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7 septembre 2023 4 07 /09 /septembre /2023 09:31

le navire-est-voile-3 (Petit)                                                                            

      

                         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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17 septembre 2022 6 17 /09 /septembre /2022 15:35
Gérard Oury, le magicien du rire

Comprenant qu'il n'avait pas un grand avenir d'acteur, Gérard Oury eut la sagesse de se tourner vers une autre activité, celle de metteur en scène, où il excellera. Cet homme intelligent et cultivé avait un oeil imparable pour déceler nos ridicules. On sait que le comique est le propre de l'homme, lié principalement à ce qui est de l'ordre de l'humain. Un objet ne fera pas rire par lui-même, un paysage non plus. Et on ne rira de l'animal que s'il présente, par une attitude ou une expression, une similitude avec l'homme. Gérard Oury sut utiliser les ressources du comique avec économie, sans céder à la vulgarité. Il eut également le mérite de choisir ses acteurs et les associer en des duos percutants. On ne peut oublier le couple formé par Louis de Funès et Bourvil ; pas davantage par le duo Montand/de Funès. Peu d'échec dans sa filmographie. Par contre, des pages d'anthologie et quelques chefs-d'oeuvre inénarrables d'humour, où les tics des uns, les bons mots des autres, la naïveté de certains, le caractère agité et outrancier de quelque autre déclenchaient notre hilarité. Il est vrai qu'il est plus aisé d'émouvoir que d'amuser. Alors que l'émotion est près du coeur, le rire est proche de l'intelligence, au point d'avoir les moyens d'éduquer nos moeurs. Il y a chez l'auteur d'une pièce ou d'un film comique un pédagogue et un moraliste qui sommeillent. Le comique n'est ni le laid, ni le mauvais, ni le méchant. A l'instar de la caricature, il souligne nos travers, nos manquements, nos désaccords, nos étourderies, nos vanités, nos lourdeurs, nos inconséquences, nos manies, nos avarices, nos travestissements, sans être malveillant. Le personnage comique est le plus souvent pétri de jovialité et de bonhomie, au point de susciter notre sympathie et de faire de nous son complice. Enfin le rire exerce une fonction psychologique. Il nous détend et resserre nos liens avec autrui, tant il est vrai que nous nous plaisons à rire ensemble. On rit rarement seul. Le rire est éminemment social. Ne dit-on pas " Plus on est de fous, plus on rit" ?

 

Né à Paris en 1919, le cinéaste eut la chance d'avoir une mère journaliste qui l'introduisit très tôt dans le milieu artistique. Comme je l'écrivais plus haut, il ne fut pas un acteur de premier plan, bien qu'il ait fait le conservatoire, suivi  les cours de Louis Jouvet et été pensionnaire de la Comédie Française. Dans le même temps, il se tournait  vers le cinéma où on lui confia plus volontiers des rôles de personnages cyniques et antipathiques, ce qui dut le lasser, car il passera bientôt derrière la caméra - pour épater la femme qu'il aimait - Michèle Morgan, dira-t-on - et trouver sa véritable voie. Sa carrière de metteur en scène sera, contrairement à celle d'acteur, éblouissante et son ascension irrésistible, au point qu'une grande partie de ses films figurent dans la plupart des vidéothèques. Ce seront bien sûr  Le CorniaudLa grande vadrouille, La folie des grandeurs, Rabbi Jacob, L'as des as, parmi les meilleurs, jalonnant un parcours exceptionnel et, ce, dans un registre particulièrement casse-cou : la comédie. On sait aussi l'importance qu'aura pour lui sa rencontre avec Louis de Funès, comédien peu connu à l'époque, qui devait l'inciter, après quelques essais dans le domaine du film noir comme  La menace  ou  Le crime ne paie pas,  à exploiter sa veine comique qu'il avait immédiatement décelée. Le 11 mars 1998, Gérard Oury sera élu membre de l'Académie des Beaux-Arts, au siège anciennement occupé par René Clément, et reçu avec les honneurs qui accompagnent cette intronisation par Pierre Schoendoerffer. En 2001, devenu presque aveugle, il dictera un livre de souvenirs et d'anecdotes publié sous le tire : "Mémoires d'éléphant" (Plon). Il meurt à Saint-Tropez le 20 juillet 2006 à l'âge de 87 ans, après une vie qu'il considérait comme celle d'un laborieux comblé.

 

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Bourvil et Louis de Funès

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Gérard Oury et Michèle Morgan

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5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 10:06

