tout de même que, deux ans plus tard, Wilder retournera au "grenier" pour y retrouver Marylin Monroe avec qui il tournera Certains l'aiment chaud !

 

Audrey Hepburn, Gary Cooper et Maurice Chevalier forment donc le trio d'Ariane. Trois comédiens qui, sous l'œil acéré de Wilder, donnent vie à un scénario cousu main. Avec ce film, Billy Wilder réalise certainement son œuvre la plus "lubitschienne". Une manière pour lui de rendre hommage à son mentor tout en offrant à son public une comédie à la fois douce et impertinente avec des acteurs inoubliables.

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19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 08:44

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En Californie, à l'époque de la ruée vers l'or, Lahood Corporation, puissante société d'orpailleurs entend contrôler la ville et ses habitants. Coy Lahood est fermement décidé à expulser les quelques mineurs isolés qui tentent de lui résister et à s'approprier leurs terres. Pour Hull Barret, sa fiancée et la fille de cette dernière, une ravissante adolescente, la situation devient chaque jour plus difficile. Surgit, alors que leur camp vient d'être sauvagement attaqué par les hommes de Lahood, un mystérieux cavalier solitaire.

 

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Il semble sortir de nulle part et se dit Pasteur. Eastwood reprend ici le thème déjà traité dans L'homme des hautes plaines avec un côté biblique qui fait entrer un peu de surnaturel dans un western où la violence reste très présente. Tout y est : la musique d'ambiance, les paysages âpres et sauvages, la petite ville écrasée de poussière et de chaleur, les gueules patibulaires, la jeune fille exaltée et, enfin, le cavalier mystérieux qui entend rétablir l'ordre au prix d'une violence toute biblique.

 

Une action assez lente, des acteurs parfaitement bien ciblés et une interprétation impériale d'un Clint Eastwood, qui semble prolonger le personnage qu'il campait autrefois dans les films de Sergio Leone, font de cet opus une réalisation sobre et convaincante. Le rôle de la jeune fille amoureuse du bel inconnu est quelque peu superflu et aurait pu être évité, tant le film vaut par la rigueur des scènes où s'affrontent, sans concession et avec une sauvagerie inouïe, l'homme chargé de rétablir la justice à n'importe quel prix et ces cavaliers de l'apocalypse uniformisés comme les forces du mal sortant de l'enfer du profit malhonnête et se livrant à une lutte sans merci. Une scène d'une froideur implacable qui donne au film sa force et prouve l'indéniable talent de Clint à traiter un scénario sous forme de parabole.  


 

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CLINT EASTWOOD - PORTRAIT
 

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27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 08:46
GATSBY LE MAGNIFIQUE de BAZ LUHRMANN

                           

Printemps 1922. L'époque est propice au relâchement des mœurs, à l'essor du jazz et à l'enrichissement des contrebandiers d'alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s'installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d'un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s'étourdit en fêtes mondaines en compagnie de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C'est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d'absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats.

 

Voilà une nouvelle variante du chef-d'oeuvre de Fitzgerald qui dispense le chaud et le froid, vous fait passer, surtout lors de la première demi-heure, de l'agacement à la complicité lorsque enfin vous quittez les excès d'une époque mouvementée et de scènes d'un goût douteux pour entrer dans le mystère qui, tout entier, reste celui du personnage de Gatsby et qu'on l'aperçoit seul, au bout d'une jetée, regardant clignoter une petite lumière verte. Oui, nous sommes bien dans le roman de Francis Scott Fitzgerald revisité par un metteur en scène qui a pour les effets spéciaux, les décors, les costumes, les couleurs, la main lourde, mais ne manque ni d'intelligence, ni de sensibilité malgré sa propension à l'outrance. Peut-être cette outrance est-elle la bienvenue ici, si l'on considère que  cette version de Gatsby n'appartient à aucune époque précise, peut-être même davantage à la nôtre qu'à celle des années folles...C'est ce qui, en quelque sorte, en fait l'intérêt et l'originalité, tant les facteurs de décadence sont proches : goût démesuré du plaisir, course irrépressible vers l'abîme, attrait pour l'argent et le luxe tapageur et déclin des valeurs essentielles. Installé à Long Island, Gatsby a fait construire un château baroque et démesuré - celui du film est particulièrement kitch - où il donne des fêtes fastueuses pour les gens chics et moins chics qui se pressent à venir boire ses cocktails, à danser sur ses pelouses et à plonger dans sa piscine. Mais lui n'a qu'une obsession : retrouver Daisy, son amour de jeunesse, dont la maison se trouve juste en face de la sienne, de l'autre côté du lac.