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Plus retentissant encore que "La symphonie pastorale", l'événement de l'après-guerre fut "Le diable au corps" de Claude Autant-Lara, tourné fin 1946 et sorti l'année suivante. Le roman autobiographique de Raymond Radiguet, écrivain prodige découvert par Cocteau, mort à 20 ans en 1923, l'année de la parution de son livre, narrait en un style concis, d'une lucidité cruelle, les amours d'un adolescent et d'une femme de combattant, pendant la guerre de 14. Aurenche et Bost, qui avaient signé le livret et déjà travaillé avec Autant-Lara pour "Douce" (1943), chef-d'oeuvre noir d'après un roman d'une femme de lettres, qui signait d'un pseudonyme masculin Michel Davet, construisirent le scénario du "Diable au corps" avec une suite de play-back à partir de l'enterrement de Marthe, l'héroïne, faisant ainsi revivre les souvenirs de François, son amant, et permettant de rendre au film l'équivalence du roman écrit à la première personne par Radiguet. Gérard Philipe, qui avait l'âge du héros, acteur romantique par excellence, parvint à rendre dans toute sa complexité le personnage de ce jeune garçon cruel par inconscience, cynique sans le savoir, comme peuvent l'être de nombreux jeunes gens de dix-sept ans dans les circonstances éprouvantes de la guerre. Ce fut l'un de ses grands rôles et l'acteur reste à jamais François Jaubert, cet adolescent de l'arrière qui veut jouer l'homme sans se soucier du conflit  et des règles morales. De même que Micheline Presle fut une Marthe Grangier magnifique, emportée par sa passion et vivant cette liaison jusqu'à la mort. "Le diable au corps" a été un grand succès populaire et la jeunesse de 1947 y contribua grandement, trouvant dans cette histoire une correspondance avec ses propres problèmes. Le film n'avait pas pour sujet le désespoir, mais l'amour, et se voulait un plaidoyer virulent contre la guerre. Sa résonance s'accrut encore lorsque commencèrent à se faire sensibles les premières menaces de la guerre froide. Le film valut à son réalisateur le prix de la critique internationale et à Gérard Philipe celui du meilleur acteur au festival de Bruxelles 1947. Mais le scandale ne fut pas évité pour autant, car au sortir de la seconde guerre mondiale, on n'admettait pas davantage, qu'au temps de la première, la révolte adolescente qui s'exprimait non par le courage et l'engagement, mais par l'égoïsme et la sexualité. L'atteinte à l'institution du mariage et à la fidélité des femmes de combattants choquaient également. S'attaquant à la bourgeoisie et aux entraves mises à la liberté individuelle, Claude Autant-Lara se révélait, avec ce film, un cinéaste dérangeant et  fier de l'être. Il continua sur le même ton avec un film comme "Le Bon Dieu sans confession" (1953) d'après un roman de Paul Vialar et causa un nouveau scandale lorsqu'il adapta pour l'écran en 1954 "Le blé en herbe", d'après le roman de Colette, où un adolescent est initié à l'amour par une femme mûre (Edwige Feuillère), film très fidèle au livre et remarquablement mis en scène.

 

Comme Christian-Jaque, Claude Autant-Lara sera ensuite tenté par l'oeuvre de Stendhal et en 1954 s'attaquera au "Le Rouge et le Noir", film en couleurs en deux parties, avec de très beaux décors stylisés et, de nouveau, Gérard Philipe en héros stendhalien. Après s'être glissé dans la peau de Fabrice del Dongo, il sera un très convaincant Julien Sorel aux côtés de deux femmes : Danielle Darrieux en Madame de Rénal et la ravissante Antonella Lualdi en Mathilde de la Mole. Oeuvre de prestige, dont on peut dire qu'elle est l'un des sommets de cette conception du cinéma de qualité à la française inspiré par la littérature. Les critiques littéraires ne se privèrent pas, une fois encore, de marquer leur désapprobation pour un exercice qui, selon eux, dévalorisait l'oeuvre d'un de nos grands romanciers, mais les critiques cinématographiques ne leur emboîtèrent pas tous le pas, à l'exception de Truffaut, dont on sait que sa position intransigeante causa des ravages. Néanmoins, dès le prologue, le romantisme jacobin de Stendhal se manifestait, tandis que la couleur et les sobres décors de Max Douy apportaient beaucoup à la puissance expressive du film.

 

En 1955, le cinéaste réalise un vieux rêve : porter au cinéma "Marguerite de la nuit",  de Pierre Marc Orlan, où le mythe de Faust est transposé, dans le Paris de l'entre- deux- guerres, avec Yves Montand, diable au pied bot, Palau en vieux Faust, Jean-François Calvé en Faust jeune et Michèle Morgan en émouvante Marguerite. Décorateur et créateur de costumes pour Marcel L'Herbier dans sa jeunesse, Autant-Lara retrouvait avec ce film les enthousiasmes de l'avant-garde et se lançait dans une expérience esthétique "Art déco", trop esthétisante d'ailleurs, au point que ce film fut un véritable bide et resta quasiment méconnu. Par contre  "La traversée de Paris", en 1956, d'après une nouvelle de Marcel Aymé avec Gabin et Bourvil sera un immense succès et une chronique au vitriol du Paris occupé de 1943 avec ses profiteurs et ses gagne-petit. Ce film, étonnant par sa verve et sa noirceur, reste encore de nos jours un des longs métrages que la télévision se plait à nous passer régulièrement. Il faut dire que, dans ce film, Autant-Lara donne la pleine mesure de son talent et qu'il hausse jusqu'à l'épique la truculence, l'exagération, la hargne, l'outrance, voire même la vulgarité. Et puis il est servi par deux têtes d'affiche époustouflantes : Bourvil et Gabin, dont le duo est un régal de cocasserie et auquel se joint un Louis de Funès dont les qualités d'acteur pointent le nez avec gourmandise. On sait ce que fut la suite de sa carrière. 

 

En 1958, alors que la Nouvelle Vague s'apprête à déferler, écrasant tout sur son passage et reconduisant sans ménagement la vieille garde dans les coulisses, Claude Autant-Lara réalise une fidèle adaptation d'un roman de Georges Simenon (toujours avec Aurenche et Bost) "En cas de malheur", où Gabin, encore lui, aura pour partenaire Brigitte Bardot en femme fatale, pour laquelle un grand avocat parisien perd la tête. Autant-Lara parviendra à tirer le maximum d'une vedette plus réputée pour sa plastique irréprochable que pour ses dons de comédienne ; mais il faut reconnaître à Bardot d'être entrée, autant que faire se peut, dans son personnage avec beaucoup de bonne volonté et d'avoir affronté Gabin avec courage. Ce film sera la dernière grande réalisation d'Autant-Lara et ne dévalorise nullement l'ensemble de sa production. Ce film fut d'ailleurs bien accueilli, les deux vedettes jouissant d'une renommée suffisamment considérable pour attirer dans les salles un public nombreux. La stabilité relative du cinéma français, durant la période 1948-1960, avait permis à divers créateurs consacrés d'épanouir leur talent. Mais cela aboutissait, au fil des années, à une inévitable sclérose, car l'art - contrairement à l'industrie - ne saurait fabriquer en série des prototypes ; or le danger d'un cinéma, menacé par les stéréotypes, allait faire le succès incroyable de la Nouvelle Vague. Autant-Lara, comme Christian-Jaque et tous les grands auteurs de cette décennie, se retirerait, convaincu qu'il était victime d'une réelle injustice, après avoir signé une cinquantaine de films et marqué de son empreinte, de sa verve, de son insolence, de son talent, ce cinéma de l'après-guerre. Il mourut à Antibes le 5 février 2000.

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CLAUDE AUTANT-LARA, UN CINEASTE DERANGEANT
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31 mai 2022 2 31 /05 /mai /2022 08:47

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Le roi de Suède vient de mourir sur le champ de bataille de Lutzen et sa fille Christine, qui lui succède, n'est encore qu'une enfant. Le fidèle Axel Oxenstierna sera son conseiller. Les années passent et la jeune reine manifeste très vite des qualités d'intelligence exceptionnelles, tout en devenant une femme d'une extrême beauté. Elle s'éprend de Lord Magnus et souhaite assurer la paix de son pays, principalement avec la Russie. Les gens de son royaume aspirent à ce qu'elle épouse le prince Charles Gustave, dont les victoires militaires ne se comptent plus. Mais Christine fait la connaissance de Don Antonio de La Prada, ambassadeur d'Espagne, venu demander sa main pour le compte du roi Philippe  II d'Espagne. En sa compagnie, et sans se dévoiler, elle passe  une nuit passionnée dans une auberge et, par la suite, la jeune femme est si vivement éprise qu'elle ose braver l'opinion et tente d'imposer Don Antonio comme prince consort. Malheureusement son peuple, dressé contre elle par Lord Magnus, manifeste son opposition. La reine, n'écoutant  alors que ses sentiments, préfère abdiquer plutôt que de renoncer à son amour. Les amants ont le projet de se retrouver sur un navire qui les emmènera loin de la Suède, cependant que Magnus, fou de jalousie,  provoque  Don Antonio en duel et le blesse mortellement. L'ambassadeur viendra mourir dans les bras de la souveraine qui quitte seule le pays. On sait que Christine de Suède finira son existence à Rome.

 

La reine Christine,  film magnifique, tourné en 1933, eut des débuts difficiles. Après avoir envisagé de confier la mise en scène à Ernst Lubitsch, puis à Sternberg,  Irving Thalberg choisit finalement  Rouben Mamoulian  qui venait de réaliser " Le Cantique des Cantiques " avec Marlène Dietrich. Pour interpréter le rôle de Don Antonio de la Prada, on avait d'abord choisi Laurence Olivier et celui-ci fut engagé ; mais, lors des premières prises de vue, le couple qu'il forme avec la vedette en titre Greta Garbo ne fonctionne pas et ne dégage pas l'aura nécessaire pour rendre crédible leur passion réciproque. Laurence Olivier était peut-être trop jeune, trop inexpérimenté pour jouer à jeu égal avec Greta Garbo, dont la personnalité en imposait d'emblée et galvanisait l'écran. Toujours est-il que, grâce à l'influence de l'actrice, John Gilbert, qui avait été son partenaire dans  La chair et le diable et dans Love, et avec lequel elle avait vécu une liaison amoureuse de plusieurs années, est choisi pour le remplacer. Il faut reconnaître que l'acteur hollywoodien sut composer le personnage de l'ambassadeur avec le panache, l'ironie, le charme et la fougue capables d'évincer n'importe quel rival et rendre compréhensible l'embrasement de la reine. Dès les premiers plans, la splendeur du film s'impose. En quelques images, Mamoulian évoque la bataille de Lutzen et le roi qui meurt résigné, disant au soldat qui l'interroge : Je suis roi de Suède. La scène suivante est celle du serment de fidélité de la jeune Christine. Ensuite le metteur en scène s'effacera devant la personnalité de sa vedette qui campe avec intelligence, élégance, classe et autorité une reine de Suède envoûtante. En effet, le film  nous présente une femme admirable de charme, de mystère, de passion, d'ambiguïté, se plaisant à parler de Vélasquez et de Molière, interrogeant les paysans sur l'avenir de leur pays, affrontant le Parlement et la Cour, se défiant à juste raison de Lord Magnus, contrant l'archevêque lui-même en lui déclarant : " Que faites-vous du Dieu de l'ennemi ? " Volontiers vêtue en homme, la reine crée un style qui va surprendre et choquer l'Europe du XVIIe. Le metteur en scène n'hésite pas à révéler sa bisexualité, ce qui prouve la liberté de ton et de franchise dont il use, faisant fi des réserves que risquaient d'émettre les censeurs d'Hollywood.
 