 

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Il est certain que les excès de décorum nuisent au personnage de Gatsby dont la fêlure secrète avait été si subtilement évoquée par l'écrivain et qui est ici absente, gâchée par une surcharge d'images et un style qui dispense plus de poudre aux yeux que de vérités. Mais, l'interprétation de Leonardo DiCaprio parvient à donner au héros sa stature et sa mélancolie et à faire basculer l'histoire dans la réalité du récit littéraire. Il y a même de très belles scènes dont celle de la visite de Daisy dans la demeure de son soupirant qui est probablement la plus réussie du film. Dans l'ensemble les acteurs s'en tirent bien : Nick Carraway est interprété par un Tobey Maguire assez effacé mais crédible, Daisy par Carey Mulligan, charmante, mais loin de valoir la délicieuse Mia Farrow dans la plus classique version de Jack Clayton, et Tom Buchanan par Joël Edgerton qui s'en tire plutôt bien. N'en reste pas moins que le film repose essentiellement sur les épaules de Leonardo DiCaprio dont la sensibilité à fleur de peau, de lèvre, de sourire et de regard fait merveille. Il est moins évanescent que Robert Redford,  solide et fragile en même temps, et je pense que sa prestation aurait touché Scott Fitzgerald tant elle est intériorisée. DiCaprio s'affirme une fois de plus comme l'un des grands du cinéma international, un acteur qui peut tout jouer. 

 

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Bien qu'elle pêche par manque de concision, de rigueur et de goût, cette version ne peut laisser personne indifférent. Ses défauts sont à la hauteur de ses qualités et imposent un style baroque d'une incontestable liberté de ton, d'audace et de fantaisie. Pour cela, il est intéressant de le voir, de même que pour DiCaprio bouleversant dans ce personnage partagé entre le meilleur et le pire et dont le rêve fracassé nous touche toujours autant.

 

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LEONARDO DICAPRIO - PORTRAIT

 

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 10:47
HAPPINESS THERAPY de DAVID O. RUSSEL

     
Le film, inspiré d'un roman de Matthew Quick, commence alors que Pat Solatano, trente ans, sort de huit mois d'hôpital psychiatrique pour avoir tabassé l'amant de sa femme, un professeur d'histoire surpris avec elle sous la douche, dans sa propre maison. Ayant tout perdu, maison, travail, épouse, il revient vivre chez ses parents, tous deux assez mal lotis par le sort, son père, sans situation, se plaisant à parier sur des matchs de foot afin de tenter de gagner un peu d'argent et d'ouvrir un restaurant, sa mère passant la plus grande partie de ses journées à préparer des petits plats pour régaler les copains de passage. Invité par des voisins, Pat va faire la connaissance de Tifany, une très jeune veuve qui vient d'être virée de sa boîte, parce qu'elle assume trop bien la part érotique de sa personnalité et a couché avec tous les hommes et femmes de son business. Ne parvenant pas à mettre Pat, dès le premier soir dans son lit, la jeune femme va tout faire pour le convaincre de participer avec elle à un concours de danse et, pour y parvenir, car le supposé partenaire se montre récalcitrant, lui proposer de le mettre en relation avec sa femme par le truchement d'une lettre qu'il lui écrirait. Appâté par cette proposition, le supposé participant va accepter le défi. Dès lors, le décor planté, le long métrage ne va pas mettre moins de deux heures à nous livrer son message qui n'est autre que celui-ci : nous sommes tous les victimes de notre propre folie... En voilà d'une découverte !

 

 

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Dans la banlieue de Philadelphie où  il se  déroule, il est vrai qu'il ne se passe pas grand chose. En dehors du foot, des réunions entre amis pour discuter et parier sur les joueurs, les petits plats mijotés par madame Solatano, c'est la platitude absolue, un monde où chacun vit sa propre démence dans un désert psychologique et culturel total. L'opus ne fait d'ailleurs rien d'autre que de pointer du doigt ce vide abyssal et cette déchéance progressive où plonge une Nation qui ne semble plus avoir ni repère, ni ambition, ni perspective. Si bien que les troubles obsessionnels et compulsifs sont le lot de chacun. Voilà ce que ce film met deux longues heures à nous démontrer, recourant pour cela à des images banales, des dialogues creux, au cours d'une action languissante qui se contente d'alterner les crises de nerfs successives des différents protagonistes. Passionnant ! Cette soi-disant thérapie du bonheur n'a certes pas fait la mienne, ni semble-t-il celle des spectateurs qui se trouvaient hier après-midi dans la salle. Car, quel est le but du metteur en scène David O. Russel, sinon de nous faire partager sa vision négative et bien peu comique du bipolarisme dans lequel plonge l'Amérique toute entière ? Fallait-il, pour nous en convaincre, ce film affligeant d'ennui où les acteurs eux-mêmes se répètent et qui est terni par le recours aux artifices les plus éculés. Malgré une rythme plus brouillon que convaincant, même un acteur aussi exceptionnel que Robert de Niro en perd le souffle et l'inspiration... La seule à sortir son épingle du jeu est, selon moi, Jennifer Lawrence qui nous séduit lors de quelques rares moments de charme véritable, surtout à la fin où, après une si longue attente, elle nous gratifie d'un court instant de grâce.

En conclusion, beaucoup de bruit pour rien.

  

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HAPPINESS THERAPY de DAVID O. RUSSEL
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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

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