 

L'un des plus beaux moments du film se déroule dans l'auberge où la reine, qui ne s'est pas encore fait reconnaître, rencontre l'ambassadeur de Suède et partage avec lui  une nuit d'amour. Christine se lève au petit jour et commence à caresser les objets de la pièce, comme si elle voulait graver à jamais dans sa mémoire les moindres détails, de façon à pouvoir, par la suite, les réactualiser dans sa pensée. Mamoulian s'est lui-même expliqué au sujet de la réalisation de cette scène : "La séquence dans la chambre à coucher de l'auberge, où Christine se déplace tout autour de la pièce, touchant chaque chose, caressant chaque objet, gravant le lieu tout entier dans sa mémoire, est pour moi un véritable sonnet. La scène a d'ailleurs été tournée avec un métronome. J'ai expliqué à Garbo : cela doit être une pure poésie, une pure émotion. Le mouvement doit avoir la grâce d'une danse. Faites comme si c'était de la musique."  

 

La scène des adieux est également superbe. Ayant en quelques phrases retourné en sa faveur ceux mêmes qui lui refusaient l'union avec un homme qui n'était pas de sang royal, elle n'en décide pas moins de sacrifier son trône pour assurer son bonheur de femme. Elle rend le sceptre et le globe, enlève elle-même sa couronne, dégrafe son manteau d'hermine et part au milieu de ses sujets en larmes. Plus que jamais le romanesque l'emporte sur l'histoire, dans un style flamboyant qui magnifie la liaison tragique de Christine et de Don Antonio de la Prada. Quant à l'ultime scène, elle se passe sur le navire prêt à appareiller.  La dernière scène, a avoué Mamoulian - présentait plusieurs difficultés. J'avais dans l'idée d'aboutir à un gros plan de Garbo à la proue du navire ; mais, à cette époque, cela présentait des difficultés. Bill Daniels, le chef opérateur, déclara que c'était impossible sous peine de perdre le point et d'avoir une image floue. Je me souvins alors de la lanterne magique que j'avais eue, étant enfant, à Tiflis, avec quatre images sur la même plaque. Je suggérai d'appliquer ce principe devant l'objectif. Cela fonctionna parfaitement. Maintenant, naturellement, c'est une pratique courante. Garbo me demanda : Que dois-je faire dans cette scène ? - Je lui ai répondu : Avez-vous entendu parler de la tabula rasa ? Je veux que votre visage soit comme une feuille de papier immaculée. Je veux que ce soit chaque spectateur qui écrive. Je voudrais même que vous fermiez les yeux afin de n'être plus qu'un masque. En fait, il n'y a rien sur son visage mais chaque personne qui a vu le film vous dira qu'elle pense et est émue. Et c'est toujours quelque chose de différent. Chacun écrit sa propre fin du film. Il est intéressant de remarquer que c'est la scène dont on se souvient toujours le plus clairement.

 

De tous les films de  Greta Garbo,  il est vrai que La reine Christine est celui dont on se souvient le mieux. Le personnage correspondait à sa propre nature, son partenaire, John Gilbert, était l'homme qu'elle avait aimé, le metteur en scène, l'un des plus talentueux de sa génération. Aussi ce film, malgré son âge, exerce-t-il toujours son étrange fascination. Un chef-d'oeuvre.

 

      

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11 février 2022 5 11 /02 /février /2022 11:03
René Clair ou rigueur et nostalgie du 7e Art

René Clair,de son vrai nom René Chomette, était né à Paris le 11 novembre 1898. Fils de savonnier, il grandit dans le quartier des Halles et commença sa carrière comme journaliste à l'Intransigeant, tout en écrivant des paroles pour la chanteuse Damia. Puis, il s'essaya comme acteur dans plusieurs films: "Le lys de la vie", "l'Orpheline", "Parisette" et prit alors le pseudonyme de René Clair. C'est en 1922 qu'il se lance dans la rédaction d'un premier scénario "Le rayon diabolique", qu'il adapte et réalise lui-même un an plus tard et qui sortira dans les salles en 1923, avec un titre plus attrayant  "Paris qui dort". Néanmoins, ce n'est pas avec ce premier long métrage qu'il accédera à la célébrité, mais avec le suivant, la commande d'un court métrage, dont l' objet est de distraire les spectateurs durant l'interruption entre deux ballets. Cette réalisation, peu habituelle, prendra d'ailleurs pour titre celui d'Entracte en 1924. D'inspiration dadaïste, groupe que René Clair  fréquentait à l'époque, elle va faire scandale et assurer ainsi, à son jeune auteur, la notoriété qu'il souhaitait pour poursuivre sa carrière d'écrivain et de cinéaste. Vont se succéder des films étincelants qui ont marqué les mémoires : "Ma femme est une sorcière" (1942), "Le silence est d'or" (1947), enfin "La beauté du diable" (1949) où il revisite le mythe de Faust avec, dans le rôle principal, Gérard Philipe. Cette rencontre va compter pour René Clair, qui découvre, en cet acteur exceptionnel, son double : un être à la mélancolie élégante. Dans le film "Les belles de Nuit" (1952) qu'il tourne avec lui, le cinéaste crée une variation subtile sur la porosité des états de veille et de sommeil,  ligne indiscernable qui sépare la réalité de l'imaginaire, le vécu de l'espéré, s'inspirant de cette pensée de Blaise Pascal : " Si nous rêvions toutes les nuits de la même chose, elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. Et si un artisan était sûr de rêver toutes les nuits qu'il est roi, je crois qu'il serait presque aussi heureux qu'un roi qui rêverait toutes les nuits qu'il est artisan".

 

L'histoire est simple : celle d'un modeste professeur de musique dans une ville de province. Ses élèves ne partagent pas sa passion et le chahutent, les femmes paraissent l'ignorer et ses compositions musicales ne plaisent pas davantage. Il s'ennuie et se lamente. Et voilà que, lors d'une leçon particulière qu'il donne et où il s'ennuie plus qu'à l'habitude, il sombre dans un profond sommeil. Qu'advient-il ? Contrairement à ce qu'il vit quotidiennement, ce rêve le comble en lui apportant gratification, amour et succès. Est-ce le bonheur enfin réalisé, le rêve plus fort que la vie ? Partition  sur laquelle René Clair va donner toute sa mesure, celle d'un poète, d'un enchanteur, servi par une distribution brillante. Cette fable délicieuse et morale, qui nous montre que le songe peut être aussi trompeur que la réalité, finit bien, puisque l'obscur professeur, en se réveillant, s'aperçoit, juste à point nommé, qu'il y a mille bonnes raisons d'aimer la vie, dès l'instant où l'on met en elle un brin de rêve, un rien de saveur. Il est amusant de souligner que cet ardent défenseur de l'art du silence fut, par une ironie du sort, l'auteur du premier film parlant français. "Sous les toits de Paris" refuse l'invasion par les dialogues et écarte le parallélisme du son et de l'image, auquel il préfère le contraste et le contre-chant. Lui-même se voyait davantage en pourvoyeur d'idées qu'en styliste. C'est la raison pour laquelle il fit ses premiers pas dans l'audiovisuel à reculons, adoptant une curieuse stratégie : il s'interdira l'usage simultané du son et de l'image. Tantôt nous avons la parole sans l'image (une querelle d'amoureux dans la pénombre), tantôt l'image sans la parole (une scène vue à travers la vitre d'un café). Ces jongleries, même si elles relèvent du gag, ont défini le style de René Clair, malgré lui. Aussi, au début des années 50, était-il considéré comme le metteur en scène français le plus important pour son réalisme poétique, l'ambiance aimable et bon enfant qui caractérisent une part de sa filmographie. Car René Clair, c'est d'abord un regard amusé sur les êtres humains, un ton alternant tristesse et humour, un contact direct avec le public. Henri Langlois notait qu'il représentait au regard de l'étranger la personnification de l'esprit français, en digne successeur de Molière et de Feydeau. Il n'en a pas moins travaillé en Grande-Bretagne où il réalisera deux films dont l'excellent Fantôme à vendre,  dans un esprit parfaitement proche de l'esprit britannique, puis à Hollywood "La belle ensorceleuse", film construit autour de la star Marlene Dietrich et surtout "Ma femme est une sorcière" qui prouve la constance de son style dans un contexte différent. Il signe son retour en France avec  "Le silence est d'or",  une oeuvre où il s'attendrit, non sans nostalgie, sur l'époque du muet. Puis viendront "Les grandes manoeuvres" et  "La porte des Lilas" où apparaît un certain désenchantement, avant que René Clair ne cède à une production plus commerciale et moins inspirée et que la défaveur ne fonde brusquement sur lui. Après avoir été porté aux nues, il tombe en disgrâce. Mais pourquoi ce discrédit soudain ? Certes, ces derniers travaux s'avéraient assez médiocres, son attitude était perçue comme hautaine, et il était devenu à la mode de tuer le père et de dénigrer ses films. Robert Bresson - qui avait travaillé avec lui - considérait que Clair avait privilégié le spectacle au mépris de l'écriture. D'ailleurs Clair lui-même se plaisait à dire qu'une fois son scénario bouclé, le film était quasiment fait. L'écriture littéraire était son jardin secret, moins l'écriture cinématographique. C'était déjà l'installation dans une immortalité qui en ferait un cinéaste classique mais dépassé et son entrée solennelle à l'Académie française.

 

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La beauté du diable et Les grandes manoeuvres
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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 09:48
LA FILLE COUPEE EN DEUX de CLAUDE CHABROL

   

Inspiré d'un fait divers américain, l'assassinat en 1906 d'un célèbre architecte Stanford White par l'époux de son ex-maîtresse, une jeune actrice de music-hall, et de  "La fille sur la balançoire " (1955), l'excellent film de  Richard Fleischer,   La fille coupée en deux  de  Claude Chabrol  décrit l'ambition d'une jeune femme, présentatrice météo sur une chaîne de télévision locale, d'abord éprise d'un écrivain en vogue égotique et pervers, puis d'un jeune héritier déjanté et suicidaire, dont les amours partagées aboutiront à un drame trop bien annoncé pour surprendre aucun des spectateurs, et nous immerge dans le microcosme médiato-culturel de la télévision et de l'édition.


Chabrol, qui se considère volontiers comme "l'impitoyable anatomiste des passions humaines",  ne nous fait grâce d'aucune des perversions de ce milieu restreint et nous le dépeint avec une sombre férocité qui, malheureusement, n'échappe pas au trait excessif et caricatural, au point de gâter notre plaisir et de nuire à la cohérence psychologique des personnages. Ce maître du trompe-l'oeil, qui se plait depuis  Le beau Serge  à dénoncer les faux-semblants et les tares de notre société, nous livre ici un scénario trop outrancier, une intrigue qui dégénère assez vite en une farce dans laquelle le fils à papa, dandy de sous-préfecture, campé par un  Benoît Magimel  auquel on en demande trop et qui surcharge son rôle de façon à ce qu'il ne soit plus crédible, coopèrent pour rendre peu vraisemblable cette histoire de séduction et de vengeance. Je suis sortie déçue de cette projection, alors que je m'y rendais sans aucun à-priori, étant une admiratrice du cinéaste dont je considère certains de ses films comme d'incontestables chefs-d'oeuvre.

 

Là, le savoir-faire de Chabrol, son rythme de découpage incisif et percutant, l'atmosphère qu'il sait créer dès les premières images, moment où le décor, les personnages, les situations se mettent en place, ce talent où se mêlent dérision et subtilité ne fonctionne pas à plein et nous laisse sur une amère déception. On ne retrouve pas le grand Chabrol que nous avons apprécié et dont chacun des films était une leçon du style le plus décapant qui soit. Là, on subit un échantillonnage d'êtres en rupture avec eux-mêmes, figés dans des compositions paroxysmiques dont on ne peut croire qu'elles sont l'ordinaire de notre temps. Seule Ludivine Sagnier  nous touche, lors des premières scènes, quand la jeune fille, qu'elle est sensée représenter, découvre le monde corrompu dans lequel son amant tente de l'entraîner... un moment de grâce.

 

Pour prendre connaissance de l'article consacré à Claude Chabrol, cliquer sur son titre :

 

CLAUDE CHABROL OU UNE PEINTURE AU VITRIOL DE NOTRE SOCIETE

 

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LA FILLE COUPEE EN DEUX de CLAUDE CHABROL
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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 11:30
Adieu Monsieur Haffmann de Fred Cavayé

Paris 1941. Inquiet de la tournure que prennent les événements, le juif Joseph Haffmann (Daniel Auteuil), joaillier installé dans la capitale avec sa femme et ses trois enfants, pense que le temps est venu de se réfugier en France libre tant l’étau se resserre dangereusement et que les persécutions nazies se précisent. Sa femme et ses enfants sont déjà partis lorsque celui-ci, ayant négocié son affaire auprès de son employé, peut lui confier la boutique et l’appartement le temps que durera cette sinistre guerre. Malheureusement, depuis le départ de sa femme et de ses enfants, l’étau s’est resserré au point que Joseph Haffmann est obligé de rester sur place, dans la cave de sa propre boutique, nourri et caché par son employé et son épouse. Cohabitation d’autant plus compliquée que ce dernier n’hésite pas à satisfaire les exigences et les caprices d’une clientèle allemande qui se rend de plus en plus souvent dans la boutique dont l'enseigne a bien évidemment changé. En effet, François Mercier (Gilles Lellouche) voit ici l’occasion de connaitre davantage de confort et surtout de permettre à sa femme de quitter son emploi et de vivre plus bourgeoisement auprès de son mari claudiquant qui ne parvient même pas à lui faire un enfant et bénéficie ainsi et, momentanément, d’une forme de revanche sur le mauvais sort.

 

Cette revanche incite Mercier à se compromettre auprès des allemands qui lui réclament des bijoux originaux que seul Haffmann, enclos solitaire dans la cave, est en mesure d’exécuter. Cette cohabitation douloureuse est admirablement rendue par le jeu des acteurs et, particulièrement, la jeune Sara Giraudeau, l’épouse de François Mercier, vibrante de délicatesse dans une interprétation toute en nuances et en interrogations face à une actualité qui s'emploie à la dérouter. Bien construit en une unité de lieu quasi constante,  le spectateur est tenu en haleine de bout en bout par ce drame sombre qui montre la dépendance de chacun à l’égard de chacun et la domination inquiétante que fait régner sur eux la dépendance morale et physique qu'exige l’envahisseur. Un drame que Fred Cavayé nous conte avec autant de précision que de finesse dans une actualité qui conserve son insupportable empreinte.

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

 

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Adieu Monsieur Haffmann de Fred Cavayé
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14 janvier 2022 5 14 /01 /janvier /2022 10:24
MA NUIT CHEZ MAUD d'ERIC ROHMER

                                                                                                 

Plus âgé que Truffaut et Godard auxquels on le rattache volontiers, Eric Rohmer, de son vrai nom Maurice Schérer, est né à Nancy en 1920. Il débute sa carrière, au lendemain de la guerre, dans la critique de cinéma, écrivant dans La revue du cinéma, Les temps modernes, La gazette du cinéma et Les cahiers du cinéma dont il sera le rédacteur en chef à la mort d'André Bazin de 1958 à 1963. Son oeuvre critique, réunie en un volume sous le titre" Le goût de la beauté", est l'une de celle qui a eu le plus d'influence pour définir la pensée cinématographique à partir des années 50. Plus profond et moins tapageur que Godard, il eut à coeur de défendre Renoir et Rossellini alors très attaqués, et sut se battre pour l'émergence d'un cinéma méritant pleinement sa place de 7e Art.  Il commença par réaliser des courts métrages dont "Véronique et son cancre" en 1958, où l'on trouve déjà l'essentiel des qualités d'humour, d'intelligence, d'ironie qui le distingueront et auquel s'ajoute un savoir-faire indiscutable. Ce fut en 1963 qu'il signe son premier long métrage "Le signe du lion", produit par son ami Chabrol. Ce film n'eut hélas aucun succès auprès du public, d'autant qu'il avait été tourné avec des acteurs peu connus ; néanmoins quelques connaisseurs le considéreront d'emblée comme une promesse d'avenir. Ennemi de la provocation et de la facilité, Rohmer amorce avec ce premier film une démarche personnelle, faite de rigueur et d'un souci évident d'esthétique, ce qui n'était pas toujours le fait des débutants de l'époque. Cet échec l'obligea à travailler un certain temps pour la télévision. Après cette période, où il se consacre à des films scolaires et, dans un ensemble d'émissions sur les cinéastes de notre temps, à une étude sur Carl Dreyer, il reprend le long métrage avec un projet ambitieux, celui des "Six contes moraux".



C'est avec "La collectionneuse" en 1967 que l'on découvre enfin l'ampleur de son talent, sa qualité d'écriture, la beauté de ses images, avant qu'il ne s'impose de façon éclatante avec ce que je considère comme son chef-d'oeuvre : "Ma nuit chez Maud". Ce film ralliera à Rohmer les derniers hésitants, désorientés un moment par  la diversité brouillonne de ses propos. Avec "Ma nuit chez Maud", il impose un ton, un dépouillement quasi janséniste. Bien qu'appartenant à la série des "Six contes moraux", ce film s'en détache par sa gravité particulière. Elle réside dans le sujet lui-même et un grand nombre de dialogues. Bien que non dénué d'humour et même de drôlerie, principalement lors du tête à tête embarrassé de Maud et du narrateur, le film, de par sa structure, relève davantage du récit classique que de la comédie et ceci davantage encore qu'il est raconté à la première personne et au présent, ce qui est une prouesse qui n'avait jamais été tentée à l'écran et démontre l'audace et l'esprit d'innovation du cinéaste. C'est ainsi dans une sorte de présent-passé que se déroule le film et l'effet de décalage, qui en résulte, contribue à créer un climat d'étrangeté ; de même que l'histoire s'accompagne de son propre commentaire, initiative supplémentaire de la part de Rohmer. 
Les héros sont des intellectuels et, d'ailleurs, s'expriment comme tels. Les entretiens sur Pascal et son défi, sur la probabilité et la grâce sont ceux d'un auteur à part entière. Rohmer n'élude aucune difficulté et va jusqu'au bout de sa démonstration comme un artiste complet, associant la valeur du texte à celle de l'image, sans être jamais ni ennuyeux, ni pédant. Pour une fois, un cinéaste intellectuel ose faire un film qui lui ressemble et l'on découvre que le résultat est tout simplement passionnant. En cela, Rohmer se rappoche d'un Renoir et d'un Rossellini qui avaient tenté l'expérience sans aller aussi loin, car Ma nuit chez Maud réussit une synthèse encore plus aboutie que celle envisagée dans Le Fleuve (195O) et Le voyage en Italie (1954). Comme chez ces deux cinéastes auxquels il se rallie avec cette oeuvre, Rohmer soigne sa mise en scène qui, à force de maîtrise, devient transparente et toute entière consacrée au contenu, car ce qui compte est l'écriture serrée du scénario, la pertinence des dialogues et le caractère des personnages. A ces derniers, le cinéaste confère un degré d'existence rare, que le choix des interprètes porte à un paroxysme d'excellence. Jamais Trintignant n'a été meilleur que dans le rôle de l'ingénieur catholique qui cache ses tourments sous une assurance factice, plus convaincante Marie-Christine Barrault dont le visage rayonnant dissimule ses secrets et ses ombre, plus séduisante Françoise Fabian en femme épanouie, maîtresse d'elle-même et d'une classe folle et, plus efficace et horripilant un Antoine Vitez en parfait intellectuel, dialecticien agile et passablement verbeux. Film très "milieu du siècle" comme Rohmer le dit lui-même, qui utilise pleinement les ressources du noir et blanc, "Ma nuit chez Maud"  illustre à la perfection le monde poétique de son auteur. " Quand je filme - a confié Rohmer lors d'un entretien avec Les Cahiers du cinéma - je réfléchis sur l'histoire, sur le sujet, sur la façon d'être des personnages. Mais la technique du cinéma, les moyens employés me sont dictés par le désir de montrer quelque chose." Sur ce plan, il a parfaitement atteint son but, réalisant en un seul film une impressionnante synthèse sur les questions essentielles qui se posent à l'homme d'aujourd'hui. Mauriac n'est pas si loin.

  

Pour prendre connaissance des articles consacrés à Eric Rohmer et Jean-Louis Trintignant, cliquer sur leurs titres :

 

ERIC ROHMER OU UN CINEMA DE LA PAROLE               JEAN-LOUIS TRINTIGNANT

 

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MA NUIT CHEZ MAUD d'ERIC ROHMER
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19 novembre 2021 5 19 /11 /novembre /2021 11:02
ALAIN CORNEAU

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Héritier proclamé de la Nouvelle Vague, Alain Corneau incarne avec quelques autres comme Téchiné, Miller et Tavernier la relève du cinéma d'auteur et apparaît comme un témoin de son temps entre fin de siècle et nouvelles incertitudes. En 2004, l'ensemble de son oeuvre avait été distingué par le prix René Clair et, en 2010, il s'était vu décerner le prix Henri-Langlois. En 1992, "Tous les matins du monde", qui relate l'histoire d'un joueur de viole au XVIIe siècle interprété par Jean-Pierre Marielle, avait connu un vif succès public et reçu le César du meilleur film. Alain Corneau était le compagnon de la cinéaste et écrivain Nadine Trintignant. Il était né le 7 août 1943 à Meung-sur-Loire (Loiret). Musicien de formation, il était entré très tôt à l'Institut des hautes études cinématographiques (Idhec), devenant dans un premier temps stagiaire sur des films, puis assistant de Constantin Costa-Gavras en 1970 pour "L'Aveu". Il y rencontrera Yves Montand qu'il dirigera par la suite. Également assistant de Nadine Trintignant pour "Ça n'arrive qu'aux autres", il co-écrit avec elle "Défense de savoir" en 1973. Cette même année, il réalise son premier film "France, société anonyme", un échec commercial.

 

En 1976, en passionné de cinéma américain, il s'inspire du personnage de l'inspecteur Harry (incarné par Clint Eastwood) pour sa deuxième réalisation, "Police python 357", avec Yves Montand. Les deux hommes collaborent à nouveau sur "La Menace" (1977) et "Le Choix des armes" (1981), classiques du film noir à la française. Entre-temps, Alain Corneau signe l'adaptation de "Série noire" (1979). Patrick Dewaere et Marie Trintignant y font une forte prestation. À partir des années 80, le réalisateur s'essaie à d'autres genres. Connu pour ses polars, il aborde également de nombreux autres registres. En 1984, il met en scène la prestigieuse fresque coloniale "Fort Saganne" avec Gérard Depardieu, tirée du roman historique de Louis Gardel et cultive ainsi  le plaisir de la narration par le cinéma. C'est, à l'époque, le film le plus cher du cinéma français. En 1992, "Tous les matins du monde", d'après un roman de Pascal Quignard, obtient un succès public et assez inattendu sur un sujet aussi austère (l'histoire du violiste et compositeur du XVIIe siècle Marin Marais), avec un Jean-Pierre Marielle au sommet de son art et un jeune acteur prometteur Guillaume Depardieu. Alain Corneau s'engagera ensuite dans des oeuvres plus intimistes comme le subtil "Stupeur et tremblements" (2003), adapté du roman éponyme de l'écrivain belge Amélie Nothomb, ou "Les Mots bleus" (2005), basé sur le livre du même nom de Dominique Mainard. L'année suivante, Alain Corneau concrétisera un rêve vieux de trente ans en transposant à l'écran l'ouvrage de son ami José Giovanni "Le Deuxième Souffle" avec Daniel Auteuil et Monica Bellucci. Il meurt en 2010.



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5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 14:02
Les illusions perdues de Xavier Giannoli

Les siècles se succèdent sans que les choses changent autant que nous le supposerions. Sous Louis XVIII, il était tout aussi difficile de concilier les Français que cela ne l'est aujourd'hui. Au XIXe siècle, il y avait les royalistes et les autres, comme il y a de nos jours la droite et la gauche, et ce monde ne marche nullement du même pas. Lorsque Lucien de Rubempré quitte sa province et l'imprimerie familiale au bras de sa protégée la belle Louise de Bargeton (Cécile de France), l'expérience se révèle cruelle à ce jeune homme de 20 ans. Paris n'est pas la province et n'entend pas accueillir ce poète désargenté, et dont la particule n'est nullement celle de son père, avec l'enthousiasme qu'il supposait. De même ses vers, aussi charmants soient-ils, ne susciteront pas l'enthousiasme. Dans ce Paris où se font et se défont les réputations, celle de Lucien sera très vite mise à l'épreuve. Sa poésie fait sourire par sa trop tendre fraicheur et ses ambitions ne sont pas portées, hélas ! par un nom de famille à la consonance irréprochable, ce Rubempré n'est jamais que celui de sa mère qui a perdu son aura en épousant un roturier sans panache, dirigeant une modeste imprimerie d'Angoulème.

 

Benjamin Voisin et Cécile de France

Benjamin Voisin et Cécile de France

Adaptant la seule partie centrale du roman de Balzac, le réalisateur privilégie une mise en scène superbe de la vie parisienne sous Louis XVIII, constellée par une galerie de personnages hauts en couleur et fort représentatifs d'un temps où l'existence semblait partager les mêmes faiblesses qu'aujourd'hui. Soit les tentations sociales et les extravagances comme la corruption, la polémique, la rumeur, les fausses informations, nous ne sommes pas loin des titres de nos journaux contemporains et il est visible que Giannoli se plaît à les souligner et à les mettre en images, nous offrant une ample fresque qui disséque les principales faiblesses de cette époque. Mais il est vrai aussi que la démonstration est trop constante et les clins d'oeil trop excessifs sur les fautes et compromissions contemporaines. Cela prive le film d'une légèreté qui nous aurions probablement appréciée et charge le tempo d'un exposé à bien des égards alourdi  par ces rappels. Mais nous devons admettre que Xavier Giannoli a le sens de la mise en scène. Je l'avais remarqué dans son précédent opus "Marguerite" et, à nouveau, il nous emporte par la nervosité de son rythme et un sujet d'une implacable cruauté. Quant aux acteurs, ils savent proférer avec éclat des répliques provocantes et cinglantes. Une mention spéciale pour le jeune Benjamin Voisin qui prête à son personnage une sensibilité encore embrumée de naïveté. Film plus spectaculaire qu'émouvant, il n'en est pas moins une adaptation réussie d'une page chargée d'incroyables intuitions de la part d'un des nos écrivains phares, Honoré de Balzac, qui avait la nostalgie de la bienveillance et d'un reste de pureté originelle.
 

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Les illusions perdues de Xavier Giannoli
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  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

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